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24/01/2023 | FRANCE | N°20/06140

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 24 janvier 2023, 20/06140


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 56C





DU 24 JANVIER 2023





N° RG 20/06140

N° Portalis DBV3-V-B7E-UGHX





AFFAIRE :



S.A. LEROY MERLIN FRANCE

C/

Epoux [K]

[E] [Y]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section :


N° RG : 17/02052



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SELARL ISALEX,



-la SCP PICHARD DEVEMY KARM,



-la SCP ODEXI AVOCATS







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE JANVIER...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 56C

DU 24 JANVIER 2023

N° RG 20/06140

N° Portalis DBV3-V-B7E-UGHX

AFFAIRE :

S.A. LEROY MERLIN FRANCE

C/

Epoux [K]

[E] [Y]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 17/02052

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SELARL ISALEX,

-la SCP PICHARD DEVEMY KARM,

-la SCP ODEXI AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. LEROY MERLIN FRANCE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

N° SIRET : 384 560 942

[Adresse 7]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Isabelle GUERIN de la SELARL ISALEX, avocat postulant - barreau de CHARTRES, vestiaire : 000053

Me Alexandre PAUL-LOUBIERE substituant Me Philippe SIMONEAU de la SELARL ADEKWA - SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat - barreau de LILLE, vestiaire : 0235

APPELANTE

****************

Monsieur [E], [D], [J] [K]

né le 21 Juillet 1948 à [Localité 6]

de nationalité Française

et

Madame [M], [U], [O] [Z] épouse [K]

née le 30 Décembre 1948 à [Localité 8] ([Localité 8])

de nationalité Française

demeurant [Adresse 9]

[Localité 3]

représentés par Me Mathieu KARM de la SCP PICHARD DEVEMY KARM, avocat - barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040

Monsieur [E] [Y], exerçant sous l'enseigne 'Société RUELL'EAU'

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Marie pierre LEFOUR de la SCP ODEXI AVOCATS, avocat - barreau de CHARTRES, vestiaire : 000029 - N° du dossier 55893

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport et Madame Nathalie LAUER, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

****************************

FAITS ET PROCÉDURE

Selon le bon de commande du 29 octobre 2011, M. et Mme [K] ont chargé la société Leroy Merlin France de la fourniture et de la pose d'une chaudière gaz sol Chapée Edena 2 progress 50 kw pour un montant total facturé de 7 850,38 euros.

La pose de la chaudière devait être effectuée par l'entreprise Ruell'eau exploitée par M. [Y], sous-traitant de la société Leroy Merlin France.

Le 20 décembre 2011, M. [Y] a déposé la chaudière existante et a livré la chaudière neuve le lendemain, sans pouvoir néanmoins la mettre en service en l'absence de carte électronique, laquelle n'a été réceptionnée que le 31 décembre suivant.

La société Leroy Merlin France a fourni dans l'intervalle à M. et Mme [K], trois radiateurs à pétrole ainsi qu'un radiateur électrique et a fait installer dans leur habitation de façon temporaire, un ballon électrique pour la production d'eau chaude sanitaire.

Le 5 janvier 2012, la mise en service de la chaudière a été réalisée par la société Savelys pour le compte de la société Leroy Merlin France sans qu'il ne soit néanmoins procédé à des mesures de combustion et à la vérification des performances du matériel installé.

Quelques heures plus tard et après le départ du technicien, la chaudière s'est mise en défaut.

M. [Y] est revenu le 6 janvier 2012 pour procéder à la purge des radiateurs sans succès sur le fonctionnement de la chaudière.

A la suite d'une lettre adressée par M. et Mme [K] à la société Leroy Merlin France le 19 janvier 2012, aucune solution n'était apportée par cette société pour remédier aux désordres alors qu'elle reconnaissait dans sa lettre en réponse du 14 février 2012, l'existence d'un défaut produit affectant la chaudière litigieuse.

Le même jour, M. et Mme [K] procédaient à l'achat de six radiateurs électriques pour chauffer leur habitation d'une surface de 325 m², eu égard à l'insuffisance de ceux fournis par la société Leroy Merlin France et aux nombreuses contraintes, nuisances et risques présentés par ces derniers.

Selon ordonnance de référé du 25 mai 2012, une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée à M. [A].

Alors que la société Leroy Merlin France et M. [Y] avaient été invités à l'issue de la réunion d'expertise à faire connaître leurs intentions quant à la réparation des désordres et malfaçons, aucune suite n'a été donnée à cette demande. Ce n'est que grâce à l'intervention d'une société tierce, soit la société P.C.S, que les désordres ont pu être définitivement réglés après plusieurs interventions de cette société durant l'année 2014.

M. [A] a déposé son rapport le 30 septembre 2015.

Par acte d'huissier de justice du 26 septembre 2017, M. et Mme [K] ont fait assigner la société Leroy Merlin France ainsi que M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, devant le tribunal judiciaire de Chartres.

Par jugement contradictoire rendu le 4 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Chartres a :

- Condamné la société Leroy Merlin France à payer à M. et Mme [K] unis d'intérêts, les sommes suivantes :

* 8 960,87 euros en réparation de leur préjudice matériel,

* 24 750 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

* 8 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

et ce avec intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2017,

- Condamné M. [Y] exerçant sous l'enseigne Ruell'eau à payer à M. et Mme [K] unis d'intérêts, les sommes suivantes :

* 3 223,54 euros en réparation de leur préjudice matériel,

* 6 187,50 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

solidairement à hauteur de ce quantum avec la société Leroy Merlin France, ci-dessus condamnée pour ce même chef de préjudice,

* 2 000 euros en réparation de leur préjudice moral solidairement à hauteur de ce quantum avec la société Leroy Merlin France ci-dessus condamnée pour ce même chef de préjudice et ce avec intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2017,

- Condamné la société Leroy Merlin France à payer à M. et Mme [K] unis d'intérêts, la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Leroy Merlin France aux entiers dépens de la présente instance en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire et ce avec recouvrement conformément aux dispositions sur l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de la SCP Pichard-Devémy-Karm ;

- Condamné M. [Y] exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, à payer à M. et Mme [K] unis d'intérêts, la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, solidairement à hauteur de ce quantum, avec la société Leroy Merlin France ci-dessus condamnée pour ce même chef de demande,

- Condamné M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, à supporter 25 % du coût des dépens de la présente instance en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire et ce avec recouvrement conformément aux dispositions sur l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de la SCP Pichard-Devémy-[H], dépens, solidairement à hauteur de ce quantum, avec la société Leroy Merlin France ci-dessus condamnée pour ce même chef de demande ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- Rejeté le surplus des demandes.

