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31/01/2023 | FRANCE | N°21/00401

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 31 janvier 2023, 21/00401


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section







ARRÊT N°







CONTRADICTOIRE

Code nac : 56C





DU 31 JANVIER 2023





N° RG 21/00401

N° Portalis DBV3-V-B7F-UIVM





AFFAIRE :



Société AXA FRANCE IARD,

S.A.S 7 A AUTO (MIDAS)

C/

[B] [R] épouse [R]

S.A.S. HYUNDAI MOTOR FRANCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2020 par le

Tribunal Judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 19/00199



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SELARL SILLARD [J] & ASSOCIÉS,



-Me Yazid ABBES,



-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES




...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 56C

DU 31 JANVIER 2023

N° RG 21/00401

N° Portalis DBV3-V-B7F-UIVM

AFFAIRE :

Société AXA FRANCE IARD,

S.A.S 7 A AUTO (MIDAS)

C/

[B] [R] épouse [R]

S.A.S. HYUNDAI MOTOR FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 19/00199

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SELARL SILLARD [J] & ASSOCIÉS,

-Me Yazid ABBES,

-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société AXA FRANCE IARD

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

N° SIRET : 722 057 460

[Adresse 2]

[Localité 8]

S.A.S 7 A AUTO (MIDAS)

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

N° SIRET : 789 783 164

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentés par Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 - N° du dossier S190028

APPELANTES

****************

Madame [B] [R] épouse [R]

née le 02 Août 1955 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Yazid ABBES, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 260 - N° du dossier 0004

S.A.S. HYUNDAI MOTOR FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 411 394 893

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2166385

Me Jean-quentin DAELS, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : C0074

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant, Madame Nathalie LAUER, Conseiller et Madame Sixtine DU CREST,Conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

****************************

FAITS ET PROCÉDURE,

Le 7 octobre 2015, Mme [R] a conclu auprès de la société Hyundai Motor France un contrat de location avec option d'achat portant sur un véhicule neuf, modèle Hyundai Santa Fe3, immatriculé [Immatriculation 10].

Le 3 janvier 2018, la société SAS 7A Auto Midas (ci-après dénommée « la société Midas ») a procédé à l'entretien du véhicule, et a changé notamment le filtre à huile.

Le 15 janvier 2018, Mme [R] a levé l'option d'achat moyennant un prix de 27 160 euros.

Le 5 avril 2018, le véhicule est tombé en panne à la suite d'une perte de puissance. Il a été remorqué puis transféré dans les ateliers d'un concessionnaire Hyundai à [Localité 9] le 9 avril 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 16 avril 2018, Mme [R] a vainement sollicité de la société Hyundai Motor France qu'elle se prononce sur la prise en charge de son préjudice au titre de sa garantie contractuelle.

La société Maaf, assureur protection juridique de Mme [R], a mandaté M. [G] aux fins de procéder à une expertise amiable en présence de représentants des sociétés Midas et Hyundai Motor France. La réunion s'est tenue le 11 juin 2018. Le 7 juillet 2018, M. [G] a remis son rapport d'expertise.

Le 24 juillet 2018, la société Maaf s'est rapprochée de la société Midas afin de trouver une solution amiable au litige. La société Axa France Iard, assureur de la société Midas, lui a répondu qu'elle estimait que la responsabilité de son assuré n'était pas engagée.

Le 12 septembre 2018, Mme [R] a de nouveau écrit à la société Hyundai Motor France pour qu'elle se prononce sur la prise en charge des travaux et que le véhicule soit réparé dans les meilleurs délais. Le 1er octobre 2018, la société Hyundai Motor France a indiqué qu'elle refusait de prendre en charge le sinistre au titre de sa garantie.

Par actes d'huissier de justice des 17 et 20 décembre 2018, Mme [R] a fait assigner les sociétés Midas et Axa France Iard devant le tribunal de grande instance de Versailles afin qu'elles soient condamnées à l'indemniser de ses préjudices.

Le 21 mai 2019, Mme [R] a fait assigner la société Hyundai Motor France afin que la mesure d'expertise judiciaire, sollicitée à titre subsidiaire par la demanderesse, lui soit rendue opposable.

