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06/12/2022 | FRANCE | N°20/05688

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 06 décembre 2022, 20/05688


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 28A





DU 06 DÉCEMBRE 2022





N° RG 20/05688

N° Portalis DBV3-V-B7E-UFBH





AFFAIRE :



[P], [W] [L]

C/

[C], [K], [G] [D]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juillet 2020 par le Juge aux affaires familiales de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

RG : 18/03733



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Philippe CHATEAUNEUF,



-Me Nathalie LE NORMAND







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 28A

DU 06 DÉCEMBRE 2022

N° RG 20/05688

N° Portalis DBV3-V-B7E-UFBH

AFFAIRE :

[P], [W] [L]

C/

[C], [K], [G] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juillet 2020 par le Juge aux affaires familiales de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/03733

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Philippe CHATEAUNEUF,

-Me Nathalie LE NORMAND

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [P], [W] [L]

né le 24 Avril 1977 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représenté par Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 - N° du dossier 20200112

Me Martine LAUTREDOU, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : C2565

APPELANT

****************

Madame [C], [K], [G] [D]

née le 14 Janvier 1985 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie LE NORMAND, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 416

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente, chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [L] et Mme [D] ont vécu en concubinage puis ont conclu un pacte civil de solidarité (Pacs) le 17 juin 2010. Aux termes de ce Pacs, deux hypothèses étaient envisagées, la séparation et le décès d'un des partenaires.

Ainsi, s'agissant de la rupture du Pacs, la convention litigieuse stipule ce qui suit :

'Nous demandons en cas de séparation :

- concernant les biens mobiliers acquis avant le 8 mars 2010 reviennent à leurs propriétaires,

- concernant les biens mobiliers acquis après le 8 mars 2010 soient divisés entre les deux partenaires,

- concernant les véhicules soient divisés entre les deux partenaires,

- concernant 1'appartement, chaque partenaire récupère la moitié de la valeur de ce dernier moins l'apport personnel de M. [L] ainsi que ses remboursements effectués avant le 8 mars 2010 qui lui reviennent d'office.'

Le 8 décembre 2014, M. [L] a fait signifier à Mme [D] la rupture du Pacs.

Par assignation délivrée le 14 mai 2018, Mme [D] a fait citer M. [L] devant le juge aux affaires familiales de Versailles afin qu'il soit procédé à la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux.

Par un jugement contradictoire rendu le 24 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- Condamné M. [L] à payer à Mme [D] la somme de 36 923 euros,

- Débouté Mme [D] de sa demande de condamnation de M. [L] relativement au paiement des charges de copropriété, des taxes foncières et des travaux de menuiseries,

- Débouté M. [L] de sa demande formulée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté Mme [D] de sa demande formulée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

M. [L] a interjeté appel de ce jugement le 18 novembre 2020.

Par dernières conclusions notifiées le 27 mai 2021, M. [L] demande à la cour, au fondement des articles 1188, 1189, 1190, 1194, 515-4 du code civil, de :

- Le dire et juger recevable et bien fondé en son appel,

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement rendu le 24 juillet 2020 en ce qu'il :

* l'a condamné à payer à Mme [D] la somme de 36 923 euros,

* l'a débouté de sa demande tendant à obtenir la déduction du montant du crédit restant dû de la valeur du bien immobilier dont il est propriétaire, pour le chiffrage de la somme étant due à Mme [D],

* l'a débouté de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

- Dire et juger que :

* il convient de déterminer la commune intention des parties au jour où les parties ont conclu leur convention de pacs le 17 juin 2010 et ne pas s'attacher à la lettre de ladite convention, rédigée par des non-sachants,

* pour estimer les sommes dues à Mme [D] en application de la convention de pacs, il convient de prendre en considération la valeur nette du bien immobilier appartenant à M. [L], déduction faite du montant de ses apports, le montant des frais d'acquisition, le montant des remboursements du crédit arrêtés au 17 juin 2010,

En conséquence,

- Dire et juger qu'il n'est redevable d'aucune somme à l'égard de Madame,

En conséquence

- Débouter Mme [D] de sa demande formulée à son encontre d'avoir à lui régler la somme de 74 487,50 euros au titre de paiement de sa créance contractuelle,

- Débouter plus généralement Mme [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- Condamner Mme [D] à lui régler la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction sur le fondement de l'article '700 du code de procédure civile'.

Par ses dernières conclusions notifiées le 24 août 2021, Mme [D] demande à la cour, au fondement des articles 515-4 et suivants du code civil tel que modifié par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, 1103, 1303 du code civil, de :

- La dire et juger recevable et bien fondée en son appel incident.

