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24/11/2022 | FRANCE | N°20/02311

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 24 novembre 2022, 20/02311


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 24 NOVEMBRE 2022





N° RG 20/02311



N° Portalis DBV3-V-B7E-UDL3





AFFAIRE :





[R] [B]





C/





S.A.S. ADWAY





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Août 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Section :

Encadrement

N° RG : F18/00325



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Alexandre SITBON



Me Ariane SCHUMAN-DREYFUS de la SELAS PEYRE





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT-QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/02311

N° Portalis DBV3-V-B7E-UDL3

AFFAIRE :

[R] [B]

C/

S.A.S. ADWAY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Août 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Encadrement

N° RG : F18/00325

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Alexandre SITBON

Me Ariane SCHUMAN-DREYFUS de la SELAS PEYRE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 19 octobre 2022, différé au 20 octobre 2022, puis différé au 17 novembre 2022, puis prorogé au 24 novembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [R] [B]

née le 09 Mai 1990 à Paris (75014)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Alexandre SITBON, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2588

APPELANTE

****************

S.A.S. ADWAY

N° SIRET : 507 831 444

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Ariane SCHUMAN-DREYFUS de la SELAS PEYRE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L40

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [R] [B] a été engagée par la société Adway par contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2016, en qualité d'ingénieur d'affaires junior, statut cadre, position 2.2, coefficient 130, pour 218 jours par année civile, moyennant une rémunération annuelle fixe de 30 000 euros brut et une rémunération variable composée d'une prime d'accroissement, d'une prime d'ouverture de compte et d'une prime trimestrielle d'objectif. Elle a perçu en outre des primes challenge et une prime de vacances conventionnelle.

La convention collective applicable est celle des bureaux d'études techniques, cabinets ingénieurs conseils, société de conseil.

Mme [B] a été absente pour congés payés du 14 au 30 juillet et du 26 août au 3 septembre 2017.

Selon une lettre remise en main propre contre décharge le 23 août 2017, elle a été convoquée à un entretien à un éventuel licenciement fixé au 1er septembre 2017, puis selon une lettre remise en main propre contre décharge le 6 septembre 2017, elle a été licenciée pour faute grave.

La société Adway et Mme [B] ont signé le 14 septembre 2017 un protocole d'accord transactionnel.

Par requête reçue au greffe le 12 février 2018, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le versement de diverses sommes.

Par jugement du 20 août 2020, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit que la transaction conclue entre les parties le 14 septembre 2017 est valable ;

- dit n'y avoir lieu à la demande de nullité de la convention de forfait-jours ;

- débouté Mme [B] de toutes demandes qui en découlent ;

- déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

- laisse les dépens à la charge de la partie qui succombe.

Mme [B] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 19 octobre 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 7 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- annuler la transaction conclue le 14 septembre 2017 entre la société Adway et elle,

- fixer la moyenne des rémunérations qu'elle a perçues à 4 113,44 euros,

- condamner la société Adway à lui verser les sommes suivantes :

* 1 885,32 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 12 339 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis,

* 1 233,90 euros au titre des congés afférents,

* 24 678 euros pour licenciement abusif,

* 4 113,44 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité dans l'application de la convention de forfait-jours,

* 40 875,78 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non réglées,

* 4087, 57 euros au titre des congés payés afférents,

* 24 680 euros au titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Adway à lui remettre les documents de fin de contrat conformes ;

- condamner la société Adway aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 17 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la Société Adway demande à la cour de :

¿ confirmer en tous points le jugement entrepris, qui a constaté la validité de la transaction conclue avec Mme [B] et débouté en conséquence cette dernière de l'intégralité de ses prétentions ;

¿ à titre subsidiaire, en cas d'annulation de la transaction :

- constater que le licenciement pour faute grave de Mme [B] est fondé ;

- débouter en conséquence Mme [B] de l'intégralité de ses demandes au titre du licenciement infondé ;

- condamner Mme [B] à lui verser la somme de 7 000 euros en remboursement de l'indemnité transactionnelle qu'elle a perçue ;

- débouter Mme [B] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires dont la réalité n'est pas établie ;

- au cas où la cour déciderait d'un rappel d'heures supplémentaires :

