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24/11/2022 | FRANCE | N°20/02370

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 24 novembre 2022, 20/02370


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 24 NOVEMBRE 2022





N° RG 20/02370



N° Portalis DBV3-V-B7E-UDVQ





AFFAIRE :





[I] [R]





C/





S.A.S.U. B.BRAUN MEDICAL





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billa

ncourt

N° Section : Industrie

N° RG : 18/01423



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Guillaume PERRIER de la SELARL GP AVOCAT



Me Franck BLIN de la SELARL ACTANCE





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/02370

N° Portalis DBV3-V-B7E-UDVQ

AFFAIRE :

[I] [R]

C/

S.A.S.U. B.BRAUN MEDICAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° Section : Industrie

N° RG : 18/01423

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Guillaume PERRIER de la SELARL GP AVOCAT

Me Franck BLIN de la SELARL ACTANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT- QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 19 octobre 2022, différé au 20 octobre 2022, puis prorogé au 17 novembre 2022, puis prorogé au 24 novembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [I] [R]

né le 20 Juin 1969 à [Localité 7] (Cameroun)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Guillaume PERRIER de la SELARL GP AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 761

APPELANT

****************

S.A.S.U. B.BRAUN MEDICAL

N° SIRET : 562 050 856

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Franck BLIN de la SELARL ACTANCE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 substitué par Me Pierre-Louis VIGNANCOUR, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

EXPOSE DU LITIGE

Après avoir effectué plusieurs missions d'intérim au sein de la société B. Braun Médical du 14 novembre 2013 au 26 septembre 2014, M. [I] [R] a été engagé par celle-ci à compter du 29 septembre 2014, par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'employé administratif, avec reprise d'ancienneté à compter du 29 juin 2014.

M. [R] souffrant des séquelles d'un accident du travail survenu le 13 novembre 2003 au service d'un précédent employeur, était reconnu travailleur handicapé. La reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé (RQTH) a été renouvelée par décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du 21 novembre 2013 pour la période du 6 août 2013 au 31 août 2018.

Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

La rémunération mensuelle brute moyenne du salarié s'élevait en dernier lieu à 1 974,38 euros.

Victime d'un accident du travail au sein de la société B. Braun Médical le 16 août 2016, M. [R] a été en arrêt de travail interrompu pour accident du travail du 17 août 2016 au 20 juin 2018.

A l'issue de la visite de pré-reprise, le 8 juin 2018, le médecin du travail a conclu : 'Visite de pré-reprise ce jour. Une étude de poste est indispensable pour étudier les conditions de la reprise du travail. La possibilité de reprise au poste antérieur sera précisée à l'issue de la visite de reprise.'

A l'issue de la visite de reprise, le 20 juin 2018, après étude de poste et des conditions de travail et échange avec l'employeur le 13 juin 2018, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude en un seul examen.

La société B. Braun Médical a recueilli le 26 juillet 2018 l'avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 juillet 2018, elle a notifié à M. [R] les motifs s'opposant à son reclassement.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 juillet 2018, elle a convoqué M. [R] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est déroulé le 29 août 2018, puis par lettre adressée dans les mêmes formes le 3 septembre 2018, elle lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. L'inaptitude du salarié étant consécutive à un accident du travail, elle lui a versé la somme de 3 674,56 euros au titre de l'indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 4 139,30 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 septembre 2018, le salarié a demandé à l'employeur de préciser les motifs de son licenciement et plus particulièrement les raisons de l'impossibilité de le reclasser, ce que celui-ci a fait par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 septembre 2018.

Contestant son licenciement, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt par requête reçue au greffe le 21 novembre 2018, afin d'obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement avant-dire droit du 3 février 2020, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a ordonné à la société B. Braun Médical de produire le registre du personnel intégral avec numérotation des pages et des noms depuis le 29 septembre 2014.

Par jugement du 7 septembre 2020, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- débouté M. [R] de toutes ses demandes,

- pris acte de l'engagement de la société B. Braun Médical de verser la somme de 303,12 euros à M. [R] au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement.

