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24/11/2022 | FRANCE | N°20/01241

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 24 novembre 2022, 20/01241


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 24 NOVEMBRE 2022





N° RG 20/01241



N° Portalis DBV3-V-B7E-T43W





AFFAIRE :





[C] [L]



C/



S.A. NEXITY PROPERTY MANAGEMENT





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Secti

on : Encadrement

N° RG : F18/01124



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT



Me Chloé BOUCHEZ de la SELARL ACTANCE





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT-Q...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/01241

N° Portalis DBV3-V-B7E-T43W

AFFAIRE :

[C] [L]

C/

S.A. NEXITY PROPERTY MANAGEMENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Encadrement

N° RG : F18/01124

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT

Me Chloé BOUCHEZ de la SELARL ACTANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixée au 06 juillet 2022, prorogé au 14 septembre 2022, différé au 15 septembre 2022 puis prorogé au 06 octobre 2022, puis prorogé au 27 octobre 2022, puis prorogé au 17 novembre 2022, puis prorogé au 24 novembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [L]

né le 07 Janvier 1984 à [Localité 5] (59)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637 - Représentant : Me Eric COHEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1958 substitué par Me Stéphanie LEVY, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A. NEXITY PROPERTY MANAGEMENT

N° SIRET : 732 073 887

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Chloé BOUCHEZ de la SELARL ACTANCE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : k168, substitué par Me Cristina GOMES-OLIVEIRA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

EXPOSE DU LITIGE :

A compter du 2 janvier 2012, Monsieur [C] [L] a été engagé en qualité d'inspecteur technique par la société Nexity Saggel Property Management (aux droits de laquelle vient la société Nexity Property Management), dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

La relation de travail entre les parties est régie par la convention collective nationale de l'immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers, etc.

Par courrier du 7 mai 2015, le salarié a été convoqué à un entretien disciplinaire, lequel s'est tenu le 27 mai suivant.

Par courrier du 3 juin 2015, il s'est vu notifier un avertissement, son employeur lui reprochant différents manquements dans le suivi de dossiers et un 'manque d'implication dans [se]s fonctions'.

Entre le 9 juin et le 20 décembre 2015, il a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Par requête reçue au greffe le 19 juin 2015, il a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, afin notamment d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes.

Par courrier du 9 décembre 2015, il a adressé sa démission à son employeur, en indiquant que celle-ci était contrainte par 'la dégradation de [s]es conditions de travail et ses conséquences'.

Le 3 mai 2018, après la radiation de l'affaire, le salarié a sollicité sa réinscription au greffe du conseil de prud'hommes, en demandant notamment la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le versement de diverses sommes à titre d'indemnités.

Par jugement du 17 février 2020, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :

- débouté les parties de leurs demandes ;

- mis les dépens à la charge du salarié.

Par déclaration au greffe du 25 juin 2020, le salarié a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 septembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [L] expose notamment que :

- les critiques concernant les conditions de travail qu'il a formulées auprès de son employeur (au vu notamment de l'accroissement du volume de dossiers qui lui ont été confiés) ont entraîné une réaction hostile et déloyale de ce dernier (lequel lui a adressé de nombreuses critiques et allusions défavorables par courrier, afin de le déstabiliser), cette réaction étant à l'origine de la dégradation de son état de santé ;

- le conseil de prud'hommes a commis une erreur de droit en déduisant du fait qu'il avait d'abord engagé une action aux fins de résiliation judiciaire la preuve de ce que le maintien du lien contractuel était possible.

Il demande donc à la cour de :

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- Dire que la lettre de rupture est une prise d'acte, laquelle, au regard des manquements graves de l'employeur, doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société au paiement des sommes suivantes :

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

- 3.083,33 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En réplique, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 décembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société, intimée, soutient en substance que :

- la rupture est intervenue dans un contexte dans lequel le salarié ne pouvait ignorer les difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions, lesquelles ont justifié l'avertissement qui lui a été notifié (et qu'il ne conteste pas) ainsi que les nombreuses alertes que lui a adressées sa hiérarchie au cours des derniers mois de la relation contractuelle, concernant ses compétences et son comportement négligent ;

- la prise d'acte du salarié doit produire les effets d'une démission, en ce que la remise en cause de ses compétences est justifiée au vu de son changement d'attitude à compter du deuxième semestre 2014, en ce que ses allégations concernant sa charge de travail anormale ne sont nullement justifiées, en ce qu'il ne saurait se prévaloir de griefs anciens et en ce que le lien de causalité entre son état de santé et sa prétendue surcharge de travail n'est pas établi ;

- le salarié ne démontre ni l'existence de circonstances de vexatoires, ni la réalité d'un préjudice distinct de celui de la rupture, de sorte qu'il ne saurait solliciter une indemnité au titre de la prétendue exécution fautive du contrat.

