COUR D'APPEL
de
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 DECEMBRE 2022
N° RG 21/00097
N° Portalis DBV3-V-B7F-UH54
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : 18/01023
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Christophe LAUNAY
Me Frédéric ZUNZ
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le 8 décembre 2022,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [K] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Christophe LAUNAY, constitué / plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 170
APPELANT
***
S.A.S. CAPGEMINI ENGINEERING RESEARCH AND DEVELOPMENT
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Frédéric ZUNZ de la SELEURL MONTECRISTO, constitué / plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J153
INTIMEE
***
Composition de la cour
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Monsieur Mohamed EL GOUZI, greffier lors des débats.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [K] [I] a été engagé à compter du 25 juillet 2016 en qualité de responsable technique, statut cadre, par la société Sogeti High Tech devenue Capgemini DEMS France puis Capgemini Engineering Research & Development, selon contrat de travail à durée indéterminée.
L'entreprise, qui est spécialisée dans le secteur de l'ingénierie et des études techniques, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des bureaux d'études techniques dite Syntec.
Par ordre de mission couvrant la période du 25 juillet 2016 au 31 janvier 2017, M. [I] a été affecté à l'assistance technique du projet « nouvelle concentration des produits de fission » dit NCPF d'extension de bâtiments sur le site de [Localité 5], au sein de la société Areva.
Convoqué le 17 novembre 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 30 novembre suivant, M. [I] a été mis à pied à titre conservatoire par courrier du 23 novembre 2017 et a été licencié par lettre datée du 5 décembre 2017 énonçant une faute grave.
Contestant son licenciement, M. [I] a saisi, le 17 août 2018, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s'est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 17 décembre 2020, notifié le 6 janvier 2021, le conseil a statué comme suit :
Dit et juge que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [I] de l'ensemble de ses demandes,
Reçoit la société en ses demandes reconventionnelles et l'en déboute,
Met les éventuels dépens à la charge de M. [I].
Le 8 janvier 2021, M. [I] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Selon ses dernières conclusions notifiées le 1er septembre 2022, M. [I] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de :
Juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse
Condamner la société Capgemini Engineering Research & Development (anciennement dénommée Capgemini DEMS) à lui verser les sommes suivantes :
- 1 852 euros au titre des salaires pendant la période de mise à pied conservatoire
- 185,20 euros au titre des congés payés afférents
- 13 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 1 300 euros au titre des congés payés afférents
- 2 166 euros au titre de l'indemnité de licenciement
- 8 666 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 13 000 euros au titre des dommages intérêts en raison des conditions vexatoires de la rupture.
- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Mettre les dépens à la charge exclusive de la société.
Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 17 juin 2021, la société par actions simplifiée Capgemini Engineering Research & Development demande à la cour de :
À titre principal,
Dire et juger que le licenciement notifié est parfaitement justifié ;
En conséquence :
Confirmer le jugement ;
En tout état de cause,
Condamner M. [I] au versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. [I] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Par ordonnance rendue le 5 octobre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 25 octobre 2022.
MOTIFS
La lettre de licenciement est ainsi libellée :
' Votre mission sur le projet NCPF est d'assurer la responsabilité du lot Installation Générale, à savoir de piloter techniquement l'ensemble des activités du lot IG Sogeti High Tech tel que décrit dans l'organisation du projet et notamment :
- Garant technique des travaux SHT,
- Définition et suivi des tâches techniques
- Suivi des équipes d'un point de vue technique
- Vérificateur des livrables avant envoi au client
Le 11 octobre 2017, un point projet NCPF a été organisé par [Y] [M], Branch Manager avec [Z] [O], chef de projet, [U] [J] practice manager et vous-même.
L'objet de ce point projet était de lever les risques sur la validation des derniers livrables IG.
A cette occasion, vous avez expliqué que vous n'étiez pas responsable de la validation d'une partie des livrables. Par ailleurs, vous avez déclaré en séance que [Z] [O], [U] [J] et [Y] [M], ainsi que le client Areva ne savaient pas piloter les projets et que vous étiez le seul à savoir le faire.
[Y] [M] vous a alors mis en garde sur le fait que vous ne pouviez tenir une telle position de dénigrement de votre hiérarchie et surtout du client. Il attendait donc un changement rapide de posture de votre part.
Vous avez néanmoins maintenu votre position et refusé d'écouter et d'appliquer les directives qui vous avaient déjà été rappelé à plusieurs reprises.