- Confirmer le jugement rendu le 24 juillet 2020 en ce que :

* il a fait droit à sa demande de créance portant sur l'appartement de M. [L], en application des termes de la convention de Pacs et l'infirmer en ce qui concerne son quantum,

* il a dit qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte du capital restant dû aux banques par M. [L] pour déterminer sa créance,

- Infirmer le jugement rendu le 24 juillet 2020 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes visant à voir :

*Condamner M. [L] à lui verser les sommes de :

* 52 673 euros au titre de la créance détenue par elle au regard des dispositions contractuelles relatives au bien immobilier appartenant en propre à M. [L],

* 6 224,87 euros au titre des charges de copropriété financées par elle,

* 1 774 euros au titre des taxes foncières réglées par elle,

* 3 030,00 euros au titre des travaux de menuiserie financées par elle,

*Condamner M. [L] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* Condamner M. [L] aux entiers dépens.

Et, statuant à nouveau,

- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à interprétation des termes de la convention de pacs régularisée le 17 juin 2010,

- Débouter M. [L] de sa demande d'interprétation,

- Condamner M. [L] à lui verser les sommes de :

* 52 673,00 euros au titre de la créance détenue par elle au regard des dispositions contractuelles relatives au bien immobilier appartenant en propre à M. [L],

* 6 224,87 euros au titre des charges de copropriété,

* 1 774,00 euros au titre des taxes foncières,

* 3 030 euros au titre des travaux de menuiserie.

- Débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner M. [L] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et la somme de 3 000 euros au titre de la procédure d'appel,

- Le condamner aux dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 30 juin 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel

Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.

Sur l'appartement

Se fondant sur les dispositions de l'article 1103 du code civil et les stipulations de la convention de Pacs, le premier juge a retenu que la valeur vénale de l'appartement s'élevait à la somme de 165 500 euros, comprenant les frais d'agence qui ne devaient pas être déduits. De ce montant, il a déduit l'apport personnel de M. [L], soit la somme de 69 500 euros, comprenant les frais réglés par M. [L] (d'agence et de notaire) pour l'achat de ce bien, soit la somme de 22 500 euros, sans le règlement desquels, selon lui, le bien n'aurait pas pu être acquis, ainsi que les remboursements du prêt opérés par ce dernier avant le 8 mars 2010, soit la somme de 22 154 euros.

Le premier juge a dès lors estimé que le montant dû par M. [L] à Mme [D] s'élevait à la somme de 36 923 euros (165 500 euros - 69 500 euros - 22 154 = 73 846 euros divisé par deux).

' Moyens des parties

Se fondant sur les dispositions des articles 1188, 1189, 1190, 1194 du code civil, M. [L] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il le condamne à verser à Mme [D] la somme susmentionnée en refusant de tenir compte du montant total des crédits versés par lui au jour de la rupture du Pacs. Il fait valoir que la convention litigieuse, établie par des personnes non juristes, n'était pas claire, était lacunaire puisqu'elle ne prévoyait pas la manière de contribuer aux charges respectives du ménage. Elle devait dès lors, selon lui, être interprétée de sorte qu'il lui revenait de rechercher la commune intention des parties.

M. [L] affirme que s'ils avaient été conseillés par un juriste averti au moment de la conclusion du Pacs, ils auraient envisagé non seulement les apports et crédits qu'il avait versés entre l'acquisition du bien et le 8 mars 2010, mais également les frais exposés lors de l'acquisition ; qu'ils auraient également mentionné le sort des crédits encore dus au jour de la rupture.

Il reproche au premier juge d'avoir interprété la commune intention des parties s'agissant du sort à réserver aux frais et charges afférents à l'acquisition de l'immeuble, mais d'avoir refusé d'interpréter la convention s'agissant de ses autres demandes légitimes. Il fait ainsi valoir que la convention ne précise pas qu'il fallait retenir la valeur brute de l'immeuble de sorte qu'il faut considérer que c'est bien la valeur nette de l'immeuble au moment de la rupture du Pacs qui doit être retenue. C'est pourquoi il soutient que c'est bien l'ensemble du montant des crédits versés par lui au jour de la rupture, soit le 8 décembre 2014, dont il doit être tenu compte et qu'en juger autrement reviendrait à dénaturer cette convention.

