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12/01/2023 | FRANCE | N°22/01077

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 12 janvier 2023, 22/01077


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 JANVIER 2023



N° RG 22/01077 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VATT



AFFAIRE :



S.A. AXA FRANCE IARD





C/

Société BALCIA INSURANCE SE

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 26 Janvier 2022 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 21/02808



Expéditions exécutoires



Expéditions

Copies

délivrées le : 12.01.2023

à :



Me Bertrand LISSARRAGUE, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES,



Me Banna NDAO, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 JANVIER 2023

N° RG 22/01077 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VATT

AFFAIRE :

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

Société BALCIA INSURANCE SE

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 26 Janvier 2022 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 21/02808

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 12.01.2023

à :

Me Bertrand LISSARRAGUE, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Banna NDAO, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. AXA FRANCE IARD

en qualité d'assureur Responsabilité civile professionnelle et Décennale de la société [N] [X], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

N° SIRET : 722 .05 7.4 60

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2268171

Assistée de Me Romain BRUILLARD, avocat plaidant au barreau de Paris

APPELANTE

****************

Société BALCIA INSURANCE SE

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

N° SIRET : 797 88 2 0 16 (rcs Nanterreà

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25686

Assistée de Me Daria BELOVETSKAYA, avocat plaidant au barreau de Paris

S.A. GENERALI

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

N° SIRET : 552 06 2 6 63

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Banna NDAO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 - N° du dossier 22/045

Assistée de Me Marie-Charlotte MARTY, avocat pladiant au barreau de Paris

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre de la construction d'un EHPAD, le centre communal d'action sociale de la commune de [Localité 8] a confié au groupement conjoint composé des sociétés [N] et Nicolas & Moutte la réalisation du lot cloisons, doublage et faux plafonds.

Après l'apparition de désordres, la société Balcia Insurance SE (Balcia), en sa qualité d'assureur dommages ouvrage, a préfinancé les travaux de remise en état dans l'attente de la détermination des responsabilités de chaque participant à l'ouvrage, préfinancement dont le centre communal d'action sociale lui a donné quittance les 14 avril et 3 août 2015.

La société Balcia a préfinancé un expert qui aurait retenu la responsabilité du groupement de sociétés. La société Balcia a alors préfinancé des travaux réparatoires pour un montant de 36 614,93 euros, qui se sont avérés insuffisants. Des travaux complémentaires ont été réalisés pour 21 020 euros.

Une tentative de résolution amiable du différend entre la société Balcia et la compagnie Axa France, assureur de la société [N], s'est révélée infructueuse.

Se prévalant d'une subrogation, par acte d'huissier de justice délivré le 7 juillet 2021, la société Balcia a fait assigner en référé la société Axa aux fins d'obtenir principalement sa condamnation à lui payer une provision d'un montant de 58 609,09 euros outre 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 27 octobre 2021, la société Axa a assigné en intervention forcée la société Generali en qualité d'assureur de la société Nicolas & Moutte aux fins d'obtenir sa condamnation à la relever et garantir à hauteur de 50% de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sa condamnation aux dépens.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 26 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- condamné la société Axa à payer à titre de provision à la société Balcia venant aux droits de la société BTA Insurance SE la somme de 57 634,93 euros au titre de son recours subrogatoire,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter du 7 juillet 2021 selon les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

- condamné la société Axa à payer à la société Balcia la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Axa aux dépens,

- rejeté les autres demandes des parties.

Par déclaration reçue au greffe le 22 février 2022, la société Axa a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de dispositions.

Par arrêt contradictoire et avant-dire-droit en date du 29 septembre 2022, la cour a :

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats ;

- dit que l'affaire sera appelée à l'audience du lundi 28 novembre 2022 à 9h en salle 7 ;

- ordonné que les parties s'expliquent sur la 'lettre d'acceptation et quittance indemnitaire définitive' datée du 22 juillet 2022 produite par la société Balcia ; dit que la société Axa doit conclure sur ce point pour le 15 octobre 2022, que la société Balcia pourra conclure en réponse pour le 30 octobre 2022 et que la clôture sera prononcée le 8 novembre 2022 ;

- réservé les droits des parties et les dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 14 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Axa demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par la société Axa ;

y faisant droit :

- infirmer l'ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Nanterre en date du mercredi 26 janvier 2022 en ce qu'elle a :

- l'a condamnée à payer à titre de provision à la société Balcia venant aux droits de la société BTA Insurance la somme de 57 634,93 euros au titre de son recours subrogatoire,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter du 7 juillet 2021 selon les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