Par jugement contradictoire rendu le 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- déclaré irrecevable l'exception de procédure soulevée par la société par actions simplifiée Hyundai Motor France tendant à ce que soit déclarée nulle l'assignation du 21 mai 2019 l'appelant à la cause ;

- déclaré recevable l'action initiée par Mme [R] à l'encontre de la société Hyundai Motor France ;

- condamné, in solidum, la société Axa France Iard et la société 7 A Auto à payer à Mme [R] les sommes de :

* 18 937,46 euros au titre des frais de remise en état du véhicule,

* 9 556,40 euros au titre des frais de gardiennage arrêtés à mars 2020 inclus,

* 1 510 euros au titre des frais d'assurance,

* 24 818,83 euros au titre de son préjudice de jouissance arrêté à mars 2020 inclus,

* 320 euros par mois au titre des frais de gardiennage, du 1er avril 2020 jusqu'à ce que Mme [R] ait été mise en mesure de faire procéder à la remise en état du véhicule par le versement de la somme de 18 937,46 euros correspondant au coût de ladite remise en état,

* 4 417,36 euros au titre de son préjudice de jouissance postérieur au 1er avril 2020 ;

- débouté la société Hyundai Motor France de sa demande d'indemnisation au titre du caractère abusif de la procédure ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné la société 7 A Auto (Midas) aux entiers dépens,

- condamné la société 7 A Auto (Midas) à payer à Mme [R] une somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles ;

- débouté les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires.

La société Axa France Iard et la société 7 A Auto (Midas) ont interjeté appel de ce jugement le 21 janvier 2021 à l'encontre de Mme [R] et de la société Hyundai Motor France.

Par dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2021, les sociétés Axa France Iard et 7 A Auto (Midas) demandent à la cour, au fondement des articles 16 du code de procédure civile, 1231-1 et 1231-3 du code civil, de :

- réformer le jugement dont appel en tous ces chefs critiqués ;

Statuant à nouveau à ce titre,

- juger que la preuve de l'engagement de la responsabilité civile de la société 7 A Auto (Midas) n'est pas contradictoirement rapportée ;

En conséquence,

- débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes formulées à leur encontre ;

A défaut,

- réduire à la somme de 16 741,48 euros l'indemnisation du dommage matériel invoqué par Mme [R] ;

- juger n'y avoir lieu à l'indemnisation des autres préjudices allégués par Mme [R] ;

En tout état de cause,

- condamner Mme [R] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner par ailleurs Mme [R] aux dépens de première instance et d'appel dont, pour ces derniers, distraction au profit de Mme [J], ès qualités, avocat.

Par dernières conclusions notifiées le 24 juin 2022, Mme [R] demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré la société 7 A Auto (Midas) responsable des conséquences dommageables de sa faute ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné les sociétés Axa France Iard et 7 A Auto (Midas) in solidum au paiement de la somme de 29 236,19 euros au titre du préjudice résultant de la perte de jouissance du véhicule Hyundai santa Fe immatriculé DV 693 HM ;

Y ajoutant,

- la déclarer recevable et fondée en son appel incident ;

- condamner les sociétés Axa France Iard et 7 A Auto (Midas) in solidum au paiement de la somme de 29 125,58 euros au titre des frais de réparations actualisées au 31 août 2021 ;

- condamner les sociétés Axa France Iard et 7 A Auto (Midas) in solidum au paiement de la somme de 3 185,13 euros au titre des frais d'assurance arrêtés au 30 septembre 2021 ;

- condamner les sociétés Axa France Iard et 7 A Auto (Midas) in solidum aux mêmes frais d'assurance jusqu'à la date de remise en état complète du véhicule ;

- condamner les sociétés Axa France Iard et 7 A Auto (Midas) in solidum, à compter de septembre 2021, aux frais de gardiennage sur la base de 360 euros par mois jusqu'au 28 février 2022 et, sur la base de 300 euros TTC à compter du 1er mars 2022 jusqu'à la remise en état complète du véhicule ;

- condamner les sociétés Axa France Iard et 7 A Auto (Midas) in solidum au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les sociétés Axa France Iard et 7 A Auto (Midas) in solidum aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 26 juillet 2021, la société Hyundai Motor France demande à la cour, au fondement des articles 910-4 et 564 du code de procédure civile, de :

- recevoir les sociétés Axa France Iard et 7A Auto (Midas) en leur appel mais les dire mal fondées à son encontre, les en débouter ;

- constater que les sociétés Axa France Iard et 7A Auto (Midas) ne formulent aucune demande à son encontre ;

- constater que Mme [R] ne formule aucune demande à son encontre ;

En conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Versailles ;

- condamner solidairement les sociétés Axa France Iard et 7A Auto (Midas) au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 6 octobre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel

Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en ce qu'il a condamné la société Midas et la société Axa France Iard à indemniser Mme [R] au titre de ses préjudices et au titre des frais irrépétibles, et en ce qu'il les a condamnées aux dépens.

