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17/11/2022 | FRANCE | N°20/00594

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 17 novembre 2022, 20/00594


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 NOVEMBRE 2022



N° RG 20/00594 - N° Portalis DBV3-V-B7E-TY53



AFFAIRE :



[I] [Y] [L]



C/

S.A.R.L. LPVRD











Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 29 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : F 1

9/00062



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Vincent LECOURT



la SELAS FIDAL







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Ve...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/00594 - N° Portalis DBV3-V-B7E-TY53

AFFAIRE :

[I] [Y] [L]

C/

S.A.R.L. LPVRD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 29 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : F 19/00062

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Vincent LECOURT

la SELAS FIDAL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [I] [Y] [L]

né le 07 Juin 1985 à [Localité 5] (Portugal)

de nationalité Portugaise

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Vincent LECOURT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 218 - N° du dossier 201911

APPELANT

****************

S.A.R.L. LPVRD

N° SIRET : 450 217 013

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Pascal FOURNIER de la SELARL DES DEUX PALAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 125 Représentant : Me Fabrice GUICHON substitué par Me Claire BUISTANY de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de MEAUX, vestiaire : 18

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,

FAITS ET PROCÉDURE

Engagé à compter du 18 septembre 2006 en qualité de man'uvre, catégorie ouvrier d'exécution, par la société LPVRD, qui exerce une activité de travaux de voirie, réseaux divers, terrassement, démolition et aménagement de terrains et relève de la convention collective des ouvriers du bâtiment (entreprises occupant plus de dix salariés), M. [Y] [L] a démissionné de son emploi le 18 décembre 2010.

Le 18 mars 2016, M. [Y] [L] a constitué une société unipersonnelle dénommée TP Martelo & Construction, laquelle a entretenu des relations commerciales avec la société LPVRD.

Par contrat du 13 juin 2018, M. [Y] [L] a été engagé en qualité de chef de chantier par la société LPVRD.

Alors que les bulletins de paie remis au salarié à compter des mois de juin mentionnent un emploi de chef d'équipe, niveau C, coefficient 150, statut Etam de la convention collective du bâtiment (entreprises occupant plus de dix salariés) et un salaire mensuel brut de 2 459,08 euros pour 151,67 heures, et 351,22 euros pour 13,33 heures supplémentaires outre une prime d'assiduité, d'entretien, de panier et de trajet, le salarié considérant dans son courriel du 26 novembre 2018 qu'il y avait des erreurs sur ses bulletins de paie dans la mesure où il ne percevait pas la somme nette de 2 500 euros par mois qui, selon lui, avait été convenue, a réclamé la rectification de ses bulletins de paie, puis a dénoncé le 28 novembre 2018 les conditions d'exécution de son contrat de travail.

M. [Y] a été placé en arrêt de travail du 31 octobre au 2 novembre 2018, du 15 novembre au 6 janvier 2019, puis, après avoir bénéficié d'un congé pour événement familial (mariage) du 7 au 13 janvier, continûment à compter du 14 janvier 2019.

Le désaccord entre les parties sur le salaire convenu lors de l'embauche du salarié persistant et l'employeur n'ayant pas donné suite à la demande de 'résiliation amiable' du contrat de travail, M. [Y] [L] a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil d'une demande de résiliation judiciaire du dit contrat par requête en date du 11 mars 2019 enregistrée le 15 mars.

Par lettre adressée le 7 juin 2019, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Faisant évoluer ses demandes devant le conseil de prud'hommes, le salarié lui a demandé de dire et juger que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s'est opposée aux demandes et a sollicité la condamnation du requérant au paiement des sommes de 2 459,08 euros à titre d'indemnité de préavis, 6 000 euros au titre de l'amende civile en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, 100 euros au titre du remboursement de la prime de pouvoir d'achat et 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 29 janvier 2020, le conseil a statué comme suit :

Dit que la prise d'acte emporte les effets d'une démission,

En conséquence,

Condamne la société à verser à M. [Y] [L] la somme de 103,67 euros au titre des

heures supplémentaires,

Ordonne et condamne la société à établir une feuille de paye et une attestation pour Pôle emploi conformes à cette décision,

Condamne la société à verser à M. [Y] [L] la somme de 2 000 euros au titre de

l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [Y] [L] de toutes ses autres demandes,

Fixe la moyenne des trois derniers salaires à la somme de 2 810,30 euros,

Déboute la société de ses demandes reconventionnelles,

Met les dépens à la charge de la société.

