COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 91A
DU 06 DÉCEMBRE 2022
N° RG 21/02109
N° Portalis DBV3-V-B7F-UNHC
AFFAIRE :
S.C. SOCIÉTÉ CIVILE DE CONSTRUCTION VENTE SOLARIS
C/
Le DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mars 2021 par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 19/04128
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Audrey ALLAIN,
-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.C. SOCIÉTÉ CIVILE DE CONSTRUCTION VENTE SOLARIS
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 501 56 6 8 97
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Audrey ALLAIN, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344 - N° du dossier 20210318
Me Pierre BOUDRIOT de la SELEURL PIERRE BOUDRIOT, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : J056
APPELANTE
****************
Monsieur le DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS, domicilié en ses bureaux, agissant sous l'autorité directeur général des Finances Publiques
Pôle fiscal Parisien 1-Pôle Juridictionnel Judiciaire
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2165797
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
La société civile de construction vente Meridiens, devenue Solaris, a acquis, le 20 décembre 2007, un terrain sis à [Localité 5] (Hauts de Seine) pour un prix total de 16 100 000 euros.
Elle a obtenu le bénéfice de l'exonération des droits d'enregistrement et de la taxe sur la publicité foncière prévu à l'article 1594 0 G du code général des impôts en s'engageant à effectuer dans un délai de quatre ans les travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf.
Un permis lui a été délivré le 11 octobre 2008 pour l'édification d'un immeuble à énergie positive, dont la construction s'est achevée le 27 juin 2014.
Par envoi du 19 octobre 2016, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification, pour un montant total de 1 154 370 euros, à raison du non respect de l'engagement de construire dans le délai de quatre ans.
Une première réclamation contentieuse a été rejetée le 27 novembre 2017, une seconde, introduite par lettre du 6 septembre 2018, faisant également l'objet d'un rejet le 28 février 2019.
Par acte introductif d'instance du 17 janvier 2018, la société Solaris a fait assigner la direction régionale des finances publiques devant le tribunal de grande instance de Versailles afin d'obtenir la décharge intégrale de l'imposition contestée et des pénalités afférentes.
Par ordonnance du 16 mai 2019, ce tribunal s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Nanterre (devenu tribunal judiciaire, devant lequel la société Solaris avait fait assigner la direction régionale des finances publiques, suivant acte du 29 avril 2019.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 2 décembre 2019.
Par jugement contradictoire rendu le 4 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Débouté la société Solaris de l'intégralité de ses demandes,
- Condamné la société Solaris à supporter les dépens mentionnés à l'article R. 207 1 du livre des procédures fiscales.
La société Solaris a interjeté appel de ce jugement le 31 mars 2021 à l'encontre de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Par d'uniques conclusions notifiées le 23 juin 2021, la société Solaris demande à la cour de :
Vu l'article 1594 O G du code général des impôts,
Vu la loi de finances rectificative pour 2010 (n 2010 237 du 09 mars 2010),
Vu la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006,
Vu l'article 1594 F quinquies du code général des impôts,
Vu l'article 257 2 1 du code général des impôts,
Vu le BOI TVA IMM 10 10 10 20,
Vu la jurisprudence citée,
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 04 mars 2021,
Vu l'ensemble des pièces versées au débat,
- Recevoir la société Solaris en sa demande,
- et la déclarer bien fondée.
En conséquence,
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre en date du 04 mars 2021, en ce qu'il maintient l'intégralité des impositions contestées et des pénalités afférentes.
Et statuant à nouveau,
- Ordonner la décharge intégrale des impositions contestées et des pénalités afférentes.
Ou à titre subsidiaire,
- Ordonner que le taux de 5 % est injustement appliqué, et que le taux des droits d'enregistrement doit être limité à 0,70 %,
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- Condamner l'administration fiscale à verser la somme de 2.100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner l'administration fiscale aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Allain, avocat aux offres de droit.
Par d'uniques conclusions notifiées le 17 septembre 2021, la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris demande à la cour de :
- Dire et juger la société Solaris mal fondée en son appel du jugement rendu le 04 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre,
- Débouter la société Solaris de toutes ses demandes, fins et conclusions.
