La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2022 | FRANCE | N°20/02235

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 08 décembre 2022, 20/02235


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 DÉCEMBRE 2022



N° RG 20/02235 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UC56



AFFAIRE :



[X] [Z] épouse [H]



C/



S.A.S. EMITECH









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : F17/00970
>

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Clément RAINGEARD de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT



Me Sofiane KECHIT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 DÉCEMBRE 2022

N° RG 20/02235 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UC56

AFFAIRE :

[X] [Z] épouse [H]

C/

S.A.S. EMITECH

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : F17/00970

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Clément RAINGEARD de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT

Me Sofiane KECHIT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 27 octobre 2022, puis prorogé au 17 novembre 2022, puis prorogé au 08 décembre 2022, les parties ayant été avisées dans l'affaire entre :

Madame [X] [Z] épouse [H]

née le 31 Décembre 1982 à FORBACH (57)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Clément RAINGEARD de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 31, substitué par Me Eugénia GENTIL, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S. EMITECH

N° SIRET : 344 545 645

[Adresse 1]

CAP 78

[Localité 3]

Représentant : Me Sofiane KECHIT, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K168 - Représentant : Me Mélaine BAILLARGEAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K100

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] [Z] épouse [H], dite ci-après Mme [H], a été engagée à compter du 2 mai 2007 par la société Emitech en qualité d'assistante qualité. Elle a été promue responsable qualité à compter du 1er février 2011. Elle était classée en dernier lieu ingénieur, position II, coefficient 114, et était rémunérée sur la base d'un salaire mensuel brut de 3 702 euros pour 217 jours de travail par an.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

La salariée a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 4 avril 2017, puis en congé de maternité du 10 mai au 29 août 2017, puis en congés payés à compter du 30 août 2017.

Elle a informé son employeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 août 2017 de son souhait de bénéficier à compter du 30 septembre 2017 et pour une période de six mois d'un passage à temps partiel à raison de 80% d'un temps plein pour l'éducation d'un enfant.

Elle a été convoquée par son employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 septembre 2017 à un entretien professionnel fixé au 9 octobre 2017, date de sa reprise du travail.

Par mail du 11 octobre 2017, elle a mis son employeur en demeure de la réintégrer dans ses fonctions de responsable qualité.

Par lettre remise en main propre contre décharge le jeudi 12 octobre 2017, la société Emitech estimant que le poste de responsable qualité non compatible avec le temps partiel envisagé par Mme [H], a proposé à celle-ci quatre postes en lui impartissant un délai de 48 heures, soit jusqu'au lundi 16 octobre 2017 inclus, pour lui faire part de son choix, lui indiquant qu'à défaut de réponse expresse de sa part dans ce délai, elle considérera qu'elle a refusé ces postes et en tirera toutes conséquences.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 octobre 2017, Mme [H] a mis en demeure la société Emitech de la réintégrer dans son poste de responsable qualité sans délai.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 octobre 2017, l'employeur a confirmé à la salariée qu'elle était mise à pied à titre conservatoire et l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave fixé au 23 octobre 2017, puis par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 octobre 2017, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Contestant son licenciement, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles, par requête reçue au greffe le 1er décembre 2017, afin d'obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 23 septembre 2020, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Versailles a :

- dit que la demande de Mme [H] est recevable et bien fondée,

- fixé la rémunération mensuelle moyenne de Mme [H] à la somme de 3 726,80 euros,

- dit que les faits reprochés à Mme [H] caractérisent une faute grave,

- dit que le licenciement de Mme [H] était fondé,

- dit que Mme [H] n'a pas fait l'objet d'une mesure discriminatoire,

- débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes,

- laissé les éventuels dépens à la charge des parties.