M. [R] a interjeté appel de cette décision par une déclaration au greffe du 23 octobre 2020 à 10h11 et par une déclaration au greffe du même jour à 16h31. Les deux instances, inscrites au répertoire général du greffe sous les numéros 20/02370 et 20/02380, ont été jointes sous le numéro 20/02370 par ordonnance du conseiller de la mise en état du 2 novembre 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 11 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, il demande à la cour  :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'ordonner avant dire droit à la société B. Braun Médical de produire ses déclarations annuelles concernant l'emploi des travailleurs handicapés, de sa demande principale de juger le licenciement prononcé en violation de l'article L 1226-10 du code du travail et de condamner la société B. Braun Médical à lui verser une indemnité pour violation de l'article L 1226-10 du code du travail, de sa demande subsidiaire de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société B. Braun Médical à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en conséquence, statuant à nouveau,

-avant-dire droit, ordonner à la société B. Braun Médical de produire ses déclarations annuelles concernant l'emploi de travailleurs handicapés de 2014 à 2018,

- au fond, à titre principal, juger que son licenciement est intervenu en violation de l'article L 1226-10 du code du travail, et, à titre subsidiaire, qu'il est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société B. Braun Médical à lui verser à titre principal la somme de 22 000 euros au titre de la violation de l'article L. 1226-10 du code du travail, conformément à l'article L 1226-15 du code du travail, et à titre subsidiaire la somme de 22 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner en outre la société B. Braun Médical à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société B. Braun Médical aux éventuels dépens et frais d'exécution à intervenir.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 16 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société B. Braun Médical demande à la cour de :

- fixer le salaire de référence à 1.974,38 euros brut ;

- constater qu'elle n'a commis aucun manquement à l'égard de M. [R] ;

- constater que l'inaptitude de M. [R] n'a pas pour origine un quelconque manquement de la société B. Braun Médical ;

- constater qu'elle a procédé à des recherches loyales et sérieuses de reclassement ;

En conséquence :

¿ à titre principal, juger le licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement fondé ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [R] de l'intégralité de ses demandes ;

- y ajoutant, condamner M. [R] à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

¿ à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait le licenciement de M. [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse, réduire la condamnation à une indemnité égale aux salaires des six derniers mois.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de production des déclarations annuelles de la société B. Braun Médical concernant l'emploi des travailleurs handicapés

La cour étant suffisamment éclairée par les pièces produites par les parties, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné avant-dire droit à la société B. Braun Médical de produire ses déclarations annuelles concernant l'emploi de travailleurs handicapés de 2014 à 2018.

Sur la violation des dispositions relatives au reclassement du salarié dont l'inaptitude est consécutive à un accident du travail

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Aux termes de l'article L. 1226-12 du code du travail, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

Il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

A l'issue de la visite de reprise, le 20 juin 2018, après étude de poste et des conditions de travail et échange avec l'employeur le 13 juin 2018, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude en un seul examen et conclu : 'A la suite de l'étude de poste et de l'échange avec l'employeur le 13/06/2018, M. [R] [I] est inapte au poste d'employé administratif. Le salarié pourrait occuper une activité sans manutention ni station debout prolongée. Le salarié peut bénéficier d'une formation compatible avec ses capacités restantes sus-mentionnées.'

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 juin 2018, la société B. Braun Médical a demandé au médecin du travail de préciser quelles sont les capacités restantes du salarié, quel type de poste il pourrait occuper et de lui indiquer s'il est soumis à d'autres restrictions particulières.

Par courrier du 28 juin 2018, le médecin du travail a confirmé que M. [R] est inapte au poste d'employé administratif et qu'il pourrait occuper une activité sans manutention ni station debout prolongée et a précisé: 'M. [R] peut donc occuper tout poste répondant à ces préconisations'.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 juin 2018, la société B. Braun Médical a demandé à M. [R] de lui faire connaître sa position quant à une éventuelle mobilité géographique, et, plus précisément, s'il est mobile sur toute la France ou, à défaut, de lui préciser les départements sur lesquels une mobilité serait envisageable et lui a demandé en outre de lui adresser son curriculum vitae et de l'informer des éventuelles formations qu'il a suivies ainsi que des diplômes qu'il a éventuellement obtenus depuis son embauche au sein de l'entreprise.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 juillet 2018, M. [R] a répondu que compte-tenu de ses contraintes familiales et de santé, il souhaite un reclassement sur un poste réunissant les conditions suivantes :

- ne nécessitant ni manutention ni station debout prolongée,

- ne nécessitant pas un déménagement de la ville de [Localité 11], où il réside et où ses enfants résident,

- ne nécessitant pas de passer plus de 30 minutes dans les transports en commun pour s'y rendre c'est-à-dire dans les départements du 92, du 93, du 95 et à [Localité 15].

Il a joint son curriculum vitae.

La société B. Braun Médical, qui appartient au groupe B. Braun, n'a fait aucune proposition de reclassement à M. [R].