La société Leroy Merlin France a interjeté appel de ce jugement le 9 décembre 2020 à l'encontre de M. et Mme [K] ainsi que de M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau.

Par dernières conclusions notifiées le 30 août 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Leroy Merlin France demande à la cour, au fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, de :

- La déclarer recevable et fondée en son appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chartres le 4 novembre 2020 ;

- Débouter M. et Mme [K] de leur appel incident ;

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chartres du 4 novembre 2020 en ce qu'il a :

- Condamné la société Leroy Merlin France à payer à M. et Mme [K] unis d'intérêts, les sommes suivantes :

* 8 960,87 euros en réparation de leur préjudice matériel,

* 24 750 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

* 8 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

et ce avec intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2017,

En ce qu'il a limité la garantie de M. [Y] et a :

- Condamné M. [Y] exerçant sous l'enseigne Ruell'eau à payer à M. et Mme [K] unis d'intérêts, les sommes suivantes :

* 3 223,54 euros en réparation de leur préjudice matériel,

* 6 187,50 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

solidairement à hauteur de ce quantum avec la société Leroy Merlin France, ci-dessus condamnée pour ce même chef de préjudice,

* 2 000 euros en réparation de leur préjudice moral solidairement à hauteur de ce quantum avec la société Leroy Merlin France ci-dessus condamnée pour ce même chef de préjudice et ce avec intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2017,

En ce qu'il a :

- Condamné la société Leroy Merlin France à payer à M. et Mme [K] unis d'intérêts, la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Leroy Merlin France aux entiers dépens de la présente instance en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire et ce avec recouvrement conformément aux dispositions sur l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de la SCP Pichard-Devémy-Karm ;

- Condamné M. [Y] exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, à payer à M. et Mme [K] unis d'intérêts, la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, solidairement à hauteur de ce quantum, avec la société Leroy Merlin France ci-dessus condamnée pour ce même chef de demande,

- Condamné M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, à supporter 25 % du coût des dépens de la présente instance en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire et ce avec recouvrement conformément aux dispositions sur l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de la SCP Pichard-Devémy-[H], dépens, solidairement à hauteur de ce quantum, avec la société Leroy Merlin France ci-dessus condamnée pour ce même chef de demande ;

Statuant à nouveau, 

- Déclarer que la preuve d'un vice caché antérieur à la vente de la chaudière n'est pas apportée,

- Débouter M. et Mme [K] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ;

- Condamner M. et Mme [K] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance.

En toute hypothèse, et si par extraordinaire la cour accueillait M. et Mme [K] en tout ou partie de leurs demandes,

- Déclarer que M. [Y] a pleinement engagé sa responsabilité contractuelle à son égard ;

En conséquence,

- Condamner M. [Y] à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre tant en principal, qu'en frais et accessoires,

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chartres en ce qu'il a condamné M. [Y] à payer aux M. et Mme [K] la somme de 3 223, 54 euros au titre de la réparation du préjudice matériel causé lors de la livraison et des malfaçons et travaux d'installation non réalisés dans les règles de l'art,

- Condamner tout succombant à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner tout succombant aux entiers frais et dépens de l'instance de référé, des frais d'expertise et des dépens exposés lors de la présente instance.

Par ses dernières conclusions notifiées 27 août 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, demande à la cour, au fondement de l'article 1240 du code civil, de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chartres en ce qu'il a fixé à 25 % la part de responsabilité mise à sa charge ;

En conséquence,

- Débouter la société Leroy Merlin France de sa demande de garantie formée à son encontre, 

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser la somme de 6 187,50 euros au titre du trouble de jouissance et 2 000 euros au titre du préjudice moral,

- Débouter M. et Mme [K] de leurs demandes de ces chefs.

A titre subsidiaire,

- Limiter le préjudice de jouissance imputable à M. [Y] à la somme de 3 500 euros ;

- Débouter tant la société Leroy Merlin France que M. et Mme [K] de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Condamner la société Leroy Merlin France à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- Condamner la société Leroy Merlin France aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par d'uniques conclusions notifiées le 4 juin 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [K] demandent à la cour, au fondement des articles 1792 et suivants et, subsidiairement, 1147 ancien, 1787 du code civil, et 1382 ancien du code civil, de :

- Dire mal fondés la société Leroy Merlin France et M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, en leur appel principal et incident, les rejeter ;

- Les dire recevables et bien-fondés en leur appel incident ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement rendu le 4 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Chartres en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a limité leur indemnisation du trouble de jouissance subi par eux à la somme de 24 750 euros et celui de leur préjudice moral à celle de 8 000 euros.

Réformant sur ces deux derniers points uniquement la décision déférée,

- Condamner in solidum la société Leroy Merlin France et M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, à leur verser :

* La somme de 33 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

* La somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

- Condamner, toujours in solidum, la société Leroy Merlin France et M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, à leur verser la somme supplémentaire de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner encore in solidum la société Leroy Merlin France et M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, aux dépens de première instance (en ce compris la procédure en référé et les frais d'expertise) et d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 septembre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel,

Il résulte des écritures ci-dessus visées que la société Leroy Merlin France, M. [Y] et M. et Mme [K] ne poursuivent pas l'infirmation du jugement en ce qu'il condamne M. [Y] à verser à M. et Mme [K] la somme de 3 223,54 euros au titre du préjudice matériel. Ce chef du dispositif est dès lors devenu irrévocable.

Sur les autres points, l'infirmation du jugement est sollicitée par l'une ou l'autre des parties.

