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17/11/2022 | FRANCE | N°20/00666

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 17 novembre 2022, 20/00666


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 17 NOVEMBRE 2022





N° RG 20/00666



N° Portalis DBV3-V-B7E-TZKU





AFFAIRE :





S.A.S. MAGNAMEAUX



C/



[B] [R]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Versailles

N° Section : Commerc

e

N° RG : F 19/00329



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER



Me Julia JABIN





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,



La cour d'app...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/00666

N° Portalis DBV3-V-B7E-TZKU

AFFAIRE :

S.A.S. MAGNAMEAUX

C/

[B] [R]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Versailles

N° Section : Commerce

N° RG : F 19/00329

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER

Me Julia JABIN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 09 mars 2022, prorogé au 13 avril 2022, puis au 25 mai 2022, puis au 22 juin 2022, puis au 21 septembre 2022, différé au 22 septembre 2022, puis prorogé au 20 octobre 2022, puis prorogé au 17 novembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

S.A.S. MAGNAMEAUX

N° SIRET : 792 138 919

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 428 - Représentant : Me Cyrielle GENTY de la SELARL PRIMARD-BECQUET ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau d'ESSONNE

APPELANTE

****************

Monsieur [B] [R]

né le 31 Décembre 1967 à [Localité 6] (Mali)

de nationalité Malienne

Chez M. [H] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Julia JABIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0236

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/011709 du 30/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Versailles)

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 février 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [R] a été engagé à compter du 26 juin 2013 en qualité d'employé de ménage pour 24 heures de travail par semaine par la société Magnameaux, qui exploite un magasin sous l'enseigne Intermarché à [Localité 7]. Son salaire mensuel brut de base s'élevait à 991,11 euros.

Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

La société emploie au moins 11 salariés.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du mardi 3 février 2015, présentée le 5 février 2015, M. [R] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 février 2015. Il a été licencié pour faute lourde par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 20 février 2015.

Par requête reçue au greffe le 29 décembre 2015, Monsieur [B] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles afin de contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le versement de diverses sommes.

L'affaire a été radiée par décision du 30 mai 2017, puis réinscrite au rôle sur demande de M. [R] du 27 mai 2019.

Par jugement du 30 janvier 2020, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Versailles a :

- fixé la moyenne des salaires à 991,11 euros conformément à l'article R 1234-4 du code du travail ;

- dit et jugé le licenciement de M. [R] sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné en conséquence, la société Magnameaux à régler à M. [R], les sommes suivantes :

* 609,28 euros au titre du rappel de salaire,

* 60,93 euros au titre des congés payés afférents,

* 991,11 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 99,11 euros au titre des congés payés afférents,

* 346,88 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 858,96 euros au titre des congés payés,

* 5 946,66 euros au titre de 1'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Magnameaux à verser à Maître Julia Jabin, avocate du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros au titre de l'indemnité afférente à l'article 37 de la loi du 10 jui1let 1991 ;

- débouté M. [R] de sa demande au titre de l'indemnité pour procédure irrégulière ;

- ordonné à la société Magnameaux à délivrer à Monsieur [R] le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi modifiés en fonction des condamnations prononcées, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de 3 mois, après la notification de la présente décision ;

- dit que le conseil se réserve expressément la faculté de1iquiderl'astreinte (article 35 de la loi du 9 juillet 1991) ;

- rejeté la demande de la société Magnameaux au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit ne pas y avoir lieu à l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile ;

- condamné la société Magnameaux aux entiers dépens ;

- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.

La société Magnameaux a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 4 mars 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 10 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Magnameaux, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires de M. [R] à la somme de 991,11 euros et en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande au titre de l'indemnité pour procédure irrégulière, et :

- à titre principal, de débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, de requalifier le licenciement de M. [R] en licenciement pour faute grave, de ramener la demande de M. [R] relative au paiement de l'indemnité de congés payés à la somme de 946,57 euros brut et de débouter M. [R] du surplus de ses demandes,

- en tout état de cause, de condamner M. [R] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 12 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [R] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- dit et jugé que son licenciement ne reposait pas sur une faute lourde et était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Magnameaux au paiement d'un rappel de salaire pour mise à pied à titre conservatoire injustifiée (3/02 au 23/02/2015) à hauteur de 609,28 euros brut et aux congés payés incidents de 60,93 euros ;

