COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 70A
DU 17 JANVIER 2023
N° RG 21/02901
N° Portalis DBV3-V-B7F-UPO6
AFFAIRE :
Epoux [I]
C/
LA COMMUNE D'[Localité 6]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Mars 2021 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 19/09069
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-la SELARL ANTOINE CHRISTIN AVOCAT,
-l'ASSOCIATION AVOCALYS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [P], [U] [I]
né le 04 Juin 1937 à [Localité 7]
de nationalité Française
et
Madame [D], [H], [L] [Z] épouse [I]
née le 23 Juin 1942 à [Localité 8]
de nationalité Française
demeurant tous deux [Adresse 1]
[Localité 6]
représentés par Me Antoine CHRISTIN de la SELARL ANTOINE CHRISTIN AVOCAT, avocat - barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 550
APPELANTS
****************
LA COMMUNE D'[Localité 6],
prise en la personne de son maire en exercice
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 6]
représentée par Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 004938
Me Kenza SHEL substituant Me Muriel FAYAT de l'AARPI Chatain & Associés, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : R137
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
M. et Mme [I] sont propriétaires depuis le 23 juillet 1975 d'une parcelle située au [Adresse 1] à [Localité 6] (Hauts-de-Seine) enregistrée sous le N° cadastral BK [Cadastre 2].
A côté de cette parcelle se situe un terrain cadastré sous le N° BK [Cadastre 3], numéro aujourd'hui disparu du fait de son intégration à la parcelle BK[Cadastre 5].
En 1975, M. et Mme [I] ont cherché à savoir à qui appartenait le terrain contigu à leur parcelle. Ils exposent ne pas avoir reçu de réponse claire de l'administration et avoir entretenu et utilisé ce terrain à compter de décembre 1975.
Par acte d'huissier de justice du 2 décembre 2016, M. et Mme [I] ont fait assigner la ville d'[Localité 6], prise en la personne de son maire, devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin de faire constater qu'ils sont devenus propriétaires de la parcelle cadastrée initialement BK [Cadastre 3] puis BK [Cadastre 5] sur une largeur de 5 mètres et sur la longueur jouxtant leur terrain cadastré BK [Cadastre 2] par l'effet de la prescription acquisitive.
La commune d'[Localité 6] a soulevé devant le juge de la mise en état, par conclusions d'incident du 28 août 2017, la question de la compétence juridictionnelle pour connaître du litige en faisant valoir l'incompétence du tribunal de grande instance de Nanterre au motif que le litige porte sur un terrain faisant partie d'une parcelle relevant du domaine public communal, en l'espèce une parcelle affectée à un groupe scolaire.
Par décision du 15 décembre 2018, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer et soumis au tribunal administratif de Pontoise la question préjudicielle suivante :
" La parcelle BK [Cadastre 5] initialement cadastrée BK [Cadastre 3] constitue-t-elle une dépendance du domaine public de la commune d'[Localité 6] (Hauts-de-Seine) ' ".
Par jugement du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Pontoise a jugé que : " La partie de la parcelle BK [Cadastre 3] désormais incorporée à la parcelle BK [Cadastre 5] d'une largeur de 5 mètres et jouxtant sur la longueur le terrain cadastré BK [Cadastre 2] dont sont propriétaires M. et Mme [I] appartient au domaine privé de la commune d'[Localité 6]. "
M. et Mme [I] ont alors demandé le rétablissement de l'affaire.
Par jugement contradictoire rendu le 30 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Débouté M. et Mme [I] de leur demande d'acquisition par usucapion d'une partie de la parcelle BK [Cadastre 5] d'une largeur de 5 mètres et jouxtant sur la longueur le terrain cadastré BK [Cadastre 2],
- Condamné M. et Mme [I] aux dépens de l'instance,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
