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05/12/2022 | FRANCE | N°20/02697

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 05 décembre 2022, 20/02697


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58F



4e chambre



ARRET N°



RÉPUTÉ

CONTRADICTOIRE



DU 05 DECEMBRE 2022



N° RG 20/02697 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T4T7



AFFAIRE :



Société SMABTP



C/



[D] [P]

et autres



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mai 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 17/11494



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie TERIITEHAU



Me Sophie WILLAUME



Me Anne-Laure DUMEAU



Me Mélina PEDROLETTI



Me Irène FAUGERAS-CARON



Me Christophe DEBRAY



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE C...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58F

4e chambre

ARRET N°

RÉPUTÉ

CONTRADICTOIRE

DU 05 DECEMBRE 2022

N° RG 20/02697 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T4T7

AFFAIRE :

Société SMABTP

C/

[D] [P]

et autres

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mai 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 17/11494

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie TERIITEHAU

Me Sophie WILLAUME

Me Anne-Laure DUMEAU

Me Mélina PEDROLETTI

Me Irène FAUGERAS-CARON

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société SMABTP en qualité d'assureur de la société DICI

[Adresse 12]

[Localité 10]

Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 et Me Delphine ABERLEN de la SCP NABA ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0325, substituée à l'audience par Me Ana OPREA, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [P]

[Adresse 22]

[Localité 15]

Représentant : Me Sophie WILLAUME, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1819

Madame [C] [Y] épouse [P]

[Adresse 22]

[Localité 15]

Représentant : Me Sophie WILLAUME, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1819

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS 'MAF' en qualité d'assureur de la société MP&A

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentant : Me Anne-Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Olivier DELAIRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1912

SARL MARINA PROJETS ET ARCHITECTURE (MP&A)

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentant : Me Anne-Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Olivier DELAIRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1912

Société QBE EUROPE SA/NV ayant son siège social [Adresse 19] - Belgique, dont la succursale française a son siège social situé :

[Adresse 20]

[Adresse 20]

[Localité 18]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Stéphane LAMBERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0010

S.A.R.L. SOFRIEX

[Adresse 8]

[Localité 14]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Stéphane LAMBERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0010

S.N.C. [Adresse 21]

[Adresse 3]

[Localité 16]

Représentant : Me Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 068 et Me Stéphane LAMBERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0010

S.A. AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur de la société TECHNOSOL

[Adresse 7]

[Localité 17]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Simone-Claire CHETIVAUX de la SELAS CHETIVAUX-SIMON Société d'Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0675

S.A.S. TECHNOSOL

[Adresse 2]

[Localité 13]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Simone-Claire CHETIVAUX de la SELAS CHETIVAUX-SIMON Société d'Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0675

S.A.S. QUALICONSULT

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Catherine MAUDUY-DOLFI de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0133, substitué à l'audience par Me Manon ZYCH, avocat au barreau de PARIS

S.A. AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur de la société QUALICONSULT

[Adresse 7]

[Localité 17]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Catherine MAUDUY-DOLFI de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0133, substitué à l'audience par Me Manon ZYCH, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

S.C.P. BTSG, mission conduite par Me [B] [G], pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société DICI

[Adresse 4]

[Localité 16]

INTIMÉE DÉFAILLANTE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine ROMI, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Séverine ROMI, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

****************

FAITS ET PROCÉDURE

La société [Adresse 21], assurée auprès de la société Covéa Risks, a fait construire au [Adresse 6] à [Localité 15], un ensemble de bâtiments à usage d'habitation.

Elle en a confié :

- la maîtrise d''uvre d'exécution à la société Marina projets et architecture (MP&A) assurée par la Mutuelle des architectes français,

- le contrôle technique à la société Qualiconsult assurée auprès de la société Axa France,

- les missions géotechniques G2 et G4 à la société Technosol également assurée auprès d'Axa France,

- la réalisation des travaux de terrassement, fondations, voiles contre terre et gros 'uvre à la société Dici, assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics

(SMABTP), qui a sous-traité à la société Veiga, assurée auprès de la société Axa France, les travaux de terrassement et voiles contre terre, et a confié une mission d'établir les plans de coffrage et ferraillage au bureau d'études structures Sofriex, assuré auprès de la société QBE Insurance Europe limited. La société Veiga a sous-traité les travaux de voiles par passe aux sociétés Nabats constructeur et BTS construction, assurée auprès des Souscripteurs du Lloyd's de Londres.

Par ordonnance de référé du 23 mai 2012, rendue notamment au contradictoire des propriétaires de six pavillons avoisinant le chantier situés [Adresse 22], dont M. et Mme [P], Monsieur [T] a été désigné en qualité d'expert avec une mission habituelle en matière de référé préventif.

Après le démarrage des travaux de fondations, des fissures sont apparues sur le mur de la maison des consorts [P], puis le 18 juin 2013 chez les autres voisins. L'expert judiciaire a préconisé des mesures d'urgence pour pallier la décompression des sols. La société [Adresse 21] a fait réaliser deux séries d'injection de résine expansive dans la zone litigieuse. La société Covéa Risks a accepté de préfinancer la deuxième série d'injections.

M. [T] a déposé son rapport d'expertise le 5 octobre 2015.

La société Dici a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 14 octobre 2014.