En conséquence,
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 4 mars 2021 en toutes ses dispositions,
Y faisant droit,
- Condamner la société Solaris à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 22 septembre 2022.
SUR CE, LA COUR,
Les limites de l'appel et à titre liminaire,
L'ensemble des dispositions du jugement qui rejettent les demandes de la société Solaris fondées sur l'article 1594-0 G du code général des impôts d'une part, et 1594 F quinquies du code précité d'autre part, sont querellées.
Les demandes de la société Solaris
La demande de décharge des impositions querellées
Pour débouter la Société Solaris de cette demande, faisant application des dispositions de l'article 1549-O G du code général des impôts et de l'article 266 bis de l'annexe III de ce même code, le jugement a d'abord retenu que :
" Il est en l'espèce constant que les travaux de construction conditionnant le bénéfice de l'exonération fiscale accordée à la société requérante sur le fondement des dispositions précitées ont été achevés le 27 juin 2014, soit plus de quatre ans après l'acquisition du terrain concerné, intervenue le 27 juin 2007.
Si la société Solaris soutient avoir implicitement sollicité la prorogation du délai qui lui était imparti pour prétendre au maintien de cette exonération, ce moyen est inopérant dès lors que :
- la demande de report d'échéance des taxes d'urbanisme et de remise gracieuse des pénalités afférentes dont elle se prévaut est circonscrite à ces seules impositions et ne comporte aucune mention, même implicite, relative à l'engagement de construire pris par cette société lors de l'acquisition du terrain ;
- datée du 12 septembre 2011, cette demande, qui n'a pas été adressée au directeur des services fiscaux du lieu de situation de l'immeuble mais à la direction départementale de l'équipement des Hauts de Seine, est en toute hypothèse intervenue après l'expiration du délai d'un mois fixé par le décret précité, dont le terme était acquis le 27 juillet 2011 ;
- elle ne comporte aucune indication sur le délai supplémentaire nécessaire à la bonne fin des travaux entrepris ;
- elle ne respecte ainsi aucune des conditions fixées par les textes précités pour le bénéfice du report revendiqué.
La société Solaris ne saurait davantage se prévaloir d'un accord implicite de l'administration concernant le report de la date d'achèvement des travaux, du fait de son acceptation d'un paiement échelonné du solde des taxes d'urbanisme relatives au permis de construire, celle-ci, circonscrite au report de la date des paiements et à l'annulation des pénalités de retard, trouvant sa justification dans les difficultés de trésorerie invoquées par la requérante dans sa lettre du 12 septembre 2011.
Enfin, le moyen tiré du devoir de loyauté imposé à l'administration manque en droit comme en fait, la perte du bénéfice de l'exonération revendiquée résultant de la seule carence de la société Solaris, qui ne caractérise aucun manquement de l'administration à son devoir d'information ou au respect du principe de la contradiction, pas plus qu'elle ne démontre une méconnaissance de ses droits, en l'absence de respect des conditions précédemment examinées relatives au maintien de l'exonération fiscale. "
- Moyens des parties
La société Solaris poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a statué ainsi. Elle se fonde sur les dispositions énoncées par l'article 1594 0 G du code général des impôts (au sens de l'article 257 du code précité).
En l'espèce, la société Solaris assure avoir dès 2011, de façon claire et dépourvue d'ambiguïté, informé les services fiscaux des difficultés de commercialisation rencontrées, en raison du contexte économique des années 2008/2010, l'ayant empêchée de démarrer l'opération de construction pour laquelle elle avait obtenu un permis de construire depuis octobre 2008. A ce titre, elle atteste avoir notamment sollicité de la direction générale des finances publiques un report du paiement des taxes d'urbanisme TLE et de PLD exigibles (annexe 3), que cette dernière lui a accordé (annexes 4, 5, 6).
Ainsi, la partie appelante estime avoir bien informé la direction générale des finances publiques des difficultés qu'elle rencontrait concernant le respect de ces différents engagements et les multiples retards dans le début de la construction de l'immeuble.