Ainsi, lors de votre entretien du 26 juillet 2017 avec [U] [J], practice manager, vous aviez défini ensemble les axes d'amélioration à mettre en 'uvre à très court terme afin de répondre aux enjeux du projet :
- D'une part, il vous a rappelé l'importance des éléments suivants et leurs applications immédiates :
o Fiabilisation du reste à faire sur la partie forfait, c'est-à-dire, en fonction de votre REX et des compétences des consultants agréés pour ce projet, réaliser une estimation réelle en heures ou en jours de la quantité du travail restant à faire (et non basé uniquement sur la base du budget initial et du consommé)
o Planification et suivi des actions en lien avec les travaux restants
o Transmission hebdomadaire de l'état d'avancement du BE au chef de projet (tâches, actions et RAF en heures ou en jours)
- D'autre part, vous avez convenu de la nécessité d'avoir une posture commune vis-à-vis du client et l'importance d'un fonctionnement interne évitant tout clivage avec votre chef de projet et l'équipe opérationnelle, afin de maintenir la confiance du client.
Vous n'avez donc manifestement tenu aucun compte des axes d'amélioration fixés à cette occasion.
Pire encore, vous avez réitéré votre conduite à plusieurs reprises par la suite, à l'occasion de différents mails dans lesquels vous vous êtes permis de mettre en copie le client de manière inappropriée et sans tenir compte de la confusion et de l'image négative générée par votre communication inadaptée.
Ainsi par mail du 9 novembre 2017, vous avez sollicité [Z] [O], chef de projet pour la mise à disposition de ressources pour le lendemain matin en mettant en copie le client. Votre manager vous a naturellement répondu que cette demande était irréaliste et que mettre en copie le client d'une telle demande était donc de nature à nous mettre en défaut vis-à-vis de lui.
Par mail du 13 novembre 2017, vous avez adressé directement au client une réponse à la demande d'analyse en interne sur les livrables que vous avait demandés votre chef de projet en vue de préparer une réunion avec le client, ce qui a eu pour conséquence une discussion houleuse entre le chef de projet et le client.
Par mail du 14 novembre 2017, vous vous adressez directement au client en indiquant « Je rappelle que je ne suis pas à l'origine de ces implantations pièces nettoyées initiales et existantes en maquette comme pour les autres niveaux du bâtiment, cela ne faisait pas partie de mon scope et tâches à traiter. Merci de ne pas me responsabiliser sur ces problématiques ».
Là encore une telle communication est totalement inadaptée, tant sur le fond que sur la forme.
Par mail du 17 novembre 2017, vous avez de nouveau envoyé directement aux principaux responsables du client un mail indiquant : « merci de redéfinir clairement mon rôle dans cette organisation (coordination + vérification ou vérification uniquement) »
En retour votre manager [U] [J] vous a rappelé par mail « Comme demandé à plusieurs reprises, merci de ne pas écrire au client des éléments qui sont du ressort de SED et qui nous mettent en porte-à-faux. Ce n'est pas à AREVA d'intervenir entre toi et le reste de l'équipe ».
En réponse par mail du même jour, vous avez une nouvelle fois dénigré les actions de votre management et de votre chef de projet « A cause de votre mutisme pour des décisions qui doivent être prises par le projet (toi et [Z]), je me retrouve également à défaut à cause de vous devant le client pour différents sujets que je vous ai transmis (avec traçabilité à l'appui).
Enfin le 22 Novembre 2017, vous envoyez un mail à l'ensemble des collaborateurs du projet ainsi qu'à l'ensemble des responsables du client mettant en cause l'attitude de votre hiérarchie Sogeti, et leurs compétences de gestion de projet, notamment le projet NPCF.
Compte tenu de ce qui précède, il ressort que :
- Vous avez fait preuve d'insubordination répétée en refusant d'exécuter les termes de votre contrat de travail et de suivre les directives qui vous étaient transmises en terme de communication client : vous avez ainsi volontairement poursuivi une communication que vous saviez inadaptée et préjudiciable pour l'entreprise, sans tenir compte des alertes et demandes de votre hiérarchie ;
- Vous avez abusé de votre liberté d'expression en dénigrant devant et auprès du client les compétences de votre manager et de votre chef de projet, ce qui revient à dénigrer notre entreprise puisque chaque collaborateur, et les compétences qu'il détient, en est le représentant auprès du client ;
- Enfin, vous êtes même allé, lors du point projet du 11 octobre 2017, jusqu'à dénigrer les propres compétences du client !
Votre comportement nous est fortement préjudiciable en ce qu'il nuit à notre réputation de professionnel sérieux et fiable auprès de l'un de nos principaux clients, le client AREVA. Une telle attitude est de nature (') à remettre en cause la confiance que celui-ci nous porte et à nous faire perdre des contrats, sans compter les difficultés techniques et relationnelles générées par votre communication dans le cadre du projet NPCF.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et nous conduit à vous notifier votre licenciement pour faute grave'.