La société Leroy Merlin France reproche, en substance, au tribunal d'avoir retenu sa responsabilité alors que, selon elle, le préjudice de M. et Mme [K] serait entièrement imputable à l'installateur de la chaudière, M. [Y]. Elle demande dès lors sa mise hors de cause. Elle invite également la cour à infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux condamnations prononcées contre elle tant au titre des préjudices matériels qu'immatériels et, statuant à nouveau, elle demande le rejet de l'intégralité des demandes de M. et Mme [K] dirigées contre elle.

M. [Y] poursuit l'infirmation du jugement sur deux points seulement à savoir l'existence du trouble de jouissance et du préjudice moral allégués par M. et Mme [K]. A titre principal, sur ces points, il demande le débouté de M. et Mme [K]. A titre subsidiaire, il sollicite la limitation de leur préjudice de jouissance à la somme de 3 500 euros.

M. et Mme [K] poursuivent l'infirmation du jugement, mais seulement en ses dispositions relatives à leurs préjudices immatériels (de jouissance et moral) estimant que le tribunal les a sous-évalués.

Sur la responsabilité de la société Leroy Merlin France

Le tribunal a retenu que M. et Mme [K] avaient conclu un contrat avec la société Leroy Merlin France pour la fourniture et la pose de la chaudière litigieuse ; que l'expert judiciaire avait répondu point par point aux arguments de la société Leroy Merlin France et qu'il avait conclu que cette chaudière était non seulement affectée d'un vice affectant le brûleur dont les composants étaient défectueux, mais que sa pose elle-même, qui avait fait l'objet du contrat conclu entre M. et Mme [K] et la société Leroy Merlin France, n'était pas conforme aux règles de l'art. Il a estimé que les éléments de preuve invoqués par la société Leroy Merlin France n'étaient pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire. Selon lui, le fonctionnement défectueux de la chaudière trouvait sa cause dans l'existence cumulée d'un vice de la chaudière et de sa pose contraire aux règles de l'art.

Par voie de conséquence, il a indiqué que la société Leroy Merlin France avait manqué à ses obligations contractuelles envers M. et Mme [K].

' Moyens des parties

La société Leroy Merlin France poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il retient sa responsabilité au titre d'un défaut de fabrication de la chaudière et l'existence d'un vice caché du matériel antérieur à la vente qui, selon elle, n'est pas démontrée. Il lui reproche d'avoir homologué le rapport de l'expert judiciaire en retenant qu'elle n'avait ni contesté ses conclusions, ni ne les avait combattues efficacement par la preuve contraire alors qu'elle avait formulé des dires, en particulier le 28 juillet 2015, en relevant que l'expert affirmait que le brûleur avait dysfonctionné sans avoir été présent ce jour-là et sans avoir pu, de ce fait, le constater. En outre, elle observe que l'expert lui-même précise que la chaudière a démarré le jour de sa mise en service par la société Savelys le 5 janvier 2015 ce qui, selon elle, démontrerait que le problème ne venait pas d'un vice, mais de la pose défectueuse.

L'appelante fait valoir que l'expert a retenu de manière péremptoire que le brûleur était affecté d'un vice présent antérieurement à la vente, sans aucune preuve à l'appui de cette affirmation, alors qu'elle avait fait valoir dans son dire du 28 juillet 2015 que :

* l'expert s'était fondé sur les travaux consécutifs à l'intervention de la société P.C.S au domicile de M. et Mme [K] au cours de l'année 2013 destinés à réparer les désordres et malfaçons affectant les travaux réalisés par la société Ruell'eau, contrôler le fonctionnement du brûleur, vérifier le réglage, contrôler le fonctionnement de la vanne de gaz, contrôler la pression du gaz via la pose d'un manomètre gaz naturel, travaux de réfection réalisés le 26 novembre 2013,

* cependant, la société P.C.S a vérifié le brûleur et n'a pas fait part de dysfonctionnement de ce dernier ; n'a pas changé le brûleur ; M. et Mme [K] ont pu utiliser leur chaudière en ne connaissant que des dysfonctionnements intermittents ; qu'en juillet 2014, M. et Mme [K] avisaient que la chaudière se mettait en sécurité et nécessitait une remise en fonctionnement ; que la société P.C.S procédait au changement du coffret de sécurité et du bloc sonde/électrode qui pourraient s'avérer défectueux, pièces remplacées le 15 septembre 2014 ; que depuis la chaudière n'a pas dysfonctionné ; la réponse de l'expert n'est pas satisfaisante quand il lui répond que les pièces remplacées n'étaient pas constitutives du brûleur alors que 'cela est inexact puisque ce sont les électrodes qui provoquent l'étincelle à l'intérieur du brûleur' ; or, le descriptif des travaux réalisés à cette occasion par la société P.C.S le 26 novembre 2013 ne permet pas de constater la référence au changement des électrodes.

La société Leroy Merlin France soutient que la responsabilité des désordres litigieux pèse exclusivement sur son sous-traitant, M. [Y], tenu à son égard d'une obligation de résultat et pour lequel l'expert a relevé que la pose et la conception des travaux étaient affectées de nombreux défauts en ce que :

* il n'avait pas préconisé les travaux d'électricité nécessaires ;

* le nombre de personnes pour effectuer la livraison était insuffisant ce qui a entraîné des dommages pour la chaudière et par les biens de M. et Mme [K].

Il s'ensuit, selon elle, que M. [Y] engage son entière responsabilité contractuelle envers elle et délictuelle envers M. et Mme [K].

La société Leroy Merlin France fait valoir qu'elle n'a pas le statut d'entreprise de construction, qu'elle n'est qu'une entreprise principale et qu'il incombe donc au sous-traitant, M. [Y], d'assumer la maîtrise de la conception et de l'exécution du chantier ; qu'elle n'a pas l'obligation de suivre le chantier de sorte qu'il ne peut lui être reproché aucune faute. Elle sollicite sa mise hors de cause dès lors qu'aucune faute particulière ne peut lui être reprochée.