Pour justifier que, tenant compte de la position prise par le salarié, elle a respecté son obligation de reclassement, elle produit :

- le courrier adressé le 17 juillet 2018 par M. [E] [D], exerçant les fonctions de responsable ressources humaines et recrutement de la société B. Braun Médical, à Mme [W] [P], exerçant les fonctions de juriste en droit social junior selon le registre du personnel versé aux débats, dans lequel il indique que l'établissement de [Localité 5] ne dispose d'aucun poste susceptible d'être en adéquation avec les compétences et les qualifications de M. [R] ;

- les pages 192 à 209 du registre unique du personnel de l'établissement de [Localité 5] (sis jusqu'en juin 2018 à Boulogne-Billancourt, ainsi qu'il ressort des bulletins de paie de M. [R]), ce document répertoriant sous les numéros 5180 à 5470 tous les salariés engagés du 5 mai 2014 au 25 mars 2019, contrats de travail à durée déterminée inclus (cf. les contrats de travail à durée déterminée d'infographiste du 1er septembre 2018 ou de chargé de projets grands comptes du 22 septembre 2018) ;

- le courrier de Mme [F] [V] faisant état de l'absence de poste de reclassement au sein de la DAJPI qu'elle dirige ;

- le courrier électronique en date du 4 juillet 2018, avec une demande de retour d'ici le 18 juillet suivant, adressé par M. [E] [D] aux responsables ressources humaines des autres établissements de l'entreprise ainsi qu'aux autres sociétés du groupe B. Braun situées sur le territoire national, en vue de rechercher un poste de reclassement pour M. [R], ainsi que le courrier électronique qu'il leur a adressé le 13 juillet 2018 pour leur transmettre les éléments complémentaires adressés par M. [R] le 4 juillet 2018 ;

- les réponses négatives reçues des responsables des ressources humaines des autres établissements de l'entreprise, sis à [Localité 9] (86), [Localité 13] (54), [Localité 14] (28) et [Localité 16] (64) ;

- les réponses négatives reçues des autres sociétés situées sur le territoire national appartenant comme elle au groupe B. Braun: la société Référence Santé sise à [Localité 5], la société Braun Avitum France sise alors à [Localité 12] (33), ainsi qu'il se déduit de la pièce 40 de M. [R] (siège à [Localité 5] depuis 2 ans à la date du 13 juillet 2021), la société Inko sise à [Localité 8] (92), la société Aesculap sise à [Localité 10] (52) et la société Suturex & Renodex, sise à [Localité 17] (24) ;

- un extrait du site de la RATP mentionnant que le temps de déplacement pour se rendre du domicile de M. [R] situé [Adresse 2] aux locaux de [Localité 5], est au minimum de 42 minutes.

Les critiques formulées par M. [R] concernant les extraits du registre unique du personnel de l'établissement de [Localité 5] produits par la société B. Braun Médical ne sont pas de nature à remettre en cause la fiabilité de ces documents, l'exigence légale de la tenue d'un registre du personnel par établissement pouvant entraîner une inscription du salarié dans le registre de l'établissement postérieure de plusieurs années à sa date d'entrée dans l'entreprise, la mention d'une embauche du 6 février 2018 entre une embauche du 1er mars 2018 et une embauche du 12 mars 2018 n'étant pas significative et l'absence de mention du départ du salarié de l'entreprise résultant manifestement d'un oubli.

Il peut être relevé au surplus que, s'il résulte de la pièce 44 de M. [R] que le temps de trajet de son domicile, [Adresse 2], au [Adresse 1] peut le cas échéant être inférieur à 42 minutes et être de seulement 37 mn, soit 12 mn de son domicile jusqu'à la gare SNCF d'Asnières et 25 mn de la gare SNCF d'Asnières aux locaux du groupe à [Localité 5], ce temps de 37 mn suppose un temps de correspondance entre le bus et le train difficile à réaliser quotidiennement et dépasse en tout état de cause les 30 minutes souhaitées par le salarié.

La société B. Braun Médical établit en tout état de cause par les pièces qu'elle produit l'absence de poste disponible en son sein correspondant aux compétences de M. [R] et conforme aux préconisations du médecin du travail, comme ne comportant ni manutention ni station debout prolongée, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail, tant dans le périmètre souhaité par le salarié que sur le territoire national.