- l'a condamnée à payer à la société Balcia la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux dépens,

- rejeté ses autres demandes dont son appel en garantie formé à l'encontre de la société Generali ;

et, statuant à nouveau des chefs infirmés :

à titre principal, de :

- rejeter les demandes de la société Balcia en ce qu'elles se heurtent à une contestation sérieuse ;

à titre subsidiaire, de :

- limiter la provision à la somme de 36 614,93 euros, le surplus étant sérieusement contestable ;

- condamner la compagnie Generali à la garantir à hauteur de la moitié des sommes qu'elle pourrait avoir à payer à la société Balcia ;

en tout état de cause, de :

- déclarer mal fondé l'appel incident de la société Balcia et l'en débouter ;

- condamner in solidum les parties succombantes à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum les parties succombantes aux entiers dépens qui seront recouvrés par la société Lexavoué Paris-Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 novembre 2022, la société Balcia demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance de référé rendu le 26 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre

en ce qu'elle a :

- condamné la société Axa à lui payer à titre de provision la somme de 57 634,93 euros au titre de son recours subrogatoire,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter du 7juillet 2021 selon les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

- condamné la société Axa à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Axa aux dépens ;

à titre incident, de :

- infirmer partiellement l'ordonnance de référé rendu le 26 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'elle a

- rejeté la demande de condamnation à l'encontre de la société Axa de verser à la société Balcia, en plus de la somme la somme de 57 634,93 euros au titre des travaux de réparation préfinancés par cette dernière, la somme de 974,16 euros au titre des honoraires du Cabinet économiste Etudes et Quantum ;

et, statuant à nouveau sur ce point, de :

- condamner la société Axa en sa qualité d'assureur de la société [N] [X] à lui payer à titre de provision la somme totale de 58 609,09 euros, dont la somme de 974,16 euros au titre des honoraires du cabinet économiste Etudes et Quantum, augmentée des intérêts légaux à compter du prononcé du 'jugement' ;

en tout état de cause, de :

- condamner la société Axa en sa qualité d'assureur de la société [N] [X] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens, dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti, avocat, conformément, aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 26 avril 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Generali demande à la cour, au visa des articles 9 et 835 du code de procédure civile ainsi que 1353 du code civil, de :

- confirmer l'ordonnance de référé du 26 janvier 2022 en ce qu'elle a débouté la société Axa de son appel en garantie à son encontre ;

- rejeter toutes demandes, fins ou conclusions formulées à son encontre ;

- condamner la société Axa à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

sur la provision

La société Axa, appelante, fait valoir que, du fait de la production d'une quittance subrogative par la société Balcia, elle ne conteste plus le paiement de l'indemnité.

Elle fait cependant valoir qu'il existe une contestation sérique sur le fait que les désordres en cause affecteraient la solidité de l'immeuble et le rendraient impropre à sa destination, affirmant que seule la responsabilité contractuelle de la société [N] est susceptible d'être engagée, s'agissant de WC mal fixés.

Elle en déduit que la garantie de la société Balcia n'était pas mobilisable, ce qui rend sérieusement contestable la subrogation légale dont elle se prévaut.

Affirmant qu'un juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties, y compris lorsque l'expert a été missionné par un assureur dommages-ouvrage, la société Axa affirme que la société Balcia ne peut donc exciper d'un rapport d'expertise réalisé par l'expert qu'elle a choisi et rémunéré pour fonder sa demande.

Elle soutient que le lien entre les travaux de la société [N] et les désordres n'est pas établi avec certitude dès lors qu'il n'est pas démontré que cette société ait fourni et posé les bâtis support des WC et qu'à tout le moins, les sociétés [N] et Nicolas & Moutte intervenaient dans le cadre d'un groupement conjoint pour le lot 6.

La société Axa conclut enfin que l'existence de pourparlers ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité.

A titre subsidiaire, l'appelante soutient que l'expert missionné par l'assureur dommages-ouvrage a visiblement préconisé des travaux insuffisants puisqu'une aggravation des désordres a été signalée, que la société Balcia a donc manqué à son obligation de préfinancer des travaux efficaces et qu'en conséquence, les seconds travaux réparatoires d'un montant de 21 020 euros doivent rester à sa charge.

Elle indique que les frais engagés au titre de l'expert économiste constituent des frais irrépétibles qui ne sont indemnisables que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Balcia expose en réponse que, pour introduire une action directe à l'encontre de l'assureur du responsable, il suffit de caractériser la responsabilité de ce dernier et d'identifier son assureur, ce qui rend son action recevable et bien fondée.