M. et Mme [I] ont interjeté appel de ce jugement le 4 mai 2021 à l'encontre de la ville d'[Localité 6].
Par dernières conclusions notifiées le 2 décembre 2021, M. et Mme [I] demandent à la cour, au fondement des articles 2258, 2261, 2266 et 2272 du code civil, et des articles 696 et 700 du code de procédure civile, de :
- Infirmer le jugement rendu le 30 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions ;
Puis, statuant à nouveau,
- Dire et juger que M. et Mme [I] ont acquis la propriété de la parcelle cadastrée initialement BK [Cadastre 3] puis [Cadastre 5] sur une largeur de 5 mètres et sur la longueur jouxtant leur terrain cadastré BK [Cadastre 2] par l'effet de la prescription acquisitive depuis 2005,
- Constater ou prononcer la prescription acquisitive au profit de M. et Mme [I] sur la parcelle cadastrée initialement BK [Cadastre 3] puis [Cadastre 5] sur une largeur de 5 mètres et sur la longueur jouxtant leur terrain cadastré BK [Cadastre 2],
- Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir au service de la publicité foncière dans les formes prévues au décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 dans le délai d'un mois après qu'il aura acquis un caractère définitif par absence de recours ou épuisement des voies de recours, à la diligence de M. et Mme [I] et aux frais de la commune d'[Localité 6],
- Condamner la commune d'[Localité 6] à payer à M. et Mme [I] 8 000 euros à titre de contribution à leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- Condamner la commune d'[Localité 6] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 1er septembre 2022, la ville d'[Localité 6] demande à la cour, au fondement des articles 2256, 2258, 2261, 2262 et 2272 du code civil, et des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :
- Débouter M. et Mme [I] de leur appel et de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 30 mars 2021,
- Condamner M. et Mme [I] à 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'appel.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 22 septembre 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel
Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions.
A titre liminaire
La cour rappelle que l'article 954 du code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la cour ne statue que sur celles-ci.
Par prétention, il faut entendre, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux.
Par voie de conséquence, les " dire et juger " ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l'examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour ne répondra de ce fait à de tels " dire et juger " qu'à condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.
Sur la prescription acquisitive
Le jugement a débouté les époux [I] de leur demande, au fondement notamment des articles 2261 et 2266 du code civil, au motif qu'ils n'ont pas rapporté la preuve d'une possession " à titre de propriétaire " au sens de l'article 2261 du code civil et qu'ils avaient conscience du caractère précaire de leur possession. Le tribunal a pris en compte le fait que la direction de l'équipement, à qui ils s'étaient adressés, leur avait été désigné en 1975 et 1976 le service compétent pour s'assurer de la propriété de la bande de terrain litigieuse (la direction des services fiscaux des Hauts-de-Seine), service auprès de qui les époux [I] n'ont effectué aucune démarche.
Moyens des parties
Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande d'acquisition par usucapion d'une partie de la parcelle BK [Cadastre 3] désormais incorporée à la parcelle BK [Cadastre 5] d'une largeur de 5 mètres et sur la longueur jouxtant leur terrain cadastré BK [Cadastre 2], les époux [I] font valoir que c'est par erreur que les premiers juges ont opposé la mauvaise foi et conclu au caractère précaire de leur possession, et demandent à la cour de constater qu'ils se sont comportés en véritables propriétaires de la parcelle litigieuse pendant quarante ans, de manière continue, publique, paisible et non équivoque.
Ils exposent qu'en 1975, faute d'obtenir un résultat, ils ont abandonné leurs recherches sur l'identité du propriétaire de la parcelle et ont poursuivi les travaux d'édification de leur maison.
Ils produisent aux débats des photographies et des attestations de voisins visant à démontrer une possession continue (entre 1975 et 2015), publique (car connue de tous et notamment de leurs voisins), paisible (car sans violence ni voie de fait), et non équivoque de la parcelle litigieuse. Ils expliquent l'avoir entretenue et embellie régulièrement, celle-ci leur ayant servi de terrain de pétanque, de parking et de potager, et leur ayant permis d'accéder à leur jardin. Ils précisent l'avoir clôturée en 1993 pour éviter les vols et les intrusions. Ils ajoutent que la commune, à l'inverse, ne justifie pas l'avoir entretenue.
Contestant le caractère précaire de leur possession, les époux [I] soutiennent qu'ils n'ont pas possédé " pour autrui " au sens de l'article 2261 du code civil dans la mesure où la commune ne leur a jamais confié la jouissance de la parcelle en vue de son entretien car, selon eux, elle ignorait, " de 1975 à 2005 (et même après) ", qu'elle en était propriétaire.
Par ailleurs, ils font valoir qu'étant propriétaires depuis 2005, les échanges qui ont pu survenir dans le courant des années 2014-2015 au moment où ils ont repris contact avec la mairie d'[Localité 6] n'ont pas pu avoir pour effet d'entraîner une renonciation à un droit qu'ils avaient déjà acquis depuis plus de dix ans. Ils expliquent avoir écrit à la mairie d'[Localité 6] par lettre du 20 mars 2015 afin d' " officialiser la situation " et non aux fins d'acquérir.
Enfin, ils contestent que l'on puisse accéder au groupe scolaire du [9], installé sur un terrain situé à l'extrémité de la bande de terrain litigieuse, par cette dernière en raison de la présence d'une clôture qui préexistait à l'achat de leur terrain.