Mme [H] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 9 octobre 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 7 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [H] demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- la dire recevable et bien-fondée en ses conclusions ;

- fixer sa rémunération mensuelle moyenne à la somme de 3 726,87 euros ;

- dire que son licenciement est nul ;

- condamner en conséquence, la société Emitech à lui verser les sommes suivantes :

*rappel de salaire sur mise à pied (10 jours) : 1 709,14 euros bruts,

*congés payés afférents : 170,91 euros bruts,

*rappel d'indemnité de préavis : 11 180,61 euros bruts,

*congés payés afférents : 1 118,06 euros bruts,

*rappel d'indemnité de licenciement : 10 230,44 euros,

*dommages-intérêts pour licenciement nul : 67 000,00 euros nets,

*dommages-intérêts pour discrimination : 22 500,00 euros nets,

*dommages-intérêts pour préjudice moral distinct :12 250,00 euros nets,

*article 700 du code de procédure civile : 5 000,00 euros ;

- enjoindre la remise des bulletins de salaire rectifiés et documents de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision ;

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal ;

-ordonner le remboursement par la société Emitech aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils lui ont versées à concurrence de six mois ;

- condamner la société Emitech au paiement de la somme de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Emitech aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 1er avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Emitech demande à la cour :

¿ à titre principal, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouter en conséquence, Mme [H] de l'intégralité de ses demandes ;

¿ à titre subsidiaire, si la cour venait à infirmer le jugement entrepris et à considérer le licenciement de Mme [H] comme nul, de :

- limiter le montant de sa condamnation au titre de l'indemnité pour licenciement nul à la somme de versement de 22 361,22 euros (6 mois) ;

¿ à titre reconventionnel :

- condamner Mme [H] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [H] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement

Mme [H] soutient que son licenciement est nul pour avoir été prononcé en violation des dispositions de l'article L. 1225-4 du code du travail.

La société Emitech, le conteste, soutenant qu'elle justifie d'une faute grave commise par la salariée. Elle fait valoir que le poste de responsable qualité n'était plus disponible en raison de la nouvelle organisation du service qualité, qui avait pour effet d'amoindrir le rôle du responsable qualité, qu'il était incompatible avec la demande de Mme [H] de bénéficier d'un temps partiel en étant absente le mercredi, que la salariée, qui a refusé la promotion au poste de responsable de l'international qui lui était proposé, qui répondait à son souhait d'évoluer vers un poste de directrice, et a refusé également les trois postes similaires au sien qui lui ont été proposés, qui n'entraînaient qu'un simple changement de ses conditions de travail, a, par ses refus successifs et son opposition systématique à toute recherche de solution, fait preuve d'insubordination et a adopté en outre une attitude de défiance à son égard, en lui adressant des mises en demeure.

Selon l'article L. 1225-4 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constatée, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.

Selon l'article L. 1225-25, à l'issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

Il résulte de ces dispositions que c'est seulement lorsque l'emploi qu'elle occupait précédemment n'est plus disponible que la salariée peut se voir proposer un emploi similaire. Il appartient donc à l'employeur de démontrer l'absence de disponibilité du poste antérieurement occupé par la salariée.

Selon l'article L. 1225-47, pendant la période qui suit l'expiration du congé de maternité, tout salarié justifiant d'une ancienneté minimale d'une année à la date de naissance de son enfant, a le droit :

1° Soit au bénéfice d'un congé parental d'éducation durant lequel le contrat de travail est suspendu ;

2° Soit à la réduction de sa durée de travail, sans que cette activité à temps partiel puisse être inférieure à seize heures hebdomadaires.

Le bénéfice de ces dispositions est soumis à l'information préalable de l'employeur mais ne requiert pas son autorisation. Lorsque le salarié opte pour une réduction de sa durée de travail, la fixation de l'horaire de travail, à défaut d'accord des parties, relève du pouvoir de direction de l'employeur.

Lorsque la salariée exerce la faculté que lui offre l'article L. 1225-47 de passer à temps partiel à l'issue de son congé de maternité, elle est en droit de reprendre à temps partiel l'emploi qu'elle occupait précédemment à temps plein, s'il est disponible, sauf si l'employeur démontre que cet emploi n'est pas compatible avec cette activité.

La lettre de licenciement notifiée à Mme [H] le 27 octobre 2017, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

'...A la suite de votre congé maternité, vous avez souhaité bénéficier d'un congé parental à temps partiel que nous avons validé par courrier du 14 septembre 2017 en vous précisant que celui-ci pourrait intervenir dans le cadre d'un détachement suite à un appel d'offres pour la mise en place d'un système de management de la qualité selon le référentiel ISO 17025 d'une entreprise basée à [Localité 7].