S'agissant des autres chefs de dispositif, la société Midas et la société Axa France Iard en sollicitent la réformation, sans pour autant saisir la cour de demande correspondante.

Or, conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées au dispositif des dernières conclusions et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il s'ensuit que dès qu'une partie demande, au dispositif de ses conclusions, l'infirmation du jugement sans formuler de prétention sur les chefs querellés, la cour d'appel n'est pas saisie de prétention relative à ceux-ci (2e Civ., 5 décembre 2013, pourvoi n° 12-23.611, Bull. 2013, II, n° 230 ; 2e Civ, 30 janvier 2020, n° 18-12.747 ; 2e Civ., 16 novembre 2017, pourvoi n° 16-21.885 ; 1re Civ., 12 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.346). 

Dès lors, sont désormais irrévocables les chefs de dispositif du jugement ayant :

déclaré irrecevable l'exception de procédure soulevée par la société Hyundai Motor France tendant à ce que soit déclarée nulle l'assignation du 21 mai 2019 l'appelant à la cause ;

déclaré recevable l'action initiée par Mme [R] à l'encontre de la société Hyundai Motor France ;

débouté la société Hyundai Motor France de sa demande d'indemnisation au titre du caractère abusif de la procédure.

A titre liminaire

La cour rappelle que l'article 954 du code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la cour ne statue que sur celles-ci.

Par prétention, il faut entendre, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux.

Par voie de conséquence, les 'dire et juger' ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l'examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour ne répondra de ce fait à de tels 'dire et juger' qu'à condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.

Sur la faute de la société Midas

Le jugement a retenu la faute de la société Midas, au fondement de l'article 1231-1 du code civil, en s'appuyant sur les constatations du rapport d'expertise amiable du 7 juillet 2018 (du cabinet Berry Experts Auto) et en retenant que la date de première immatriculation du véhicule était récente, son kilométrage relativement limité et l'entretien contesté réalisé trois mois auparavant de sorte qu'un défaut d'entretien n'était pas démontré. Le jugement ajoute que la société Midas n'établit pas avoir effectué correctement le montage du filtre à huile ni que la panne est le résultat d'une cause étrangère à son intervention.

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité en raison de la perte d'un élément du filtre à huile lors de son intervention sur le véhicule, ayant obstrué le circuit de graissage et provoqué une casse dans le moteur, la société Midas et son assureur la société Axa France IARD demandent à la cour à titre principal, au fondement de l'article 1231-1 du code civil, de rejeter les demandes d'indemnisation présentées par Mme [R] au motif qu'il n'est pas démontré que la société Midas a manqué à son obligation de résultat.

Elles indiquent que l'obligation de résultat pesant sur le garagiste n'exonère pas Mme [R] de la charge de la preuve et considèrent que cette dernière ne démontre pas l'existence d'une cause certaine à l'origine du dommage qui serait imputable à la société Midas.

En premier lieu, les appelantes contestent le fait que le jugement n'ait tenu compte que du rapport d'expertise diligenté par le cabinet Berry Experts Auto le 11 juin 2018 à l'initiative de l'assureur de Mme [R] sans tenir compte des observations émises par le cabinet GM Consultant dans son rapport d'expertise diligentée à l'initiative de son propre assureur, la société Axa. Elles soutiennent en outre que les éléments pris en compte par le jugement (date de première mise en circulation et kilométrage) ne sont pas de nature à conforter l'analyse apportée par le rapport du cabinet Berry Experts Auto.

En second lieu, elles contestent les conditions de l'expertise effectuée par ce cabinet au motif que le filtre à huile litigieux avait été démonté au préalable et hors la présence des parties de sorte que, selon elles, soit une partie du filtre a pu être égarée lors du démontage, soit une partie du filtre se trouvait dans le circuit de graissage de sorte qu'il convenait, en cette hypothèse, de vérifier l'état de l'arbre à cames d'échappement.