M. et Mme [K] sollicitent la confirmation du jugement de ce chef et observent que la société Leroy Merlin France critique le rapport d'expertise uniquement en ses dispositions qui lui sont défavorables sans fournir le moindre élément technique de nature à revenir sur les constatations et énonciations de l'expert.

Ils font valoir que la société Leroy Merlin France a délibérément tronqué le rapport d'expertise judiciaire au sujet du brûleur. Ils reprennent les énonciations du rapport (page 18) qui, selon eux, démontrent amplement que l'expert a examiné les dysfonctionnements, les a décrits et a retenu que la chaudière était atteinte d'un défaut affectant le processus de mise en route du brûleur donc d'un défaut du matériel vendu par la société Leroy Merlin France.

Ils relèvent ainsi que, en page 20 de son rapport, l'expert judiciaire a répondu explicitement aux causes des dysfonctionnements et indiqué clairement avoir effectué des constatations lors de ses opérations qui démontraient que la mise en défaut de la chaudière à l'origine de l'absence de chauffage dans la maison provenait d'un dysfonctionnement du brûleur ; que la société Leroy Merlin France n'a pas réagi face à cette situation de sorte que l'expert judiciaire leur a donné l'autorisation de faire intervenir une autre entreprise, la société P.C.S, pour mener à bien les interventions nécessaires urgentes afin de remédier à l'ensemble des désordres (pièces 21, 31 à 33).

Ils ajoutent que la société Leroy Merlin France est malvenue à tenter de se soustraire à toute responsabilité alors qu'elle leur écrivait le 14 février 2012 (pièce 14) que le 'problème (...) rencontré avec la chaudière une demi-heure après sa mise en service n'était pas inhérente à la pose de notre artisan, mais à un défaut produit' ce que l'expert judiciaire observait tout en relevant qu'elle n'avait toutefois pas 'traité dans le cadre de la garantie du constructeur et de bon achèvement du chantier, et non pas dans le cadre d'un contrat d'entretien'.

Ils font valoir que les arguments de la société Leroy Merlin France à l'encontre de l'expertise ne sont pas sérieux, en particulier son dire récapitulatif du 28 juillet 2015 auquel l'expert judiciaire a répondu point par point (pages 37 et suivants du rapport). Ils indiquent que l'expertise démontre très largement que le problème rencontré par les maîtres d'ouvrage provient d'un dysfonctionnement du brûleur, ce qui a été constaté par l'expert dès la première réunion d'expertise qui s'était déroulée le 13 décembre 2012. Ils s'étonnent que la société Leroy Merlin France puisse conclure contre l'évidence des faits après avoir reconnu que le problème trouvait sa cause dans 'un défaut de produit' et avoir souhaité que le fabriquant soit attrait dans la cause, ce que l'expert a refusé aux motifs justifiés que cette demande était bien tardive et surtout qu'elle intervenait une fois la chaudière réparée ce qui rendait toute constatation impossible.

Ils rétorquent au moyen de la société Leroy Merlin France tiré de l'absence d'engagement contractuel du suivi de chantier que l'article 7.5 du contrat conclu entre elle et M. [Y], son sous-traitant, stipule qu'elle 'peut demander même au cours du chantier à l'entreprise partenaire de reprendre ses travaux en cas de malfaçons ou non conformités' ce qui suppose à l'évidence, selon eux, un minimum de suivi. En tout état de cause, selon eux, ils disent avoir contracté avec la société Leroy Merlin France pour la fourniture et la pose de la chaudière de sorte que sa responsabilité pleine et entière à leur égard doit être retenue puisque la chaudière ne fonctionnait pas, peu important les relations contractuelles existantes entre la société Leroy Merlin France et M. [Y], non opposables au maître d'ouvrage.

M. [Y] poursuit la confirmation du jugement qui retient sa responsabilité à concurrence de 25% seulement. Il soutient que la société Leroy Merlin France conteste sa responsabilité en dépit des conclusions circonstanciées et pertinentes de l'expert judiciaire.

' Appréciation de la cour

Contrairement à ce que soutient la société Leroy Merlin France, sans preuve, c'est exactement que le premier juge a retenu que la chaudière litigieuse était affectée d'un problème de dysfonctionnement du brûleur qui se manifestait par une difficulté de mise en route, puis des mises en défaut à la suite de plusieurs tentatives infructueuses, révélé dès le jour de sa mise en service le 5 janvier 2012 en lien avec l'existence de composants défectueux de ce brûleur.

Il a encore très exactement jugé que :

* la société Leroy Merlin France ne produisait aucun élément technique sérieux de nature à lui permettre d'écarter les constatations et énonciations de l'expert judiciaire ;

* l'expert a répondu point par point au dire des parties.

Il sera ajouté que, contrairement à ce que soutient la société Leroy Merlin France, l'expert judiciaire a constaté durant ses opérations les dysfonctionnements de la chaudière, les a analysés et a retenu qu'ils provenaient d'un dysfonctionnement du brûleur. Ainsi, l'expert indiquait avoir constaté, le jour de la réunion d'expertise sur site que lors des 'phases de redémarrage le brûleur se mettait en défaut après plusieurs tentatives infructueuses... ce qui correspondait aux symptômes décrits par Mme [K]' ; il indiquait très clairement que 'la chaudière était donc atteinte d'un défaut affectant le processus de mise en route du brûleur et cela n'avait rien à voir avec la purge des radiateurs comme envisagé initialement par la société Leroy Merlin France et l'installateur. Il s'agit bien d'un défaut du matériel vendu par la société Leroy Merlin France'.