Le 27 février 2020, M. [Y] [L] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par arrêt partiellement avant dire droit en date du 24 mars 2022, la présente cour a statué comme suit :

Statuant dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident,

Confirme le jugement rendu le 29 janvier 2020 par le conseil de prud'hommes d'Argenteuil en ce qu'il a débouté M. [Y] [L] de sa demande indemnitaire pour absence de remise de lettre d'embauche, de sa demande indemnitaire pour absence de mise en place de la représentation du personnel,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] [L] de sa demande indemnitaire au titre de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, et de sa demande de fixation du salaire contractuel mensuel convenu,

Statuant sur les chefs infirmés,

Condamne la société LPVRD à payer à M. [Y] [L] la somme de 900 euros au titre du préjudice subi au titre de la prime de pouvoir d'achat,

Dit que la rémunération contractuelle a été convenue entre les parties à hauteur de la somme de 2 500 euros nets comprenant le salaire de base pour 169 heures de travail, outre la prime d'entretien de 76,22 euros bruts et la prime d'assiduité de 50 euros bruts, hors prime de panier et indemnité de trajet,

Avant-dire droit, sur les autres demandes,

Invite les parties à présenter leurs calculs des sommes dues le cas échéant par la société LPVRD à M. [Y] [L], à titre de solde de rappels de salaire, comptes arrêtés au 31 janvier 2019, de solde de rappels de salaire du 1er février au 13 avril 2019 inclus et d'indemnisation du manque à gagner sur le montant des indemnités journalières servies, sur la base du salaire mensuel contractuel retenu par la cour,

Invite les parties à préciser la disposition légale applicable à la date de la conclusion du contrat de travail fondant le recours et les modalités de déduction forfaitaire pour frais professionnels dans l'entreprise appliquée au salarié,

Dit que les observations sollicitées devront être fournies dans le calendrier suivant:

- pour M. [Y] [L] avant le 15 mai 2022

- pour la société LPVRD avant le 1er juillet 2022 ,

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du mardi 4 octobre 2022 [...],

Réserve les autres demandes et les dépens.

' Selon ses dernières conclusions notifiées le 5 juillet 2022, M. [Y] [L] demande à la cour d'enjoindre à la société LPVRD à établir les bulletins de salaire rectificatifs relatifs à la période d'emploi sur la base d'un salaire net de 2 500 euros tel qu'établi par la Cour, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes restant à juger et statuant à nouveau, de :

Condamner la société LPVRD à lui verser les sommes de :

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant de l'absence de remise d'une lettre d'embauche,

- 2 476,77 euros à titre de solde de rappels de salaire, comptes arrêtés au 31 janvier 2019, avec intérêts à compter de la date de la saisine du conseil des prud'hommes, outre celle de 845,74 euros à titre de solde de rappels de salaire du 1er février au 13 avril inclus, avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance.

- 358 euros à titre d'indemnisation du manque à gagner sur le montant des indemnités journalières à lui servies consécutif au non-respect du salaire convenu.

Dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est imputable à la société LPVRD et doit s'analyser en un licenciement injustifié,

Condamner la société LPVRD à lui verser les sommes de :

- 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture injustifiée du contrat de travail,

- 1 507,47 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2019,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des conséquences de l'application unilatérale de l'abattement forfaitaire.