Elle soutient qu'en application des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, il n'appartient pas à l'assureur dommages-ouvrage de garder à sa charge les sommes préfinancées, celui-ci étant subrogé dans les droits et actions de l'assuré à hauteur de l'indemnité versée et des frais annexes.

Faisant valoir que la société Axa admettait la nature décennale des désordres en première instance, l'intimée fait valoir que cette contestation n'est pas sérieuse, le premier juge ayant indiqué qu'Axa avait reconnu garantir [N] [X] sur le fondement de sa police responsabilité civile décennale.

Elle affirme que des WC suspendus qui risquent de s'effondrer, situés dans un EHPAD, qui accueille des personnes fragiles, rendent l'immeuble impropre à sa destination, ces désordres étant suffisamment étayés par les pièces versées aux débats.

La société Balcia expose que les règles applicables en matière de subrogation conventionnelle ne sont pas transposables en présence de la subrogation légale, où la preuve peut être apportée par tout moyen.

Sur les honoraires du cabinet économiste Etudes et Quantum, l'intimée fait valoir que la subrogation de l'assureur dommages-ouvrage peut dépasser le montant de l'indemnité versée à l'assuré et comprendre, notamment, les frais d'expertise amiable dès lors qu'ils ont été exposés pour le compte du maître d'ouvrage pour parvenir à la réparation des dommages décennaux, ce qui est le cas en l'espèce.

Sur la responsabilité d'[N] [X], la société Balcia indique que la responsabilité décennale du constructeur ne peut être écartée qu'en présence d'une cause étrangère.

Elle fait valoir qu'en l'espèce, il résulte du rapport de l'expertise DO, établi au contradictoire des constructeurs et de leurs assureurs que le dommage trouve son origine dans l'absence ou l'insuffisance de renforts dans l'épaisseur des cloisons en plaques de plâtre qui servent d'appuis aux WC suspendus, travaux qui étaient à la charge d'[N] [X], lequel a d'ailleurs, dans le cadre de l'expertise, établi un devis au titre de la reprise. Elle en déduit que le lien d'imputabilité entre l'intervention d'[N] [X] et le sinistre est établi, sa responsabilité décennale étant donc engagée de plein droit.

Elle affirme que l'expertise amiable diligentée par l'assureur dommages-ouvrage est opposable aux constructeurs ainsi qu'à leurs assureurs, et que ce rapport est largement corroboré par d'autres éléments versés aux débats.

Elle fait notamment valoir que la société Axa a reconnu l'imputabilité du sinistre à son assuré, se contentant de discuter la quote-part attribuée au regard d'une éventuelle implication dans la survenance du sinistre de la société Nicolas & Moutte, une proposition transactionnelle de paiement de 75% du coût du sinistre ayant été formée en cours de procédure.

La société Balcia soutient qu'en présence d'une responsabilité in solidum, chacun des co-responsables est regardé comme ayant causé l'intégralité du dommage et chacun peut être actionné pour tout, les contestations quant au concours de la société Nicolas & Moutte dans la réalisation des travaux litigieux étant donc inopérantes.

Sur ce,

Selon l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile :'Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il (le président ) peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Doivent être précisés les éléments de la contestation qui rendent celle-ci sérieuse.

Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Selon l'article 1792 du code civil, 'tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination'.

En vertu des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances, 'toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil'.

L'article L. 121-12 du même code dispose que 'l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur'.

L'assureur dommages-ouvrage qui a indemnisé le maître de l'ouvrage se trouve subrogé dans ses droits et actions contre les intervenants responsables des dommages et il peut se retourner contre leurs assureurs de responsabilité.

La société Balcia verse aux débats :

- l'extrait du registre des délibérations du CCAS de [Localité 8] qui indique que le lot 06 dénommé 'cloisons doublages faux-plafonds' est attribué au 'groupement [N] et Nicolas & Moutte' ;

- l'attestation d'assurance établie par Axa le 27 décembre 2010 au profit de la S.A.R.L. [N] relative notamment à la responsabilité civile décennale pour les chantiers ouverts entre le 01/01/2011 et le 01/01/2012 ;

- le procès-verbal de réception des travaux avec réserves du 24 juillet 2013 relative au lot 06 ;