Contrairement à ce que M. [R] allègue, la société B. Braun Médical justifie avoir effectué une vaine recherche de reclassement auprès de la société B. Braun Avitum France, qui appartient comme elle au groupe B. Braun. Il est sans incidence que la société B. Braun Avitum France, qui se présente sur son site internet comme une société spécialisée dans le traitement des patients atteints d'insuffisance rénale gérant 18 centres et unités de dialyse et employant plus de 300 salariés, n'exerce pas directement cette activité mais agisse via le groupement d'intérêt économique Dialyses services GIE, qui a pour objet d'assurer la direction des centres et unités de dialyse qui en sont membres et que l'association Nephr Develop Rein Artificiel, sise à la même adresse que celle-ci, exploite l'un de ces centres. Il ressort au surplus des pièces produites par le salarié, d'une part, que le groupement d'intérêt économique Dialyses services GIE et l'association Nephr Develop Rein Artificiel n'ont leur siège à [Localité 5] que depuis 2 ans à la date du 13 juillet 2021, de sorte qu'à la date du licenciement, elles avaient encore leur siège à [Localité 12] (33) et, d'autre part, que les centres et unités de dialyse effectivement contrôlés par la société B. Braun Avitum France, dont la liste est répertoriée dans l'extrait du site internet produit par le salarié en pièce 41, sont tous situés loin de la région parisienne, à l'exception de l'établissement de l'association Nephr Develop Rein Artificiel, situé [Adresse 3], qui est lui-même très éloigné du domicile du salarié en transports en commun.

La société B. Braun Médical justifie ainsi avoir effectué une recherche exhaustive et sérieuse des postes de reclassement disponibles et compatibles avec l'état de santé du salarié, au sein des entreprises du groupe auquel elle appartient, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel, dans le secteur géographique souhaité par le salarié et de l'absence, dans le périmètre défini par les préconisations du médecin du travail, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail, de poste disponible correspondant aux compétences du salarié, ne comportant ni manutention ni station debout prolongée.

L'employeur ayant satisfait à l'obligation de reclassement imposée par l'article L. 1226-10 du code du travail, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 en cas de violation de ces dispositions.

Sur l'imputabilité de l'origine de l'inaptitude du salarié à l'employeur

M. [R] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif que son inaptitude a pour origine des manquements de l'employeur à ses obligations. Il fait valoir qu'en ne lui assurant aucun suivi par le médecin du travail avant avril 2017, en n'adaptant pas son poste à son handicap et en ne le faisant bénéficier d'aucune formation au port de charge, la société B. Braun Médical a commis des manquements à l'origine de l'accident du travail qui a provoqué son inaptitude.

Il est établi :

- que M. [R] a été victime le 13 novembre 2003 d'un accident du travail au service d'un autre employeur ; que le médecin-conseil de la sécurité sociale a résumé ses séquelles comme suit : 'Séquelles de sciatique par hernie discale opérée sur état antérieur, consistant en douleurs, gêne fonctionnelle, objectivement rigidité segmentaire et limitation des amplitudes' et a conclu à un taux d'incapacité permanente de 18% (M54.5 lombalgie basse) le 10 mars 2009 ;

- que la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue le 21 novembre 2013 pour la période du 6 août 2013 au 31 août 2018 ;

- que du 14 novembre 2013 au 26 septembre 2014, il a effectué au sein de la société B. Braun Médical des missions de travail temporaire ; que dans le contrat de mise à disposition du 25 février 2014, les caractéristiques particulières de son poste de travail d'agent service courrier étaient décrites comme suit: 'traitement des courriers et colis entrants/sortants, distribution dans les étages, traitement des palettes entrantes et sortantes, agencement des salles de réunion' ;

- qu'il a fait l'objet le 18 mars 2014, pour cet emploi, d'une visite d'embauche, à l'issue de laquelle le médecin du travail a conclu à son aptitude et a mentionné sur la fiche d'aptitude : 'à revoir : 2016/03";

- qu'il a été engagé par la société B. Braun Médical par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 29 septembre 2014 en qualité d'employé administratif et qu'il était affecté au service courrier, où il exécutait les mêmes tâches que celles qu'il effectuait auparavant sous l'intitulé d'emploi d'agent service courrier ;

- que par lettre du 6 octobre 2014, la société B. Braun Médical a écrit au service de santé au travail, l'ACMS, pour l'informer de l'embauche de M. [R] au poste d'employé administratif et lui demander de prendre en compte sa visite médicale antérieure du 18 mars 2014, alors qu'il travaillait en intérim dans l'entreprise au poste d'agent de service courrier, dont les attributions les missions et les responsabilités sont identiques, qui avait donné lieu à la fiche d'aptitude jointe en copie, et de l'inclure dans les effectifs de l'entreprise pour le suivi médical périodique ;

- que M. [R], qui a été en arrêt de travail pour accident du travail du 22 janvier au 9 février 2016, ne s'est pas présenté à la visite médicale fixée par le médecin du travail au 3 février 2016, sans qu'une annulation soit parvenue à l'ACMS 2 jours ouvrés au moins avant la date du rendez-vous comme le prévoit le règlement intérieur de celle-ci ; que l'ACMS a écrit à la société B. Braun Médical que compte-tenu du manque de médecins du travail, elle ne pourra proposer un rendez-vous au salarié qu'à l'échéance de la prochaine visite périodique ;