Notre entreprise n'ayant pas été retenue pour cet appel d'offres, vous avez été convoquée à un entretien le 9 octobre 2017 pour évoquer avec vous les modalités de votre reprise au sein de la société.

A cette occasion, nous vous avons indiqué que la reprise de votre poste de responsable qualité n'était pas compatible avec le temps partiel que vous envisagiez.

Nous vous avons donc proposé d'évoluer au sein de notre entreprise sur un poste de niveau supérieur comme responsable de l'international selon fiche de poste que nous vous avons remise lors de cet entretien.

Comme indiqué lors de cet entretien, ce poste constituait une promotion puisque votre indice était porté de 114 à 120 et votre rémunération mensuelle brute de 3 702 euros à 4 000 euros bruts en équivalent temps plein.

De surcroît, ce poste était compatible avec votre demande de congé parental à temps partiel et s'accompagnait d'une formation en anglais compte-tenu du caractère international des fonctions envisagées.

Au cours de notre entretien du 9 octobre, nous vous avons également proposé si le poste de responsable en international ne vous convenait pas, trois autres postes de responsable d'affaires sur trois pôles distincts, à savoir le pôle Automobile, Aéromilitaire et Industries, selon les conditions suivantes :

- indice : inchangé (114),

- rémunération : inchangée (3 702 euros bruts par mois en équivalent temps plein),

- lieu de travail : inchangé ([Localité 6]),

- statut : cadre en forfait jours.

Compte-tenu des efforts entrepris pour identifier des fonctions compatibles avec votre demande de congé parental à temps partiel, nous avons été pour le moins choqués de votre courriel du 11 octobre 2017 aux termes duquel vous nous indiquiez en parfaite mauvaise foi que 'vous ne disposiez à ce jour d'aucune attribution [...]' et 'vous nous mettiez en demeure de vous réintégrer sans délai dans vos fonctions de responsable qualité'.

Par courrier en réponse du 12 octobre 2017, nous vous avons rappelé que la reprise de votre poste de responsable qualité n'était pas compatible avec le temps partiel que vous envisagiez et que les évolutions de postes proposées n'étaient pas négociables tout en vous laissant un délai de 48 heures pour vous positionner sur ces différents éléments.

Dès le 13 octobre 2017, vous nous avez informé par courriel et lettre recommandée avec accusé de réception du même jour que 'vous ne pouviez accepter la présente situation et le non-respect de vos obligations à votre égard', n'hésitant pas à réitérer votre mise en demeure de réintégration dans vos fonctions sans délai !

Nous considérons pour notre part que votre refus persistant de ce simple changement de vos conditions de travail s'analyse en un acte d'insubordination caractérisant un manquement grave de votre part à vos obligations contractuelles.

De surcroît, il génère une perte de temps préjudiciable quant à la prise d'effet des fonctions de responsable de l'international, poste qui doit désormais faire l'objet d'un recrutement.

Ce refus réitéré d'accepter les évolutions de postes notifiées nous contraint à vous licencier pour faute grave sans préavis, ni indemnité de licenciement.

Nos relations contractuelles cesseront donc à la date de la présente lettre.'

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il invoque à l'appui du licenciement.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate. Le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail, s'il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne constitue pas à lui seul une faute grave.

Il est établi que :

- par mail diffusé au sein du groupe le 6 avril 2017, la société Emitech a fait savoir que, pour un heureux motif, Mme [H] sera absente jusqu'au 9 octobre suivant et que Mme [F] assurera son remplacement en tant que responsable qualité pour le groupe à compter de ce jour et jusqu'au retour de celle-ci ;

- par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 août 2017, Mme [H] a informé la société Emitech de son souhait de bénéficier pour une période de six mois à compter du 30 septembre 2017, d'un passage à temps partiel à raison de 80% d'un temps plein pour l'éducation d'un enfant et a ajouté : 'Afin d'honorer mon 80%, j'aimerai venir travailler le lundi, mardi, jeudi et vendredi afin de consacrer mon mercredi à ma fille.' ;

- par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 septembre 2017, l'employeur a répondu à la salariée :

*que, faisant suite à son courrier de 30 août 2017, lui demandant de bénéficier d'un congé parental d'éducation à temps partiel pour une période de six mois au taux de 80% à compter du 30 septembre 2017 avec pour jour non travaillé le mercredi, il l'informe qu'il accède à sa demande et que son congé parental d'éducation débutera le 30 septembre 2017 et se terminera le 30 mars 2018 ;

