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01/12/2022 | FRANCE | N°21/00254

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 01 décembre 2022, 21/00254


COUR D'APPEL

de

VERSAILLES



21e chambre





ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 DECEMBRE 2022



N° RG 21/00254

N° Portalis DBV3-V-B7F-UIUI











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : F 18/00237



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Daniel SAADAT

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Me Laurence SOLOVIEFF







le :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Le 1er décembre 2022,



La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



S.A.S. CARRARD SERVICES

[Ad...

COUR D'APPEL

de

VERSAILLES

21e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 DECEMBRE 2022

N° RG 21/00254

N° Portalis DBV3-V-B7F-UIUI

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : F 18/00237

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Daniel SAADAT

Me Laurence SOLOVIEFF

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le 1er décembre 2022,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. CARRARD SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Daniel SAADAT de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0392 - N° du dossier 10865

APPELANTE

****

Madame [L] [Z] épouse [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Laurence SOLOVIEFF, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0007

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2022/000881 du 16/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIMEE

****

Composition de la cour

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 pctobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Monsieur Mohamed EL GOUZI, greffier lors des débats.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [W] a été engagée à compter du 19 janvier 2009 en qualité d'agent de nettoyage, par la société TFN Propreté, selon contrat de travail à durée indéterminée.

Le contrat de travail de la salariée a été transféré à la société Carrard Services à compter du 1er mars 2014.

L'entreprise, qui intervient dans le domaine du nettoyage industriel, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des entreprises de propreté.

Se plaignant de ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme [W] a saisi, le 1er décembre 2017, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'entendre juger qu'elle a droit à la prime de 13ème mois, en application du principe d'égalité de traitement et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La salariée a ultérieurement sollicité la réévaluation de son contrat à temps partiel à hauteur de 13,75 heures à compter du 1er mars 2014.

La société a soulevé la prescription de la demande de versement de la prime de 13ème mois, l'irrecevabilité de la demande nouvelle de réévaluation de sa mensualisation et s'est opposée aux demandes de la requérante.

Mme [W] a quitté les effectifs de la société le 3 février 2018 à la suite de la perte du marché sur lequel elle était affectée.

Le conseil s'est déclaré en partage des voix le 19 juin 2019.

Par jugement de départage rendu le 18 décembre 2020, notifié le 21 décembre 2020, le conseil a statué comme suit :

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Dit n'y avoir lieu d'écarter les dernières conclusions de la société Carrard Services ;

Dit n'y avoir lieu d'écarter les dernières conclusions de Mme [W] ;

Condamne la société Carrard Services à verser à Mme [W] la somme de 1 627,93euros bruts au titre de la prime de 13ème mois,

Dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;

Ordonne la capitalisation des intérêts ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Condamne la société Carrard Services à verser à Mme [W] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

Condamner la société Carrard Services aux dépens.

Le 20 janvier 2021, la société Carrard Services a relevé appel de cette décision par voie électronique.

' Aux termes de ses conclusions, remises au greffe le 21 juillet 2021, la société Carrard Services demande à la cour d'infirmer le jugement sur les chefs de jugement critiqués et plus particulièrement en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

- dit n'y avoir lieu d'écarter les demandes nouvelles de Mme [W] ;

- l'a condamnée à verser à Mme [W] la somme de 1 627,93 euros bruts au titre de la prime de 13ème mois ;

- dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- l'a condamnée à verser à Mme [W] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- l'a déboutée de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 ;

- l'a condamnée aux dépens.

Et statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés :

Juger irrecevables les demandes nouvelles formulées par Mme [W] au titre de la requalification de son contrat de travail en temps partiel à durée indéterminée à hauteur de 13,75 heures au lieu de 12,5 heures à compter du 1er mars 2014 et à titre de rappels de salaires afférents à hauteur de 1 885,62 euros, outre 188,56 euros de congés payés, en ce qu'elles ne figuraient pas dans sa requête initiale présentée devant le conseil de prud'hommes

Débouter la salariée intimée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Condamner la salariée intimée à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement intervenu sur les chefs de jugements critiqués par Mme [W] le cadre de son appel incident,

Juger irrecevable la demande nouvelle formée en cause d'appel au titre de l'indemnité pour travail dissimulé à hauteur de 3 383,58 euros ou, à titre subsidiaire, l'en débouter.