Par ailleurs, s'appuyant sur le rapport du cabinet GM Consultant, elles déplorent l'absence de cause certaine à l'origine du défaut de lubrification de l'arbre à cames, en l'absence d'investigations supplémentaires menées sur le véhicule. Selon elles, les investigations du cabinet Berry Experts Auto se sont limitées à la dépose du couvre-culasse ayant permis de constater des désordres au niveau de l'arbre à carmes, sans aller plus loin pour identifier la cause du défaut de lubrification.

En outre, s'appuyant sur le même rapport, elles soutiennent que compte tenu de la distance de 3666 km parcourue entre son intervention pour la vidange du filtre à huile, et le grippage de l'arbres à cames, aucun lien causal direct ne pouvait être retenu entre les deux évènements en raison des trop nombreux cycles effectués dans l'intervalle par le circuit d'huile.

Enfin, elles indiquent qu'il est possible que Mme [R], qui a finalement utilisé son véhicule également pour son activité professionnelle, ne l'ait pas suffisamment entretenu de sorte que les conduits d'huile étaient bouchés ou encrassés.

Mme [R] poursuit, au fondement de l'article 1231-1 du code civil, la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Midas.

Répliquant à la société Midas, elle fait valoir que la charge de la preuve incombe à la société Midas puisque l'obligation de résultat qui pèse sur cette dernière emporte présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage. S'appuyant sur la jurisprudence, elle considère qu'à partir du moment où la société Midas ne démontre pas son absence de faute, l'apparition de la panne postérieurement à son intervention suffit à engager sa responsabilité.

En outre, elle insiste sur le fait que les appelantes ne sollicitent aucune expertise judiciaire et ne démontrent ni avoir effectué correctement le montage du filtre à huile, ni que la panne est le résultat d'une cause étrangère à l'intervention de la société Midas.

Elle soutient que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu la responsabilité de la société Midas en s'appuyant sur le rapport d'expertise du cabinet Berry Experts Auto et sur d'autres éléments objectifs (première date de mise en circulation en 2015, kilométrage du véhicule relativement limité et entretien aux normes habituelles le 3 janvier 2018).

Appréciation de la cour

L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Si l'obligation de résultat qui pèse sur le garagiste, pour la réparation des véhicules de ses clients, emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage, il appartient néanmoins à celui qui l'assigne en responsabilité de rapporter la preuve que les dysfonctionnements allégués sont dus à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste ou sont liés à cette intervention (en particulier, 1ère civ., 31 octobre 2012, n°11-24.324, Bull. Civ. I, n°227 ; 1ère Civ., 20 décembre 2017, pourvoi n 16-19.882 ; 1ère Civ., 14 février 2018, pourvoi n 17-11.199).

Ainsi, seul le dommage ayant un lien de causalité direct avec le manquement contractuel allégué est imputable au garagiste mis en cause.

Toutefois, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées (1ère Civ., 11 mai 2022, n°20-18.867 et n°20-19.732).

En l'espèce, il est constant que la panne est intervenue le 5 avril 2018, soit trois mois et deux jours après un entretien intervenu au sein de la société Midas le 3 janvier 2018, entretien au cours duquel a été changé le filtre à huile.

Il ressort tant du rapport d'expertise du cabinet Berry Experts Auto - diligentée par l'assureur de Mme [R] en présence du responsable du service après-vente de la concession Hyundai de [Localité 9] et de l'expert mandaté par la société Midas - , que du rapport d'expertise (non contradictoire) du cabinet GM consultant, diligentée par l'assureur de la société Midas, que :

l'arbre à came côté échappement du véhicule était grippé faute d'avoir été lubrifié, et que le palier à l'opposé de la distribution a été brisé ;

qu'il manquait une partie de la feutrine à l'extrémité du filtre à huile (pièce 1 des appelants et pièce 11 des intimées).

Les appelantes contestent le fait que l'absence de la feutrine soit imputable à un défaut de montage du filtre par la société Midas. Elles avancent que la société Hyundai Motor France, dont la concession de [Localité 9] a accueilli le véhicule après la panne, a démonté le filtre à huile de sorte qu'elle a pu également endommagé le filtre.

Force est de constater qu'il s'agit là de simples allégations et qu'aucun élément de preuve ne vient étayer la thèse selon laquelle la société Hyundai Motor France n'aurait pas remonté correctement le filtre à huile. Au surplus, la société Hyundai Motor France, interrogée par Mme [R], a indiqué dans une lettre du 1er octobre 2018 : « au vu du constat effectué par notre représentant à [Localité 9], il semblerait que les dommages soient la conséquence du filtre à huile, comme notifié dans le rapport de l'expert nommé par votre assurance, remplacé par les établissements Midas lors du dernier entretien de votre véhicule » (pièce 16 de l'intimée). Il en résulte qu'un défaut observé sur le filtre à huile a été constaté par la société Hyundai Motor France juste après la panne, de sorte qu'un défaut de montage du filtre ne peut lui être imputé et était préexistant à son intervention.