- qu'il l'informe également qu'il envisage de proposer son intervention pour une mission objet d'un appel d'offre d'une entreprise basée à [Localité 7] pour la mise en place d'un système de management de la qualité selon le référentiel ISO 17025, indiquant qu'elle est la personne qui a le profil le plus adapté et les compétences pour y répondre et concluant : 'votre congé parental à temps partiel ne sera pas incompatible.' ;

- par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 septembre 2017, l'employeur a informé la salariée qu'il n'a pas été retenu dans le cadre de cet appel d'offres et qu'elle n'est donc plus concernée par cette mission qui était compatible avec son congé parental à temps partiel, et l'a convoquée à un entretien professionnel qu'il a fixé au 9 octobre 2017, jour de son retour de congé de maternité ;

- par mail du 10 octobre 2017, la salariée a demandé à son employeur de lui indiquer au plus vite ses conditions de reprise ;

- par mail du 11 octobre 2017, la salariée a écrit à son employeur qu'en dépit de son obligation de la réintégrer dans ses fonctions, elle ne dispose à ce jour d'aucune attribution, qu'il refuse manifestement qu'elle reprenne son poste et l'a mis en demeure de la réintégrer sans délai dans ses fonctions de responsable qualité ;

- par lettre remise en main propre contre décharge le jeudi 12 octobre 2017, l'employeur a répondu à la salariée que lors de l'entretien du 9 octobre 2017 il lui a indiqué que la reprise de son poste de responsable qualité n'était pas compatible avec le temps partiel envisagé et lui a proposé un poste de niveau supérieur, celui de responsable de l'international, multi secteur, indice 120 contre 114 antérieurement, moyennant un salaire mensuel brut de 4 000 euros en équivalent temps plein, contre 3 702 euros antérieurement, compatible avec le temps partiel et s'accompagnant d'une formation en anglais, ainsi que trois autres postes de responsable d'affaires sur les pôles Automobile, Aéromilitaire et Industriel, avec un indice et un salaire inchangé, et lui a imparti un délai de 48 heures soit jusqu'au lundi 16 octobre 2017 inclus pour lui faire part du poste choisi, en indiquant qu'à défaut de réponse expresse de sa part dans ce délai, il considérera qu'elle a refusé ces postes et en tirera toutes conséquences ;

- par mail et lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressés à son employeur le 13 octobre 2017, Mme [H] a contesté qu'il lui ait jamais fait part d'une incompatibilité de son poste avec un travail à temps partiel à 80%, a contesté que tel soit effectivement le cas, au regard des modalités d'exercice de ses fonctions avant son congé maternité et du caractère très limité dans le temps du passage à temps partiel sollicité, a souligné qu'il a attendu 4 jours pour lui proposer une modification infondée de son contrat de travail avec un ultimatum inacceptable et qu'alors que rien ne s'oppose à sa réintégration dans ses fonctions, il lui propose un poste pour lequel elle ne dispose pas des compétences techniques et qui ne correspond en rien à son profil, l'a mis de nouveau en demeure de la réintégrer dans ses fonctions sans délai ;

- le lundi 16 octobre 2017, l'employeur a notifié à la salariée une mise à pied conservatoire et une convocation à un entretien préalable, puis l'a licenciée pour faute grave.

Il y a lieu de constater que l'employeur ne produit pas le document, dont une copie est remise au salarié, qui doit être rédigé à l'issue de l'entretien professionnel prévu au I de l'article L. 6315-1 du code du travail, auquel la salariée qui reprend son activité à l'issue d'un congé de maternité a droit en application de l'article L. 1225-27 du code du travail.