* limiter le rappel de salaire à la somme de 329,60 euros bruts, hors congés payés, au titre de 16 heures supplémentaires effectuées ;

* ordonner le remboursement par Mme [B] de la somme de 865,27 euros bruts au titre des jours de RTT

- au cas où la cour déciderait d'un rappel d'heures supplémentaires supérieur à 16 heures :

* réduire à plus justes proportions le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;

* dire que le rappel de 1184 heures supplémentaires ne saurait excéder la somme de 27 337,78 euros bruts ;

* ordonner le remboursement par Mme [R] [B] de la somme de 865,27 euros bruts au titre des jours de RTT ;

¿ à titre très subsidiaire :

- dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter en conséquence Mme [B] de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- fixer l'indemnité légale de licenciement à la somme de 994,50 euros et l'indemnité de préavis à la somme de 7 500 euros bruts,

- condamner Mme [B] à lui verser la somme de 7000 euros en remboursement de l'indemnité transactionnelle qu'elle a perçue ;

¿ à titre infiniment subsidiaire :

- ramener à plus justes proportions l'indemnité allouée au titre du licenciement injustifié,

- ordonner la compensation de cette indemnité avec la somme de 7 000 euros due par Mme [B] en remboursement de l'indemnité transactionnelle perçue ;

¿ en toutes hypothèses :

- fixer le salaire brut mensuel de référence à la somme de 3 315 euros ;

- débouter Mme [B] de sa demande indemnitaire au titre d'une convention de forfait-jours nulle ;

- débouter Mme [B] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

- débouter Mme [B] de sa demande de rappel de prime d'objectifs ;

- condamner Mme [B] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [B] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité de la transaction

La transaction ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du code du travail. La transaction conclue en l'absence de notification préalable du licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception est nulle.

La transaction objet du présent litige ayant été conclue par la société Adway avec Mme [B] après notification du licenciement par lettre remise en main propre est nulle. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit la transaction conclue par la société Adway avec Mme [B] valable et de condamner Mme [B] à restituer à la société Adway la somme de 7 000 euros qu'elle a perçue à titre d'indemnité transactionnelle.

Sur la nullité de la convention de forfait-jours

Le contrat de travail de Mme [B] stipule une durée de travail de 218 jours par an et prévoit que la salariée établira mensuellement un 'décompte de temps' en remplissant via l'outil de gestion ASA, au plus tard le 20 de chaque mois, la feuille de temps en vigueur dans l'entreprise.

L'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, conclu en application de la loi du 13 juin 1998, annexé à la convention collective nationale Syntec, et entré en vigueur le 1er janvier 2000, institue en son chapitre II, article 4, relatif aux modalités de réalisation de missions avec autonomie complète, applicables aux collaborateurs qui disposent d'une grande latitude dans leur organisation de travail et la gestion de leur temps et bénéficient de la position 3 de la convention collective ou d'une rémunération annuelle supérieure à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale, ou d'un mandat social, un forfait en jours.

A défaut de bénéficier de la position 3 de la convention collective ou d'une rémunération annuelle supérieure à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale, lequel était fixé à 38 616 euros en 2016 et à 39 228 euros en 2017, Mme [B] ne pouvait relever des modalités de réalisation de missions avec autonomie complète et donc d'un forfait jours.

En l'absence d'accord collectif autorisant la société Adway à conclure une convention de forfait en jours sur l'année avec Mme [B], la convention de forfait stipulée au contrat de travail de celle-ci est nulle.

Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires

Mme [B] sollicite en paiement des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées la somme de 40 875,78 euros.