Par cette demande explicite de report de l'ensemble des engagements pris par la société Solaris portant sur les taxes d'urbanisme, celle-ci fait valoir avoir également sollicité, de façon implicite et évidente, le report des délais d'achèvement de l'immeuble en cours de travaux.
Elle assure en ce sens que dans ses différents courriers, la direction générale des finances publiques a clairement pris acte des difficultés de la société Solaris pour réaliser son programme de construction dans les délais impartis, et lui a accordé des reports de délai de façon explicite pour le paiement des taxes d'urbanisme, mais également de façon implicite concernant l'achèvement des travaux.
En outre, la société Solaris estime que maintenir l'intégralité des impositions contestées et des pénalités afférentes suivant la décision rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre serait inéquitable au regard du devoir de loyauté dont l'administration est tenue à l'égard des contribuables. La partie appelante invoque en ce sens la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation (Com., 18 juin 1996, n °1166 RJF 11/96 n 1363, Com., 07 avril 2010, pourvoi n°09-14.516, Com., 12 juin 2012, pourvoi n°11-30.396, Com., 26 février 2013, pourvoi n 12-13.877 et Com., 27 mai 2015, pourvoi n °14-14.257).
Elle estime donc que l'administration ne peut lui refuser la prorogation de son engagement de construire de quatre ans, alors même qu'elle lui a accordé, pour les mêmes motifs, le report du règlement des taxes d'urbanisme, et la remise totale des pénalités.
La direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris demande quant à elle la confirmation du jugement de première instance en se fondant sur le IV de l'article 1594-0 G du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de la signature de la vente litigieuse le 20 décembre 2007, et sur l'article 266 bis III de l'annexe III du code précité concernant l'application de cette disposition.
En l'espèce, l'intimée indique que la demande déposée le 12 septembre 2011 auprès de la trésorerie municipale de [Localité 6] ne contenait aucune référence implicite ou explicite à l'engagement de construire contenu dans l'acte d'acquisition du 20 décembre 2017, et aucune sollicitation implicite ou explicite de la prorogation du délai de construire.
Ainsi, la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris fait valoir que, n'ayant sollicité aucune prorogation du délai de construire dans les délais et forme prévus par l'article 266 bis III de l'annexe III au code général des impôts précité, et les travaux ayant été achevés après l'expiration du délai d'engagement prévu, la société Solaris est redevable des droits dont elle a été dispensée au moment de l'acquisition.
A la lecture de la jurisprudence de la Cour de cassation (Com., 18 juin 1996), l'intimée rappelle que le devoir de loyauté de l'administration suppose qu'elle n'induise pas les contribuables en erreur dans ses demandes d'information.
Elle en déduit qu'elle n'a nullement manqué à son devoir de loyauté puisqu'il ne saurait être reproché à l'administration de ne pas avoir accordé un délai supplémentaire pour construire dans la mesure où une telle demande n'a jamais été formulée, et qu'elle ne disposait pas d'information lui permettant d'en fixer le terme.
Appréciation de la cour
L'article 1549-0 G du code général des impôts pris dans sa rédaction applicable à l'opération litigieuse, exonère de taxe de publicité foncière ou de droits d'enregistrement :
A. I. Lorsqu'elles entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, les acquisitions :
1° De terrains nus ou recouverts de bâtiments destinés à être démolis ;
2° D'immeubles inachevés ;
3° Du droit de surélévation d'immeubles préexistants et d'une fraction du terrain supportant ceux-ci, proportionnelle à la superficie des locaux à construire.