La société Emitech, qui soutient devant la cour que le poste de responsable qualité de Mme [H] n'était pas disponible en raison de la nouvelle organisation du service qualité, qui avait pour effet d'amoindrir le rôle du responsable qualité, ne justifie pas d'une réorganisation effective du service qualité entre le départ de la salariée en congé de maternité et son retour dans l'entreprise. La comparaison entre la note d'organisation du service qualité du 10 février 2017 et la note d'organisation du service qualité du 24 mai 2018 qu'elle produit ne révèle d'ailleurs aucune évolution significative des missions du responsable qualité, dont les responsabilités demeurent les mêmes. Les évolutions de la norme ISO/CEI 17025 ne constituaient pas non plus une situation nouvelle, la salariée s'étant vue fixer parmi ses objectifs, lors de l'entretien d'évaluation du 16 janvier 2017, l'adaptation du système qualité afin d'y ajouter les évolutions de cette norme. L'indisponibilité du précédent emploi de Mme [H] n'est pas démontrée.

Il est établi que la responsable qualité avait notamment pour tâches de planifier, préparer et effectuer les audits internes et de participer aux évaluations d'accréditation conduites par un organisme extérieur, le comité français d'accréditation (Cofrac), dont elle était l'interlocuteur privilégié.

Les plannings des audits internes et ceux des évaluations Cofrac pour les années 2017 et 2018, ne démontrent pas que le fait que l'absence de Mme [H] le mercredi au cours de la période du 30 septembre 2017 au 30 mars 2018 est de nature à compromettre la réalisation de ses missions. Il en ressort en effet :

- que les audits internes 2017 ont été fixés au cours des semaines 11 et 25, soit entre le 13 mars et le 25 juin 2017, de sorte qu'il ne restait plus à réaliser qu'un audit à [Localité 5] les lundi 11 et mardi 12 décembre 2017 et un audit à Courtaboeuf qui n'est pas mentionné sur le tableau produit par l'employeur et dont la date précise n'est pas indiquée, et que les audits internes 2018 n'étaient prévus qu'à compter du mois d'avril 2018 ;

- que les évaluations du Cofrac étaient prévues les lundi 23 et mardi 24 octobre 2017, les jeudi 23 et vendredi 24 novembre 2017, du lundi 27 au mercredi 29 novembre 2017 (2,5 jours) et les lundi 15 et mardi 16 janvier 2018, puis à compter du mois de mai 2018.

Aucun élément ne permet de considérer que l'unique évaluation comportant un mercredi, à savoir celle du 27 au 29 novembre 2017, ne puisse être déplacée sans dommage.

Plus généralement, la société Emitech ne rapporte pas la preuve que le poste de responsable qualité précédemment occupé par Mme [H] était incompatible avec le passage de celle-ci à temps partiel pour six mois du 30 septembre 2017 au 30 mars 2018.

Il s'ensuit que Mme [H] était bien fondée à prétendre retrouver son précédent emploi de responsable qualité et que les mises en demeure adressées à son employeur pour faire valoir ses droits étaient justifiées.

Il ne saurait au surplus être fait grief à Mme [H] de son refus d'accepter le poste de responsable à l'international, la salariée n'étant pas tenue d'accepter un emploi dont il est établi qu'il emportait modification de son contrat de travail, comme étant d'une catégorie supérieure à la sienne, peu important qu'elle ait postulé antérieurement au poste de directeur qualité avant la suppression de celui-ci en février 2017, et comme comportant également des tâches exigeant une expérience technique et des compétences linguistiques dont elle ne disposait pas.

Il ne saurait pas plus être fait grief à Mme [H] de son refus d'accepter l'un des trois postes de responsable d'affaires proposés, qui ne constituaient pas des emplois similaires à celui de responsable qualité, comme correspondant à une qualification professionnelle différente, s'agissant d'emplois d'ingénieurs commerciaux ('Raison d'être : gagner les affaires et augmenter le chiffre d'affaires, en répondant aux attentes des clients et en élargissant la demande'), ayant pour mission de traiter la demande client/prospect, d'assurer le suivi des affaires, de piloter les affaires et prestations en interface avec le client et d'évaluer la satisfaction client, ce qui exigeait une connaissance des techniques de vente dont la salariée ne disposait pas.

En l'absence de faute grave commise par Mme [H] et a fortiori de toute faute, son licenciement par la société Emitech au cours des dix semaines suivant l'expiration de la période de congés payés pris immédiatement après son congé de maternité, est nul. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de ce chef et de ses demandes subséquentes de dommages-intérêts pour licenciement nul et d'indemnités de rupture.

Sur les conséquences de la nullité du licenciement

Le salarié dont le licenciement est nul a droit aux indemnités de rupture.