La convention de forfait appliquée par la société Adway à Mme [B] étant nulle, cette dernière est bien fondée à prétendre au paiement, selon le droit commun, des heures de travail qu'elle a accomplies au-delà de 35 heures de travail par semaine, calculée sur la base d'un taux horaire de 16,48 euros (2 500 euros /151,67 heures), majoré de 25%, soit un taux de 20,60 euros pour les huit premières de travail accomplies au-delà de 35 heures de travail par semaine, et majoré de 50%, soit un taux de 24,72 euros pour les heures supplémentaires accomplies au-delà de 43 heures de travail par semaine. La salariée inclut donc à tort dans son calcul les heures supplémentaires accomplies au-delà de 43 heures de travail par semaine à la fois dans les heures supplémentaires majorées de 25% et dans les heures supplémentaires majorées de 50%.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail ou, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Selon l'article L. 3121-22 du code du travail, constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 3121-10 du code du travail ou de la durée considérée comme équivalente. Cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés. Les jours fériés ne peuvent, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilées à du temps de travail effectif, de sorte qu'ils ne sauraient être pris en compte dans la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration et bonification en repos pour heures supplémentaires. Les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le salarié doivent en revanche être prises en compte en tant qu'heures de travail accomplies pour déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint.

Mme [B] présente un tableau récapitulatif de ses horaires de travail jour par jour suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies. L'employeur, tenu d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, s'est abstenu, en violation de l'obligation qui lui était faite, de procéder à l'enregistrement de l'horaire accompli par la salariée et ne verse aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci. Il s'en déduit que la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires est rapportée, dont il appartient à la cour d'évaluer l'importance.

Au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour et la réalisation des heures supplémentaires accomplies par la salariée ayant été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées par l'employeur, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Adway à payer à Mme [B] la somme de 16  853,28 euros à titre d'heures supplémentaires ainsi que la somme de 1 685,33 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de remboursement des jours de réduction du temps de travail

Lorsqu'une convention de forfait est nulle ou privée d'effet, l'employeur peut réclamer le remboursement des jours de réduction du temps de travail dont le paiement est devenu indu. Il convient en conséquence de condamner Mme [B] à rembourser à la société Adway la somme de 865,27 euros perçue au titre des jours de réduction du temps de travail dont le paiement est devenu indu, dont le montant est justifié par les bulletins de paie produits.

Sur la demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait nulle ou privée d'effet.

Il n'est pas établi en l'espèce que la société Adway a, de manière intentionnelle, omis de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par la salariée. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail.

Sur la demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la convention de forfait-jours

Mme [B] ne rapporte pas la preuve qu'elle a subi, du fait de l'irrégularité de la convention de forfait-jours, un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement des heures supplémentaires effectuées, réparé par les intérêts au taux légal de sa créance. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour irrégularité de la convention de forfait-jours.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

'...nous vous avons exposé les faits pour lesquels nous envisagions de vous licencier.

Nous vous avons reproché des manquements graves dans votre travail qui se sont traduits par des résultats très en dessous de vos objectifs. Ces résultats très insuffisants découlent de votre manque d'écoute vis-à-vis de votre encadrement et de votre manque d'assiduité dans votre travail. Plus généralement vous avez exprimé à de multiples reprises votre volonté de vouloir quitter l'entreprise, ce qui a considérablement nuit à l'ambiance générale au sein de vos équipes et à vos relations avec votre management.

Ces manquements dans votre management arrivent dans une période où vos performances commerciales sont particulièrement catastrophiques :

Vous aviez 5 consultants facturés à fin juillet 2017, alors que vos objectifs étaient d'en avoir au minimum 7 facturés à fin juillet 2017. Vous avez à ce jour que 5 consultants facturés, alors que vous devriez être à 9 consultants facturés. Votre implication dans votre travail est très faible et vous ne suivez absolument pas les recommandations de votre coach, ainsi que celles de votre encadrement direct.

De plus nous vous avons souligné que depuis le mois de juin 2017 vous n'avez que 2 prospections par semaine quand on demande un minimum de 5. Vous ne réalisez pas plus de 3 rendez-vous candidat en moyenne par semaine alors même que le standard doit se situer entre 8 et 10 entretiens candidat par semaine, condition sine qua non au maintien de votre département.

Vous n'avez cessé depuis le mois de juin 2017 de faire part de votre intention de quitter la société car vous n'arrivez pas à vous inscrire dans le projet de l'entreprise. Vous vous en êtes ouvert directement non seulement avec votre supérieur hiérarchique mais également vis-à-vis de vos équipes, ce qui a provoqué un malaise chez certains de vos consultants.