En application du II du même article, cette exonération est subordonnée aux conditions suivantes :
1° Que l'acte d'acquisition contienne l'engagement, par l'acquéreur, d'effectuer dans un délai de quatre ans à compter de la date de l'acte les travaux nécessaires, selon le cas, pour édifier un immeuble ou un groupe d'immeubles, pour terminer les immeubles inachevés ou pour construire de nouveaux locaux en surélévation, et qu'il précise le nombre, la nature et la destination des immeubles dont la construction est projetée ;
1° bis Que soit produit un certificat d'urbanisme déclarant le terrain constructible ;
2° Que l'acquéreur justifie à l'expiration du délai de quatre ans, sauf application des dispositions du IV, de l'exécution des travaux prévus au 1° et de la destination des locaux construits ou achevés, en précisant si ces locaux sont ou non affectés à l'habitation pour les trois-quarts au moins de leur superficie totale. [']
Aux termes du IV, une prolongation annuelle renouvelable du délai de quatre ans fixé au II précité peut être accordée par le directeur des services fiscaux du lieu de la situation des immeubles dans des conditions fixées par décret, notamment en cas de force majeure ou lorsqu'il s'agit de la construction d'ensembles à réaliser progressivement par tranches successives.
L'article 266 bis de l'annexe III du même code, pris pour l'application de ces dispositions, précise à cet effet que :
III. - La demande de prolongation du délai prévue au IV et au IV bis du A de l'article 1594-0 G du code général des impôts doit être formulée au plus tard dans le mois qui suit l'expiration du délai précédemment imparti. Elle doit être motivée et énoncer le délai supplémentaire normalement nécessaire à la bonne fin des travaux entrepris.
La prorogation susceptible d'être accordée peut être renouvelée dans les mêmes conditions.
À l'appui de sa demande d'infirmation de la disposition du jugement rejetant la demande de décharge, la société Solaris rappelle en substance qu'elle a de façon claire et dépourvue d'ambiguïté, informé les services fiscaux des difficultés qu'elle rencontrait ; qu'un report de paiement des taxes d'urbanisme lui a d'ailleurs été accordé ainsi qu'une remise des pénalités de retard. Elle admet n'avoir pas saisi expressément l'administration dans les conditions fixées par l'article 266 bis de l'annexe III du code général des impôts. Elle affirme que dans ses différents échanges, elle faisait plus généralement part de ses difficultés à respecter les délais de construction et qu'elle sollicitait des délais supplémentaires pour procéder à l'achèvement des travaux. Elle prétend qu'il serait inéquitable et manifestement contraire au texte susvisé de laisser à sa charge une imposition aussi lourde.
En résumé, la société Solaris se borne à reprendre les moyens inopérants qu'elle invoquait en première instance et auxquels les premiers juges ont répondu d'une manière parfaitement circonstanciée et exacte. Ce faisant, la société Solaris ne justifie pas plus devant la cour qu'en première instance avoir saisi, dans le respect des textes susvisés, le directeur des services fiscaux du lieu de situation de l'immeuble ni d'une demande explicite ni même d'une demande implicite de prorogation du délai pour construire.
Le jugement déféré, qui a fait une exacte application de la règle de droit tant de fond que de procédure aux faits de l'espèce, sera donc confirmé de ce chef.
Le taux de l'imposition litigieuse
Pour débouter la société Solaris de ses prétentions à cet égard, le jugement déféré a retenu que :
" La loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 a réformé le régime de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux opérations immobilières afin d'assurer la mise en conformité du code général des impôts avec la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.
Elle a corrélativement adapté à ce nouveau dispositif le régime des droits de mutation à titre onéreux - taxe de publicité foncière et droits d'enregistrement - afin d'assurer sa mise en cohérence avec la réforme de la TVA.
Si la société requérante invoque ici la non-conformité au droit de l'Union européenne des règles d'imposition qui lui ont été appliquées, ce moyen manque en droit dès lors que :
- les modifications rendues nécessaires par la transposition du texte européen concernaient la définition du terrain à bâtir, le redevable de la TVA, l'exonération de TVA applicables aux particuliers, le régime applicable aux marchands de bien et l'exigibilité de cette taxe en cas de vente en l'état futur d'achèvement, ainsi qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi de finances (Rapport n° 278 (2009-2010) de M. [X] [U], fait au nom de la commission des finances, déposé le 9 février 2010, pp. 241 et sq.) ;
- elles ne touchaient donc pas aux droits de mutation et d'enregistrement objets de la présente contestation, qui échappent aux exigences d'une directive dont le champ d'application reste circonscrit à la taxe sur la valeur ajoutée.