De même, contrairement aux moyens développés par la société Leroy Merlin France, l'expert judiciaire a répondu point par point aux différents dires déposés par son conseil et en particulier à son dire récapitulatif en indiquant en particulier que :

* la société Leroy Merlin France soutenait à tort que le défaut de fonctionnement du brûleur n'avait pas été identifié avant le 30 juin 2015 alors que dès la première réunion d'expertise sur site, en décembre 2012, l'expert avait clairement identifié le défaut de fonctionnement du brûleur et ce, en présence des parties ;

* l'expert avait dès sa première note, du 19 décembre 2012, invité la société Leroy Merlin France à faire connaître sous huitaine ses intentions et délais pour remédier au dysfonctionnement de la chaudière provenant d'un défaut du produit et des malfaçons de son installateur ;

* l'expert avait clairement indiqué que la société Leroy Merlin France n'avait pas répondu à cette demande ni sollicité du fabricant sa garantie pour intervenir sur le brûleur de la chaudière, pas plus que M. [Y] pour remédier aux malfaçons d'installation pourtant clairement identifiées au contradictoire des parties ;

* l'expert avait rappelé que face à cette carence, M. et Mme [K] ont dû fait appel à une société tierce, la société P.C.S, pour réparer les malfaçons d'installation de M. [Y] et intervenir sur le brûleur à leurs frais avancés ;

* l'expert a expressément écrit que le conseil de la société Leroy Merlin France 'tente de faire croire que les pièces remplacées par la société P.C.S n'étaient pas constitutives du brûleur ; cela est inexact puisque ce sont les électrodes qui provoquent l'étincelle à l'intérieur du brûleur ; les pièces remplacées font partie du brûleur'  ; il a ajouté que le conseil de la société Leroy Merlin France 'tente de relier les manutentions faites par l'entreprise Ruell'eau au moment de la livraison avec le dysfonctionnement du brûleur' or, il observe que lors de l'expertise, il n'a été constaté aucun dommage physique sur la chaudière et son brûleur permettant d'accréditer la thèse ainsi développée par la société Leroy Merlin France ;

* l'expert a relevé que la société Leroy Merlin France elle-même dès le début du litige avait admis que le problème provenait d'un 'défaut produit' ;

* il a rappelé que M. et Mme [K] s'étaient retrouvés seuls face aux malfaçons et dysfonctionnements de cette chaudière ; qu'ils ont dû faire l'avance de tous les frais d'intervention de cette entreprise tierce tout en assumant les frais d'intervention sur l'installation électrique pour se chauffer ce qui explique que les travaux se soient déroulés en plusieurs étapes, d'abord la réparation des malfaçons de l'installation, puis des vérifications sur l'alimentation en gaz, enfin la réparation finale du brûleur.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'expertise judiciaire a été réalisée avec sérieux, au contradictoire des parties. En outre, la société Leroy Merlin France se borne à reproduire de manière parcellaire les constatations et énonciations de l'expert judiciaire, à en faire une lecture partiale, à tenter d'obtenir de la cour une appréciation différente des faits de la cause sans fournir aucun élément de preuve technique sérieux ce que le premier juge avait déjà stigmatisé.

Il sera de même observé qu'au cours des opérations, sur invitation de l'expert, elle n'a ni répondu à ses demandes d'intervention, ni sollicité de celui-ci ou du juge chargé du contrôle de l'expertise des investigations complémentaires. En outre, elle a attendu la fin des opérations et alors que les réparations avaient été réalisées tant sur le brûleur que sur l'installation, pour solliciter la mise en cause du fabricant. Il lui était cependant loisible, sans l'intervention de l'expert, après demande, le cas échéant, d'extension de la mission de l'expert, de procéder à cette mise en cause du fabricant et également de mettre en oeuvre toutes les garanties auxquelles avaient droit M. et Mme [K].

Compte tenu de cette expertise très complète contre laquelle la société Leroy Merlin France n'oppose aucun élément de preuve sérieux, la cour, suivant en cela le tribunal, retiendra qu'il est établi que les problèmes rencontrés par M. et Mme [K] au titre de cette chaudière trouvent leur origine en premier lieu dans un défaut du produit. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le jugement retient la responsabilité de la société Leroy Merlin France qui devait livrer une chaudière exempte de vices à ses clients et co- contractants, M. et Mme [K].

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de M. [Y]

Le tribunal a retenu que M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, avait installé la chaudière litigieuse de manière incorrecte et contraire aux règles de l'art. Il a également estimé que ces manquements contractuels, constitutifs de fautes délictuelles, étaient à l'origine des préjudices subis par M. et Mme [K].

' Moyens des parties

La société Leroy Merlin France demande à être entièrement relevée et garantie par M. [Y] dans la mesure où, selon elle, les dysfonctionnements de la chaudière sont entièrement imputables aux manquements de ce dernier lors de l'installation de cette chaudière.

M. [Y] et M. et Mme [K] sollicitent la confirmation du jugement de ce chef.

' Appréciation de la cour

Le jugement en ce qu'il retient que les dysfonctionnements de la chaudière trouvent leur origine dans un défaut interne de fabrication de celle-ci, à savoir de son brûleur, et d'une pose défectueuse imputable à M. [Y] et dans la mesure où la société Leroy Merlin France ne sollicite pas un partage de responsabilité différent de celui retenu par le premier juge, l'appel de la société Leroy Merlin France de ce chef ne pourra qu'être rejeté.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les préjudices subis par M. et Mme [K] et leur évaluation

* Le préjudice matériel évalué à la somme de 8 960,87 euros

Le tribunal n'a pas explicité sa décision sur ce point, mais a indiqué seulement que l'ensemble de l'analyse de l'expert judiciaire sera validé en ce qu'elle était argumentée et détaillée sur les travaux d'électricité, la surconsommation d'électricité, la perte de prime d'énergie.