Par actes des 12, 13, 14, 27 janvier et 3 février 2016, la société [Adresse 21] a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre en demandant la condamnation des sociétés Technosol, Qualiconsult, MP&A,Veiga, Sofriex, Dici représentée alors par son liquidateur, et de leurs assureurs respectifs, la Mutuelle des architectes français, la SMABTP, la société Axa France et la société QBE Insurance Europe Limited à réparer les préjudices subis en raison des travaux de construction.

Par jugement du 28 mai 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a notamment :

- condamné in solidum la SMABTP assureur de la société Dici, la société Technosol garantie par Axa France, la société Qualiconsult garantie par la société Axa France, la société MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français et la société Veiga à payer à la société [Adresse 21] la somme de 240 854 euros hors taxes,

- rappelé que la société [Adresse 21] avait perçu la somme provisionnelle de 120 000 euros en exécution d'une ordonnance du 28 novembre 2013, réglée à parts égales par la SMABTP, la société Axa France et la Mutuelle des architectes français,

- débouté la société [Adresse 21] et les propriétaires des pavillons de leurs demandes contre les sociétés BTS construction, Sofriex, Veiga, et leurs assureurs respectifs.

- débouté les propriétaires des pavillons voisins de toutes leurs demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 21],

- prononcé la nullité du contrat souscrit par la société Veiga auprès de la société Axa France,

- condamné la société Veiga à payer à la société Axa France la somme de 39 444,83 euros au titre des sommes versées en exécution des condamnations mises à sa charge par l'ordonnance du 28 novembre 2013,

- débouté la société Veiga de toutes ses demandes à l'encontre de la société Le Courtage actuel,

- condamné in solidum la SMABTP es qualité, la société Technosol garantie par la société Axa France, la société Qualiconsult garantie par la société Axa France, la société MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français et la société Veiga à payer des dommages et intérêts aux propriétaires des pavillons au titre des troubles anormaux de voisinage tant au titre de leur préjudice matériel que moral,

- fixé le partage de responsabilité entre les intervenants de la façon suivante : société Dici, représentée par son liquidateur et garantie par la SMABTP, 65 %, société Technosol garantie par la société Axa France, 10 %, société Qualiconsult garantie par la société Axa France, 5 %, société MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français 10 %, société Veiga 10 %,

- dit que dans leurs recours entre eux, les intervenants responsables seront garantis des condamnations prononcées à leur encontre, tant en principal et intérêts qu'au titre des dépens et frais irrépétibles, à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé,

- dit que les compagnies d'assurance ne seront tenues au paiement des sommes susvisées que dans les limites contractuelles de leurs polices respectives,

- débouté les propriétaires des pavillons de leurs demandes au titre d'un préjudice résultant de l'empiétement de l'ouvrage neuf sur les parcelles voisines, des préjudices tirés de l'existence du bâti (perte d'ensoleillement, de vie privée et de la perte de jouissance normale des jardins du fait des injections) et d'un préjudice spécifique tiré de la transmission des vibrations causées par le passage des trains ainsi que des troubles causés par le chantier.

Sur appel interjeté, par arrêt du 21 mars 2022, la présente cour a rendu la décision suivante,

« CONFIRME le jugement déféré dans ses condamnations au profit de la société [Adresse 21] ;

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité de contrat n°5893498904 et a condamné par voie de conséquence la société Veiga à payer à la société Axa France la somme de 39 444,83 euros versée en exécution des condamnations mises à sa charge par l'ordonnance du 28 novembre 2013 ;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE la société Axa France de sa demande de nullité du contrat d'assurance et de remboursement de somme ;

CONDAMNE la société Axa France à garantir toutes les condamnations de la société Veiga tant en principal qu'en intérêts qu'au titre des dépens et frais irrépétibles ;

À l'égard des voisins, CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné in solidum la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics en qualité d'assureur de la société Dici, la société Technosol garantie par la société Axa France, la société Qualiconsult garantie par la société Axa France, la société MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français et la société Veiga à payer à M. et Mme [E] la somme de 6 692,10 euros hors taxes avec majoration de la taxe sur la valeur ajoutée et actualisation au titre de travaux de réfection ;

L'INFIRME de ce chef ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics en qualité d'assureur de la société Dici, la société Technosol garantie par la société Axa France, la société Qualiconsult garantie par la société Axa France, la société MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français et la société Veiga garantie par la société Axa France in solidum à payer à M. et Mme [I] la somme supplémentaire de 16 700 euros toutes taxes comprises au titre des frais engagés pendant la durée des travaux, et aux consorts [E] la somme de 7 495,15 euros hors taxes, avec majoration de la taxe sur la valeur ajoutée et actualisation jusqu'à la date du présent arrêt, au titre de travaux de réfection ;

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a fixé les parts de responsabilité entre les intervenants à la construction et dit que dans leurs recours entre eux, les intervenants

responsables seront garantis des condamnations prononcées à leur encontre, tant en principal qu'en intérêts qu'au titre des dépens et frais irrépétibles, à proportion du partage de responsabilité fixé par le tribunal ;

Statuant à nouveau,

FIXE le partage de responsabilité entre les intervenants de la façon suivante :

' société Dici :55 %,

' société Veiga : 20 %,

' société Technosol : 10 %,

' société MP&A : 10 %,

' société Qualiconsult : 5 % ;

CONDAMNE, dans leurs recours entre eux, les intervenants responsables à se garantir des condamnations prononcées à leur encontre, tant en principal et en intérêts qu'au titre des dépens et frais irrépétibles, à proportion du partage de responsabilité fixé par la cour ;