Ordonner la remise par la société LPVRD, d'un bulletin de salaire de régularisation portant mention des condamnations prononcées, d'une attestation Pôle Emploi conforme intégrant les rappels de salaire prononcés, d'un certificat de travail mentionnant comme date de fin de contrat la date du jugement prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail, d'un certificat destiné à la Caisse des Congés Payés du Bâtiment mentionnant les rappels de salaire prononcés par le Conseil, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard par document passé un délai de 15 jours à compter de la date de la notification du jugement à intervenir,

Condamner la société LPVRD à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamner la société LPVRD aux entiers dépens, lesquels comprendront le coût du PV de constat d'huissier établi le 24 juin 2019 par la SCP Tristant Le Peillet Darcq,

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société LPVRD de ses demandes.

' Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 7 septembre 2022, la société LPVRD demande à la cour de :

Dire et juger qu'en application du salaire retenu par la cour d'appel de Versailles dans son arrêt du 24 mars 2022, elle ne pourrait être redevable que d'un rappel de salaire de 1 980,83 euros nets, outre 198,08 euros nets au titre des congés payés afférents ;

En conséquence,

Débouter M. [Y] [L] de sa demande de rappel de salaire s'élevant à 2 476,77 euros, comptes arrêtés au 31 janvier 2019, et 845,74 euros au titre de la période allant du 1er février au 13 avril 2019 ;

Dire et juger qu'en application du salaire retenu par la cour d'appel de Versailles dans son arrêt du 24 mars 2022, elle ne pourrait être redevable que de la somme de 82,44 euros nets au titre du manque à gagner sur le montant des indemnités journalières ;

En conséquence,

Débouter M. [Y] [L] de sa demande de 358 euros au titre de l'indemnisation du manque à gagner sur le montant des indemnités journalières ;

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que la prise d'acte emporte les effets d'une démission ;

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [Y] [L] de sa demande indemnitaire de 1 000 euros en réparation de l'application unilatérale de l'abattement forfaitaire ;

Condamner M. [Y] [L] à lui verser la somme de 2 500 euros à titre de remboursement de l'indemnité correspondant équivalente à un mois de préavis ;

Condamner M. [Y] [L] à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pascal Fournier Membre de la Selarl des Deux Palais dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Si M. [Y] [L] maintient aux termes de ses dernières conclusions en date du 5 juillet 2022 sa réclamation tendant au paiement de la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant de l'absence de remise d'une lettre d'embauche, force est de constater que la cour a d'ores et déjà statué de ce chef aux termes de la décision rendue le 24 mars 2022.

La cour ayant d'ores et déjà statué sur cette réclamation, elle en est légalement dessaisie.

I - Sur la déduction forfaitaire :

Selon l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations de sécurité sociale de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.

Selon l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, pris dans sa rédaction issue de l'arrêté du 25 juillet 2005, les professions, prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents, peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique. Cette déduction est, dans la limite de 7 600 euros par année civile, calculée selon les taux prévus à l'article 5 de l'annexe IV du code précité.

L'employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu'une convention ou un accord collectif du travail l'a explicitement prévu ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord. A défaut, il appartient à chaque salarié d'accepter ou non cette option. Celle-ci peut alors figurer soit dans le contrat de travail ou un avenant au contrat de travail, soit faire l'objet d'une procédure mise en oeuvre par l'employeur consistant à informer chaque salarié individuellement par lettre recommandée avec accusé de réception de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits, accompagné d'un coupon-réponse d'accord ou de refus à retourner par le salarié. Lorsque le travailleur salarié ou assimilé ne répond pas à cette consultation, son silence vaut accord définitif.

En l'espèce, il n'est pas invoqué par l'employeur l'existence d'une stipulation conventionnelle ni un accord collectif du travail, ni davantage l'accord du comité d'entreprise ou des délégués du personnel pour instituer la déduction forfaitaire de 10%. Il n'établit pas que le salarié a consenti à l'application de la déduction forfaitaire le concernant suite à son engagement en juin 2019.