- le rapport d'expertise dommages-ouvrage du 18 mars 2015 qui constate l'affaissement des WC suspendus dans les chambres des résidents du fait de l'absence des renforts prévus par le constructeurs des toilettes dans l'épaisseur de la cloison, chiffre les travaux de réparation à la somme de 38 614, 93 euros et expose que la responsabilité de la société [N] [X] est engagée à 100% en tant que mandataire du groupement d'entreprises. Il est précisé que la société [N] [X] a 'confirmé l'absence de partage contractuel clairement établi entre [ses] prestations et celles de l'entreprise Nicolas & Moutte' ;

- le rapport complémentaire d'expertise dommages-ouvrage du 8 juillet 2015 relatif à l''aggravation des dommages affectant les revêtements muraux décollés derrière les WC après réparations et reprises de renforcement de fixation des WC suspendus', qui chiffre les travaux complémentaires nécessaires à la somme de 19 020 euros, soit 57 634, 93 euros au total en comptant les premiers travaux de réparation pour 38 614, 93 euros ;

- les quittances de règlement démontrant que la société Balcia a versé au CCAS de [Localité 8] les sommes de 38 614, 93 euros le 14 avril 2015 et de 19 020 euros le 3 août 2015 au titre des désordres affectant l'ouvrage ainsi que la quittance définitive du 22 juillet 2022 qui précise que l'EHPAD atteste ne bénéficier d'aucune autre police d'assurance pouvant concerner ce sinistre et subroge la compagnie Balcia dans ses droits contre tout responsable du sinistre ;

- la proposition transactionnelle d'Axa du 2 janvier 2020, adressée à la société Balcia, de prendre en charge 75% du sinistre.

Il apparaît en conséquence que la société Balcia, qui a indemnisé l'EHPAD [7] à [Localité 8] du fait des désordres survenus dans la fixation des WC, est subrogée dans les droits de celui-ci à l'égard des entreprises responsables du dommage et de leurs assureurs.

Il ressort de l'ordonnance attaquée, ainsi que des conclusions d'Axa devant le premier juge, que l'appelante ne contestait pas en première instance le principe du recours subrogatoire dont disposait la société Balcia à son encontre en qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société [N], seul étant discuté l'appel en garantie de la société Generali.

Il ne peut être sérieusement contesté que l'affaissement des WC dans un établissement accueillant des personnes âgées dépendantes constitue un désordre de nature à rendre le bâtiment impropre à sa destination au sens de l'article 1972 du code civil, et ressort en conséquence de la responsabilité décennale.

De même, la responsabilité de la société [N] dans ce dommage n'est pas sérieusement contestable dès lors que les rapports d'expertise amiable sont corroborés par d'autres éléments :

- le devis réalisé par la société [N] le 30 janvier 2015 d'un montant de 9 405 euros relatif à la reprise des désordres affectant les WC suspendus ;

- la lettre d'accompagnement du rapport complémentaire établie par l'expert le 8 juillet 2015 qui indique notamment : 'le mandataire ([N]) n'est pas en mesure de confirmer quels sont les travaux réalisés par l'entreprise Nicolas & Moutte de ceux réalisés par l'entreprise [N] (...) Notre confrère expert, Cabinet CLE M. [S] intervenant pour Axa assureur de l'entreprise [N] a admis nos arguments lors de la nouvelle réunion contradictoire du 30/06/2015 sur l'absence de responsabilité du maître d'oeuvre.'

- le courrier de M. [S], expert désigné par la société Axa, du 7 août 2015 qui mentionne notamment : 'L'imputabilité de 100% du quantum auprès de l'entreprise [N] n'est pas du tout acceptable. En effet, contrairement à vos affirmations, les facturations de l'entreprise [N] et de l'entreprise Nicolas & Moutte sont identiques démontrant que chacune des 2 entreprises a réalisé 50% de la prestation. Le fait que l'entreprise [N] soit mandataire, ce qui à ce jour n'a pas été démontré, aucun document contractuel n'ayant été fourni, ne peut entraîner 100% de responsabilité pour l'entreprise [N]', ce qui démontre que n'était pas discuté le principe de l'indemnisation partielle par Axa au titre de la responsabilité contractuelle de son assurée.

Il n'est pas démontré que les réparations prévues en premier lieu par l'expert auraient été insuffisantes, le rapport complémentaire faisant état d'une aggravation du dommage concernant les revêtements muraux à la suite des premières réparations réalisées.