DIT que la société Dici doit sa garantie à la société Axa France, assureur de la société Veiga, à la société Technosol et à son assureur, la société Axa France, à la société Qualiconsult et à son assureur, la société Axa France, à concurrence des sommes dues par elle compte-tenu de sa part de responsabilité, et fixe en conséquence le montant des créances de ces sociétés au passif de la liquidation judiciaire ;

Ajoutant au jugement déféré,

DIT que les condamnations de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, de la société Axa France et de la Mutuelle des architectes français sont prononcées en deniers ou quittances ;

REJETTE la demande de la société Axa France, assureur de la société Qualiconsult, d'opposer une franchise correspondant à 20 % du sinistre avec un minimum de 3 000 euros et un maximum de 15 000 euros ;

DIT que la société Axa France, assureur de la société Technosol, est bien fondée à opposer une franchise de 4 351 euros et un plafond de 961 875 euros ;

RÉPUTE non écrit l'article 5 du titre 1 des conditions générales de la convention de contrôle technique signé entre la société Qualiconsult et la société [Adresse 21] ;

DÉBOUTE la société Qualiconsult et son assureur la société Axa France de leur demande en garantie dirigée contre la société [Adresse 21] ;

REJETTE la demande d'indemnisation de la société Veiga à l'encontre de la société Axa France ;

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la société Veiga de ses demandes à l'encontre de la société Le Courtage actuel ;

CONFIRME le jugement au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ajoutant au jugement déféré,

CONDAMNE la société Qualiconsult et son assureur, la société Axa France, à payer à la société [Adresse 21] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Veiga à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 21] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Axa France à payer à la société Veiga la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Veiga à payer à la société Le Courtage actuel la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, en qualité d'assureur de la société Dici, la société Technosol garantie par la société Axa France, la société Qualiconsult garantie par la société Axa France, la société MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français et la société Veiga garantie par la société Axa France à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes :

5 000 euros aux consorts [I], [R]-[V], [E], [L] et [K] ;

2 500 euros à la société Lloyd's ;

2 500 euros ensemble à la société Sofriex et à la société QBE Europe.

REJETTE les autres demandes ;

CONDAMNE in solidum la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics,

la société Technosol garantie par la société Axa France, la société Qualiconsult garantie par la société Axa France, la société MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français et la société Veiga garantie par la société Axa France, aux dépens, qui seront recouvrés dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile. »

Par actes délivrés les 6, 8, 10, 14, 17 et 20 novembre 2017, M. et Mme [P] ont fait assigner les sociétés Technosol, Axa France, Dici, SMABTP, Qualiconsult, MP&A, la Mutuelle des architectes français, le bureau d'études Sofriex et la société de droit anglais QBE Insurance Europe Limited en réparation de leurs préjudices devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Par actes du 15 juin 2018, la société Qualiconsult et son assureur la société Axa France ont fait assigner en intervention forcée et en garantie les sociétés [Adresse 21] et Martek Promotion. Les instances ont été jointes.

Par jugement du 28 mai 2020, le tribunal a rendu la décision suivante :

« DÉCLARE irrecevable devant le tribunal l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la SAS Qualiconsult et son assureur la SA Axa France ;

Vu les articles 328 et 329 du code de procédure civile,

REÇOIT la société de droit étranger SA/NV QBE Europe en son intervention volontaire ;

MET en conséquence hors de cause la société QBE Insurance Europe Limited ;

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu l'article 68 du code de procédure civile,

Vu l'article L. 622-21, L. 622-23 et L. 622-24 du code de commerce,

DÉCLARE irrecevables toutes demandes formées par la SAS Technosol et son assureur la Sa Axa France, la SAS Qualiconsult et son assureur Axa France, à l'égard de la société Dici représentée son liquidateur Maître [B] [G] membre de la SCP BTSG ;

Vu l'article 1382 ancien du code civil,

Vu les articles 1134 et 1147 anciens du code civil,

Vu l'article L. 124-3 du code des assurances,

CONDAMNE in solidum la SMABTP ès qualités d'assureur de la société Dici, la société Technosol garantie par la SA Axa France, la société Qualiconsult garantie par la SA Axa France, la société MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français à payer à M. et Mme [D] [P] les sommes de 101.528,66 euros hors taxes au titre de leur préjudice matériel et celle de 4.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;

FIXE le partage de responsabilité entre les intervenants de la façon suivante :

- Dici représentée par son liquidateur (pour mémoire) garantie par la SMABTP : 75 %,

- Technosol garantie par la SA Axa France : 10 %,

- Qualiconsult garantie par la SA Axa France : 5 %,

- MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français : 10 % ;

DIT que dans leurs recours entre eux, les intervenants responsables seront garantis des condamnations prononcées à leur encontre, tant en principal et intérêts qu'au titre des dépens et frais irrépétibles, à proportion du partage de responsabilité fixé par le tribunal ;

DIT que les compagnies d'assurance ne sont tenues au paiement des sommes susvisées que dans les limites contractuelles de leurs polices respectives ;

DÉBOUTE M. et Mme [D] [P] , la société Technosol et son assureur Axa France, la SMABTP assureur de la société Dici, la société Qualiconsult et son assureur Axa France, la société MP&A et son assureur la Mutuelle des architectes français de toutes leurs demandes à l'encontre de la SARL Sofriex et de son assureur QBE Europe venant aux droits de la société QBE Insurance Europe Limited ;