- condamné la société Magnameaux à verser à Madame Julia Jabin, avocate du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la somme de 1000 € net au titre de l'indemnité afférente à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

- ordonné à la société Magnameaux de lui délivrer le certificat de travail et l'attestation pôle emploi modifiés en fonction des condamnations prononcées, sous astreinte de 50 € par jour de retard, à compter de 3 mois, après la notification de la présente décision ; en se réservant expressément la faculté de liquider l'astreinte (article 35 de la loi du 9 juillet 1991) ;

- rejeté la demande de la société Magnameaux au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Magnameaux aux entiers dépens ;

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires à la somme de 991,11 euros ;

- fixer le salaire le salaire de référence à la somme de 1 073,70 euros brut ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Magnameaux au versement d'une indemnité compensatrice de préavis, le réformer cependant sur le quantum et condamner la société Magnameaux au versement d'une indemnité à hauteur de 1073,70 euros bruts et d'une somme de 107,37 euros au titre des congés payés afférents ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Magnameaux au versement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, le réformer cependant sur le quantum et condamner la société Magnameaux au versement d'une indemnité à hauteur de 375,10 euros nets ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Magnameaux au versement d'une indemnité pour licenciement abusif sur le fondement de L 1235-5 du code du travail, le réformer cependant sur le quantum et condamner la société Magnameaux au versement d'une indemnité à hauteur de 6 442,22 euros nets ;

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Magnameaux à lui verser la somme de 858,96 euros au titre des congés payés et condamner la société Magnameaux à lui une indemnité compensatrice de congés payés :

- à titre principal, de 2 107,05 euros bruts (50 jours acquis non pris),

- à titre subsidiaire et à tout le moins, de 946,57 euros bruts (28,5 jours acquis non pris) ;

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de l'indemnité pour procédure irrégulière et condamner la société Magnameaux à lui verser la somme 1 073,70 euros nets à titre d'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière ;

En tout état de cause :

- débouter la société Magnameaux de l'ensemble de ses demandes et prétentions, plus amples et contraires,

- condamner la société Magnameaux à lui verser Monsieur [R] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- mettre les entiers dépens à la charge de la société Magnameaux.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la procédure de licenciement

M. [R], engagé par la société Magnameaux sous l'identité de [C] [Z], qui ne conteste pas avoir été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable fixé au 16 février 2015, par lettre du 3 février 2015 qu'il produit, soutient qu'aucun entretien préalable au licenciement n'a eu lieu, qu'il n'a pas eu d'autre entretien que celui du 3 février 2015 au cours duquel il a demandé à son employeur de régulariser sa situation contractuelle par la prise en compte de l'identité de [R] au lieu de celle de [Z], de sorte que la procédure de licenciement est irrégulière.

Il en veut pour preuve la lettre de licenciement qui lui a été notifiée le 20 février 2020, rédigée comme suit :

" M. [Z]

Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 3 février 2015, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute lourde sans préavis ni indemnité de licenciement.

Nous tenons à votre disposition le solde de votre compte, et vous adressons par courrier séparé votre certificat de travail, ainsi que l'attestation destinée au pôle emploi.

Cette décision repose sur les motifs qui vous ont été exposés lors de l'entretien préalable, à savoir :

Vous avez usurpé volontairement l'identité d'une personne tierce afin de pouvoir travailler sur le territoire français. Vous avez reconnu les faits lors de l'entretien du 3 février 2015.

Nous vous avons embauché le 26 juin 2013, en qualité d'employé de ménage, sous l'identité de [Z] [C]. Le lundi 4 février 2015, vous vous êtes présenté avec de nouveaux papiers dont une carte vitale, un R.I.B ainsi qu'un récépissé de demande de carte de séjour au nom de [R] [B].

Vous comprendrez qu'un tel acte ne peut être toléré et qu'en agissant de la sorte vous avez délibérément fait courir de gros risques à l'entreprise en ce qui concerne la législation du travail.

En conséquence, la date de première présentation du présent courrier à votre domicile marquera la date de rupture définitive de votre contrat de travail, étant rappelé que vous avez fait l'objet d'une mesure de mise à pied conservatoire pour le temps nécessaire à la présente procédure.

Veuillez agréer monsieur, l'expression de nos salutations distinguées ".

Si l'irrégularité de la situation d'un travailleur étranger constitue une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive des dispositions relatives aux licenciements, l'employeur qui se place sur le terrain disciplinaire doit respecter les dispositions relatives à la procédure de licenciement.