En outre, le défaut de lubrification ayant abouti au grippage de l'arbre à came côté échappement est, selon le rapport du cabinet GM consultant (page 12, pièce 1 des appelants), « très localisé ». Ce constat accrédite la thèse du cabinet Berry Experts Auto selon laquelle un morceau de feutrine est très vraisemblablement parti dans le circuit de graissage et l'a obstrué partiellement. En effet, seul l'arbre à came côté échappement est endommagé. L'arbre à came côté admission est en parfait état et le niveau d'huile était satisfaisant, laissant présumer que le véhicule était en bon état d'entretien.

De surcroît, ainsi que l'ont à juste titre constaté les premiers juges, le véhicule était récent (première immatriculation en 2015) et avait moins de 20 000 kilomètres au compteur.

L'hypothèse du défaut d'entretien soulevée par les appelants n'est donc corroborée par aucun élément.

Le fait que le véhicule ait parcouru 3 666 kilomètres entre l'intervention de la société Midas le 3 janvier 2018 et la panne le 5 avril 2018 n'est pas de nature à exonérer la société Midas de sa responsabilité. En effet, le cabinet GM consultant se borne à déduire de cet élément qu'il est « peu probable » que les désordres puissent être la conséquence directe de l'intervention de la société Midas, sans pour autant écarter de façon certaine cette hypothèse.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les désordres sont survenus après l'intervention de la société Midas de sorte que, en l'absence de tout élément de preuve de nature à l'exonérer de sa responsabilité, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et les désordres sur le véhicule de Mme [R] sont présumés.

Par conséquent, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu la responsabilité de la société Midas. Le jugement sur ce point sera confirmé.

Sur les préjudices de Mme [R]

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnés à indemniser Mme [R], la société Midas et son assureur la société Axa France IARD demandent à la cour à titre subsidiaire, au fondement de l'article 1231-1 du code civil, de limiter les demandes d'indemnisation présentées par Mme [R] à la somme de 16 741,48 euros TTC au titre des frais de remise en état du véhicule. Elles considèrent qu'il n'est pas établi que le remplacement d'un turbocompresseur neuf, pour un montant de 1 829,98 euros, était indispensable.

Elles sollicitent en outre :

le rejet de l'indemnisation allouée au titre des frais de gardiennage aux motifs que le remisage du véhicule à des conditions tarifaires aussi prohibitives n'était nullement commandé par le sinistre et que Madame [R] n'a jamais justifié avoir acquitté la moindre somme à titre de gardiennage ;

le rejet de la somme allouée au titre des frais d'assurance (1510 euros) dès lors que le maintien d'une assurance destinée à couvrir le conducteur circulant, alors que le véhicule est remisé, n'a pas un caractère prévisible et, en tout état de cause, ne saurait découler directement de la faute imputée à la société Midas ;

le rejet de l'indemnisation au titre du préjudice de jouissance (24 818,83 euros) aux motifs que la propriété du véhicule demeure acquise à Madame [R] dans des conditions équivalentes à celles attendues avant sinistre, de sorte que le préjudice de jouissance ne peut être évalué sur la base du coût de la location avec option d'achat comme l'a fait le tribunal.

Mme [R] sollicite tout d'abord la confirmation du jugement en ce qu'il lui a allouée 29 326,19 euros au titre du préjudice résultant de la perte de jouissance du véhicule. Elle fait valoir qu'elle ne peut plus utiliser son véhicule depuis le 5 avril 2018, qu'elle a dû en louer un autre auprès de la société Europcar entre le 11 avril 2018 jusqu'au 24 avril 2018 pour 1647,85 euros, puis qu'elle a racheté un autre véhicule de même marque (Hyundai Santa Fe) en réglant des échéances entre juillet 2018 et août 2020, date à laquelle elle a levé l'option d'achat.