Par suite, et la seule mention figurant dans un message adressé par la compagne du salarié à l'employeur au sujet du montant du salaire net de ce que 'même en bénéficiant de l'abattement de 10% qui s'applique dans le bâtiment, cela fait [...]' ne valant pas accord exprès de l'intéressé dans les conditions requises par l'arrêté du 20 décembre 2002, il sera jugé que l'employeur ne justifie pas de la régularité de la mise en oeuvre de la déduction forfaitaire spécifique.

M. [Y] [L] est bien fondé à soutenir que la société LPVRD ne pouvait appliquer la déduction forfaitaire en application des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, devenu L. 241-13 III du même code.

II - Sur les demandes en paiement :

Nonobstant l'invitation faite aux parties d'établir un décompte, le salarié ne présente aucun élément chiffré et se contente de produire les comptes qu'il avait communiqués en 2019 au soutien de sa réclamation salariale sur la base d'un salaire net que la cour n'a pas retenu.

En revanche, la société LPVRD verse aux débats outre le décompte établi par son comptable de la rémunération contractuelle telle que définie par la cour, mais également la reconstitution du salaire et du manque à gagner au titre des indemnités journalières.

Ces éléments ne sont pas utilement critiqués par le salarié, hormis sur la dernière période courant du 14 avril au 7 juin 2019, à l'issue de la période de maintien de salaire et de subrogation de l'employeur au titre des indemnités journalières.

En effet, si l'application de la déduction forfaitaire de 10% est sans incidence sur le rappel de salaire contractuel et de maintien de salaire, elle présente en revanche une incidence négative sur le montant des indemnités journalières perçues par le salarié à compter du 14 avril 2019, terme de la période de subrogation.

M. [Y] [L], est fondé à solliciter le paiement à titre de rappel de salaire et de maintien de salaire de la somme de 1 980,83 euros nets outre congés payés afférents. Alors qu'il justifie avoir perçu des indemnités de la Caisse primaire d'assurance maladie de 43,41 euros, il est également fondé à solliciter une indemnité de 289,20 euros au titre de la perte de 10% sur les indemnités journalières perçues par le salarié du 14 avril au 7 juin 2019 (48,23 euros - 4,82 = 43,41 euros x 60 indemnités journalières).

Aucun autre préjudice n'est établi par le salarié en lien avec la mise en oeuvre irrégulière par l'employeur de la déduction forfaitaire spécifique. La demande en paiement de dommages-intérêts formée à ce titre sera rejetée.

En revanche, le bulletin de salaire de régularisation et les documents de fin de contrat qu'il appartiendra à l'employeur d'établir conformément à la présente décision devront être régularisés sur ce point.

III - Sur la prise d'acte :

Lorsque, au moment où le juge statue sur une action du salarié tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le contrat de travail a pris fin par la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, sa demande de résiliation devient sans objet. Pour l'appréciation du bien-fondé de la prise d'acte, le juge doit prendre en considération les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte.

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire nul, si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission.

Ainsi que le salarié le conclut expressément dans ses conclusions il ressort de la lecture de leurs échanges qui précèdent la saisine de la juridiction prud'homale 'le constat d'un désaccord sur la définition du salaire convenu, chacune des parties faisant valoir son incompréhension de la position de l'autre'.

Il n'est pas établi par le salarié que l'employeur l'aurait traité d'escroc comme allégué ni d'une dégradation de ses conditions de travail.

L'accord conclu par les parties sur ce que le salaire net de 2 500 euros convenu devait comprendre, étant sujet à interprétation M. [Y] [L] a légitimement saisi la juridiction prud'homale afin que ce litige soit tranché.

En définitive, le salarié établit qu'il détenait sur l'employeur, qui ne justifie pas de la régularité de la mise en oeuvre de la déduction forfaitaire spécifique, une créance salariale s'élevant au jour de la rupture à 1 980,83 euros nets à titre de rappel de salaire et de maintien de salaire, 103,67 euros au titre des heures supplémentaires non critiquées en cause d'appel, 289,20 euros au titre des indemnités journalières et 900 euros au titre de la prime de pouvoir d'achat.