Dès lors que le licenciement de M. [R] n'est pas motivé par l'absence de titre de séjour autorisant l'intéressé à travailler sur le territoire français, l'intéressé justifiant avoir obtenu le 31 décembre 2014 un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler sur le territoire français, mais par l'usurpation de l'identité d'un tiers, l'employeur devait respecter la procédure de licenciement.

La société Magnameaux soutient que l'entretien préalable s'est normalement tenu le 16 février 2015 suite à la convocation du 3 février 2015 et produit la lettre de licenciement suivante :

" M [Z],

Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 16 février 2015, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute lourde sans préavis ni indemnité de licenciement.

Nous tenons à votre disposition le solde de votre compte, et vous adressons par courrier séparé votre certificat de travail, ainsi que l'attestation destinée au pôle emploi.

Cette décision repose sur les motifs qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité, à savoir :

Vous avez usurpé volontairement l'identité d'une personne tierce afin de pouvoir travailler sur le territoire français. Vous avez reconnu les faits lors de l'entretien du 16 février 2015.

Nous vous avons embauché le 26 juin 2013, en qualité d'employé de ménage, sous l'identité de [Z] [C]. Le lundi 2 février 2015, vous vous êtes présenté avec de nouveaux papiers dont une carte vitale, un R.I.B ainsi qu'un récépissé de demande de carte de séjour au nom de [R] [B].

Vous comprendrez qu'un tel acte ne peu être toléré et qu'en agissant de la sorte vous avez délibérément fait courir de gros risques à l'entreprise en ce qui concerne la législation du travail.

En conséquence, la date de première présentation du présent courrier à votre domicile marquera la date de rupture définitive de votre contrat de travail, étant rappelé que vous avez fait l'objet d'une mesure de mise à pied conservatoire pour le temps nécessaire à la présente procédure.

Veuillez agréer monsieur, l'expression de nos salutations distinguées " .

La société allègue qu'ayant constaté que la lettre de licenciement qu'elle avait adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à M. [R] le 20 février 2015 comportait une erreur sur la date de l'entretien préalable, elle lui a réadressé la lettre de licenciement comportant une date d'entretien rectifiée, annulant et remplaçant la première lettre adressée.

La cour relève que la lettre produite par l'employeur ne fait pas état de l'envoi d'une lettre précédente qu'elle aurait pour objet d'annuler et de remplacer et que celui-ci, qui ne produit que l'avis de dépôt du 26 février 2015 d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'avis de réception de celle-ci mentionnant sa présentation le 27 février 2015, ne justifie pas de l'envoi de deux lettres de licenciement successives.

L'attestation de M. [D], directeur du magasin exploité par la société Magnameaux, selon laquelle lorsque le salarié lui a avoué s'être fait embaucher sous une fausse identité car il était en situation irrégulière sur le territoire français, il s'est fâché et lui a dit qu'il ne souhaitait pas le conserver dans les effectifs et selon laquelle une procédure de licenciement a été ensuite engagée et un entretien préalable tenu, qui mentionne : 'en concertation avec Mme [K]...nous avons donc décidé d'entamer une procédure de licenciement' et 'lors de l'entretien préalable, je me souviens que M. [Z] s'est présenté assisté de M. [S]...je l'ai autorisé à être présent', n'est pas de nature à emporter la conviction de la cour, dès lors qu'elle émane d'un salarié qui a personnellement pris part à la procédure de licenciement.

Il n'est pas établi en l'espèce que la date du 3 février 2015 mentionnée comme date de l'entretien préalable dans la lettre de licenciement produite par le salarié soit le fruit d'une erreur matérielle et que postérieurement à l'entretien demandé par le salarié en vue de la régularisation de sa situation, l'employeur ait effectivement procédé à l'entretien préalable au licenciement exigé par l'article L.1232-2 du code du travail.

La procédure de licenciement est dès lors irrégulière. Il n'est pas établi que la société était dotée d'institutions représentatives du personnel et le salarié n'a pu bénéficier d'un entretien au cours duquel il aurait été assisté d'un conseiller du salarié, en violation des dispositions de l'article L. 1232-4 du code du travail.