Ensuite, poursuivant l'infirmation du jugement quant au quantum des sommes allouées, Mme [R] demande à la cour de condamner in solidum la société Midas et son assureur à lui verser :

29 125,58 euros au titre des frais de réparation au motif que le véhicule est immobilisé depuis trois ans et demi ce qui implique d'actualiser ce montant ; elle ajoute que le remplacement du turbocompresseur a été jugé nécessaire par l'expert ;

les frais de gardiennage entre septembre 2021 jusqu'au 28 février 2022 sur la base de 360 euros par mois, puis sur la base de 300 euros par mois à compter du 1er mars 2022 jusqu'à remise en état complète du véhicule ; elle affirme que le véhicule est toujours en panne et que les frais de gardiennage constituent un coût prévisible ;

3185,13 euros au titre des frais d'assurance du 1er février 2018 au 30 septembre 2021, ainsi que ces mêmes frais jusqu'à remise en état complète du véhicule ; elle insiste sur le fait que, même immobilisé, le véhicule doit être assuré.

Appréciation de la cour

Sur les frais de réparation

Mme [R] produit une estimation du 31 août 2021 de la société Hyundai d'un montant de 29 125,58 euros (pièce 36 des intimées). Toutefois, il n'est pas démontré que l'ensemble des interventions listées sur cette estimation soient directement liées au défaut de lubrification à l'origine de la panne. Par ailleurs, l'estimation indique que le coût des réparations est supérieur à la valeur vénale du véhicule.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement qui a retenu le montant de réparations préconisé par l'expert à hauteur de 18 937,46 euros, turbocompresseur inclus (pièce 11 des intimées).

Sur les frais de gardiennage

Le jugement a fait droit à la demande d'indemnisation de Mme [R] au titre des frais de gardiennage jusqu'en mars 2020 à hauteur de 9 556,40 euros.

Il a également condamné in solidum la société Midas et son assureur à verser à Mme [R] « 320 euros par mois au titre des frais de gardiennage, du 1er avril 2020 jusqu'à ce que Mme [R] ait été mise en demeure de faire procéder à la remise en état du véhicule par le versement de la somme de 18 937,46 euros correspondant au coût de ladite remise en état ».

Au dispositif de ses écritures à hauteur d'appel, Mme [R] ne demande, sur les frais de gardiennage, ni l'infirmation ni la confirmation du jugement. Elle ne sollicite l'indemnisation des frais de gardiennage que pour la période à compter de septembre 2021 jusqu'à la remise en état complète de son véhicule.

Les intimés quant à eux demandent l'infirmation de ce qui a été accordé au titre des frais de gardiennage et le rejet des sommes supplémentaires sollicitées par Mme [R] en appel.

Il est établi que le véhicule a dû être remisé et gardé suite à la panne intervenue le 5 janvier 2018. Il ne résulte pas des productions des parties que le paiement des réparations ordonnées en première instance soit intervenu, en dépit de l'exécution provisoire. Dès lors, le remisage du véhicule ne peut que se poursuivre et le paiement des frais de gardiennage incombe à la société Midas. Le jugement, sur ce point, sera confirmé.

S'agissant de la demande de Mme [R] portant sur les frais de gardiennage à compter de septembre 2021, il résulte des pièces versées aux débats qu'elle justifie avoir réglé une somme de 16 036,80 euros au titre des frais de gardiennage de son véhicule entre le mois d'août 2018 et le mois d'août 2021 (pièces 19, 28 à 33 et pièce 37 des appelants). Mais aucune pièce n'établit que Mme [R] a réglé des frais de gardiennage à compter de septembre 2021.

Dès lors, en l'absence de justificatif, la demande de Mme [R] en ce sens sera rejetée.

Sur les frais d'assurance

Mme [R] justifie avoir réglé des frais d'assurance du 1er février 2018 au 31 septembre 2021 à hauteur de 3185,13 euros (pièce 38).

Toutefois, Mme [R] indique dans ses écritures que le véhicule n'est plus en état de circuler du fait de la panne.

Or, il résulte des articles L.324-1 et L. 324-2 du code de la route et des articles L. 211-26 et L. 211-27 du code des assurances, que l'obligation de souscrire une assurance concerne seulement les véhicules qui sont mis ou maintenus en circulation. Il s'ensuit que le souscription d'une assurance par Mme [R] n'avait pas un caractère obligatoire et ne constitue donc pas un préjudice directement en lien avec la faute de la société Midas.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Midas et son assureur au paiement de ces frais et Mme [R] sera déboutée de sa demande.