' Selon ses dernières conclusions notifiées le 15 septembre 2022, Mme [W] demande à la cour de :

Juger mal fondée la société en son appel principal,

L'en débouter ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Juger qu'elle est bien fondée en son appel incident,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a 'condamné la société à lui verser les sommes de 1 627,93 euros bruts au titre de la prime de 13 ème mois, a dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, ordonné la capitalisation des intérêts et condamné la société à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens',

L'infirmer en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes,

En conséquence,

La juger recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes,

Prononcer la nullité de l'avenant du 1er mars 2014,

Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 1 627,93 euros bruts au titre des primes de 13 ème mois pour les années 2015 à 2018,

- 162,79 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

- 1 775 euros bruts au titre du paiement des heures complémentaires correspondant aux temps de trajet entre deux sites du 1er février 2015 au 26 février 2018,

- 177,50 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 3 383,58 euros nets au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Assortir les créances salariales des intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation,

Ordonner la capitalisation des intérêts ;

Débouter la société de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner la société au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle et de l'article 700 alinéa 2 dont distraction au profit de Maître Solovieff ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 21 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 10 octobre 2022.

Suivant conclusions notifiées par RPVA le 30 septembre 2022, la société Carrard Services demande à la cour de rabattre la clôture et réitère pour le surplus ses précédentes demandes.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

I ' Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :

La société Carrard Services demande la révocation de l'ordonnance de clôture du 21 septembre 2022, sur le fondement des articles 15 et 16 du code de procédure civile et de l'article 6 § 1 de la CESDH indiquant que la salariée a signifié de nouvelles conclusions le 15 septembre 2022 et ne pas avoir été en mesure de répliquer avant le 30 septembre 2022, elle estime que ce fait caractérise une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture afin que soient admises ses dernières conclusions.

Les dernières conclusions de Mme [W], lesquelles comportent un complément limité d'argumentation, ayant été signifiées le 15 septembre 2022, la société disposait d'un délai suffisant de six jours, dont trois jours ouvrés avant la date programmée de clôture, pour y répliquer ou solliciter du conseiller de la mise en état un report de la clôture ce qu'il s'est abstenu de faire.

Le principe du contradictoire ayant été respecté, faute pour la société appelante de justifier d'une cause grave, les dernières conclusions de la société Carrard Services notifiées le 30 septembre 2022 seront écartées et la demande de révocation de l'ordonnance de clôture sera donc rejetée en application des dispositions des articles 907, 802 et 803 du code de procédure civile.

II ' Sur la recevabilité des demandes additionnelles de Mme [W]

L'appelante considère que les demandes formulées par Mme [W] aux termes de ses conclusions du 8 septembre 2020, soit plus de deux ans, après la saisine du conseil de prud'hommes, qui tendent à la requalification du contrat de travail en temps partiel à durée indéterminée à hauteur de 13,75 heures par semaine au lieu de 12,5 heures à compter du 1er mars 2014 et au paiement de rappels de salaires, outre les congés payés afférents sont irrecevables, du fait que ces demandes ne figuraient pas dans la saisine initiale du conseil de prud'hommes intervenue le 22 février 2018, postérieure à l'entrée en vigueur du décret numéro 2016'660 du 20 mai 2016, ayant abrogé le principe de l'unicité de l'instance prud'homale.

Mme [W] s'oppose à cette fin de non-recevoir. Elle estime que les demandes formées aux termes de ses conclusions ampliatives, se rattachent par un lien suffisant à sa demande initiale au titre des rappels de 13e mois, en ce que ces deux demandes relèvent de rappels de salaire et de l'exécution du même contrat de travail.

Les règles spécifiques à la matière prud'homale de l'unicité de l'instance prévues à l'article R. 1452-6 du code du travail ont été abrogées par le décret n° 2016'660 du 20 mai 2016, soit antérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale le 1er décembre 2017.

Conformément à l'article 70 du code de procédure civile, les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, l'appréciation du lien suffisant relevant du pouvoir souverain du juge du fond.

Il est constant que Mme [W] a saisi initialement le conseil de prud'hommes d'une demande de versement d'une prime de 13e mois, la demande additionnelle, portant sur un rappel de salaires, force est de constater que ces demandes ont un lien suffisant entre elles, de sorte que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes les a déclarées recevables.

III - Sur la demande de rappel de salaires

Mme [W] sollicite la nullité de l'avenant du 1er mars 2014, au motif d'une fraude à ses droits, ainsi que le paiement d'une somme de 1775 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 177,50 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Elle rappelle qu'affectée sur le site de la ville d'[Localité 6] de 7h45 à 9h, puis de 9h15 à 10h30 du lundi au vendredi, elle n'a été rémunérée qu'à hauteur de 54,16 heures par mois, soit des heures ne comprenant pas la durée du travail exécutée pour relier les deux chantiers.

Elle fait valoir s'être tenue à la disposition permanente de l'employeur entre la fin de sa vacation de neuf heures, et le début de la suivante, se tenant à 9h15 période pendant laquelle elle devait rejoindre son site.