Poursuivant la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande des époux [I], la commune d'[Localité 6] fait valoir, au fondement de l'article 2266 du code civil, que ces derniers ont toujours eu connaissance du fait que l'administration était propriétaire de cette parcelle. Ils en déduisent que leur possession était précaire, de sorte que la prescription acquisitive ne peut pas être invoquée. Elle soutient qu'en réponse à leur courrier en 1975, les époux [I] n'ont pas suivi les recommandations de la direction de l'équipement du département des Hauts-de-Seine pour connaître l'identité du propriétaire de la parcelle, qu'ils ont utilisé le fonds de manière précaire et ont informé la mairie le 20 mars 2015 de leur volonté d'acquérir le fonds. Elle en déduit qu'ils étaient conscients que la parcelle appartenait à autrui, de sorte que leur occupation était précaire.
Par ailleurs, au fondement de l'article 2262 du code civil, la commune d'[Localité 6] fait valoir qu'en demandant son accord au propriétaire du terrain pour la réfaction de la clôture en avril 2016, les époux [I] confirmaient posséder pour autrui, et en donnant son accord, elle exprimait sa tolérance et manifestait ainsi son droit de propriétaire. Elle en déduit que cette simple tolérance vis-à-vis de ses riverains ne saurait être interprétée comme des actes traduisant l'usage de la parcelle par ces derniers leur ouvrant droit à acquisition.
En outre, elle indique, au fondement des articles 2256 et 2261 du code civil, que la possession des époux [I] est entachée d'équivocité. Elle fait valoir que ces derniers ont réalisé des actes sans conséquence définitive sur le fonds, tel l'installation d'une clôture et d'un portail sans serrure ni cadenas avec l'accord des voisins, évitant d'éveiller tout soupçon de la commune jusqu'en 2015. Elle précise que les époux [I] ont néanmoins sollicité son autorisation concernant la réfaction de la clôture et ont discuté avec elle du prix d'acquisition de la parcelle, en utilisant leur supposé droit d'acquisition par usucapion comme stratégie de négociation afin d'obtenir un prix plus intéressant, démontrant ainsi, selon elle, leur intention et leur volonté de ne pas occuper la parcelle litigieuse comme propriétaire et, en tout cas, de renoncer à l'usucapion. Elle conteste le moyen selon lequel le jugement leur aurait opposé la mauvaise foi, laquelle n'est opposable qu'en matière de prescription abrégée.
Enfin, elle soutient qu'il ne peut être revendiqué une quelconque possession dès lors qu'au cours du délai revendiqué par les époux [I], l'acte de vente de la parcelle BK [Cadastre 5] de l'Etat à la commune est intervenu les 28 septembre 1994 et 4 janvier 1995, faisant ainsi disparaître la possession.
Appréciation de la cour
L'article 2261 du code civil dispose que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
Selon l'article 2272 du code civil, en matière immobilière, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.
L'article 2266 du même code précise que ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit. Ainsi, le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire.
La preuve de la propriété immobilière est libre, que celui qui revendique la propriété d'un bien doit en rapporter la preuve, que le juge se détermine après avoir recherché parmi les preuves de propriété présentées celles qui sont les meilleurs et les plus caractérisées, que le titre de propriété ne constitue qu'une modalité de preuve parmi d'autres.
A cet égard, l'usucapion (article 2258 du code civil) trentenaire (article 2272, alinéa 1er, du code civil) ou abrégée (article 2272, alinéa 2, du code civil) suppose de rapporter la preuve d'une possession utile (article 2261 du même code). Une possession n'est utile que si elle est véritable, impliquant le corpus et l'animus domini, qu'elle se fait à titre de véritable propriétaire, et qu'elle est exempte de vices (ni violente, ni clandestine, ni discontinue, ni équivoque).
Le corpus est l'élément fondamental de la possession et il appartient à celui qui invoque la prescription acquisitive de faire état d'actes matériels desquels on puisse déduire, de sa part, une prise de possession et l'intention d'exercer la possession conforme au droit invoqué. Il revient donc au demandeur qui l'invoque de caractériser l'existence d'actes matériels de possession pour pouvoir utilement se prévaloir d'une usucapion, l'absence de vices ne suffisant pas. Ces actes de jouissance matériels invoqués doivent être suffisants dans leur intensité ou dans leur étendue.
Les faits de possession doivent également révéler, de façon explicite et certaine, que celui qui les accomplit se considère comme propriétaire. Les tiers ne doivent pas pouvoir se tromper et se demander à quel titre le possesseur agit.
