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17/11/2022 | FRANCE | N°20/00895

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 17 novembre 2022, 20/00895


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRET N°



RÉPUTÉ

CONTRADICTOIRE



DU 17 NOVEMBRE 2022



N° RG 20/00895 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T2QV



AFFAIRE :



[S] [P]



C/



SELARL HERBAUT-PECOU - Mandataire ad'hoc de S.A.R.L. FACILITY DEMENAGEMENT



L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juin 2019 par le Conseil de Prud'ho

mmes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : F18/01184



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Pauline HUMBERT











le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

RÉPUTÉ

CONTRADICTOIRE

DU 17 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/00895 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T2QV

AFFAIRE :

[S] [P]

C/

SELARL HERBAUT-PECOU - Mandataire ad'hoc de S.A.R.L. FACILITY DEMENAGEMENT

L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : F18/01184

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Pauline HUMBERT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [P]

né le 20 Mars 1981 à [Localité 4] (ALGÉRIE)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Pauline HUMBERT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 151

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/016144 du 02/03/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANT

****************

SELARL HERBAUT-PECOU - Mandataire ad'hoc de la S.A.R.L. FACILITY DEMENAGEMENT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non comparante - non représentée

Assignation en intervention forcée le 25 mars 2022 par acte d'huissier de justice par remise à personne morale en la personne de Mme [N] [O], secrétaire, habilitée à recevoir la copie

INTIMEE

****************

L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Non comparant - non représentée

Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 24 juin 2020 par acte d'huissier de justice par remise à M. [M] [R], employé, habilité à recevoir la copie

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Par contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [S] [P] a été engagé à compter du 2 décembre 2015 par la société Facility Déménagement en qualité de déménageur à temps plein. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des transports.

Par lettre du 20 septembre 2018, le salarié a notifié à son employeur qu'il prenait acte de la rupture de son contrat de travail pour non-paiement de sa rémunération, puis, par lettre du 7 novembre 2018, le mandataire liquidateur de la société, placée en liquidation judiciaire depuis le 24 octobre 2018, lui a notifié un licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception du 7 novembre 2018.

La société a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 29 mars 2019. Par ordonnance du 27 janvier 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a désigné la Selarl Herbaut Pecou en qualité de mandataire ad'hoc de la société.

Aux termes d'une requête reçue au greffe le 27 septembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin notamment de solliciter la requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement injustifié et d'obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 26 juin 2019, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- reçu le mandataire dans ses conclusions ;

- débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes ;

- rendu opposable le jugement à l'Ags ;

- laissé les dépens à la charge des parties.

Par déclaration au greffe du 26 mars 2020, le salarié, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale sollicitée le 20 septembre 2019 et octroyée par décision du 2 mars 2020, a interjeté appel, dans le délai légal, du jugement notifié le 28 août 2019.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 19 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, le salarié demande à la cour de :

infirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 juin 2019 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt,

et statuant à nouveau :

- juger que sa prise d'acte doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner la société Facility Déménagement, à lui verser les sommes suivantes :

* 5 358 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 765 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 3 062 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 306 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 1 531 euros bruts au titre de rappel de salaire pour le mois de juillet 2018 ainsi que 153,10 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 1 531 euros bruts au titre de rappel de salaire pour le mois d'août 2018 ainsi que 153,10 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 1 071,69 euros bruts au titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 20 septembre 2018, ainsi que 107,16 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 874 euros nets au titre de dommages et intérêts pour les congés payés non pris de décembre 2015 à mai 2016,

* 1 759 euros nets au titre de dommages et intérêts pour les congés payés non pris de juin 2016 à mai 2017,

* 1 819 euros nets au titre de dommages et intérêts pour les congés payés non pris de juin 2017 à mai 2018,

* 2 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Selarl Herbaut Pecou, ès qualité de mandataire ad'hoc de la société Facility Déménagement, aux entiers dépens

- déclarer la décision à intervenir opposable à l'Ags Cgea.

Le salarié fait essentiellement valoir que :

- sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la gravité des manquements de l'employeur qui s'est abstenu de lui payer le salaire convenu du mois de juillet au mois de septembre 2018, et tout congé payé ;

- la rupture imputable à l'employeur lui ouvre droit aux indemnités réclamées ;

- lui sont dus le rappel de salaires et l'indemnité compensatrice de congés payés non pris du fait de l'employeur.

Les intimés n'ont pas constitué avocat. Les significations ont été faites respectivement à des personnes se disant habilitées à recevoir la copie des actes. L'arrêt sera donc réputé contradictoire.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 28 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de salaires et de congés payés afférents :

Le premier juge, inversant la charge de la preuve, a rejeté la demande de rappel de salaires en ce que le salarié n'apportait aucun commencement de preuve du non-paiement de son salaire de juillet 2018 et aurait attesté sur l'honneur avoir cessé de travailler le 31 juillet 2018, sans préciser les éléments sur lesquels il se fondait.

Or, la preuve du paiement des salaires réclamés par le salarié ne résulte d'aucun élément, et même à supposer l'existence d'un travail effectif partiel au cours de la période litigieuse qui ne s'induit d'aucun élément, il reste que dès sa lettre du 8 septembre 2018, le salarié avait mis en demeure son employeur de lui régler son salaire et de remplir son obligation de lui fournir du travail.