DÉBOUTE la société Qualiconsult et son assureur Axa France de toutes leurs demandes à l'encontre de la SNC [Adresse 21] et de la société Martek Promotion ;

CONDAMNE in solidum la SMABTP ès qualités d'assureur de la société Dici, la société Technosol garantie par la SA Axa France, la société Qualiconsult garantie par la SA Axa France, la société MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français à payer à M. et Mme [D] [P] la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société Qualiconsult garantie par la SA Axa France à payer à la SNC [Adresse 21] et à la société Martek Promotion la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Sofriex et QBE Europe venant aux droits de QBE Insurance Europe Limited de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la SMABTP ès qualités d'assureur de la société Dici, la société Technosol garantie par la SA Axa France, la société Qualiconsult garantie par la SA Axa

France et la société MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

ACCORDE le bénéfice de distraction de l'article 699 du code de procédure civile aux avocats qui en ont fait la demande ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions. »

*

Le SMABTP a interjeté appel de ce jugement le 22 juin 2020.

Le 7 janvier 2021, la SMABTP s'est désistée de ses demandes à l'encontre de la société [Adresse 21]. Par ordonnance du 1er juin 2021, le juge de la mise en état a déclaré parfait le désistement d'appel de la SMABTP à l'encontre de la société [Adresse 21] et a condamné la SMABTP à lui payer une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 septembre 2022 et l'affaire à été fixée à l'audience du 3 octobre 2022, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

*

La SMABTP demande par dernières conclusions du 7 janvier 2021, à titre principal, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée, en sa qualité d'assureur de la société Dici aujourd'hui radiée, à prendre en charge 75% des conséquences dommageables du sinistre, elle demande de condamner la société Technosol, principale responsable du sinistre, avec la société Axa France à prendre en charge 55 % des dommages du sinistre. Elle ajoute que la société Qualiconsult, en charge de la solidité et des avoisinants, n'a pas exécuté ses obligations, ce qui a aggravé le sinistre, et demande de la condamner avec son assureur à prendre en charge 10 % du sinistre et le BET Sofriex 5 % du sinistre.

Elle soutient que son assurée la société Dici n'a commis aucune faute dans l'exécution des voiles contre terre, que c'est le BET Technosol qui n'a pas satisfait à ses obligations en ne mentionnant pas l'existence de « fines » dans les terrains d'assise du projet et des avoisinants et que la société Veiga, sous-traitante de la société Dici pour l'exécution des voiles par passe n'a pas respecté sa méthodologie, ce qui a eu pour effet une décompression des sols situés sous la Villa des Matrais. Elle sollicite donc de prononcer sa mise hors de cause en qualité d'assureur de la société Dici.

À défaut, elle rappelle que la part de responsabilité mise à la charge de la société Dici par l'expert est de 20% et que la condamnation prononcée à son encontre, en deniers et quittance, ne pourra excéder cette part. Elle réclame alors la garantie des autres intervenants au chantier. Elle ajoute qu'elle pourra appliquer ses franchises et plafonds. Enfin, elle demande 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à tous succombants.

Monsieur et Madame [P], par conclusions du 20 décembre 2020, demandent la confirmation du jugement sauf à préciser que la taxe sur la valeur ajoutée s'applique à la condamnation hors taxes dont ils ont bénéficié. Ils ajoutent de rejeter les demandes de minoration de leurs préjudices formulées par la société Qualiconsult et son assureur. Ils réclament 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à tous succombants.

La société Sofriex et la société QBE Europe demandent par conclusions du 3 mai 2022 la confirmation du jugement et la condamnation de la SMABTP à leur payer une indemnité 3 500 euros pour leur frais irrépétibles. À défaut, elles demandent que la société QBE Europe puisse opposer ses limites contractuelles avec une franchise de 3 000 euros indexée et la garantie in solidum de la SMABTP, de la société Technosol et de son assureur, de la société MP&A et de la Mutuelle des architectes français, de la société Qualiconsult et de son assureur pour toutes condamnations.

La société MP&A et la Mutuelle des architectes français concluent le 15 décembre 2020 à l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnées avec les autres intervenants, en ce qu'il a rejeté leurs demandes formées contre la société Sofriex et la société QBE Europe mais à sa confirmation en ce qu'il a condamné la SMABTP à payer 75 % du préjudice et en ce qu'il a permis à la Mutuelle des architectes français d'opposer sa franchise. À défaut, elles appellent en garantie les autres intervenants au chantier et sollicitent la condamnation de la SMABTP ou tout autre à leur payer 3 000 euros pour leur frais irrépétibles.

La société Technosol et la société Axa France concluent le 4 mars 2021 à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, la responsabilité des dommages incombant à la société Dici et à son sous-traitant la société Veiga à l'exclusion de sa propre responsabilité, ou à la limitation de celle-ci à 5 %, et elles appellent alors en garantie les autres intervenants. La société Axa France ajoute qu'elle doit être tenue dans la limite de ses stipulations contractuelles, franchises et plafonds. Enfin, elles réclament chacune une indemnité de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à la SMABTP.

La société Qualiconsult et la société Axa France concluent le 30 octobre 2020 à leur mise hors de cause et au débouté des demandes des autres parties, appels en garantie ou prétentions dirigés contre elles.