En l'espèce, il ressort des plans produits aux débats et du jugement du tribunal administratif que la parcelle litigieuse consiste en une bande de terrain d'une largeur de cinq mètres et sur la longueur jouxtant la parcelle cadastrée BK [Cadastre 2], propriété des époux [I]. Cette bande de terrain appartient à une parcelle anciennement cadastrée BK [Cadastre 3] puis intégrée avec d'autres parcelles voisines dans une parcelle plus grande numérotée BK [Cadastre 4], laquelle a ensuite été divisée et cadastrée sous le numéro BK [Cadastre 5]. C'est également sur cette parcelle BK [Cadastre 5] qu'est assis le groupe scolaire du [9].
A titre liminaire, la cour indique que, contrairement à ce que prétendent les appelants, la mauvaise foi, inopérante en matière de prescription trentenaire, n'est pas une seule fois citée dans le jugement, lequel a rejeté la demande des époux [I] en considérant le caractère équivoque - vice sans relation avec la mauvaise foi (1ère Civ., 13 juin 1963, Bull. civ. I, n°317) - et précaire de leur possession. Ils ne peuvent donc valablement critiquer le jugement au motif qu'il aurait opposé la mauvaise foi.
En l'espèce, il est établi par les photographies, les attestations et le constat d'huissier de justice versés aux débats par les appelants que ces derniers ont entretenu régulièrement cette bande de terrain, en l'utilisant notamment comme jardin ou potager, sans qu'il ne soit fait état de contestation, entre 1975 et 2015 (pièces 5, 6, 7, 8, 17, 19 et 20 des appelants).
Toutefois, il résulte des deux lettres des époux [I] du 23 novembre 1975 et du 3 décembre 1975 adressées à la direction de l'équipement du département des Hauts-de-Seine à [Localité 11] et à [Localité 12] qu'ils sollicitent une autorisation pour passer sur le terrain pendant les travaux et pour poser une clôture " sur toute la longueur qui sépare nos deux terrains " et justifient leur demande en ces termes " Vous êtes, je crois, propriétaire du terrain voisin BK [Cadastre 3], actuellement à l'état de terrain vague " (pièces 3 et 4). Il s'ensuit que les époux [I] savaient dès le départ qu'ils n'étaient pas les propriétaires du bien. Bien qu'orientés vers la direction des services fiscaux des Hauts-de-Seine, ils ne justifient pas avoir accompli une quelconque démarche vers ces services pour connaître le véritable propriétaire, de sorte qu'ils ne peuvent valablement soutenir n'avoir obtenu aucun résultat à leurs démarches.
Par ailleurs, quarante ans plus tard, fin mars 2015, M. [I] s'est adressé au service de la publicité foncière et de l'enregistrement appartenant à la direction générale des finances publiques pour connaître " la situation de la parcelle cadastrale (date d'acquisition, parcelle privée ou publique etc.) ". Quelques jours auparavant, le 20 mars 2015, M. et Mme [I] avaient adressé au maire de la commune d'[Localité 6] une lettre l'informant de leur intention de se déclarer propriétaires, en faisant expressément référence à " une parcelle de terrain de la commune (pièces 10 et 11 des appelants).
Contrairement à ce que prétendent les appelants, il ne peut être valablement déduit de ces échanges que la commune d'[Localité 6] ignorait qu'elle était propriétaire puisqu'à aucun moment, avant le 20 mars 2015, M. et Mme [I] ne justifient s'être adressés à elle.
Ces échanges démontrent en revanche que, dès 1975, les époux [I] avaient parfaitement conscience que cette parcelle ne leur appartenait pas et que cette conscience perdurait jusqu'en 2015 dès lors qu'ils écrivent à la commune d'[Localité 6] qu'ils entendent se voir reconnaître le statut de propriétaires d'une " parcelle de terrain de la commune ". Leur possession n'était donc pas véritable mais précaire, au sens de l'article 2266 du code civil. Ils ne pouvaient se méprendre sur l'existence d'un véritable propriétaire, excluant ainsi tout animus domini susceptible de fonder une possession pour prescrire (1ère Civ., 10 juin 1986 n°84-14.241 ; 3ème Civ., 26 novembre 2008, n°07-17.836 ; 3ème Civ., 26 mai 2016, n°15-21.675).
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande des époux [I] en raison du caractère précaire de leur possession de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par les parties.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement qui a exactement statué sur les dépens et les frais irrépétibles sera confirmé de ces chefs.
M. et Mme [I], parties perdantes, seront condamnés aux dépens d'appel. Leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera de ce fait rejetée.
Il apparaît équitable d'allouer à la commune d'[Localité 6] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. M. et Mme [I] seront dès lors condamnés au paiement de cette somme.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. et Mme [I] à verser à la commune d'[Localité 6] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. et Mme [I] aux dépens d'appel ;
REJETTE toutes autres demandes.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,