Par conséquent, elle demande à la cour de :

A titre principal,

- Constater que le salarié ne justifie pas de la réalité des prétendus manquements qu'il lui impute ;

- Constater que les prétendus manquements ne sont pas d'une telle gravité qu'ils rendent impossible la poursuite du contrat de travail ;

- Constater que le salarié ne démontre pas la réalité de l'exécution fautive de son contrat de travail et ne démontre pas un préjudice distinct à ce titre ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement ;

- Juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié doit être requalifiée en démission ;

- Débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes ;

A titre reconventionnel,

- Condamner le salarié à lui verser une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 mars 2022.

MOTIFS :

Sur la rupture du contrat de travail :

Il résulte de l'article L. 1237-1 du code du travail que la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, que celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du code du travail en sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016 prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, le courrier de rupture de son contrat de travail adressé par le salarié à l'employeur est rédigé dans les termes suivants :

'Ayant été embauché le 02/01/2012 et compte tenu de la dégradation de mes conditions de travail et ses conséquences, me contraignent à vous notifier ma présente démission de mon poste d'inspecteur technique au service de votre entreprise Nexity Property Management.

J'ai bien noté que mon contrat de travail et ma convention collective prévoit un préavis d'une durée de 3 mois me conduisant à quitter mon travail le 10 Mars 2016 (à réception de ce courrier).

Cependant, je sollicite par dérogation une dispense partielle de ce préavis afin de quitter l'entreprise à la date du Vendredi 29 janvier 2016.

Ayant un solde de 25 jours de congés payés ainsi que 3,5 jours de RTT 2015 et 4,5 jours de RTT sur mon compte épargne temps.

Je sollicite également votre accord afin de solder ces jours pendant la période de préavis réduit et d'intégrer les jours restant dans mon solde de tout compte.

Je vous remercie de vien vouloir me transmettre à la fin de mon contrat un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle emploi.'

Bien que l'employeur relève à juste titre que le salarié n'a jamais expressément prétendu avoir été victime de harcèlement moral, la 'dégradation de [s]es conditions de travail' dont se prévaut ce dernier, qu'il met en relation avec l'altération de son état de santé, s'analyse comme caractérisant des allégations de harcèlement moral.

Le salarié fait grief à l'employeur de lui avoir adressé, à compter du mois de septembre 2014, des reproches en représaille des différentes remarques qu'il a formulées au cours des années 2013 et 2014, dans le cadre de différents entretiens et par courriers électroniques.

A ce titre, les comptes rendus d'évaluation pour les années 2013 et 2014 produits par le salarié laissent apparaître qu'il a adressé plusieurs remarques à son employeur (concernant, par exemple, le manque d'isolement d'un open space, le glissement du poste d'inspecteur technique vers un poste de gestionnaire, les inégalités de traitement entre individus pouvant ou non être recrutés comme cadres pour occuper un même poste, le malaise généré par la recrudescence de démissions depuis l'année 2012, un trop grand turn-over des managers...).

De même, le courrier électronique du 11 décembre 2013 qu'il verse aux débats démontre qu'il a fait part à sa hiérarchie de ses inquiétudes en raison de la suppression d'un poste d'inspecteur technique et de la surcharge de travail qu'elle engendrerait.

Puis, par courrier électronique adressé à sa hiérarchie le 25 juin 2014, il a notamment dénoncé 'une recrudescence de dysfonctionnement au sein d[u] service (...) et un manque total de communication et d'échange d'information', en évoquant par exemple la réception tardive des congés.

