COUR D'APPEL
DE VERSAILLES
Code nac : 14G
N°
N° RG 23/00512 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VURK
Du 24 JANVIER 2023
ORDONNANCE
LE VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
A notre audience publique,
Nous, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre à la cour d'appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l'article L 743-21 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Mohamed EL GOUZI, Greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :
ENTRE :
Monsieur [L] [M]
né le 09 Avril 1997 à [Localité 3] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
CRA [Localité 4]
comparant en personne,
ayant pour avocat Me Ruben GARCIA de la SELEURL GARCIA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0884 (absent à l'audience, s'en rapporte à ses écritures)
DEMANDEUR
ET :
PREFECTURE DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
ayant pour avocat Me Bruno MATHIEUde la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R079 (absent à l'audience, s'en rapporte à ses écritures)
DEFENDERESSE
Et comme partie jointe le ministère public absent
Vu l'obligation de quitter le territoire français notifiée par le préfet des Hauts-de-Seine le 18 janvier 2023 à M. [L] [M] ;
Vu l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 18 janvier 2023 portant placement de l'intéressé en rétention pour une durée de 48 heures ;
Vu la contestation par M. [L] [M] de la régularité de la décision de placement en rétention du 19 janvier 2023 ;
Vu la requête de l'autorité administrative en date du 19 janvier 2023 tendant à la prolongation de la rétention de M. [L] [M] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 28 jours ;
Le 23 janvier 2023 à 12h01, M. [L] [M] a relevé appel de l'ordonnance prononcée en sa présence, à distance avec l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle par le juge des libertés et de la détention de Versailles le 20 janvier 2023 à 12h03, qui lui a été notifiée le même jour à 12h20 et qui a ordonné la jonction de la requête du préfet en prolongation de la rétention et de la requête de M. [L] [M] en contestation de la décision de placement en rétention, rejeté les moyens de nullité soulevés, déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable, déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [L] [M] régulière et ordonné la prolongation de la rétention de M. [L] [M] pour une durée de vingt-huit jours à compter du 20 janvier 2023 à 19h00.
Il sollicite, dans sa déclaration d'appel, l'infirmation de l'ordonnance et la fin de la rétention. A cette fin, il soulève :
La nullité du PV de placement en garde à vue, non signe et donc dénué de valeur probante
La nullité de la notification du placement en garde à vue et de la fin de garde à vue intervenus par téléphone
La violation des instructions du parquet, l'illégalité des actes accomplies après la décision de levée de la garde à vue et la levée tardive de la garde à vue
La levée tardive de la garde à vue et le retard dans l'exercice des droits en rétention et le grief subséquent
La nullité de la notification du placement en rétention et des droits y afférents intervenue par le truchement d'un interprète par téléphone
L'incompétence du signataire de l'acte
La déloyauté de la procédure préalable a l'arrête litigieux
L'obligation de motivation est renforcée lorsqu'il s'agit de décider de la privation de liberté d'un parent d'enfant mineur
L'erreur de droit commise par le préfet lors de l'Edition de la décision de placement en rétention
La violation de l'examen concret de la situation personnelle du requérant
Les erreurs délibérément commises par le préfet lors de l'Edition de la décision de placement en rétention
« Les éléments pertinents relatifs à ses garanties de représentation et a sa vie personnelle » ou la violation du principe de proportionnalité et de nécessite
L'atteinte disproportionnée a la vie privée et familiale
La prise en compte de la vulnérabilité de l'étranger prive de liberté
De la légalité de la décision de placement en rétention et la violation du principe de proportionnalité
Les garanties de représentation et la violation de l'article l561-2 du Ceseda et l'erreur manifeste d'appréciation
Les parties ont été convoquées en vue de l'audience.
A l'audience, le conseil de M. [L] [M] était absent mais excusé par courrier électronique du 24 janvier dans lequel il confirme les moyens soulevés dans la déclaration d'appel.
Le préfet n'a pas comparu mais a fait adresser des observations écrites selon lesquelles il s'est opposé au moyens soulevés et a demandé la confirmation de la décision entreprise, en faisant valoir que le premier juge avait parfaitement répondu.
M. [L] [M] a indiqué vivre en France depuis 3ans avoir un travail et un logement dont il paye le loyer. Il vit avec sa femme et son fils de 6 mois. Il précise vouloir rester en France.
SUR CE :
Sur la recevabilité de l'appel
En vertu de l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l'étranger lorsque celui-ci n'assiste pas à l'audience. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
L'article R 743-11du même code prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée.
En l'espèce, l'appel, dont le délai a été prorogé au jour ouvrable suivant dès lors qu'il a expiré un samedi, un dimanche ou un jour férié, a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.
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Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l'étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention.
Sur le moyen tiré de la violation des instructions du parquet, l'illégalité des actes accomplies après la décision de levée de la garde à vue et la levée tardive de la garde à vue
Il résulte de l'article 62-2 du code de procédure pénale, que « La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.
Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs suivants :
1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;
2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;
3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;
4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;
5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ;
6° Garantir la mise en 'uvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. »
L'article 63-8 du code de procédure pénale précise que « A l'issue de la garde à vue, la personne est, sur instruction du procureur de la République sous la direction duquel l'enquête est menée, soit remise en liberté, soit déférée devant ce magistrat.
Si la personne est remise en liberté à l'issue de la garde à vue sans qu'aucune décision n'ait été prise par le procureur de la République sur l'action publique, les dispositions de l'article 77-2 sont portées à sa connaissance. »
La garde à vue était en l'espèce justifiée par l'infraction de violences sur conjoint, délit justifiant le placement en garde à vue, à compter de 10H50 le jour visé.
Toutefois, le magistrat du parquet a donné instruction de lever la garde à vue le 18 janvier 2023 à 16H55 et la notification de la fin de la garde à vue n'est intervenue que le 18 janvier à 18H55 soit deux heures plus tard alors que des actes, tels que consultations de fichiers, ont été diligentés sans instruction du parquet et sans information de M. [M] sur sa situation, entre 16H55 et 18H55. Il résulte de ces éléments que contrairement à ce que retient le premier juge, même si la durée de la garde à vue n'a pas dépassé 24H, cette privation de liberté après que le procureur de la République ait ordonné la levée de la garde à vue sans autre instruction, a nécessairement fait grief à M. [M].
Le moyen est donc fondé et la procédure de placement en rétention administrative est irrégulière. En conséquence, il y a lieu de rejeter la requête du Préfet aux fins de prolongation de la rétention de M. [L] [M] et d'ordonner sa remise en liberté immédiate.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare le recours recevable en la forme,
Infirme l'ordonnance entreprise,
Déclare irrégulière la procédure de placement en rétention administrative de M. [L] [M],
Rejette la requête du préfet des Hauts-de-Seine aux fins de prolongation de la rétention administrative,
Ordonne la remise en liberté immédiate de M. [L] [M],
Rappelle à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français.
Fait à VERSAILLES le 24 janvier 2023 à 17h30
Et ont signé la présente ordonnance, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre et Mohamed EL GOUZI, Greffier
Le Greffier, Le Première présidente de chambre,
Mohamed EL GOUZI Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK
Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu'elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.
l'intéressé, l'interprète, l'avocat
POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.
Article R 743-20 du CESEDA :
' L'ordonnance du premier président de la cour d'appel ou de son délégué n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui l'a placé en rétention et au ministère public. '.
Articles 973 à 976 du code de procédure civile :
Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de défendeurs, plus deux ;