COUR D'APPEL
DE VERSAILLES
Code nac : 14C
N°
N° RG 23/00440 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VUMF
( Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011, Article L3211-12-4 du Code de la Santé publique)
Copies délivrées le :
à :
[R] [Y]
Me Genusha WARAHENA LIYANAGE
ETABLISSEMENT HOSPITALIER [10] DE [Localité 7]
LE PROCUREUR GENERAL
ORDONNANCE
Le 27 Janvier 2023
prononcé par mise à disposition au greffe,
Nous Madame Juliette LANÇON, conseiller à la cour d'appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d'hospitalisation sous contrainte (décret n°2011-846 du 18 juillet 2011), assistée de Madame Rosanna VALETTE greffier stagiaire en pre-affectation sur poste, avons rendu l'ordonnance suivante :
ENTRE :
Madame [R] [Y]
Actuellement hospitalisée à [10]
comparante, assistée de Me Genusha WARAHENA LIYANAGE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 257, commis d'office
APPELANTE
ET :
ETABLISSEMENT HOSPITALIER [10] DE [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 6]
non représenté
INTIMES
ET COMME PARTIE JOINTE :
LE PROCUREUR GENERAL
[Adresse 3]
[Localité 4]
pris en la personne de Michel SAVINAS, avocat général, non présent à l'audience
A l'audience publique du 25 Janvier 2023 où nous étions Madame Juliette LANÇON assistée de Madame Rosanna VALETTE, greffier stagiaire en pre-affectation sur poste, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour;
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Madame [R] [Y], née le 21 mai 1983 à Douala (Cameroun) fait l'objet depuis le 6 janvier 2023 d'une mesure de soins psychiatriques, sous la forme d'une hospitalisation complète, au centre hospitalier [10] à [Localité 6], sur décision du directeur d'établissement, en application des dispositions de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, en cas de péril imminent.
Le 12 janvier 2023, Monsieur le directeur du centre hospitalier de [10] a saisi le juge des libertés et de la détention afin qu'il soit statué conformément aux dispositions des articles L. 3211-12-1 et suivants du code de la santé publique.
Par ordonnance du 17 janvier 2023, le juge des libertés et de la détention de Versailles a ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète.
Appel a été interjeté le 17 janvier 2023 par Madame [R] [Y].
Madame [R] [Y] et l'établissement [10] ont été convoqués en vue de l'audience.
Le procureur général représenté par Michel SAVINAS, avocat général, a visé cette procédure par écrit le 24 janvier 2023.
L'audience s'est tenue le 25 janvier 2023 en audience publique.
A l'audience, bien que régulièrement convoqué, le centre hospitalier [10] n'a pas comparu.
Le conseil de Madame [R] [Y] a soulevé deux moyens d'irrégularité : l'absence de la notification de la situation juridique après la décision d'admission et l'absence de la notification de la décision de maintien. Elle a dit que la patiente n'avait jamais pris connaissance du dossier et qu'elle acceptait de suivre le traitement à l'extérieur.
Madame [R] [Y] a été entendue en dernier et a dit qu'elle n'avait pas eu connaissance du dossier, qu'elle ne comprenait pas qui décidait pour elle, qu'elle avait été hospitalisée à [10] sans son avis, que c'est pour ces raisons qu'elle avait refusé de signer les documents, qu'elle devait se faire opérer de quelque chose, qu'elle s'était présentée spontanément pour faire un bilan, et qu'elle avait été hospitalisée, qu'elle était très calme lorsqu'elle avait été hospitalisée et qu'elle avait été contentionnée et maltraitée, que cela constituait des violences, qu'elle était allée au Canada et en Suisse, qu'elle avait été placée à [9] à [Localité 5], puis à [Localité 8], qu'elle habite [Adresse 2], que le discours sur la sorcellerie ne justifiait pas une hospitalisation contrainte, qu'on lui avait indiqué qu'elle était hospitalisée en « SPI », qu'elle ne savait pas ce que cela voulait dire, qu'elle ne se mettrait pas en danger à l'extérieur, qu'elle voulait retrouver sa vie d'avant, que cela faisait un moment qu'elle tournait en rond et qu'elle voulait regarder son dossier d'un peu plus près.
L'affaire a été mise en délibéré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.
Sur les irrégularités soulevées
Sur l'absence de notification de la situation juridique après la décision d'admission
L'article L. 3211-3 du code de la santé publique indique que toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état. Le même article prévoit en outre que toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :
a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;
b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes.
En l'espèce, la décision d'admission de Madame [R] [Y] date du 6 janvier 2023 et si elle n'est pas signée par le patient, elle est signée par le médecin, le docteur [J] qui indique le même jour que le patient refuse de signer, tout comme cela est indiqué sur la notification des droits, le refus valant notification, la patiente ayant refusé de signer tous les documents présentés. Il n'y a donc aucune irrégularité et le moyen sera rejeté.
Sur l'absence de notification de la décision de maintien
L'article L. 3211-3 du code de la santé publique indique que toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état. Le même article prévoit en outre que toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :
a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;
b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes.
En l'espèce, la décision de maintien du 7 janvier 2023 n'a pas été notifiée. Il y a donc une irrégularité.
En application de l'article L.3216 du code de la santé publique, l'irrégularité affectant une décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.
Il ressort du certificat médical des 72 heures que la patiente a été informée de manière adaptée à son état du projet de maintien des soins psychiatriques et a été à même de faire valoir ses observations. De plus, cette patiente adhérait totalement à des idées délirantes, se sentant persécutée et isolée, aucun tiers n'ayant pu être trouvé. Il n'y a donc aucun grief de caractérisé. Le moyen sera rejeté.
SUR LE FOND
Aux termes du I de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 ».
Le certificat médical initial du 6 janvier 2023 et les certificats et avis suivants des 7 et 13 janvier 2023 détaillent avec précision les troubles dont souffre Madame [R] [Y]. Le certificat du 23 janvier 2023 du docteur [J] indique : « patiente adressée par les urgences de l'hôpital Ambroise Paré pour symptomatologie délirante évoluant depuis plusieurs années avec répercussions conséquentes sur le fonctionnement psycho-socio-professionnel. L'amélioration clinique est jusqu'ici insuffisante.
Ce jour en entretien, la patiente est calme. Elle présente toujours une méfiance dont l'intensité est telle qu'elle n'accepte de signer aucun document administratif. Le discours véhicule des idées délirantes paranoïaques et de persécutions avec participation affective intense. La conviction délirante est totale au point d'impacter ses fonctions instinctuelles (alimentation et sommeil) et le déni des troubles est complet. Elle refuse les soins psychiatriques et demande à sortir d'hospitalisation au plus vite ».
Il conclut que les soins psychiatriques doivent être maintenus à temps complet.
Ce certificat médical est suffisamment précis pour justifier les restrictions à l'exercice des libertés individuelles de Madame [R] [Y], qui demeurent adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis, l'intéressé se trouvant dans l'impossibilité de consentir aux soins en raison des troubles décrits, son état nécessitant des soins assortis d'une surveillance constante.
L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a maintenu la mesure de soins psychiatriques de Madame [R] [Y] sous la forme d'une hospitalisation complète.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance réputée contradictoire,
Déclarons l'appel de Madame [R] [Y] recevable,
Confirmons l'ordonnance entreprise,
Laissons les dépens à la charge du Trésor public.
Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Le greffier, Le conseiller,