Sur le préjudice de jouissance

Mme [R] justifie avoir loué un véhicule à la société Europcar du 11 avril 2018 au 24 avril 2018 pour un montant de 1647,85 euros (pièce 21).

Elle justifie ensuite avoir fait l'acquisition d'un autre véhicule de même marque immatriculé [Immatriculation 11], en remplacement de son ancien véhicule, et avoir réglé :

des échéances de 1103,38 euros de juillet 2018 à septembre 2018 inclus ;

des échéances de 1104,34 euros de octobre 2018 à juillet 2020 inclus ;

la somme de 30 000 euros lorsqu'elle a levé l'option d'achat le 10 août 2020 (pièces 25 à 27 et pièce 39).

S'appuyant sur le montant de chaque échéance réglée par Mme [R] pour l'utilisation d'un véhicule de même gamme entre juillet 2018 et juillet 2020, le jugement a indemnisée cette dernière à hauteur de 24 818,83 euros au titre de son préjudice de jouissance arrêté à mars 2020 inclus. Il l'a également indemnisée à hauteur de 4 417,36 euros « au titre de son préjudice de jouissance postérieur au 1er avril 2020 ». Le jugement n'a pas précisé la période couverte par cette dernière somme. La cour déduit cependant des productions de Mme [R] que la somme de 4 417,36 euros correspond aux échéances versées du 1er avril 2020 jusqu'au 10 juillet 2020 inclus (juste avant que Mme [R] lève l'option d'achat).

Mme [R] demande la confirmation de cette indemnisation.

Les appelantes contestent l'évaluation du préjudice de jouissance sur la base des échéances versées, arguant qu'il s'agit d'un loyer ayant pour contrepartie l'accession à la propriété et que la propriété du véhicule en panne demeure acquise dans des conditions identiques à celles antérieures au sinistre.

Ce moyen devra être rejeté car, contrairement à ce que prétendent les appelantes, ce n'est pas un défaut de propriété dont Mme [R] demande l'indemnisation mais d'un trouble dans la jouissance de son véhicule. Ne pouvant disposer de son véhicule en passe, Mme [R] a eu recours à un véhicule de remplacement. Après avoir loué pendant quelques jours un véhicule auprès de la société Europcar, elle a conclu une location avec option d'achat d'un véhicule de remplacement équivalent, ce procédé lui offrant des conditions bien moins onéreuses que si elle avait eu recours à une location de véhicule classique.

Il s'ensuit que son préjudice de jouissance, directement causé par la faute de la société Midas, est constitué dès lors qu'elle n'a pu jouir de son véhicule en panne et a dû avoir recours à un véhicule de remplacement. L'indemnisation de ce chef de préjudice correspond par conséquent au coût de ce remplacement, lequel est équivalent au montant des échéances réglées.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont pris en compte le montant des échéances versées. Le jugement sera donc confirmé sur ce point, et il sera précisé que la somme de 4417,36 euros est allouée au titre de son préjudice de jouissance postérieur au 1er avril 2020 « jusqu'au 10 juillet 2020 inclus ».

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.

La société Midas et son assureur, la société Axa France Iard, seront condamnés aux dépens d'appel. Elles seront déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, la société Midas et son assureur, la société Axa France Iard, seront condamnés à verser chacune 1000 euros à Mme [R] et chacune 1000 euros à la société Hyundai Motor France au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant pas arrêt contradictoire et mis à disposition :

Dans les limites de l'appel,

INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société 7 A Auto Midas et la société Axa France Iard au paiement de 1510 euros au titre des frais d'assurance ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

PRÉCISE que la somme de 4417,36 euros est allouée à Mme [R] au titre de son préjudice de jouissance postérieur au 1er avril 2020 jusqu'au 10 juillet 2020 inclus ;

CONDAMNE in solidum la société 7 A Auto Midas et la société Axa France Iard aux dépens d'appel ;

CONDAMNE in solidum la société 7 A Auto Midas et la société Axa France Iard à verser chacune 1000 euros à Mme [R], et chacune 1000 euros à la société Hyundai Motor France au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

REJETTE la demande formée par Mme [R] relative aux frais de gardiennage pour la période à compter de septembre 2021 jusqu'à la remise en état complète de son véhicule ;

REJETTE les demandes formées par Mme [R] relatives à l'indemnisation de ses frais d'assurance ;

REJETTE toutes autres demandes.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 21/00401
Date de la décision : 31/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-31;21.00401 ?
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