Au vu des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, la créance salariale du salarié est d'un montant total de 4133,69 euros bruts outre, dans les limites de la demande, 413,36 euros bruts de congés payés afférents.

La demande du salarié ne peut tendre qu'à la fixation de ces créances au passif de la société Facility Déménagement, représentée par son mandataire ad hoc. Cette fixation sera donc prononcée.

Sur les congés payés non pris :

Le premier juge a déduit de l'examen des bulletins de paie le règlement des congés payés par maintien du salaire quand le salarié en conteste les inscriptions sur ce point et le contrat de travail, comme les bulletins de paie, sont dépourvus de toute indication à ce sujet.

En tout état de cause, en application des articles L. 3141-3 du code du travail et 1315 devenu 1353 du code civil, il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation du paiement de l'intégralité de l'indemnité due au titre des jours de congés payés, qui en conteste le nombre acquis, d'établir qu'il a exécuté son obligation.

En l'absence d'une telle preuve, et au vu des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, il convient d'allouer au salarié la somme de 4452 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, créance qui ne peut donner lieu qu'à une fixation au passif de la société Facility Déménagement.

Sur la rupture du contrat de travail :

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, le juge étant tenu d'examiner les manquements invoqués devant lui par le salarié.

Le premier juge a rejeté cette demande, estimant que le salarié ne prouvait aucun manquement justifiant la prise d'acte et a indiqué qu'en raison du licenciement économique, postérieur à celle-ci, le salarié avait perçu ' les sommes dues dans le cadre du solde de tout compte' et avait ' eu la possibilité de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle sans délai de carence'.

Toutefois, le licenciement économique intervenu après la cessation immédiate du contrat de travail par l'effet de la prise d'acte, était sans objet.

Au surplus, le non-paiement du salaire convenu, et ce sur plusieurs mois et pour des montants et dans des proportions significatives, en contrepartie du travail exécuté par le salarié comme en l'absence de fourniture de tout travail à ce dernier s'étant tenu en permanence à sa disposition, constituent des manquements suffisamment récents et graves de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail, caractérisant ainsi une rupture imputable à celui-ci.

Il y aura donc lieu de dire que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 1235-5 du code du travail, applicable en l'espèce au regard de l'effectif de l'entreprise, compte tenu de l'âge du salarié (37 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (2 ans et 9 mois), et de sa capacité à retrouver un emploi qui résulte des éléments fournis, il lui sera alloué la somme de 4000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, créance à fixer au passif de la société Facility Déménagement.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents :

En application de l'article 13 de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, le préavis est en l'espèce de deux mois et il ne peut être déduit d'aucun élément que le salarié devrait être privé du bénéfice de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, lesquels seront respectivement fixés, au vu des éléments de calcul, aux sommes brutes de 3062 euros et 306,20 euros. Ces créances seront également fixées au passif de la société Facility Déménagement.

Sur l'indemnité légale de licenciement :

En vertu des articles L.1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail, considérant le salaire mensuel de référence, soit 1531 euros bruts, le salarié est fondé à réclamer une indemnité légale de licenciement d'un montant net de 765 euros, dans les limites de la demande, créance qui sera fixée au passif de la société Facility Déménagement.

Sur la garantie de l'Ags :

L'arrêt sera déclaré opposable à l'Unédic délégation Ags Cgea d'Ile de France Ouest.

Il convient de dire que la garantie de celle-ci doit s'appliquer en l'espèce pour les créances allouées supra dans les limites légales et réglementaires.

Sur les frais irrépétibles :

En équité, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ainsi, de condamner la société Facility Déménagement, représentée par la Selarl Herbaut Pecou, en qualité de mandataire ad hoc, à payer à l'avocat de Monsieur [P], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 2000 euros au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide, étant rappelé que si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Sur les dépens :

Les entiers dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Facility Déménagement, représentée par la Selarl Herbaut Pecou, en qualité de mandataire ad hoc, et pris en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit justifiée la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur [S] [P].

Dit que cette prise d'acte du 20 septembre 2018 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Fixe les créances de Monsieur [S] [P] au passif de la société Facility Déménagement, représentée par la Selarl Herbaut Pecou, en qualité de mandataire ad hoc, comme suit :

- 4133,69 euros bruts au titre de rappel de salaires,

- 413,36 euros bruts de congés payés afférents,

- 4452 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés non pris,

- 4000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3062 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 306,20 euros bruts de congés payés afférents,

- 765 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective a emporté arrêt du cours des intérêts.

Dit que l'arrêt est opposable à l'Unédic délégation Ags Cgea d'Ile de France Ouest.

Dit que la garantie de l'Unédic délégation Ags Cgea d'Ile de France Ouest doit s'appliquer pour l'ensemble des créances précitées, dans les limites légales et réglementaires.

Dit que l'obligation de l'Unédic délégation d'Ile de France Ouest de faire l'avance des créances garanties s'exécutera sur présentation d'un relevé de créances par le greffe du tribunal de commerce et justification de l'absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement.

Condamne la société Facility Déménagement, représentée par la Selarl Herbaut Pecou, en qualité de mandataire ad hoc, à payer à l'avocat de Monsieur [P], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 2000 euros au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide, étant rappelé que si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la société Facility Déménagement, représentée par la Selarl Herbaut Pecou, en qualité de mandataire ad hoc, aux entiers dépens de première instance et d'appel, et dit que ces dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Juliette DUPONT, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00895
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;20.00895 ?
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