La société estime que la salariée demande en réalité le paiement d'heures ne correspondant pas à du temps de travail effectif, s'agissant de temps correspondant à des périodes inter-vacation.

L'employeur fait valoir que, pendant ces périodes, la salariée n'était pas à la disposition de la société et pouvait librement vaquer à ses occupations personnelles, de sorte qu'elle ne peut en demander le paiement.

Le contrat de travail à temps partiel, qui doit être établi par écrit, doit permettre au salarié de prévoir son rythme de travail, et lui permettre d'exercer éventuellement un emploi pour un autre employeur. Ainsi, le contrat doit obligatoirement fixer la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ainsi que les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir et la nature de cette modification.

L'article L. 3121-1 du code du travail définit la durée du travail effective, comme le temps, pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.

L'article 6.2. de la Convention collective nationale, des entreprises de propreté et des services associés stipule que la vacation est une période continue, comprenant le temps éventuel de déplacement entre les chantiers au sein d'une même vacation sans qu'intervienne d'interruption non rémunérée.

Il ressort de l'avenant du 1er mars 2014 que les vacations de Mme [W] prévues de 7h45 à 9h00 puis de 9h15 à 10h30 sur les sites respectifs  de la maison des associations et d'un bungalow préfabriqué aux 30 et [Adresse 2] étaient espacées d'une durée de 15 minutes, temps que Mme [W] estime correspondre à un temps de trajet pour relier les chantiers, temps au cours duquel, elle se tenait à disposition de l'employeur.

Alors que ces vacations successives intervenaient sur deux sites distincts et que conventionnellement le temps de déplacement entre deux lieux d'intervention s'inscrivant dans la continuité d'une prestation doit être intégré dans une seule et même vacation et être donc rémunéré, la réclamation salariale formée par la salariée de ce chef est bien fondée.

Sans pour autant que la fraude aux droits de la salariée ne soit établie, et aucune nullité de l'avenant encourue, la salariée est donc bien fondée à demander un rappel de salaire de 15 minutes supplémentaires par jour de travail du 01 février 2015 au 3 février 2018.

En conséquence, il sera alloué à Mme [W] la somme de 1775 euros bruts à titre de rappel de salaires ( 0,25 x5 jours x 4,33 x 33 mois x 9,94 euros) outre la somme de 177,50 euros au titre de congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et la demande en nullité de l'avenant du 1er mars 2014 sera rejetée.

IV - Sur la demande au titre du travail dissimulé

La salariée estime que ce faisant la société s'est sciemment abstenue de payer et de déclarer des salaires à son détriment.

La société conclut à l'irrecevabilité de cette demande nouvelle en cause d'appel.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, la salariée forme en cause d'appel une demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé. La demande d'indemnité pour travail dissimulé étant la conséquence des demandes en paiement des heures complémentaires, la fin de non recevoir ne saurait prospérer.

Selon l'article L. 8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1°/ soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2°/ soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2 relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3°/ soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du même code précise qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La fraude n'étant pas établie, l'application erronée par l'employeur des stipulations conventionnelles relatives au temps de déplacement entre deux lieux d'intervention ne caractérise pas l'intention de l'employeur de se soustraire à ses obligations salariales. Cette demande sera rejetée.

V- Sur l'inégalité de traitement et la demande de rappel de prime de 13e mois

En application du principe à travail égal salaire égal, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique.

Si, aux termes de l'article 1315 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Toutefois, il est de droit que l'évolution générale de la législation du travail en matière de négociation collective et de la jurisprudence en ce qui concerne le principe d'égalité de traitement à l'égard des accords collectifs conduit à apprécier différemment la portée du principe d'égalité de traitement à propos du transfert des contrats de travail organisé par voie conventionnelle. Par suite, la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement.