M. [R] avait moins de deux ans d'ancienneté à la date du licenciement. Il convient en conséquence, sur le fondement de l'article L. 1235-5 dernier alinéa du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, de faire application des dispositions de l'article L. 1235-2, instituant une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire en cas d'inobservation de la procédure. La cour fixe le préjudice subi par le salarié du fait de cette irrégularité qui ne lui a pas permis d'assurer sa défense dans le cadre de la procédure de licenciement à la somme de 500 euros. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Magnameaux à payer ladite somme à M. [R].

Sur le licenciement

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, M. [R] a été licencié pour faute lourde pour avoir usurpé volontairement l'identité d'une personne tierce afin de pouvoir travailler sur le territoire français et avoir ainsi délibérément fait courir de gros risques à l'entreprise en ce qui concerne la législation du travail.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute lourde qu'il invoque à l'appui du licenciement.

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise. Le fait d'avoir usurpé l'identité d'une personne tierce afin de pouvoir travailler sur le territoire français ne caractérise pas l'existence d'une telle faute.

La société Magnameaux soutient subsidiairement que le salarié a, à tout le moins commis, une faute grave.

L'attestation de M. [D], directeur du magasin Intermarché exploité à [Localité 7] par la société Magnameaux, qui dirigeait également le magasin magasin Intermarché exploité à [Localité 5] par la société Fredec, présidée comme la première par Mme [K], selon laquelle, lorsqu'il a engagé M. [Z], présenté par M. [S], les deux hommes ont prétendu qu'il était en situation régulière sur le territoire française et disposait d'une carte de séjour, est contredite par l'attestation de M. [S], salarié de la société Fredec de février 2010 à mai 2014, dont il n'est pas établi qu'il a été licencié pour vol, comme l'employeur l'allègue, selon laquelle il a 'présenté M. [B] [R] à la direction parce que cette dernière avait déjà auparavant accepté d'embaucher des personnes en situation irrégulière et les avait aidés à obtenir la régularisation de leur situation administrative" et selon laquelle 'les responsables du supermarché Intermarché étaient au courant de la situation de M. [R] et ont accepté que M. [R] travaille sous le nom d'un autre'.

Le fait que M. [S] réside à la même adresse que M. [R] et soit, le cas échéant, un ami de celui-ci, n'est pas de nature à disqualifier son témoignage. Son témoignage est conforté par le fait que la société Magnameaux n'a pas vérifié auprès des autorités compétentes l'authenticité du titre de séjour délivré au nom de [C] [Z] utilisé par M. [R], alors que les dispositions de l'article L.5221-8 du code du travail lui faisait obligation de " s'assure[r] auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1.

La société Magnameaux ne rapporte pas dès lors, la preuve, qui lui incombe, que M. [R] lui a dissimulé qu'il n'avait pas l'autorisation de travailler sur le territoire français lors de son embauche et qu'il utilisait, pour se maintenir irrégulièrement en France et y travailler, l'identité d'un tiers et que c'est ainsi à son insu qu'elle l'a embauché sous une fausse identité.

Il est établi qu'à la date de son licenciement, M. [R] bénéficiait d'un titre de séjour l'autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. L'employeur, qui n'établit pas avoir engagé le salarié sans savoir qu'il était alors en situation irrégulière sur le territoire français et qu'il utilisait l'identité d'un tiers pour travailler, est mal fondé à se prévaloir du fait que l'intéressé a utilisé l'identité d'un tiers pour travailler pour justifier le licenciement. La société Magnameaux ne pouvant imputer à faute à M. [R] le fait qu'il ait utilisé l'identité d'un tiers, le licenciement prononcé pour ce motif est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement abusif

Il résulte de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, que la perte injustifié de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue.

En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée et de son aptitude à retrouver un emploi, c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le conseil de prud'hommes a fixé le préjudice subi par M. [R] à la somme de 5 946,66 euros. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Magnameaux à payer ladite somme à M. [R] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied

En l'absence de faute lourde ou de faute grave, la mise à pied conservatoire notifiée par l'employeur au salarié était injustifiée. M. [R] est dès lors bien fondé à prétendre au paiement du salaire dont il a été privé durant cette période. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Magnameaux à payer à ce titre à M. [R] la somme de 609,28 euros bruts à titre de rappel de salaire ainsi que la somme de 60,92 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En l'absence de faute lourde ou de faute grave, M. [R], qui a été privé à tort du préavis d'un mois prévu par l'article 3 de l'annexe I de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, est bien fondé à prétendre aux salaires et avantages qu'il aurait perçus s'il avait travaillé durant cette période.