En l'état de ces éléments, et alors que le non-paiement dérivait du caractère litigieux de la créance dépendant de l'interprétation de la convention en instance de jugement, le salarié ne rapporte pas la preuve d'un manquement de l'employeur d'une gravité telle qu'il empêchait la poursuite de la relation de travail.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] [L] de sa demande tendant à voir dire que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

IV - Sur la demande reconventionnelle :

Selon l'article L. 1237-1 du code du travail, en cas de démission, l'existence et la durée du préavis sont fixés par la loi, ou par convention ou accord collectif de travail. A la différence donc du préavis de rupture à l'initiative de l'employeur, la durée et l'existence du préavis en cas de démission ne sont pas prévus par la loi d'une façon générale.

Le salarié qui démissionne ou prend acte de la rupture s'oblige donc en principe à exécuter le préavis auquel il est soumis, sauf dispense de la part de l'employeur, et s'expose en cas de défaut d'exécution à devoir payer à son employeur une indemnité compensatrice.

En l'espèce, la convention collective applicable prévoit en son article 10.1 b) qu'en cas de rupture du contrat de travail après l'expiration de la période d'essai, la durée du délai de préavis que doit respecter, selon le cas, l'employeur ou l'ouvrier, est fixée en cas de démission comme suit :

- de la fin de période d'essai jusqu'à 3 mois d'ancienneté dans l'entreprise : 2 jours ;

- au-delà de 3 mois d'ancienneté dans l'entreprise : 2 semaines.

10.12. En cas d'inobservation du délai de préavis par l'une ou l'autre des parties, celle qui n'a pas observé ce préavis doit à l'autre une indemnité égale au salaire correspondant à la durée du préavis restant à courir.

En application de ces stipulations conventionnelles, M. [Y] [L], dont la prise d'acte de la rupture a produit les effets d'une démission au 7 juin 2019, date de l'envoi de la lettre recommandée avec avis de réception, ainsi qu'en fait foi l'accusé de réception produit, justifiant que son arrêt maladie s'est prolongé jusqu'au 23 juin 2019, le salarié s'est trouvé, du fait de sa maladie, dans l'incapacité d'effectuer le préavis de quinze jours auquel il était conventionnellement tenu. Il en résulte qu'aucune indemnité compensatrice de préavis ne peut être mise à sa charge. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Il sera ordonné à la société intimée de délivrer au salarié un bulletin de paye de régularisation et les documents de fin de contrat conformes à la présente décision. En revanche, la demande d'assortir cette injonction d'une astreinte n'étant pas nécessaire à en garantir l'exécution, elle sera rejetée.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt du 24 mars 2022,

Constate que la cour qui a d'ores et déjà statué sur la demande en paiement de dommages-intérêts du chef de l'absence de remise d'une lettre d'embauche est dessaisie de ce chef,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission au 7 juin 2019 et en ce qu'il a débouté la société LPVRD de sa demande d'indemnité au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

L'infirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société LPVRD à verser à M. [Y] [L] la somme de 1 980,83 euros nets à titre de rappel de salaire et de maintien de salaire, outre une indemnité de 289,20 euros au titre du manque à gagner sur le montant des indemnités journalières perçues du 14 avril au 7 juin 2019,

Ordonne à la société LPVRD de délivrer à M. [Y] [L] un bulletin de salaire de régularisation, une attestation Pôle-emploi ainsi qu'un certificat destiné à la Caisse des Congés Payés du Bâtiment mentionnant les rappels de salaire prononcés, conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt,

Rejette la demande d'astreinte,

Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Déboute M. [Y] [L] de sa demande de dommages-intérêts en réparation des conséquences de l'application unilatérale de l'abattement forfaitaire,

Condamne la société LPVRD à verser à M. [Y] [L] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,

Condamne la société LPVRD aux entiers dépens lesquels ne comprennent pas le coût du PV de constat d'huissier établi le 24 juin 2019 par la SCP Tristant Le Peillet Darcq.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00594
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;20.00594 ?
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