' Moyens des parties

La société Leroy Merlin France poursuit l'infirmation du jugement qui la condamne à verser cette somme à M. et Mme [K] alors que :

* s'agissant des interventions sur le brûleur défectueux et sa réparation (855,71 euros), elle estime qu'aucun de ces postes ne saurait lui être imputé et que, dans l'hypothèse où la cour entrait en voie de condamnation, elle devrait être entièrement relevée et garantie par M. [Y] ;

* s'agissant du coût d'achat des radiateurs électriques (995,83 euros), elle fait valoir que l'expert n'a pas pris en compte leur vétusté et que ce poste ne lui serait pas imputable ; à titre subsidiaire, si la cour confirmait l'existence de ce préjudice, elle demande à être relevée et garantie par M. [Y] ;

* s'agissant du coût des travaux d'électricité (2 614,69 euros), elle relève qu'il n'est nullement démontré que les travaux réalisés, sur une installation vétuste, étaient nécessaires ; selon elle, le tribunal s'est borné à homologuer le rapport d'expertise judiciaire sans se livrer à la moindre analyse, sans motiver sa décision de sorte qu'une telle demande injustifiée ne pourra qu'être rejetée ;

* au titre du coût du changement d'abonnement (35,64 euros), elle fait valoir que les demandeurs ne rapportent pas la preuve que ce coût doive lui être imputé ;

* au titre des surcoûts d'électricité (3 978 euros), la société Leroy Merlin France critique le rapport d'expertise judiciaire qui n'a pas estimé les économies de gaz réalisées ; que le remplacement de l'ancienne chaudière fioul par cette chaudière gaz aurait entraîné une consommation de gaz bien plus importante que celle retenue par l'expert de sorte que, selon elle, M. et Mme [K] sont défaillants dans l'administration de la preuve de leur préjudice et leur demande ne pourra qu'être rejetée ;

* au titre de la perte de la prime énergie à concurrence (481 euros), l'appelante fait valoir qu'aucune pièce ne justifie cette prétention formulée par M. et Mme [K] ; que ce poste n'est pas justifié dès lors que ces derniers ont accepté la pose d'une chaudière gaz et non d'une chaudière à condensation qui seule était de nature à leur permettre de bénéficier de cette prime ; que l'expert s'est borné à reprendre la demande de M. et Mme [K], sans vérifier son bien-fondé et que le tribunal s'est contenté de valider cette proposition sans apprécier sa pertinence.

M. et Mme [K] poursuivent la confirmation du jugement de ce chef (8 960,87 euros au titre du préjudice matériel) et font valoir que :

* les deux premiers postes sont bien évidemment imputables à la société Leroy Merlin France pour les raisons précédemment exposées et admises par le tribunal ;

* au titre des travaux électriques, ils estiment que la société Leroy Merlin France dénature les conclusions de l'expert judiciaire en ce qu'il n'a nullement indiqué que l'installation était vétuste, mais qu'elle ne pouvait pas supporter le chauffage tout électrique imposé par les dysfonctionnements de la chaudière litigieuse et les palliatifs mis en place pour leur permettre de se chauffer et de disposer de l'eau chaude sanitaire ; ainsi, selon eux, la société Leroy Merlin France a posé un ballon électrique de dépannage sans se soucier si le circuit électrique pouvait supporter une consommation plus importante ; l'expert a du reste déduit des coûts imputables à la société Leroy Merlin France, celui correspondant à l'amélioration de l'habitat, soit la somme de 1 120 euros ;

* au titre du surcoût des dépenses de chauffage électrique, M. et Mme [K] soutiennent que leur adversaire est d'une particulière mauvaise foi en ce que leur ancienne chaudière n'était nullement une chaudière fioul, mais bien 'gaz' de sorte que c'est exactement que l'expert a analysé les consommations gaz depuis 2008 afin de faire ses calculs du différentiel du surcoût.

M. et Mme [K] ne concluent pas sur le préjudice au titre de la perte de la prime énergie à concurrence de 481 euros et du coût du changement d'abonnement (35,64 euros).

' Appréciation de la cour

S'agissant des deux premiers postes, la société Leroy Merlin France ayant été jugée responsable de la fourniture d'une chaudière neuve défectueuse (brûleur défectueux), lui imputer le coût des interventions sur le brûleur défectueux et sa réparation (855,71 euros) est amplement justifié.

Il en est de même pour le coût d'achat des radiateurs électriques (995,83 euros), puisqu'il est démontré que sans ces radiateurs, le logement de M. et Mme [K] n'aurait pas pu être chauffé normalement durant les hivers au cours desquels ils ont été privés d'une chaudière neuve en état de fonctionnement. En outre, la société Leroy Merlin France qui reproche à l'expert de ne pas avoir pris en compte leur vétusté ne précisent pas quelle aurait dû être la juste réparation de ce poste de préjudice, ne justifient pas plus le montant de la déduction à opérer de sorte qu'elle ne combat pas efficacement l'évaluation de l'expert et ne permet pas à la cour d'effectuer une appréciation différente de celle proposée par l'expert judiciaire.

S'agissant de la prime énergie, force est de constater que l'expertise judiciaire se borne à mentionner '3.9.4 Perte de primes : prime Energie PLC : 481 euros' sans aucune explication. M. et Mme [K] ne concluent pas sur ce point , mais produisent seulement la pièce 22 intitulée 'attestation prime énergie' qui démontre que la prime litigieuse devait être accordée au titre d'une chaudière condensation, 'marque Chapée, modèle Lune duo hte'. Force est cependant de constater que la chaudière litigieuse est une chaudière 'gaz' sol 'Chapée Edena 2 progress 50'. Il s'ensuit que c'est sans justification que M. et Mme [K] sollicitent la condamnation de la société Leroy Merlin France à leur verser cette somme.

Ce poste sera dès lors rejeté et le jugement infirmé de ce chef.

S'agissant des surcoûts d'électricité (3 978 euros), contrairement à ce que soutient la société Leroy Merlin France, il résulte des productions que l'installation électrique mise en place pour pallier les insuffisances de la chaudière litigieuse a nécessité l'augmentation de la puissance électrique souscrite ainsi que des travaux de renforcement sur l'installation électrique du logement. La vétusté de l'installation électrique de M. et Mme [K] n'est donc pas à l'origine de cette dépense, mais bien le dysfonctionnement de la chaudière litigieuse, imputable à la société Leroy Merlin France, et les moyens palliatifs pour permettre à M. et Mme [K] de chauffer leur maison et bénéficier d'eau sanitaire.

De même, c'est sans fondement que la société Leroy Merlin France prétend que les travaux de renforcement de l'installation électrique (2 614,69 euros) ne seraient pas justifiés et qu'ils ne devraient en tout état de cause pas lui être imputés. En effet, les productions démontrent amplement que ces travaux ont été justifiés par la nécessité d'augmenter la puissance électrique en raison des solutions mises en oeuvre pour pallier les désordres de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire imputable à la chaudière défectueuse fournie par la société Leroy Merlin France et installée par le sous-traitant, M. [Y].