Le lot 06 a été attribué au 'groupement [N] et Nicolas & Moutte'. Au regard de l'acte d'engagement signé par M. [X] [N] 'agissant en tant que mandataire solidaire du groupement conjoint de la S.A.R.L. [N] et Nicolas & Moutte' du 6 juin 201, il apparaît que la société [N] est solidairement responsable, avec la société Nicolas & Moutte, des dommages couverts par la garantie décennale.

Dès lors, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Axa, en qualité d'assureur de la société [N], à verser à la société Balcia, subrogée dans les droits du maître d'ouvrage, une provision de 57 634, 93 euros.

Il convient de dire que l'intervention du cabinet économique Etudes et quantum était nécessaire dans le cadre de la reprise des désordres de nature décennale et le remboursement de ses honoraires à la société Balcia n'apparaît pas sérieusement contestable. La société Axa sera donc condamnée à lui verser une provision de 974, 16 euros à ce titre et la décision déférée sera infirmée de ce chef.

Sur l'appel en garantie

La société Axa fait valoir que la société Nicolas & Moutte, qui a pour assureur la société Generali, a participé à la réalisation des travaux à l'origine des désordres et soutient que cette participation implique une condamnation à parts égales à indemniser la société Balcia, dès lors que n'est pas communiqué une convention de groupement fixant la répartition des tâches.

Elle ajoute que la société Generali prétend à tort qu'il serait impossible de statuer en référé sur l'application d'un contrat d'assurance car il n'existe en l'espèce aucune contestation sérieuse. Elle fait valoir que, si la police a été résiliée en décembre 2011, c'est la date du début des travaux, soit août 2011, qui détermine la mobilisation de l'assurance.

Elle conclut à la condamnation de la société Generali à la relever indemne de la moitié des sommes qu'elle pourrait avoir à payer à la société Balcia.

La société Generali, intimée, soulève l'incompétence du juge des référés pour statuer sur l'application de la police, résiliée le 1er janvier 2012 alors que la société Nicolas & Moutte a été liquidée en 2013. Elle fait valoir que ce juge n'est pas compétent pour se prononcer sur la mobilisation ou non des garanties d'une police d'assurance.

Elle affirme, sur le fond que, pour que sa garantie puisse être mobilisée, le désordre doit être imputable à son assuré, ce qui n'est pas démontré en l'espèce, son implication ne pouvant résulter de sa seule appartenance au groupement en charge du lot dont les désordres relèvent.

Elle conclut à la confirmation de l'ordonnance en ce que la demande de la société Axa à son égard a été rejetée.

Sur ce,

L'article L. 241-1 du code des assurances dispose que : 'Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

A l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité.

Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance'.

Dès lors qu'il n'est pas contesté que la société Nicolas & Moutte disposait d'une assurance décennale valide à l'ouverture du chantier, la garantie de la société Generali est donc mobilisable même si la résiliation du contrat est intervenue par la suite.

Il est démontré avec l'évidence requise que la société Nicolas & Moutte est intervenue dans les travaux litigieux puisque le rapport préliminaire dommages-ouvrage du 11 décembre 2014 relatif au 'défaut de renfort de l'ensemble des WC de l'établissement' mentionne notamment :'les comptes rendus de chantier n°38 et 39 de mai 2012 demandent au groupement lot n°06 de confirmer la bonne réalisation des renforts de cloisons ce qui est fait par mail par l'entreprise Nicolas & Moutte le 18/05/2012".

La société Axa verse aux débats le décompte final établi par le CCAS qui fait apparaître que les travaux du lot 06 ont été réglés à hauteur de 206 960, 41 euros à la société [N] et de 209 272, 94 euros à la société Nicolas& Moutte.

Ces éléments permettent de retenir, avec l'évidence requise en référé, que la société Generali doit être tenue de garantir la société Axa à hauteur de 25% . L'ordonnance attaquée sera infirmée de ce chef.

sur les demandes accessoires

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Parties essentiellement perdantes, la société Axa et la société Generali ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. L'appelante principale devra en outre supporter les dépens d'appel in solidum avec la société Generali.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Balcia la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. La société Axa sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes formées à l'encontre de la société Generali et celle au titre des honoraires du cabinet Etudes et quantum ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant ;

Condamne la société Axa France Iard à verser à la société Balcia Insurance SE la somme de 974, 16 euros à titre provisionnel au titre des honoraires du cabinet Etudes et quantum ;

Condamne la société Generali à garantir la société Axa France Iard à hauteur de 25% de la condamnation provisionnelle prononcée ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société Axa France Iard à payer à la société Balcia Insurance la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Axa France Iard et la société Generali aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 22/01077
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;22.01077 ?
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