Il insiste sur le fait que, conformément aux articles 1190 et 1194 du code civil et à la jurisprudence de la Cour de cassation (Soc., 22 mai 2019, pourvoi n° 17-28.180 ; 1re Civ., 26 juin 2019, pourvoi n° 17-28.893 ; Com., 30 mai 2018, pourvoi n° 17-11.452), la convention litigieuse devait s'interpréter en tenant compte de la valeur nette de l'immeuble déduction faite de tous apports et frais au moment de l'acquisition et du paiement des crédits entre la date de l'acquisition et la date de la rupture du Pacs.

Par voie de conséquence, il demande à la cour d'infirmer le jugement de ce chef et de retenir que la valeur de l'immeuble est la suivante :

165 000 euros - 69 500 euros - 22 154 euros - 95 300 euros (capital restant dû au jour de la rupture du Pacs hors intérêts pour le prêt de 117 600 euros) - 1 950 euros (capital restant dû hors intérêts pour le prêt de 14 400 euros) (pièces 7 et 8) soit - 23 404 euros (valeur négative donc). Il s'ensuit, selon lui, qu'il ne doit rien à Mme [D].

Mme [D] poursuit également l'infirmation du jugement sur ce point en ce qu'il n'a pas correctement évalué le quantum qui lui était dû à ce titre.

Elle soutient que la convention est claire et ne nécessite aucune interprétation et que c'est de manière erronée que M. [L] soutient qu'ils ne comprenaient pas le sens et la portée de leur engagement. Elle affirme qu'assistés par un juriste averti, ils auraient conclu de la même manière en limitant les déductions au titre du remboursement des emprunts par M. [L] à ceux versés antérieurement au 8 mars 2010. En effet, elle précise avoir participé au remboursement du prêt, à compter de 2010, donc à la constitution du patrimoine personnel de son ex partenaire, de sorte qu'ils avaient convenu qu'elle devait pouvoir revendiquer une créance en cas de rupture du Pacs.

S'agissant du montant de la créance qui lui est due à ce titre, elle fait valoir que la valeur du bien a été intentionnellement minorée par M. [L] et que n'y ayant pas accès, elle ne pouvait le faire visiter par un professionnel de l'immobilier. Cependant, selon elle, les pièces qu'elle a produites en première instance (listes des transactions immobilières réalisées entre 2016 et février 2018 pour des biens similaires - pièce 11 - des annonces de biens similaires en vente au jour de la rédaction de son assignation - pièce 12 - des annonces immobilières de biens comparables en vente - pièces 12, 17 à 19) démontrent que la valeur de ce bien s'élève à la somme de 178 000 euros net vendeur.

Elle critique le jugement qui a déduit du montant du bien la somme de 22 500 euros représentant les frais d'agence et de notaire assumés par M. [L] aux motifs qu'ils relevaient de la notion de 'apport personnel' au sens de la convention alors que les termes de celle-ci étaient clairs, ne nécessitaient pas d'interprétation.

Selon elle, tenir compte de la partie de l'apport personnel de M. [L] ayant servi au règlement de ces frais reviendrait à diminuer artificiellement sa créance puisque, en parallèle, la valeur du bien retenue pour procéder à son calcul est hors frais. Par voie de conséquence, elle demande à la cour d'infirmer le jugement de ce chef et fixer le montant de l'apport de M. [L] à la somme de 47 000 euros (69 500 - 22 500 euros).

Elle admet que le montant des remboursements effectués par M. [L] avant le 8 mars 2010 s'élève à la somme de 22 154 euros.

En définitive, elle demande à la cour de fixer sa créance au titre du bien immobilier comme suit :

174 500 euros - 47 000 euros - 22 154 euros = 105 346 euros divisé par 2 = 52 673 euros.

' Appréciation de la cour

Selon l'article 1134, alinéa 1er, du code civil dans sa rédaction applicable à la convention litigieuse, devenu 1103 du code civil, 'les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.

C'est exactement que Mme [D] soutient qu'une convention dont les termes sont clairs ne nécessite pas interprétation.

La convention litigieuse stipule, comme indiqué précédemment, ce qui suit :

'Nous demandons en cas de séparation :

- concernant les biens mobiliers acquis avant le 8 mars 2010 reviennent à leurs propriétaires

- concernant les biens mobiliers acquis après le 8 mars 2010 soient divisés entre les deux partenaires

- concernant les véhicules soient divisés entre les deux partenaires

- concernant 1'appartement, chaque partenaire récupère la moitié de la valeur de ce dernier moins l'apport personnel de M. [L] ainsi que ses remboursements effectués avant le 8 mars 2010 qui lui reviennent d'office.'