À défaut, en cas de condamnation, elles soutiennent que la réclamation de 10 080 euros au titre du trouble de jouissance de M. et Mme [P] n'est pas justifiée dès lors qu'aucun élément technique ne démontre que la chambre située au-dessus des murs affaissés était inutilisable après le sinistre, tout comme celle de remboursement des factures du cabinet Roy de 388,70 euros toutes taxes comprises, du cabinet Tartacede de 387,87 euros toutes taxes comprises et du cabinet A-B Structures 717,60 euros toutes taxes comprises non retenues par l'expert comme n'ayant aucun lien avec les désordres. De plus, les sommes réclamées au titre des factures d'avocats de M. et Mme [P] au cours des opérations d'expertise seraient disproportionnées et relèveraient des frais irrépétibles. Elles demandent de ramener à de plus justes proportions la quote-part de responsabilité de la société Qualiconsult à 5 % au maximum. Elles appellent en garantie in solidum la société Technosol, la société MP&A et la société Sofriex sur le fondement de l'article 1382 du code civil et leurs assureurs sur le fondement de l'article 124-3 du code des assurances.

Elles ajoutent que le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation du dommage qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge et que tout recours d'un co-obligé sera limité à la stricte part de responsabilité du contrôleur technique. En outre, la franchise de 20 % du coût du sinistre avec un minimum de 3 000 euros et un maximum de 15 000 euros, au titre de la garantie de la société Axa France serait opposable aux tiers.

Enfin, la société Qualiconsult réclame, in solidum, aux parties succombantes une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BTSG, mandataire liquidateur de la société Dici, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

Sur l'étendue de la saisine de la cour

La SMABTP entend critiquer le jugement quant aux parts des responsabilités qu'il a retenues pour les différents intervenants.

La société Qualiconsult et son assureur contestent leur responsabilité et l'évaluation des préjudices de M. et Mme [P], toutefois leurs conclusions n'ont pas été réactualisées, les premiers juges ayant déjà limité leurs demandes de réparations.

La société MP&A et son assureur la Mutuelle des architectes français contestent leur responsabilité et le rejet de leur appel en garantie contre la société Sofriex et la société QBE Europe.

Les consorts [P] demandent de préciser que la condamnation dont ils bénéficient doit comporter la taxe sur la valeur ajoutée

Sur la responsabilité des différents intervenants à la construction

Le 2 avril 2013, les travaux de fondations étant en cours, des signes de tassement de la clôture du pavillon de M. et Mme [P] sont survenus, l'expert a préconisé la pose et le suivi de jauges de fissuration ainsi qu'une préparation sérieuse du chantier, le 18 juin 2013, de graves mouvements de sols sont apparus dans les propriétés voisines, [Adresse 22], et des travaux de confortement ont finalement été réalisés dans le courant du dernier trimestre de l'année 2013.

Selon l'expert, c'est dans le cadre de la réalisation des voiles contre terre par passes alternées côté [Adresse 22] que les désordres sont apparus dans les propriétés voisines. Ce voile contre terre s'est déplacé de plusieurs centimètres côté chantier.

Il en a justement conclu que les désordres ont deux causes, d'une part, par la mauvaise réalisation des butons et de leurs calages destinés à soutenir en phase provisoire le voile contre terre (insuffisance et non respect des plans), ce qui a entraîné le déplacement du voile et favorisé un passage d'air complétant le décompactage des sables, et, d'autre part, par l'absence de réalisation immédiate (dans la demi-journée) des parties de voile béton armé contre terre lors des terrassements des passes alternées, ce qui a entraîné là aussi le décompactage du sable au contact de l'air.

L'expert a rejeté tout autres hypothèses extérieures vibrations.

La responsabilité de la société Veiga

La société Veiga est la sous-traitante la société Dici pour le terrassement, la réalisation des voiles contre terre et le blindage. À ce titre, elle a établi en avril 2013 sa méthodologie, qui a été validée un mois plus tard par le géotechnicien, la société Technosol.

Au terme de son rapport, l'expert ne retient finalement pas de responsabilité à l'égard de l'entreprise sous-traitante, la société Veiga, aux motifs qu'elle n'était pas conviée aux réunions de chantier et d'expertise ni informée des problèmes soulevés par l'expertise. Il explique qu'il a analysé le temps de réaction des parties face aux problèmes rencontrés pour répartir les parts de responsabilité et c'est parce que la société Veiga a été écartée des débats (réunions de chantier et réunions d'expertise) et n'a pas été pleinement informée des sinistres qu'il lui a enlevé sa part de responsabilité.

Cependant, d'une part, la société Veiga a commencé la première phase de réalisation de ses travaux avant la validation de sa méthodologie par le géotechnicien.

D'autre part, dès les premières réunions d'expertise faisant suite à l'apparition des premiers désordres, en mai et juin 2013, l'expert a mis en lumière que ces désordres étaient dus à la défaillance des appuis des butons en bois, à leur insuffisance et à leur pose non conforme aux plans effectués par le BET Sofriex, défauts résultant bien des travaux dévolus à la société Veiga, comme cela ressort de sa méthodologie. Il a aussi constaté, au mois d'août 2013, que les reprises du butonnage effectuées après l'apparition des premiers désordres en mai et juin 2013 avaient également été défectueuses.