Votre supérieur hiérarchique a dû ainsi intervenir directement auprès de vos équipes pour les rassurer. Vous lui avez indiqué également à de multiples reprises que le développement commercial de votre département, c'est-à-dire votre mission principale ne vous intéressait pas. Au cours des mois de juin, juillet et août 2017, votre manager a fait avec vous un point hebdomadaire pour essayer de comprendre vos difficultés et pour remédier à cette situation dommageable pour la société et ce en sus de votre bilan annuel. Malgré ces efforts votre attitude n'a pas changé, alors même que votre département commençait à ressentir les effets de cette situation.

N'ayant mis aucun moyen en oeuvre pour remédier à cette situation, et ce malgré tous les rappels à l'ordre de votre hiérarchie ainsi que les encouragements visant à vous remotiver, nous sommes dans l'obligation de vous signifier votre licenciement pour faute grave.'

Il convient de constater que l'ensemble des faits énoncés dans la lettre de licenciement sont invoqués au soutien de la faute grave reprochée à Mme [B].

L'employeur s'étant placé exclusivement sur le terrain disciplinaire, le licenciement de la salariée ne peut intervenir que pour des faits présentant un caractère fautif, à l'exclusion de faits constitutifs d'une insuffisance professionnelle, sauf mauvaise volonté délibérée de cette dernière.

Il incombe à la société Adway de rapporter la preuve de la faute grave qu'elle invoque à l'appui du licenciement.

La société Adway ne produit aucun élément permettant d'apprécier si les objectifs fixés à Mme [B] étaient ou non réalisables, ni aucun élément permettant une comparaison utile des résultats de la salariée avec ceux des autres managers juniors ayant une ancienneté comparable à la sienne, l'attestation de sa supérieure hiérarchique étant insuffisamment précise à cet égard.

Elle n'établit pas en tout état de cause que l'insuffisance de résultats qu'elle impute à Mme [B] soit la conséquence d'un comportement fautif de l'intéressée.

L'attestation d'une manager junior d'une autre société du groupe Square auquel la société Adway appartient, selon laquelle à l'été 2017, Mme [B] était moins combative et engageante pendant les séances de prospection et avait le visage fermé lorsqu'elle faisait passer des entretiens à des candidats ne caractérise aucune mauvaise volonté délibérée de Mme [B] dans l'exécution de ses fonctions.

L'attestation de son manager, Mme [Z], associate partner de l'entreprise, selon laquelle, lors de ses échanges avec Mme [B] pour l'aider à améliorer ses résultats, qui n'étaient plus à la hauteur des attentes à compter du mois de mai 2017, Mme [B] aurait été de moins en moins attentive et selon laquelle pendant les congés d'été de Mme [B], plusieurs de ses consultants ayant demandé à la voir, inquiets de voir celle-ci de moins en moins et se sentant livrés à eux-même et sans visibilité sur leurs missions à la rentrée, elle a dû reprendre elle-même petit à petit le management de l'équipe, ajoutant qu'elle avait dit aux consultants qu'elle voulait quitter l'entreprise, qui n'est corroborée par aucun élément objectif, ni aucune attestation émanant de consultants de l'équipe de Mme [B], ne suffit pas à établir l'existence d'une carence fautive de la salariée dans l'exécution de ses fonctions.

Il ne peut être reproché à la salariée, au regard de la liberté d'expression dont elle bénéficie, d'avoir exprimé la volonté de quitter l'entreprise, devant des consultants dont elle était le manager ou devant son propre manager.

Le manque d'assiduité de la salariée dans son travail, la faiblesse de son implication, l'absence d'écoute de son encadrement et de suivi des recommandations de son coach et de son encadrement direct ne sont pas établis.

En l'absence de comportement de Mme [B] de nature à caractériser une faute disciplinaire, le licenciement de celle-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

En l'absence de faute grave et a fortiori de cause réelle et sérieuse, Mme [B] est bien fondée à prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents et à l'indemnité de licenciement. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de ces chefs.

Conformément aux dispositions de l'article L1234-9 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, laquelle n'est applicable qu'aux licenciements prononcés après le 23 septembre 2017, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Selon l'article R1234-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n°2008-715 du 18 juillet 2008, le décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017, qui l'a modifié n'étant applicable qu'aux licenciements prononcés après le 26 septembre 2017, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté.