Enfin, par courrier électronique du 16 octobre 2014, il s'est plaint auprès de sa responsable hiérarchique de ce que des locataires lui adressaient directement leurs demandes sur sa ligne téléphonique professionnelle au lieu de s'adresser au centre d'appel, en indiquant ignorer la façon dont ils avaient obtenu son numéro de téléphone.

Aucune réponse n'a été apportée à ces différentes remarques.

En parallèle, il est constant qu'à compter du mois de septembre 2014, le salarié s'est vu adresser différents reproches par l'employeur s'agissant de l'exécution de son contrat de travail :

- par courrier électronique du 25 septembre 2014, Madame [Z] [E], sa responsable hiérarchique, lui a reproché d'être à l'origine d'une dérive budgétaire, en raison de différentes interventions de l'entreprise Bombardier, et lui a demandé de justifier de son choix de recourir à cette dernière ;

- par courrier électronique du 13 novembre 2014, Madame [E] lui a demandé de relancer un prestataire ;

- par courriers électroniques du 14 novembre 2014, Madame [E] lui a demandé de fournir des informations concernant différents chantiers, cette dernière lui ayant ensuite demandé de veiller à la réalisation de travaux et reproché sa communication insuffisante avec les autres collaborateurs ;

- par courrier électronique du 19 novembre 2014, Madame [E] lui a indiqué qu'elle 'attend[ait] de ses nouvelles urgemment', après lui avoir rappelé qu'il 'dev[ait] revenir vers [elle]' concernant une intervention chez un locataire ;

- par courrier électronique du 26 novembre 2014, Madame [E] lui a demandé de prendre en charge un dossier de toute urgence, en lui demandant un 'retour (...) circonstancié et précis' ce même jour concernant le dégât des eaux chez des locataires dont elle a été informée par le président ;

- par courrier électronique du 19 janvier 2015, Madame [E] lui a reproché d'avoir 'signé des factures sans respecter les délégations de pouvoirs conférés à chaque collaborateur en fonction de son statut', en ne respectant pas les modalités d'usage de clients soumis au code du marché public (au vu d'un engagement de 300.000 euros auprès de l'entreprise Bombardier au cours de l'année 2014, dans le cadre d'un mandat liant l'employeur à la Caisse Nationale RSI, alors que cette société n'était pas sélectionnée par cette dernière) ;

- à l'occasion de son entretien annuel d'évaluation pour l'année 2015, Madame [Y] [X], responsable hiérarchique, a notamment relevé sa 'faible implication dans le suivi des sinistres', indiqué qu'il était attendu de lui 'qu'il soit à la hauteur de son statut cadre', en soulignant son manque d'exemplarité pour l'année 2014 et la nécessité qu'il agisse pour restaurer un climat de confiance avec sa hiérarchie ;

- pour courrier du 3 juin 2015 notifié après un entretien disciplinaire, il s'est vu notifier un avertissement en raison de manquements dans l'accomplissement de ses missions.

Le salarié ne saurait utilement se prévaloir du courrier électronique qu'il indique s'être envoyé le 6 mars 2015 en évoquant des faits de harcèlement, ce document établi unilatéralement n'étant pas de nature à caractériser la matérialité d'un quelconque grief.

Cela étant, compte tenu des documents médicaux par ailleurs produits par le salarié, les faits auxquels il se réfère, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Il appartient donc à la société de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur fait, en substance, valoir que :

- les différentes mises en cause du salarié étaient justifiées, au regard de son changement d'attitude et des différentes erreurs qu'il a commises à compter du deuxième semestre 2014 ;

- le salarié ne justifie nullement ses allégations concernant la surcharge de travail dont il se prévaut, en ce qu'il se limite à se référer, d'une part, à un courrier électronique du 11 décembre 2013 dans lequel il faisait état de ses appréhensions liées à la suppression d'un poste d'inspecteur technique et, d'autre part, à des documents (comptes rendus d'entretiens) qui n'indiquent aucune surcharge de travail.

Compte tenu de l'ensemble des éléments produits par les parties, la cour relève en premier lieu que le salarié ne prétend pas que la charge de travail qu'il dénonce (de façon excessivement générale) a été à l'origine de la dégradation de son état de santé mais il se borne à établir un lien entre celle-ci et les différents griefs que lui a adressés son employeur.