- que le 16 août 2016, M. [R] a été victime d'un accident du travail ; que l'employeur a indiqué dans la déclaration d'accident du travail effectuée à cette date, qu'alors que le salarié rangeait les caisses, il a marché sur le chariot et a chuté, heurtant le chariot et le sol, et ressent des douleurs à l'épaule gauche et au dos ; que le médecin qui a examiné M. [R] le 17 août 2017, a constaté un traumatisme de la clavicule gauche, de l'épaule gauche et du rachis dorso-lombaire ;

- que M. [R] a été en arrêt de travail ininterrompu pour accident du travail à compter du 17 août 2016 ;

- que le 9 septembre 2016, la responsable hygiène et sécurité a établi un tableau récapitulatif des propositions d'actions possibles pour améliorer les conditions de vie au travail du salarié ;

- que le 8 juin 2018, lors de la visite de pré-reprise, l'intéressé a décrit son poste comme suit : 'réception des colis tous les jours et les distribue dans les étages, poids variable de 10 à 35kg'; que le médecin du travail a pris note des déclarations du salarié concernant l'accident du travail comme suit : 'AT le 16/8/2016, en portant des lourds colis, l'un d'eux est tombé, voulait le rattraper, chute, trauma épaule gauche et bas du dos ; IRM épaule gauche 17/11/16: rupture partielle inf du tendon du supra épineux' et relevé :' limitation fonctionnelle épaule gauche, paresthésies MS gauche' et qu'il a conclu : 'Une étude de poste est indispensable pour étudier les conditions de la reprise du travail. La possibilité de reprise au poste antérieur sera précisée à l'issue de la visite de reprise.' ;

- que le 20 juin 2018, à l'issue de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [R] inapte à son poste et précisé qu'il pourrait occuper une activité sans manutention ni station debout prolongée, ce qui a fait perdre toute pertinence aux propositions d'actions possibles pour améliorer les conditions de vie au travail du salarié répertoriées par la responsable hygiène et sécurité le 9 septembre 2016 ;

- que la Cpam a attribué à M. [R] une rente trimestrielle d'accident du travail de 541,14 euros à compter du 20 juin, en prenant en compte un taux d'incapacité permanente de 19%, dont 4% pour le taux professionnel, au regard des conclusions médicales suivantes : 'Traumatisme épaule gauche et rachis cervical chez un droitier traité médicalement. Séquelles consistant en limitation moyenne de tous les mouvements de l'épaule gauche et gêne douloureuse résiduelle. Absence de séquelles indemnisables pour le rachis cervical.'

Il ressort du courrier de la société B. Braun Médical du 29 octobre 2018, dans lequel elle écrit avoir 'toujours proactivement veillé à la compatibilité de son état de santé et notamment, de sa qualité de travailleur handicapé, au poste de travail qu'il occupait', qu'elle avait connaissance de la qualité de travailleur handicapé du salarié.

M. [R], qui a fait l'objet le 18 mars 2014 d'une fiche d'aptitude pour des fonctions exercées dans le cadre d'une mission d'intérim au sein de la société B. Braun Médical identiques à celles pour lesquelles celle-ci l'a ensuite engagé par contrat de travail à durée indéterminée le 29 septembre 2014, n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre son handicap et l'accident du travail du 16 août 2016. Il n'est pas non plus établi qu'une adaptation de son poste, qui n'a été ni préconisée par le médecin du travail le 18 mars 2014, ni même évoquée par le salarié auprès de son employeur, en l'absence de toute pièce justifiant d'une quelconque alerte de sa part sur d'éventuelles difficultés rencontrées dans l'exécution de ses tâches, ou qu'une formation au port de charges auraient été de nature à éviter la survenance de l'accident du travail dont il a été victime et spécialement à le prémunir contre la chute, qui a provoqué la lésion à l'épaule gauche, qui est à l'origine de son inaptitude.

L'inaptitude de M. [R] à son poste n'ayant pas pour origine les manquements allégués de la société B. Braun Médical à son obligation de sécurité, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande tendant à ce que son licenciement soit reconnu sans cause réelle et sérieuse et de sa demande subséquente d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

M. [R], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société B. Braun Médical les frais irrépétibles qu'elle a exposés. Elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 7 septembre 2020 ;

Y ajoutant :

Déboute M. [R] et la société B. Braun Médical de leurs demandes respectives d'indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [R] aux dépens d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02370
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;20.02370 ?
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