Ainsi, il résulte de cette convention que, en cas de séparation, les partenaires récupéreraient la moitié de :

a) la valeur du bien,

montant duquel il fallait déduire :

b) l'apport personnel de M. [L]

c) ses remboursements d'emprunts effectués avant le 8 mars 2010.

a) la valeur du bien

Mme [D] maintient ses prétentions formulées en première instance et ne produit toujours pas une évaluation du bien effectuée par une agence après visite des lieux, mais se borne à fournir des estimations générales de biens comparables. Son argument, selon lequel elle n'a pu accéder aux lieux, propriété de M. [L], n'apparaît pas sérieux puisqu'il lui était loisible de solliciter l'autorisation de ce dernier aux fins de faire procéder à une évaluation contradictoire de ce bien. Or, elle ne soutient ni l'avoir fait, ni ne démontre l'opposition de son ex partenaire sur ce point, pas plus que le recours au juge pour obtenir cette autorisation, refusée.

Il s'ensuit que l'appréciation du premier juge, non sérieusement remise en cause par Mme [D], sera confirmée par cette cour. La cour retiendra donc que la valeur de ce bien correspond à la somme de 165 500 euros.

b) l'apport personnel

S'agissant de l'apport personnel de M. [L], c'est également exactement que le premier juge a retenu que cette notion s'entendait comme représentant les fonds personnels versés par ce dernier pour acquérir ce bien (hors emprunts dont les parties reconnaissent que leurs montants s'élevaient à la somme totale de 132 000 euros).

Il convient d'ajouter que la convention ne stipule nullement que pour calculer 'l'apport personnel' il faudrait s'en tenir au 'prix d'acquisition' stricto sensu, à savoir le prix de vente accepté par les parties et repris dans l'acte authentique de vente, soit 179 000 euros. Il est en effet seulement indiqué 'l'apport personnel de M. [L]' sous-entendu mais nécessairement entendu 'pour l'acquisition de ce bien immobilier'. Or, le décompte financier (pièce 6 de M. [L]) enseigne que M. [L] a 'apporté' la somme totale de 69 500 euros pour acquérir le bien. Ce décompte précise en effet que les sommes à réunir pour l'acquisition de ce bien représentaient le prix de vente du bien (soit 179 000 euros) auquel s'ajoutaient les frais (soit 22 500 euros).

Il n'est pas contesté que M. [L] a versé cette somme de sorte que le montant de son apport personnel pour l'acquisition de ce bien correspond à la somme de 69 500 euros (prix de vente, soit 179 000 euros + frais s'élevant à 22 500 euros = 201 500 euros déduction des emprunts 132 000 euros).

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

c) Les remboursements des emprunts effectués par M. [L] avant le 8 mars 2010

Cette disposition est claire et ne souffre aucune interprétation contrairement à ce que soutient M. [L].

C'est donc tout aussi exactement que le premier juge a déduit du montant représentant la valeur du bien la somme de 22 154 euros, montant non critiqué par les parties.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a condamné M. [L] à verser à Mme [D] la somme de 36 923 euros (165 500 euros - 69 500 euros - 22 154 euros = 73 846 euros : 2).

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la créance revendiquée par Mme [D]

' Moyens des parties

Mme [D] poursuit l'infirmation du jugement qui rejette ses demandes de remboursement des sommes versées par elle correspondant aux charges de copropriété de l'appartement de M. [L] (6 224,87 euros), aux taxes foncières de cet appartement (1 774 euros), aux travaux de menuiseries effectués dans ce bien (3 030 euros).

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu que ces charges relevaient des dispositions de l'article 515-4 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, alors que les règlements pour lesquels elle sollicite une créance concernent des charges d'acquisition afférentes à un bien personnel de M. [L] (et non un bien indivis) et que, en tout état de cause, ces règlements ont excédé la participation à laquelle elle était tenue au regard de leurs facultés respectives.

Elle conteste la pertinence de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 janvier 2021 (1re Civ., 27 janvier 2021, pourvoi n° 19-26.140, publié au Bulletin de la Cour) lequel concernait les règlements relatifs à l'acquisition du bien immobilier indivis alors qu'en l'espèce le bien en cause n'est nullement indivis.