Dans ces circonstances, l'expert a donné son avis favorable pour rendre l'expertise commune à la société Veiga. Dans une note du 19 octobre 2013, il a fixé à 60 % la part de responsabilité de la société Veiga et du bureau d'étude technique.

Et, dans une note n° 69 du 11 juin 2015, date proche de celle du rapport final, il retenait sa part de responsabilité lui reprochant l'absence d'auto-contrôle sérieux.

Ensuite, il ressort des pièces versées aux débats que le conducteur de travaux de la société Dici, donneur d'ordre, était systématiquement présent sur le chantier et assistait à toutes les réunions de chantier et d'expertise de sorte que la société Veiga, sous-traitant, ne disposait pas d'une totale autonomie. Toutefois, la société Veiga était également présente sur le chantier tout au long des opérations d'expertise. La société Dici a adressé à la société Veiga par courriel le compte-rendu de chantier du 10 juin 2013 et elle a adressé aussi le 11 juillet 2013 un compte rendu d'intervention de la société Qualiconsult.

De son côté, la société Veiga a envoyé à son sous-traitant de second rang, la société Nabats constructeur, un courrier recommandé lui signalant avoir constaté le 7 juin 2013 un butonnage non conforme avec un risque de fissurage des voiles.

Selon le compte-rendu des réunions extraordinaires établi par le maître d''uvre à la suite de l'apparition des fissures, la société Veiga était présente à une réunion extraordinaire le 19 juin 2013 où était dénoncée l'insuffisance des butons par rapport aux plans d'exécution. Un avenant à son contrat de sous-traitance pour tenir compte de la nouvelle méthodologie a été signé le 25 juin 2013 avec la société Dici. Par ailleurs, elle a assisté volontairement aux opérations d'expertise à compter de la réunion du 2 août 2013.

Ainsi, la société Veiga avait connaissance, avant son assignation pour participer aux opérations d'expertise, des désordres aux avoisinants causés par ses travaux et elle n'établit pas que la société Dici est intervenue seule sur les butons sans concertation avec elle.

Il n'est pas établi qu'elle a réalisé les voiles sans qu'à aucun moment elle n'ait été informée des critiques sur la qualité de ses réalisations. Elle était présente à la réunion du 19 juin 2013 où il a été décidé de projeter le béton dans la demi-journée suivant l'ouverture de la passe et d'établir rapidement une nouvelle méthodologie à faire valider par le géotechnicien, le bureau de contrôle et la maîtrise d''uvre, tenant compte de l'écoulement du sable.

En tout état de cause, les désordres ne sont pas dus à un changement de méthode mais à un défaut originel de réalisation des voiles et de leur butonnage, dont elle est responsable, aggravé par une réaction et des reprises tardives et inefficaces.

Ainsi, il est clairement établi que la société Veiga a mal réalisé les travaux de voiles contre terre et de butonnage provisoire confiés par la société Dici dans le cadre du contrat de sous-traitance les liant, qu'elle était informée des défauts d'exécution et des désordres causés sur les avoisinants même si elle n'était pas conviée spécialement aux réunions de chantier et d'expertise. Sa responsabilité est donc engagée. Son donneur d'ordre, la société Dici titulaire du lot, doit également prendre en charge cette part de responsabilité en ce qu'elle répond des défaillances de son sous-traitant qu'elle s'est substituée pour l'exécution des obligations lui incombant.

La responsabilité de la société Dici

La société Dici était chargée du lot terrassement, fondations, gros 'uvre. Tout au long des réunions d'expertise qui ont suivi les premiers désordres apparus en mai et juin 2013, l'expert a relevé les défauts d'exécution mentionnés ci-dessus outre la pose incorrecte des jauges de fissuration, et a retenu la responsabilité de la société Dici rappelant que dès la note aux parties n°19 du 19 juin 2013, il lui avait demandé un suivi journalier sérieux. Il met ainsi en cause l'intervention de la société Dici qui, assistant aux rendez-vous de chantier et aux réunions d'expertise, n'a pris aucune initiative sérieuse face aux problèmes rencontrés et a laissé poursuivre son sous-traitant qui n'assistait à aucun de ces rendez-vous.

La société Dici, chargée du lot gros 'uvre, présente à toutes les réunions de chantier et d'expertise, avait alors pris la responsabilité de la conduite des travaux litigieux et avait connaissance de tous les défauts d'exécution dénoncés et de tous les problèmes subis par les avoisinants qu'elle devait répercuter à son sous-traitant.

Elle est donc, à l'égard du maître d'ouvrage, responsable, non seulement de la mauvaise exécution des travaux réalisés par son sous-traitant, mais aussi de ses propres manquements dans le suivi de ces travaux. Sa responsabilité est engagée.

La responsabilité de la société Technosol

La société Technosol était chargée des missions d'ingénierie géotechnique de type G2 et G4, d'avant-projet, d'établissement notamment des plans d'exécution de l'ouvrage de soutènement, et de suivi d'exécution sur le chantier par cinq visites.

Le 10 avril 2013, lors d'une visite sur le chantier elle a constaté que les butons étaient insuffisants et en discordance par rapport aux plans du bureau d'études, la société Sofriex.