En l'espèce, la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 comprend en son article 7 un dispositif de garantie d'emploi. Ce texte fixe les « conditions de garantie de l'emploi et continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire ». L'article 7.2, II, relatif aux « modalités du maintien de l'emploi ' Poursuite du contrat de travail », précise que « Le transfert des contrats de travail s'effectue de plein droit par l'effet du présent dispositif et s'impose donc au salarié dans les conditions prévues ci-dessous. Le but de celui-ci est de protéger le salarié, son emploi et sa rémunération. Le transfert conventionnel est l'un des vecteurs stabilisateurs du marché de la propreté. Le maintien de l'emploi entraînera la poursuite du contrat de travail au sein de l'entreprise entrante ». L'article 7.2, II, B sur les « Modalités de maintien de la rémunération » indique que « le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute correspondant au nombre d'heures habituellement effectuées sur le marché repris. A cette rémunération s'ajouteront les éléments de salaire à périodicité fixe de manière à garantir le montant global annuel du salaire antérieurement perçu correspondant au temps passé sur le marché repris. Ces éléments seront détaillés selon les indications figurant sur la liste fournie par l'entreprise sortante mentionnée à l'article 7.3-I. Le nouvel employeur ne sera pas tenu de maintenir les différents libellés et composantes de la rémunération, ni d'en conserver les mêmes modalités de versement, compte tenu de la variété des situations rencontrées dans les entreprises ». Enfin l'article 7.2, II, D, relatif au statut collectif énonce que « les salariés bénéficieront du statut collectif du nouvel employeur qui se substituera dès le premier jour de la reprise à celui du précédent employeur ».

Mme [W] se compare à deux collègues affectées comme elle au site de la ville d'[Localité 6] au même poste d'agent de propreté.

Elle communique :

-le bulletin de paye du mois de décembre 2014 de Mme [P],

-le bulletin de paye du mois de décembre 2015 de Mme [I],

-le bulletin de paye du mois de décembre 2017 de Mme [I],

-ses propres bulletins de paye des années 2015, 2016 et 2017.

Il résulte de la comparaison entre les bulletins de paye de Mme [P], de Mme [I] et ceux de la salariée que cette dernière n'a pas perçu, contrairement à ses collègues de prime de fin d'année.

Mme [W] produit ainsi des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

La société objecte que l'origine du versement de cette prime de 13e mois n'est pas de son fait, mais avait été octroyée aux collègues de Mme [W] par l'un de leurs anciens employeurs, et que la société Carrard Services a donc seulement été amenée à la maintenir au moment de leur intégration dans ses effectifs en mars 2014, en application de la Convention collective des entreprises de propreté.

La société Carrard Services en justifie en produisant les bulletins de paye de Mme [P], et de Mme [I] des mois de janvier et février 2014, lorsqu'elles étaient encore dans les effectifs du prestataire sortant sur le marché de la mairie d'[Localité 6], la société TFN Propreté, bulletins de paye desquels il résulte que celles-ci bénéficiaient antérieurement à la reprise d'une prime de 13e mois.

A juste titre la société appelante expose que la preuve de l'origine première de cette différence de traitement ne saurait, par ailleurs, reposer sur elle dans la mesure où, n'ayant pas été l'employeur de Mme [I] et de Mme [P] avant le 1er mars 2014, cette preuve lui est impossible à rapporter.

La société produit également aux débats un tableau d'intégration des salariés au poste d'agent de service sur le marché de la ville d'[Localité 6], établi au moment de la reprise avec précision des avantages par salarié dont chaque salarié bénéficiait, et qui devaient être maintenus par la société Carrard Services en sa qualité d'entreprise entrante.

Alors que la société appelante justifie que Mmes [P] et [I], auxquelles Mme [W] se compare percevaient effectivement auprès de leur ancien employeur une prime de 13ème mois, le tableau établi par la société Carrard à l'occasion de l'obtention du marché de la ville d'[Localité 6] répertoriant les 24 salariés affectés sur ce marché bénéficiant de cette prime antérieurement au transfert, n'est pas de nature à modifier l'analyse et le fait que l'employeur rapporte la preuve qui lui incombe d'une raison objective et pertinente, reposant sur l'application de l'accord conventionnel ci-dessus référencé qui justifie la différence de rémunération.

L'atteinte au principe d'égalité de traitement n'est donc pas caractérisée. La demande présentée à ce titre sera rejetée et le jugement déféré infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Rejette la demande de rabat de la clôture,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 18 décembre 2020, en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a, d'une part, condamné la société Carrard Services à payer à Mme [W] la somme de 1627,93 euros au titre de la prime de 13e mois et d'autre part, débouté Mme [W] de sa demande de rappel de salaires,

Rejette la fin de non recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société Carrard Services à payer à Mme [W] la somme de 1 775 euros bruts à titre de rappel de rappel de salaire sur la période de 01 février 2015 au 3 février 2018, outre la somme de 177,50 euros bruts au titre des congés payés afférents,

Dit que l'atteinte au principe d'égalité de traitement n'est pas constituée.

Déboute Mme [W] de sa demande de rappel de prime de 13e mois,

Y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir,

Déboute, Mme [W] de sa demande au titre du travail dissimulé,

Condamne la société Carrard Services à payer à Mme [W] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle et de l'article 700 alinéa 2 dont distraction au profit de Maître Solovieff ainsi qu'aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Alicia LACROIX, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00254
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.00254 ?
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