De même, contrairement à ce que soutient la société Leroy Merlin France, il ressort des productions, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que M. et Mme [K] ont dû modifier leur contrat d'abonnement électrique le 13 décembre 2012 en passant de 12 kVA 60A au lieu de 9kVA 45 A, pour une valeur de 35,64 euros. Ce changement d'abonnement est lié à la nécessité de permettre au circuit électrique installé chez eux de supporter une consommation plus importante. Comme indiqué précédemment, le chauffage tout électrique imposé pour pallier les dysfonctionnements de la chaudière litigieuse a nécessité la réalisation de travaux électriques et cette modification de l'abonnement.

Il découle de ce qui précède que, s'agissant du préjudice matériel, à l'exception de la prime Energie PLC pour un montant de 481 euros, le jugement sera confirmé et les demandes de la société Leroy Merlin France, injustifiées, seront rejetées.

Les préjudices immatériels

Le préjudice de jouissance

Le tribunal a retenu que 'M. et Mme [K] et leur famille avaient été privés de moyen de chauffage central alors que les chauffages électriques mis en oeuvre de manière palliative n'ont pu permettre d'obtenir que le 1/3 de la puissance nécessaire pour chauffer leur logement d'une surface relativement conséquente (325 m²). L'expert relève ainsi que le préjudice de jouissance des époux [K] peut être estimé sur la base de 2/3 de la valeur locative de leur logement durant les 16,5 mois de carence de chauffage (la réparation définitive de la chaudière étant intervenue au cours de l'année 2014) au regard de la dimension de leur logement.' Il a ajouté que M. et Mme [K] et leur famille avaient été privés d'un élément de confort minimal et indispensable 'pendant trois hivers consécutifs alors que les moyens palliatifs mis en oeuvre étaient largement insuffisants pour chauffer leur logement, que le chauffage électrique mis en oeuvre n'assurait en tout état de cause par la même qualité de chauffe que le chauffage au gaz, que les radiateurs à huile fournis par la société Leroy Merlin France avaient des contraintes très fortes, presque hors d'âge et surtout présentaient des risques en matière de sécurité et qu'enfin, le fils de M. et Mme [K] a pu pendant plusieurs semaines être hospitalisé à domicile dans un logement doté de telles médiocres conditions d'habitabilité.' Il en a déduit que M. et Mme [K] avaient subi un 'préjudice de jouissance majeur et prolongé qu'il (convenait) d'indemniser à hauteur de la somme de 1 500 euros par mois, soit pour la période considérée à concurrence de la somme totale de 24 750 euros (1 500 euros x 16,5 mois).'

S'agissant de la répartition entre la société Leroy Merlin France et M. [Y] de la charge finale de ce préjudice, le tribunal a retenu que 'si la carence de (M. [Y]) dans l'installation de la chaudière a bien évidemment participé à son dysfonctionnement et au préjudice moral consécutif des requérants, ladite chaudière atteinte d'un vice interne, n'aurait en tout état de cause pas fonctionné même à supposer qu'aucun manquement aux règles de l'art n'aient été commis par M. [Y]. En cela, il faut considérer que ce dernier ne doit être tenu solidairement au préjudice de jouissance de M. et Mme [K] qu'à hauteur de sa participation dans le dommage, laquelle au regard de la ventilation faite par l'expert judiciaire au titre des quanta évalués s'agissant des préjudices matériels, sera limitée à 25% de la somme de 24 750 euros due au titre du préjudice de jouissance, soit 6 187,50 euros'.

' Moyens des parties

La société Leroy Merlin France et M. [Y], qui fait siennes les conclusions de l'appelante principale, poursuivent l'infirmation du jugement qui les condamne à verser des sommes à M. et Mme [K] au titre d'un préjudice de jouissance, inexistant selon eux. Ils font valoir en effet que les chauffages électriques achetés par eux et mis à leur disposition par la société Leroy Merlin France ont compensé entièrement les carences et dysfonctionnements présentés par la chaudière litigieuse.

Selon eux, le tribunal a estimé de manière péremptoire et subjective que les chauffages électriques de remplacement ne présentaient pas le même confort. Ils observent qu'il est surprenant de soutenir d'un côté qu'une surconsommation d'énergie liée au chauffage électrique a été subie, en être indemnisée, et, parallèlement, réclamer réparation d'un préjudice au titre du trouble subi par eux dans leur jouissance paisible en raison d'une carence de chauffage.

Ils observent que M. et Mme [K] n'avaient formulé aucune protestation ou remarque négative quand la société Leroy Merlin France leur a prêté gracieusement du matériel de chauffage de sorte que leur réclamation apparaît, selon eux, opportuniste.

La société Leroy Merlin France conteste les griefs de carence et d'inertie formulés contre elle alors qu'elle a cherché des solutions ; que l'expert n'a jamais préconisé des mesures d'urgence ; que la panne intervenue 8 mois après les travaux de reprise ne lui est pas imputable ; que le brûleur a été changé rapidement par la société P.C.S ; que, durant les hivers 2013 et 2014, M. et Mme [K] disposaient bien d'une chaudière qui fonctionnait ; que cette indemnisation constitue un enrichissement sans cause.

A titre subsidiaire, M. [Y] fait valoir que si indemnisation il devrait y avoir, la valeur locative de 2 000 euros retenue par le premier juge est excessive et que le préjudice ne pourra être fixé qu'aux 2/3 de la juste valeur retenue. Il ajoute que la période de 16,5 mois ne pourra pas être entièrement prise en compte. Il demande donc à la cour de limiter le préjudice qui lui serait imputable à 3 500 euros.

La société Leroy Merlin France ne formule aucune demande subsidiaire de ce chef.