Se fondant sur un arrêt rendu par la Cour de cassation le 21 novembre 2018 (1re Civ., 21 novembre 2018, pourvoi n° 15-16.331, publié au Bulletin), elle estime que, dans une affaire similaire, la Cour de cassation a clairement rappelé que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause était recevable.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que si la cour devait considérer que ses demandes relevaient des dispositions de l'article 515-4 du code civil, il conviendrait encore d'infirmer le jugement puisqu'elle démontre par ses productions que :

* ses revenus étaient nettement moins élevés que ceux de son partenaire (pièces 6 à 9, avis d'imposition au titre des années 2011 à 2014) et

* sa contribution aux charges liées au fonctionnement du couple (nourriture, habillement, sorties, frais de décoration et d'entretien du bien immobilier, vacances, mutuelle, téléphone, carte de transport, essence ...) (Pièce 13), impôts locaux (pièce 20), charges liées aux enfants communs (frais de santé non remboursés, vêtements, jeux, épargne, salaire de l'assistante maternelle) (pièce 13), échéances de l'emprunt immobilier constituant une dette propre de M. [L] au moyen de virements effectués sur le compte bancaire de ce dernier, pour un montant total de 23 379 euros qui, selon elle, ouvriraient droit à créance selon les modalités définies à la convention de Pacs, ainsi que certaines charges liées à la propriété du bien immobilier personnel de M. [L] (taxes foncières, charges de copropriété, travaux) pour un montant total de 11 428,87 euros, allait au-delà de la part à laquelle elle était tenue compte tenu des facultés respectives des partenaires.

Elle demande donc de condamner M. [L] à lui verser les sommes qu'elle réclame au dispositif de ses écritures au regard de la participation excessive aux charges du ménage.

M. [L] sollicite la confirmation du jugement de ce chef et, se fondant sur les dispositions de l'article 515-4 du code civil, la jurisprudence de la Cour de cassation (1re Civ., 27 janvier 2021, pourvoi n° 19-26.140 ; 1re Civ., 7 février 2018, pourvoi n° 17-13.979 ; 1re Civ., 13 janvier 2016, pourvoi n° 14-29.746), il soutient que les frais dont Mme [D] sollicite le remboursement relèvent des prévisions de l'article 515-4 susvisé et que, conformément à ces dispositions, les partenaires contribuent proportionnellement à leurs facultés respectives à la solidarité et à l'aide inhérente à la vie commune. Il relève que tous les charges et frais dont Mme [D] réclame remboursement sont afférents à ce qui constituait durant la durée du Pacs, soit de mars 2010 à décembre 2014, le domicile familial de sorte que, à ce titre et conformément à la jurisprudence précitée, ils doivent, selon lui, être considérés comme des charges du ménage (arrêts du 7 février 2018 et du 13 janvier 2016 précités).

L'appelant souligne que ce n'est que si l'un des partenaires démontre que sa participation a été supérieure à celle de l'autre, compte tenu des facultés respectives des parties, qu'une demande de remboursement peut prospérer (1re Civ., 15 juin 2017, pourvoi n° 16-14.039) ce qui n'est pas le cas.

En l'espèce, selon lui, Mme [D] ne démontre pas, par ses productions, que leurs revenus respectifs étaient différents, mais bien équivalents puisque les avis d'imposition entre 2011 et 2014 attestent d'une différence de revenus comprise entre 4 000 et 7 000 euros par an ; que par ailleurs s'il fallait prendre en compte l'ensemble des sommes mentionnées par Mme [D] au titre de sa contribution aux charges du ménage (soit la somme totale de 36 328,87 euros) cela représenterait une moyenne mensuelle de 637,35 euros par mois, soit un tiers de ses revenus mensuels. Il s'ensuit, selon lui, que la participation de Madame aux dépenses quotidiennes ne dépasserait pas sa capacité contributive surtout au regard de la faible différence de revenus entre les deux partenaires.

Ainsi, il invite la cour à confirmer le jugement qui relève en outre très pertinemment que les sommes réclamées par Mme [D] eu égard à la durée du Pacs n'apparaissent pas constituer une participation excessive aux charges du ménage compte tenu surtout des revenus respectifs des parties et du fait qu'elle habitait le bien et qu'elle a continué à l'habiter pendant 18 mois après la rupture du Pacs. Il souligne que durant cette dernière période, elle n'a participé à aucun frais ni charge relatifs à l'appartement ce qui justifierait de sa part une demande de dédommagement.

Pour toutes ces raisons, il sollicite dès lors la confirmation du jugement de ce chef.

' Appréciation de la cour

L'article 515-4 du code civil dispose que 'Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n'en disposent autrement, l'aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives.

Les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante. Toutefois, cette solidarité n'a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives. Elle n'a pas lieu non plus, s'ils n'ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d'emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.'