En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Il est établi par ses bulletins de paie, que la salariée a perçu pour les mois de septembre 2016 à août 2017 une rémunération mensuelle brute fixe d'un montant de 2 500 euros brut, des primes d'accroissement, des primes d'ouverture de compte et des primes trimestrielles d'un montant total de 9 400 euros brut et une prime de vacances d'un montant de 382,02 euros brut et qu'elle a également perçu des primes challenge d'un montant total de 9 000 euros brut (2 000 euros en novembre 2016, 1 000 euros en décembre 2016 et 6 000 euros en juin 2017).

La salariée est mal fondée à inclure dans la base de calcul de l'indemnité de licenciement la prime de vacances de 121,22 euros versée prorata temporis à son départ de l'entreprise en septembre 2017.

L'employeur est mal fondé à exclure de la base de calcul de l'indemnité de licenciement les primes mentionnées sur les bulletins de paie sous l'intitulé 'prime exceptionnelle Challenge'. Ces primes ont en effet été attribuées à la salariée, sur la base d'éléments objectifs qu'il a préalablement définis dans le cadre des Challenges qu'il a périodiquement mis en place. Résultant ainsi d'un engagement unilatéral de l'employeur, qui rendait ce paiement obligatoire pour lui, elles avaient donc le caractère d'un complément de salaire et non d'une gratification bénévole.

Le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est dès lors de 4 065,17 euros. La salariée comptant une ancienneté de un an et neuf mois complets à l'expiration du préavis, il convient de condamner la société Adway à lui payer la somme de 1 422,81 euros à titre d'indemnité de licenciement.

En application de l'article L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu'aurait perçus la salariée si elle avait travaillé pendant cette période. Lorsque la rémunération est composée d'une partie fixe et d'une partie variable, il convient de se référer à la moyenne annuelle de la rémunération pour calculer le montant de cette indemnité.

Mme [B], qui a perçu régulièrement des primes challenge, aurait perçu, si elle avait travaillé durant le préavis, fixé par la convention collective à trois mois, une rémunération mensuelle brute de 4 065,17 euros par mois. Il convient en conséquence de condamner la société Adway à lui payer la somme de 12 195,51 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 1 219,55 euros au titre des congés payés afférents.

Au moment de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [B] avait moins de deux ans d'ancienneté. En application de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, elle peut prétendre, en réparation de la perte injustifiée de son emploi, à une indemnité en fonction du préjudice subi.

En raison de l'âge de la salariée au moment de son licenciement, 27 ans, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, la cour fixe le préjudice matériel et moral qu'elle a subi à la somme de 15 000 euros. Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef et la société Adway condamnée à payer ladite somme à Mme [B] à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Il y a lieu d'ordonner la compensation entre la somme de 15 000 euros allouée à Mme [B] à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et la somme de 7 000 euros due par celle-ci à la société Adway en remboursement de l'indemnité transactionnelle perçue.

Sur la remise des documents sociaux

Il convient d'ordonner à la société Adway de remettre à Mme [B] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La société Adway, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de la condamner, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 19 octobre 2020 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Déclare la transaction conclue par la société Adway et Mme [R] [B] le 14 septembre 2017 nulle ;

Déclare la convention de forfait-jours conclue par la société Adway et Mme [R] [B] nulle ;

Condamne la société Adway à payer à Mme [R] [B] les sommes suivantes :

* 1 422,81 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 12 195,51 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 219,55 euros au titre des congés afférents,

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

* 16  853,28 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

* 1 685,33 euros au titre des congés payés afférents ;

Condamne Mme [R] [B] à rembourser à la société Adway les sommes suivantes :

* 7 000 euros au titre de l'indemnité transactionnelle,

* 865,27 euros au titre des jours de réduction du temps de travail ;

Ordonne la compensation entre la somme de 15 000 euros allouée à Mme [R] [B] à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et la somme de 7 000 euros due par celle-ci à la société Adway en remboursement de l'indemnité transactionnelle perçue ;

Ordonner à la société Adway de remettre à Mme [R] [B] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Condamne la société Adway à payer à Mme [R] [B] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Adway de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Adway aux dépens de première instance et d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02311
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;20.02311 ?
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