S'agissant des différentes remarques adressées par le salarié à l'employeur jusqu'au 16 octobre 2014, il apparaît que celles-ci portaient essentiellement sur des questions générales d'organisation (aménagement des locaux, turn-over...), étaient excessivement vagues (dysfonctionnements dans la communication, inégalités de traitement...) ou n'appelaient pas nécessairement de réponse écrite (à l'image de la plainte concernant les appels de clients reçus directement sur sa ligne professionnelle, alors qu'aucun élément ne laisse apparaître que ce procédé résultait du fait de l'employeur).

Il ne saurait donc être reproché à l'employeur de ne pas y avoir apporté de réponse.

En ce qui concerne les différentes demandes et griefs adressés au salarié entre le 25 septembre 2014 et le 3 juin 2015, l'examen des pièces produites par les parties démontre que :

- le courrier électronique du 25 septembre 2014 visait uniquement à obtenir des justifications concernant des dépenses engagées par le salarié dans la perspective d'une présentation du budget la semaine suivante, une telle demande pouvant légitimement être formulée par l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction ;

- dans le prolongement du courrier précité, le courrier électronique adressé le 19 janvier 2015 fait suite aux constatations de dépassement budgétaires causés par le salarié (les réponses qu'il y a apporté les deux jours suivants ne démontrent nullement le 'caractère injuste' de cette mise en cause, le salarié ayant lui même proposé une solution afin 'qu'[ils] (nous) [ne] reproduis[ent] plus les erreurs du passé') ;

- l'évaluation négative du salarié pour l'année 2014 (et sa dévaluation en comparaison avec les années précédentes) s'inscrit dans un contexte dans lequel différents griefs lui a légitimement été adressés au cours des mois précédents ;

- le salarié n'a pas contesté la matérialité des différents griefs qui ont justifié l'avertissement qui lui a été notifié le 3 juin 2015, celui-ci ayant essentiellement fait valoir que les faits reprochés s'inscrivaient dans le contexte d'alourdissement de sa charge de travail en raison du départ d'un inspecteur technique (selon les notes prises par Madame [R] [T], qui l'assistait lors de cet entretien, telles qu'il les produit).

Par ailleurs, alors que la cour observe que le salarié n'a pas sollicité l'annulation de l'avertissement précité dans le cadre de l'instance qu'il a formée, la cour relève qu'il n'a évoqué une prétendue augmentation de sa charge de travail qu'après avoir reçu son avertissement.

En tout état de cause, la cour relève que les griefs liés aux dépassements budgétaires apparaissent manifestement dépourvus de lien avec une hypothétique augmentation de sa charge de travail.

Si, par leur tonalité et leur caractère rapproché, les courriers électroniques adressés au salarié par Madame [E] entre 13, 14, 19 et 26 novembre 2014 laissent apparaître l'exercice d'une forme de pression, ceux-ci s'intègrent dans un contexte d'urgence et sont circonscrits dans le temps.

Au surplus, la cour relève qu'il ont été expédiés plus d'un an avant la date de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.

Dans ce contexte, si le salarié se prévaut notamment d'un certificat médical établi le 5 octobre 2015 par le docteur [N], qui indique qu'il 'présentait une dépression réactionnelle à une situation professionnelle éprouvante pour lui', la cour relève que ce document, d'une part, est fondé sur ses déclarations et, d'autre part, ne saurait suffire à démontrer le caractère infondé des griefs que lui a adressés l'employeur.

Ainsi, aucun harcèlement moral n'est caractérisé en l'espèce,

Par ailleurs, les faits invoqués par le salarié n'apparaissent pas d'une gravité telle qu'ils justifieraient une rupture du contrat de travail du salarié aux torts exclusifs de l'employeur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il dit que la rupture du contrat de travail du salarié s'analyse en une démission et en ce qu'il déboute le salarié de l'ensemble de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail :

Il n'est pas établi que la société a manqué à ses obligations découlant de l'exécution du contrat de travail.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Sur les autres demandes :

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 17 février 2020 par le conseil de prud'hommes de Nanterre ;

Déboute Monsieur [C] [L] de l'ensemble de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [C] [L] aux dépens

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01241
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;20.01241 ?
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