Selon l'article 515-7 in fine du même code 'Sauf convention contraire, les créances dont les partenaires sont titulaires l'un envers l'autre sont évaluées selon les règles prévues à l'article 1469. Ces créances peuvent être compensées avec les avantages que leur titulaire a pu retirer de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante.'

Dans sa décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, le Conseil constitutionnel a précisé que 'l'aide mutuelle et matérielle s'analyse en conséquence comme un devoir entre partenaires du pacte ; qu'il en résulte implicitement mais nécessairement que, si la libre volonté des partenaires peut s'exprimer dans la détermination des modalités de cette aide, serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide ; que, par ailleurs, dans le silence du pacte, il appartiendra au juge du contrat, en cas de litige, de définir les modalités de cette aide en fonction de la situation respective des partenaires' (cons. 31).

L'article 515-4 du code civil fait écho à celle de l'article 214 du même code qui indique que 'Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives'.

Si la dimension familiale de la vie commune n'est pas mentionnée à l'article 515-4 du code civil alors que l'article 214 du même code renvoie à l'institution du mariage, qui a vocation à donner naissance à une famille, pour autant, comme la contribution aux charges, l'aide matérielle inclut nécessairement l'ensemble des dépenses engagées pour faire face aux besoins de la vie courante, à savoir les loyers ou les charges de copropriété, les cotisations d'assurance, les dépenses d'alimentation et vestimentaires, dépenses de santé, etc. C'est au demeurant ce qui résulte de la lecture a contrario du dernier alinéa de l'article 515-7 du code civil, qui qualifie 'd'avantage tiré de la vie commune' le fait pour un partenaire de ne pas avoir contribué 'à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante'.

Cette notion de 'besoins de la vie courante' doit intégrer, comme dans la situation d'un couple marié, les dépenses de loisir et d'agrément dès lors que la vie de couple ou de partenaires ne se limite pas aux actes de nécessité.

Il s'ensuit que c'est à tort que Mme [D] soutient que les charges de copropriété du logement familial (pièce 14 de Mme [D]) dont une partie des dépenses est justifiée par les services offerts aux occupants des lieux, et les travaux de menuiserie, destinés à sécuriser ce même logement et assurer son clos (pièce 16), réglés par elle durant la vie commune, ne relèvent pas des dispositions de l'article 515-7 du code civil.

Il lui revient donc, pour obtenir remboursement de ces sommes, de démontrer que sa participation à l'aide matérielle mutuelle due entre partenaires, durant leur vie commune, a été supérieure à celle de l'autre, compte tenu des facultés respectives des parties.

Or, les éléments de preuve versés aux débats ne sont pas de nature à le démontrer. Il apparaît en effet des productions, d'une part, que certes M. [L] a perçu des revenus entre 2011 à 2014 plus élevés que Mme [D] (entre 460,91 euros par mois de plus que Mme [D] en 2011, 322 euros de plus en 2012, 714 euros de plus en 2014 et 1094 euros de plus en 2013) pour autant, en moyenne, cette situation ne caractérise pas une disparité importante. D'autre part et surtout, il y a lieu de constater que la participation respective des partenaires aux dépenses communes tant pour le couple que pour les enfants du couple ([T] née en 2011 et [S] né en 2013) n'est ni détaillée ni justifiée. La cour est de ce fait placée dans l'incapacité d'apprécier si la contribution respective des deux partenaires était déséquilibrée et si la charge pesant sur Mme [D] était supérieure à celle de M. [L] compte tenu de leurs facultés respectives.

Il s'ensuit que c'est très exactement que le premier juge a rejeté la demande de Mme [D] au titre des charges de copropriété et de la facture de menuiserie.

S'agissant de la taxe foncière d'un montant de 1 774 euros pour les exercices 2011 et 2012, il est certain que cet impôt est dû par le propriétaire de l'immeuble et que celui-ci est M. [L]. Pour autant ce dernier prétend, sans être démenti sur ce point, que Mme [D] a vécu pendant 18 mois dans l'appartement après la rupture du Pacs, sans verser aucun loyer ni avoir participé aux charges et frais relatifs à l'appartement. Il s'ensuit que c'est de manière injustifiée qu'elle réclame le remboursement de la somme de 1 774 euros.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, le premier juge ayant exactement statué sur ces points.

Succombant chacun en leur appel, principal et incident, les parties conserveront la charge de leurs propres dépens. En outre, l'équité ne commande pas d'accueillir leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 20/05688
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.05688 ?
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