L'article 3.7 de la convention collective subordonne le paiement au 31 décembre de la prime annuelle à la condition que le salarié soit titulaire d'un contrat de travail en vigueur au moment du versement. Il ne prévoit son paiement prorata temporis en faveur des salariés qui ont quitté l'entreprise avant cette date que dans des cas particuliers limitativement énumérés (départ ou mise à la retraite, appel sous les drapeaux ou retour du service national, décès, licenciement économique). M. [R] n'étant pas dans l'un de ces cas, est dès mal fondé à prétendre à une indemnité compensatrice de préavis calculée sur son salaire brut augmenté d'un 1/12ème de la prime annuelle.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Magnameaux à payer à M. [R] la somme de 991,11 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 99,11 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité de licenciement

Selon l'article L. 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Aux termes de l'article R1234-2, dans sa rédaction issue du décret n°2008-715 du 18 juillet 2008, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Aux termes de l'article R.1234-4, dans sa rédaction issue du décret n°2008-244 du 7 mars 2008, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

Il résulte des bulletins de paie de M. [R] que la moyenne des 12 derniers précédant le licenciement du salarié est de 1068,95 euros et celle des trois derniers mois, en prenant en compte à due proportion la prime annuelle perçue en application de l'article 3.7 de la convention collective en décembre 2014, de 1073,70 euros.

Le salaire mensuel brut de référence à retenir pour le calcul de l'indemnité de licenciement est dès lors de 1073,70 euros bruts.

Au regard de son ancienneté à l'expiration du préavis, M. [R] est bien fondé à prétendre à une indemnité de licenciement de 375,80 euros. Le jugement sera donc infirmé de ce chef et la société Magnameaux condamnée à payer ladite somme au salarié.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Lorsque le contrat de travail est rompu, avant que le salarié n'ait pu bénéficier de la totalité du congé acquis auquel il avait droit, le salarié doit percevoir une indemnité compensatrice de congés payés déterminée conformément aux dispositions des articles L 3141-22 à L 3141- 26 du code du travail.

La société Magnameaux rapporte la preuve, par la fiche de temps du mois de janvier 2015, mentionnant des congés payés pris du 2 au 31 janvier 2015, portant en bas de page la signature de M. [R], correspondant à celle apposée chaque jour sur la fiche d'heures du mois de décembre 2015 et sur l'accusé de réception de la lettre de licenciement, que M. [R] a effectivement pris du 2 au 31 janvier 2015, partie des congés payés acquis au cours de la période du 26 juin 2013 au 31 mai 2014.

Pour la période du 1er juin 2014 au 27 février 2015, le salarié est mal fondé à intégrer dans la base de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés, le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 3 au 27 février 2015, qui a déjà donné lieu ci-dessus à l'allocation des congés payés afférents, et la prime annuelle, versée pour l'année entière, période de travail et période de congés payés confondues, et expressément exclue de la rémunération totale retenue pour le calcul de l'indemnité de congés payés par l'article 3.7 alinéa 2 de la convention collective.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Magnameaux à payer à M. [R] la somme de 968,97 bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la remise des documents sociaux

Il convient d'ordonner à la société Magnameaux de remettre à M. [R] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail, et une attestation Pôle emploi, établis à son nom et conformes au présent arrêt sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur les intérêts

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont de plein droit productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1153 ancien du code civil, applicable au litige.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La société Magnameaux qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à Maître Julia Jabin, avocate de M. [R], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros au titre de l'indemnité afférente à l'article 37 de la loi du 10 jui1let 1991.

Elle sera condamnée à payer en outre la somme de 2 500 euros à M. [R] pour les frais irrépétibles qu'il a supporté en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 30 janvier 2020 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Fixe le salaire mensuel brut de référence pour le calcul de l'indemnité de licenciement due à M. [B] [R] à la somme de 1 073,70 euros ;

Condamne la société Magnameaux à payer à M. [B] [R] les sommes suivantes :

* 968,97 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 375,80 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1153 ancien du code civil,

Ordonne à la société Magnameaux de remettre à M. [R] un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Condamne la société Magnameaux à payer à M. [B] [R] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Déboute la société Magnameaux de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la société Magnameaux aux dépens d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame [F] [X], Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00666
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;20.00666 ?
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