Sur la cause du licenciement
Dénonçant le départ sans remplacement en mai 2017 du coordinateur des travaux confiés à trois sociétés différentes, dont son employeur souhaita, en dépit de son refus, lui attribuer les fonctions, M. [K] [I], qui conteste avoir dénigré lors de la réunion du 11 octobre 2017 sa hiérarchie ou le client, et dispute pour le surplus le contexte de ses mails, reproche essentiellement à l'employeur ses carences, faute de lui avoir alloué les moyens nécessaires aux missions qui lui étaient confiées, dont se plaignait la société Areva.
La société Capgemini, considérant que l'intéressé manqua de distance envers cette dernière dont il épousa les thèses, lui fait grief de son comportement déloyal, contre lequel elle le prévint, en précisant qu'il lui incombait d'assurer la coordination des activités partagées entre les 3 entreprises associées au projet quand il entra en phase de décroissance, et que les justes moyens étaient apportés aux besoins que M. [K] [I] eut, en réalité, du mal à apprécier et à communiquer, en dépit des relances qui furent adressées.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.
Les contours de la mission impartie le 25 juillet 2016 à M. [K] [I] sont ainsi décrits : « contexte de la mission : assistance technique » « description des travaux à réaliser et activités principales : réalisation d'une maquette PDMS, coordination des équipes d'aménageurs », et les objectifs fixés se déploient autour du respect de la qualité, des délais, de la fluidité de la communication au sein de l'équipe, qu'il dirigera.
Il est acquis aux débats qu'il s'occupait du volet d'ingénierie physique d'un lot concernant trois entreprises.
S'il n'est pas contesté qu'un tiers s'occupait d'emblée de la coordination technique des trois entreprises travaillant de concert sur l'élaboration du projet, et qu'il le quitta avant son achèvement en mai 2017, toujours est-il que contrairement à ce qu'affirme l'appelant, sa mission évoquait déjà la coordination des équipes sans précision desquelles, et par ailleurs la fiche de son poste conventionnel : « responsable technique au sein de la profession ingénierie physique en qualité de cadre » précise qu'il contient la charge d'un projet, la coordination et l'avancement des projets de réalisation. Dès lors, le pouvoir de direction de l'employeur l'autorisait à lui impartir, au départ de ce tiers, la coordination du projet, et il importe peu à cet égard que M. [K] [I] n'ait pas signé un autre ordre de mission après celui échu le 31 janvier 2017, la relation s'appréhendant dans le contrat de travail dont cet ordre ne saurait pas constituer un avenant, ainsi que le relève à juste titre l'employeur, le contrat précisant : « en raison du caractère évolutif des activités exercées par Capgemini France (') ce rôle, associé aux premières missions qui vous seront confiées, s'inscrit dans une dynamique de développement de vos compétences. Il ne constitue donc pas un élément essentiel de votre contrat. »
Cela étant, son contrat de travail stipule une obligation de neutralité et de discrétion et M. [K] [I] s'engageait à ne pas dénigrer les méthodes et valeurs de l'entreprise ainsi que celles de ses clients, en toutes circonstances.
Le 9 novembre 2017, le salarié adressait à la société Areva, qui l'interrogeait, un mail d'analyse de la reprise des tâches à finaliser, alors que, comme l'indique l'intitulé différent des mails, il ne peut arguer avoir répondu, par mail du 9 novembre improprement désigné comme étant du 13 dans la lettre de licenciement, à une demande du client. Au contraire, l'allégation adverse d'une invitation à cette analyse interne pour préparer la réponse donnée, à un autre niveau, au client est corroborée par le mail du chef de projet informant son propre supérieur de cet impair qui permit à la société Areva de connaître l'approche de son partenaire.
Ensuite, il est acquis aux débats que par mail du 9 novembre 2017, dans la soirée, l'intéressé sollicitait auprès de son chef de projet les ressources humaines nécessaires pour finaliser ces diverses tâches de reprise demandées par la société cliente, en mettant en copie cette dernière en ces termes : « merci de prévoir à partir de ce vendredi matin les ressources nécessaires, suivant les derniers mails (...). [S], qui a déjà commencé les tâches de reprise, ne pourra pas traiter à lui seul, l'ensemble des demandes urgentes » du client. M. [K] [I] se borne à indiquer, aux débats, avoir mis en copie la société Areva du mail adressé à son supérieur pour l'aviser de ses diligences face à ses exigences non réalistes. Toujours est-il qu'il fut avisé par retour de courrier de n'avoir pas à le faire.