Aucun élément ne permet par ailleurs une application rétroactive du régime institué par la loi de finances du 9 mars 2010 précitée, dont les dispositions n'ouvrent pas une telle possibilité.
L'application proportionnelle de l'imposition sollicitée par la société Solaris n'est, de même, prévue par aucun texte. "
Moyens des parties
La société Solaris poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a statué ainsi.
A l'appui, elle fait valoir que doit être appliqué le taux de taxation de 0,70 % prévu par l'article 1594 F quinquies du code général des impôts pour les mutations de terrain à bâtir et d'immeubles neufs, article entré en vigueur le 11 mars 2010.
Elle déclare en effet que le dispositif de taxation en vigueur entre le 28 novembre 2006 et le 11 mars 2010 était illégal en ce qu'il était contraire à la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, et qu'il ne pouvait par conséquent pas être appliqué au cas de l'espèce sans entrer en contradiction avec la législation européenne.
Par ailleurs, la partie appelante assure que le bien immobilier qu'elle a acquis est un terrain à bâtir au sens des nouvelles dispositions de l'article 257 2 1 du code général des impôts, le BOI TVA IMM 10 10 10 20 précisant qu'un immeuble dont l'état le rend impropre à un quelconque usage est assimilé à un terrain à bâtir qu'il s'agisse d'une ruine, d'un bâtiment durablement abandonné ou d'un immeuble frappé d'un arrêté de péril.
Elle fait en ce sens valoir en l'espèce qu'il résulte du permis de démolir en date du 21 avril 2006 (annexe 7) que les bâtiments destinés à être démolis étaient vétustes, et ne pouvaient donc plus être utilisés conformément à leur destination initiale.
Elle en déduit que les biens immobiliers acquis sont des terrains à bâtir qui devaient être assujettis à la TVA conformément aux dispositions de la directive européenne 2006/112/CE du 28 novembre 2006, transposée en droit interne le 10 mars 2010 par les dispositions de l'article 1594 F quinquies du code général des impôts.
La direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris rappelle que la première loi de finances rectificatives pour 2010 (loi n 2010-237 du 9 mars 2010) a profondément modifié les règles fiscales, relatives à la TVA et aux droits de mutation, applicables aux ventes d'immeubles et aux opérations concourant à la production d'immeubles.
Elle précise que ce nouveau régime s'applique aux opérations immobilières dont le fait générateur est intervenu à compter du 11 mars 2010, la loi n'ayant pas prévu d'entrée en vigueur rétroactive.
Elle en infère que la vente litigieuse datée du 20 décembre 2007 ne peut pas être concernée par cette réforme.
L'intimée observe par ailleurs que les impositions litigieuses ont trait à des droits de mutation à titre onéreux.
Dès lors, elle fait valoir qu'avant la loi du 9 mars 2010, seuls trois niveaux de non-conformité à la directive européenne étaient relevés concernant la TVA immobilière française.
Or en l'espèce, elle rappelle que les rectifications litigieuses ne portent pas sur la TVA de sorte que leur non-conformité au regard du droit de l'Union européenne ne saurait être invoquée.
Appréciation de la cour
Une fois encore, la société Solaris se borne à reprendre ses moyens de première instance auxquels le tribunal a répondu de manière parfaitement circonstanciée, rigoureuse et exacte et ne fournit à la cour strictement aucun élément de preuve, ni de droit ni de fait, de nature à infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a refusé de minorer le taux de l'imposition litigieuse.
Par motifs adoptés, le jugement déféré sera également confirmé de ce chef.
Les demandes accessoires
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement statué sur les dépens.
En tant que partie perdante tenue aux dépens, la société Solaris ne peut qu'être déboutée de sa propre demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, cet appel totalement injustifié a engendré pour l'administration fiscale des frais irrépétibles supplémentaires qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge. En conséquence, la société Solaris sera condamnée à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en complément des dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre,
Et, y ajoutant,
DÉBOUTE la société Solaris de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La CONDAMNE à payer à ce titre à M. le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris la somme de 2000 euros,
CONDAMNE la société Solaris aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,