Puis, lors d'une visite de chantier les 15 avril, 13 mai, la société Technosol a relevé une bonne évaluation générale de l'ouverture des passes et un butonnage acceptable tout en rappelant qu'il devait être conforme aux plans de la société Sofriex. Le 14 mai 2013, la société Technosol a validé la méthodologie de la société Veiga « sous réserve que les butons soient disposés comme indiqué sur les plans fournis par le bureau d'études la société Sofriex » et elle a préconisé une largeur des passes inférieure à trois mètres ainsi qu'une certaine pose pour les butons. Le 27 mai suivant, lors d'une visite de chantier, elle a encore préconisé de réduire les largeurs des passes et rappelé que le butonnage devait être conforme aux plans du bureau d'étude. Le 19 juin 2013, après la survenue des deuxièmes désordres, la société Technosol a donné de nouvelles préconisations sur le butonnage et envisagé de stabiliser les sables par injection.

L'expert, reproche au bureau d'études la société Technosol :

' un retard considérable dans l'examen de la méthodologie proposée par la société Veiga, alors que la validation de la méthodologie, réclamée dès le 15 avril selon les compte-rendus de chantier, avait été donnée le 14 mai 2013, après les premiers désordres, pour des travaux ayant démarré mi-mars,

' une insuffisance dans les préconisations à respecter lors de l'exécution des voiles par passe alternées,

' une très mauvaise appréciation de la situation sur le chantier lors de ses visites alors que par exemple le 10 avril 2013, la société Technosol n'avait rien dit sur la présence « parfaitement visible » d'une poche d'air derrière le ferraillage du voile contre terre prise en photographie par lui-même,

' une réactivité déplorable et tardive complétée par une étude des risques (mission G2) insuffisante voire non réalisée, alors que la cohésion du sol était nulle selon le rapport géotechnique de la société Botte du 3 mars 2011 ; ainsi, lorsque le 27 mai 2013, la société Technosol a constaté des fluages des sols, l'expert a critiqué sa préconisation consistant à juste réduire la largeur des passes sans plus de précisions considérant qu'elle n'était pas sérieuse ; elle aurait dû, selon lui, prévoir un coulage immédiat du béton, préconisation faite finalement le 19 juin 2013, mais tardivement, selon l'expert.

Il résulte de ces éléments que si la société Technosol a très vite constaté que le butonnage ne respectait pas les plans fournis par le BET Sofriex, elle n'a pas émis ensuite de réserves sur la qualité de pose de ces butons et ses préconisations de reprise face aux premiers désordres ont été tardives et insuffisantes. Ses défaillances dans sa mission a contribué à la réalisation des dommages.

La responsabilité de la société MP&A

Concernant la société MP&A, maître d''uvre, l'expert a souligné une défaillance dans le suivi des travaux alors qu'il demandait, notamment après les nouveaux désordres survenus le 18 juin 2013, un suivi journalier sérieux. Compte-tenu des désordres survenus sur les avoisinants et des alertes de l'expert, il avait une obligation renforcée de suivi des travaux.

Dans le compte-rendu de chantier du 15 avril 2013, la société MP&A a attiré l'attention de l'entreprise sur la mauvaise réalisation du butonnage. Cependant, cette mention ne figure plus dans les compte-rendus de chantier suivants produits aux débats. Dans le compte-rendu de chantier du 13 mai 2013, postérieur à l'apparition des premières fissures, la maîtrise d''uvre a seulement préconisé la pose de témoins, et le rehaussement d'un mur, outre la pose de butons provisoires supplémentaires à la demande de l'expert.

Plus généralement, à la lecture des quelques autres compte-rendus de chantier communiqués, il ressort que la maîtrise d''uvre a laissé l'entreprise exécuter les travaux de voiles contre terre sans attendre l'avis du géotechnicien ni le sien sur la méthodologie, qu'elle n'a pas relevé que le butonnage avait été globalement mal réalisé, qu'après l'apparition des premières fissures en mai 2013, les jauges de fissuration avaient été mal posées, ni qu'après la survenue de nouveaux désordres en juin 2013, la reprise du butonnage avait été mal faite.

Le suivi par la maîtrise d''uvre des travaux de voiles contre terre avec butonnage provisoire, malgré les alertes de l'expert et les réunions extraordinaires, a donc été insuffisant et n'a pas empêché l'apparition des désordres litigieux.

La responsabilité de la société MP&A est engagée.

La responsabilité de la société Qualiconsult

Selon la convention signée le 13 mars 2012, la société Qualiconsult avait notamment les missions L relative à la solidité des ouvrages et AV relative à la stabilité des ouvrages avoisinants. Il était ainsi prévu que dans l'exercice de sa mission, notamment AV, le contrôleur technique examinerait les travaux de terrassement, de blindage, d'étaiement, prendrait en compte tous les documents communiqués par le maître d'ouvrage et les éléments résultant de l'examen visuel de l'état apparent des avoisinants.

Il n'appartient cependant pas au contrôleur technique de s'assurer que ses avis sont suivis d'effet.

Il ressort des éléments versés aux débats que la société Qualiconsult a bien établi un rapport initial le 18 juillet 2012, a sollicité des documents, a donné des avis et a fait des visites de chantier. Ainsi, elle a sollicité quelques documents comme le 5 avril 2013 sur « les hypothèses » pour les voiles contre terre. Le 22 avril 2013, elle a demandé l'avis du géotechnicien sur la faisabilité des voiles par passes et notamment sur leur largeur. Le 6 mai 2013, elle a juste pris note d'une fissure visible sur une construction avoisinante et a demandé de lui transmettre les conclusions de l'expert et l'avis du géotechnicien sur la méthodologie.