Il est justifié par les bulletins de paie et l'attestation Pôle emploi produits que Mme [H] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 3 726,87 euros.

L'intéressée ayant été privée du préavis de trois mois prévu par la convention collective, il convient de condamner la société Emitech à lui payer à titre d'indemnité compensatrice de préavis la somme de 11 180,61 euros bruts, dont le montant n'est pas en lui-même contesté, ainsi que la somme de 1 118,06 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Il convient de condamner également la société Emitech à payer à Mme [H] à titre d'indemnité de licenciement la somme de 10 230,44 euros dont le montant n'est pas non plus en lui-même contesté.

Selon l'article L. 1225-71, l'inobservation par l'employeur des dispositions des articles L. 1225-1 à L. 1225-28 et L. 1225-35 à L. 1225-69 peut donner lieu, au profit du salarié à l'attribution d'une indemnité déterminée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1.

En raison de l'âge de la salariée au moment de son licenciement, 34 ans, du montant de la rémunération qui lui était versée et de son aptitude à retrouver un emploi, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle a subi du fait de la perte de son emploi, la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Nul ne plaidant par procureur, il n'appartient pas à Mme [H] de solliciter l'application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail. Ces dispositions n'étant pas applicables en cas de nullité du licenciement fondée sur l'inobservation par l'employeur des dispositions de l'article L. 1225-4 du code du travail, il n'y a pas lieu non plus d'ordonner d'office le remboursement par la société Emitech à Pôle emploi des indemnités de chômage qu'il a versées le cas échéant à la salariée à compter du jour de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur la demande de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire

En l'absence de faute grave, la mise à pied conservatoire était injustifiée et Mme [H] est bien fondée à prétendre au paiement de sa rémunération durant cette période. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Emitech à payer à l'intéressée, au vu des bulletins de paie produits, la somme de 1 709,14 euros bruts à titre de rappel de salaire ainsi que la somme de 170,91 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination

Mme [H] sollicite l'allocation de dommages-intérêts pour discrimination en raison de sa grossesse.

La société Emitech conteste toute discrimination à son égard.

L'engagement de la procédure de licenciement une semaine seulement après le retour de la salariée dans l'entreprise à l'issue des congés payés ayant suivi immédiatement son congé de maternité et l'éviction de l'intéressée à bref délai, pour un motif lié à l'application des dispositions de l'article L. 1225-25 du code du travail, laissent supposer l'existence d'une discrimination.

La société Emitech ne rapportant pas la preuve de la faute grave invoquée à l'appui du licenciement de Mme [H], la discrimination alléguée est caractérisée. Celle-ci a causé à la salariée un préjudice moral distinct de celui résultant de la perte de son emploi, que la cour fixe à la somme de 2 000 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de ce chef et la société Emitech condamnée à payer ladite somme à l'intéressée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct

Mme [H] invoque à l'appui de cette demande le comportement déloyal de la société Emitech à son retour de congé de maternité.

Elle ne rapporte cependant pas la preuve d'un préjudice moral distinct de celui résultant de la perte de son emploi et de celui résultant de la discrimination subie, ci-dessus réparés. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour comportement déloyal.

Sur les intérêts

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la remise des documents sociaux

Il convient d'ordonner à la société Emitech de remettre à Mme [H] un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt. Il n'est pas nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La société Emitech, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de la condamner, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à Mme [H] la somme de 4 000 euros pour les frais irrépétibles que celle-ci a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 23 septembre 2020 et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :

Dit le licenciement de Mme [X] [Z] épouse [H] nul en application de l'article L. 1225-4 du code du travail,

Condamne la société Emitech à payer à Mme [X] [Z] épouse [H] les sommes suivantes :

*1 709,14 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,

*170,91 euros bruts au titre des congés payés afférents,

*11 180,61 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*1 118,06 euros bruts au titre des congés payés afférents,

*10 230,44 euros à titre d'indemnité de licenciement,

*35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

*2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de la grossesse,

Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à la société Emitech de la lettre la convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation ;

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la société Emitech de remettre à Mme [X] [Z] épouse [H] un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

Dit que les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ne sont pas applicables ;

Condamne la société Emitech à payer à Mme [X] [Z] épouse [H] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la société Emitech aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02235
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;20.02235 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award