M. et Mme [K] poursuivent la confirmation du jugement en ce qu'il retient l'existence du trouble de jouissance subi durant trois hivers consécutifs en raison du défaut de chauffage du logement, chauffé au moyen d'équipements palliatifs. Ils se prévalent en particulier du rapport d'expertise judiciaire. Selon eux, l'existence de leur trouble de jouissance est établi.

Ils soutiennent cependant que l'évaluation de ce préjudice est erronée et le montant alloué devra être porté à la somme de 33 000 euros soit 2 000 euros pendant les mois d'hiver du 15 octobre au 15 avril, donc durant 16 mois et demi. Ils rappellent que leur fils [S] était hospitalisé à domicile (pièce 39), que M. [K] est une personne handicapée (pièce 40), que Mme [K] est elle-même en affection longue durée reconnue par la sécurité sociale comme son fils [S] l'était (pièce 47) ; que la société Leroy Merlin France leur a prêté un chauffe-eau électrique usagé et de récupération largement insuffisant qui mettait 24 heures à chauffer 200 litres ; que les radiateurs électriques n'ont été mis en place que le 22 janvier 2012 et, de ce fait, pendant un mois, leur famille et eux-mêmes ont été privés de chauffage ; qu'ils n'ont pu se laver correctement, le chauffe-eau étant sous dimensionné pour satisfaire leur besoin ; qu'ils étaient en droit de bénéficier de la chaudière qu'il avait achetée dès le 6 décembre 2011 alors qu'elle a été livrée le 21 décembre 2011 sans une pièce essentielle à son fonctionnement privant ainsi les occupants de cette maison de tout mode de chauffage et de fourniture d'eau chaude sanitaire ; que la société Leroy Merlin France a été largement défaillante ; que ce n'est qu'en septembre 2014 qu'ils ont pu disposer d'un chauffage satisfaisant.

En réponse aux moyens de leurs adversaires, ils soulignent que le montant de 2 000 euros correspond déjà aux 2/3 de la valeur locative de la maison d'une superficie de 325 m², située à quelques pas du centre ville, en bord de rivière et possédant un jardin et une piscine ; que les 16 mois et 15 jours n'apparaissent pas excessifs. Ils sollicitent donc que soit entièrement retenue leur demande.

' Appréciation de la cour

C'est par d'exacts motifs, adoptés par cette cour, que le tribunal a retenu l'existence du préjudice de jouissance allégué. Il sera ajouté qu'à hauteur d'appel, la société Leroy Merlin France et M. [Y] ne produisent aucun élément de preuve de nature à remettre en cause les constatations et énonciations de l'expert judiciaire qui a effectivement considéré que l'ensemble des pièces des 3 niveaux de cette maison ne pouvaient pas être chauffées normalement au moyen des équipements palliatifs mis en place.

La cour observe en outre, non sans surprise, que la société Leroy Merlin France, après avoir nié l'existence d'un défaut du brûleur, avoir écrit (page 11 de ses écritures) que 'seuls des défauts de pose ont été constatés par l'expert judiciaire lors de ses opérations', que 'la société P.C.S n'a pas procédé au changement de brûleur', au stade de l'examen des demandes de M. et Mme [K] au titre de leur préjudice de jouissance et pour nier l'existence de cet insuffisance de chauffage, elle prétend maintenant que 'le brûleur a été changé rapidement par la société P.C.S' (page 30 de ses écritures). Les moyens et arguments soulevés par la société Leroy Merlin France et M. [Y] seront dès lors rejetés.

Cependant, M. et Mme [K] ne produisent aucun élément de preuve de nature à justifier que la valeur locative de leur maison n'a pas correctement été déterminée par le premier juge de sorte que compte tenu de la situation de cette maison, de sa superficie, c'est exactement que le premier juge a retenu que l'indemnisation du préjudice de jouissance de M. et Mme [K] sera intégralement réparée par l'allocation de la somme de 24 750 euros (1 500 euros par mois durant 16,5 mois, soit pour la période considérée, à concurrence de la somme totale de 24 750 euros : 1 500 euros x 16,5 mois). L'absence d'éléments de preuve complémentaires fournis par M. et Mme [K] ne permet pas à la cour de revenir sur cette exacte appréciation du premier juge.

C'est tout aussi exactement que le jugement retient que la part de responsabilité de M. [Y] doit être fixée à 25 %, la société Leroy Merlin échoue à démontrer le contraire.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

' Le préjudice moral

C'est par d'exacts motifs, adoptés par cette cour, que le premier juge a retenu l'existence du préjudice moral subi par M. et Mme [K] et l'a exactement évalué à la somme de 8 000 euros.

Les moyens développés tant par M. et Mme [K], qui sollicitent que ce montant soit porté à 15 000 euros, que par la société Leroy Merlin France et M. [Y], qui demandent le rejet de cette prétention, ne sont pas de nature à permettre à la cour de revenir sur l'appréciation du premier juge.

Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Y] et la société Leroy Merlin France, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, seront rejetées.

L'équité commande d'allouer la somme supplémentaire de 5 000 euros à M. et Mme [K] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société Leroy Merlin France et M. [Y] seront condamnés in solidum à payer cette somme à M. et Mme [K] et, dans leurs rapports réciproques, la société Leroy Merlin France supportera la charge finale de cette condamnation à hauteur de 75% et M. [Y] à hauteur de 25 %.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Dans les limites de l'appel,

INFIRME le jugement en ce qu'il condamne la société Leroy Merlin France à verser la somme de 481 euros à M. et Mme [K] au titre de la prime Energie PLC ;

Le CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la demande de M. et Mme [K] au titre de la prime Energie PLC ;

CONDAMNE in solidum la société Leroy Merlin France et M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, aux dépens d'appel ;

DIT qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société Leroy Merlin France et M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, à verser à M. et Mme [K] la somme de 5 000 euros au titre des frais engagés par eux à hauteur d'appel pour assurer leur défense ;

DIT que, dans leurs rapports réciproques, la charge finale de ces frais sera supportée par la société Leroy Merlin France à concurrence de 75 % et par M. [Y], exerçant sous l'enseigne Ruell'eau, à concurrence de 25 %.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 20/06140
Date de la décision : 24/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-24;20.06140 ?
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