Le 14 novembre suivant, il est acquis aux débats que, dans un mail adressé à la société Areva, M. [K] [I] se défendit que ses doléances sur des implantations ne concernent son lot et ses tâches, et le 17 lui a fait connaître ses difficultés au regard d'une coordination qui, quoique exigée, ne lui incomberait pas en ces termes « merci de redéfinir clairement mon rôle dans cette organisation », en sorte que comme le fait justement observer l'employeur, il l'impliqua dans le désordre supposé de la prestation de service fournie par la société Sogeti qui était litigieuse, dans ses rapports avec cette dernière puisqu'il avait refusé de signer un second ordre de mission évoquant la coordination « technique IG/support » qu'assumait l'intimée jusqu'en mai et qu'elle souhaitait lui voir poursuivre auprès de la société Areva. De nouveau, M. [K] [I] était avisé par courrier du 17 novembre de l'un de ses supérieurs en ces termes : « ce n'est pas la première fois que je te demande de ne pas nous mettre en porte à faux vis-à-vis du client en écrivant ce genre de mail. »
Enfin, le 22 novembre, M. [K] [I] informait la société Areva et, ainsi qu'il le reconnaît, les autres acteurs du projet de la procédure disciplinaire initiée à son encontre, par un mail où il explique longuement n'avoir pas commis de faute « je ne vois donc pas la faute dans le cadre de mon travail » « cette décision [de le licencier] concerne probablement toutes mes recommandations de méthodes, qualité que j'ai pu transmettre depuis plus d'1 an à ma hiérarchie (') afin de pouvoir améliorer et structurer au mieux le bureau d'étude côté SOGETI, une structure inexistante à mon arrivée » « nous avons conjointement rattrapé au mieux [s'entend avec la société Areva] (') le travail qui avait été réalisé initialement avant mon arrivée, [où] il a fallu tout refaire en études ou presque ». Il poursuit ainsi : « malheureusement, je n'ai eu aucun accompagnement jusqu'à ce jour de ma hiérarchie SOGETI, principalement [suivi des noms de ses supérieurs], qui n'ont jamais répondu à toutes mes recommandations à tous mes mails depuis 1 an ». Il continue plus loin : « le projet et ma hiérarchie m'ont également demandé de couvrir certaines de leurs lacunes comme mon suivi des actions qui sont toujours pas réalisé[e]s (') cela m'a mis à défaut vis-à-vis de vous dans le cadre de mon travail à cause de ma hiérarchie ». Il termine sur ces mots : « j'aurai besoin (') de me rendre disponible pour commencer par dénoncer certains faits à l'inspection du travail et potentiellement porter plainte pour des problématiques de harcèlements et abus d'autorité à mon encontre (') »
Cette correspondance, après plusieurs mises en garde, récentes, de la société Sogeti de n'avoir pas à impliquer les clients, et notamment la société Areva, dans les relations du salarié à son employeur ou dans l'organisation interne de la prestation commandée, manifeste, après plusieurs impairs porteurs d'une certaine confusion, un dénigrement radical tant des méthodes que des valeurs de l'entreprise qui rendait par évidence impossible son maintien dans son poste, en sorte que la société Sogeti rapporte suffisamment la preuve de manquements rendant impossible le maintien de M. [K] [I] dans l'entreprise. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement causé et a débouté le requérant de ses demandes principales et subséquentes.
Sur les conditions vexatoires du licenciement
M. [K] [I] exprime avoir été humilié, s'étant vu interdire le jour de sa mise à pied conservatoire l'accès à son lieu de travail où il était convié à un entretien de développement professionnel, sans qu'il n'en connût alors les causes, dont l'employeur l'informa ensuite.
Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi. Il en est ainsi alors même que le licenciement lui-même serait fondé, dès lors que le salarié justifie d'une faute et d'un préjudice spécifique résultant de cette faute.
L'appelant n'étant pas démenti et justifiant par ailleurs avoir été convoqué ce matin à un entretien d'évaluation professionnelle qui fut maintenu en dépit de sa demande de le reporter, il s'en suit que l'employeur commit une faute dans la mise en 'uvre, singulièrement radicale, de la mise à pied de M. [K] [I], qu'il convient de réparer par l'allocation de 500 euros, au paiement desquels la société Capgemini sera condamnée. Le jugement du conseil de prud'hommes qui n'a pas statué sur cette prétention sera complété en ce sens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a omis de statuer sur la demande de M. [K] [I] en indemnisation des conditions de la rupture ;
Statuant du chef ainsi omis et y ajoutant ;
Condamne la société par action simplifiée Capgemini engineering research & development à payer à M. [K] [I] 500 euros en réparation de son préjudice moral né des conditions vexatoires de la rupture ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société par action simplifiée Capgemini engineering research & development aux dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Alexia LACROIX, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,