Le 11 juin 2013, elle a demandé le respect du butonnage préconisé par le géotechnicien. Le 2 août 2013 elle a émis un avis défavorable sur la réalisation de la dernière passe du voile contre terre, et un avis suspendu sur le butonnage. Le 28 août 2013, elle a constaté que la reprise du butonnage permettait un calage efficace à court terme.

Toutefois, l'expert a souligné l'inaction du bureau de contrôle, pourtant présent aux réunions d'expertise. Il lui a reproché un compte-rendu non alarmiste à la suite de la première fissure apparue le 5 mai 2013, et d'avoir donné un avis favorable à la méthodologie de la société Veiga alors que les travaux étaient déjà bien entamés et qu'un premier désordre avait été signalé).

Dans une note aux parties n°19 du 19 juin 2013, l'expert avait demandé que la société Qualiconsult s'implique davantage compte-tenu de la gravité de la situation. Dans une note n°48 du 2 octobre 2013, l'expert a considéré que la mission solidité comprenait notamment un contrôle par sondage de la bonne qualité de la réalisation des butons de bois et de leur calage, que la mission avoisinants comprenait un sondage de cette bonne qualité et que compte-tenu du caractère généralisé de la mauvaise exécution des butons de bois le contrôle par sondage aurait permis de la détecter rapidement. Il lui reproche finalement une intervention trop tardive.

En effet, alors que les malfaçons concernant le butonnage étaient généralisées et visibles, la société Qualiconsult n'a pas émis d'avis à ce sujet avant les premiers désordres des 5 mai et 18 juin. Ses avis ont été tardifs, une fois les désordres apparus, et émis à la suite des opérations d'expertise menées par M. [T], auxquelles elle s'est rendue. Ces manquements ont donc également contribué à la réalisation des dommages.

La responsabilité de la société Sofriex

L'expert reproche l'absence d'efficacité du bureau d'études la Sofriex, qui a attendu le 20 juin 2013 pour demander une projection immédiate et une limitation de la largeur des passes.

Cependant, selon la lettre de commande du 26 février 2013, la société Dici a missionné la société Sofriex pour l'établissement des plans de coffrage et de ferraillage des fondations superficielles des niveaux -1 au +4, dans la phase étude et non dans la phase chantier, sa présence n'étant requise qu'en cas de besoin. À ce titre, elle a réalisé ses études et pris en compte l'étude de sol réalisée en 2011 pour le calcul des voiles contre terre. L'expert a notamment constaté que le butonnage n'avait pas respecté ses plans. Elle a donc bien accompli sa mission et a, durant les opérations d'expertise,

réalisé d'autres études pour reprendre les désordres qui n'ont pas été spécialement critiquées.

Aucune faute ne peut donc être retenue à son encontre, la société MP&A et la Mutuelle des architectes français ne peuvent l'appeler en garantie.

Sur la répartition des responsabilités

Les désordres sont dus à des défauts d'exécution imputables à la société Veiga, sous-traitante, qui avait connaissance des désordres survenus aux avoisinants et des critiques portant sur l'exécution de ses travaux. La société Dici avait conservé la maîtrise de la conduite de ces travaux et était la seule interlocutrice des différents intervenants sur le chantier et de l'expert dont elle devait répercuter les exigences à son sous-traitant. Les négligences de ces deux entreprises ont joué un rôle important dans la réalisation des dommages. En revanche, compte tenu des missions dévolues à la société Technosol, à la société Qualiconsult et à la société MP&A, leur part de responsabilité est moindre.

Sur la base des fautes retenues par la cour, qui n'est pas liée par l'avis de l'expert, la part de responsabilité de chacune des entreprises sera fixée ainsi :

' société Dici, 75 %, soit 55 % au titre de sa propre responsabilité et 20 % au titre de celle de son sous-traitant la sociétéVeiga,

' société Technosol, 10 %

' société MP&A, 10 %

' société Qualiconsult, 5 %

Sur les réparations

Le jugement n'est pas utilement critiqué sur ce point, les demandes de Qualiconsult et son assureur n'ayant pas été réactualisées en appel.

M. et Mme [P] avaient obtenu notamment la somme de 101 528,66 euros, pour les réparations de leur pavillon, somme qui leur avait été accordée par le juge de première instance hors taxes, car ils n'avaient pas réclamé l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ce qu'ils réclament aujourd'hui et sont en droit d'obtenir puisque en leur qualité de particulier ils ne peuvent récupérer ladite taxe. Il sera précisé que la condamnation doit inclure la taxe sur la valeur ajoutée au taux en vigueur.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La SMABTP a été à juste titre condamnée in solidum aux dépens de première instance. Elle sera seule condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; les circonstances de l'espèce justifient de condamner la SMABTP à payer à M. et Mme [P] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel ; elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre ainsi que les autres parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la SMABTP assureur de la société Dici, la société Technosol garantie par la société Axa France, la société Qualiconsult garantie par la société Axa France, la société MP&A garantie par la Mutuelle des architectes français à payer à M. et Mme [P] la taxe sur la valeur ajoutée applicable au coût des réparations d'un montant de 101 528,66 euros hors taxes ;

CONDAMNE la SMABTP aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à M. et Mme [P] une indemnité de 3 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre ainsi que les autres parties.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02697
Date de la décision : 05/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-05;20.02697 ?
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