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14/11/2022 | FRANCE | N°20/04876

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 14 novembre 2022, 20/04876


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54Z



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 NOVEMBRE 2022



N° RG 20/04876



- N° Portalis DBV3-V-B7E-UC3F



AFFAIRE :



SAS TRADI-ART CONSTRUCTION



C/



S.A. IN'LI





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mai 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° RG : 2018F00070



Expéditions exécutoires

Expédition

s

Copies

délivrées le :

à :



Me Anne-laure DUMEAU



Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affa...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54Z

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/04876

- N° Portalis DBV3-V-B7E-UC3F

AFFAIRE :

SAS TRADI-ART CONSTRUCTION

C/

S.A. IN'LI

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mai 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° RG : 2018F00070

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-laure DUMEAU

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS TRADI-ART CONSTRUCTION anciennement dénommée BATIR CONSTRUCTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Charles GUIEN de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0488

APPELANTE

****************

S.A. IN'LI

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et Me Valérie BLAIRON de l'AARPI LEXIE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1777

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Septembre 2022,Monsieur Emmanuel ROBIN, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Séverine ROMI, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT

FAITS ET PROCÉDURE

Au cours de l'année 2009, deux sociétés dénommées L'immobilière ACL PME et HLM résidence ACL PME ont entrepris la construction d'un ensemble immobilier de 54 logements. Les lots n°1, installation de chantier et gros 'uvre, et n°3, étanchéité, ont été attribués à la société Bâtir construction.

Par acte d'huissier du 21 décembre 2017, la société Bâtir construction a fait assigner la société Ogif, venant aux droits de la société L'immobilière ACL PME, devant le tribunal de commerce de Nanterre afin d'obtenir le paiement du solde de prix de chacun des deux marchés ainsi que le paiement d'intérêts moratoires.

Par jugement en date du 6 mai 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a déclaré irrecevables les demandes de la société Tradi-art construction, venant aux droits de la société Bâtir construction, contre la société In'li, venant aux droits de la société Ogif et de la société L'immobilière ACL PME, et l'a condamnée aux dépens.

Le tribunal a considéré que le Cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 (ci-après le CCAG ' Travaux de 1976) était applicable aux marchés litigieux, et non la norme NF P 03-001, que la société Tradi-art construction n'avait pas appliqué les dispositions de ce document relatives aux modalités de règlement des comptes et que, suite au rejet de sa réclamation, elle avait attendu plus de six mois avant de saisir le tribunal.

*

Le 8 octobre 2020, la société Tradi-art construction a interjeté appel de cette décision.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 6 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience de la cour du 12 septembre 2022 ; lors de cette audience, l'ordonnance de clôture a été révoquée, afin de permettre à la société In'li de répliquer aux écritures déposées pour la société Tradi-art construction la veille de cette ordonnance, et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 26 septembre 2022, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

*

Par conclusions déposées le 23 septembre 2022, la société Tradi-art construction demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de déclarer irrecevable et mal fondée la fin de non-recevoir soulevée par la société In'li et tirée de la forclusion des demandes, de condamner la société In'li à lui payer la somme de 42 669,27 euros au titre du solde des deux marchés, ou, subsidiairement, de la condamner à lui payer la somme de 90 987,20 euros sous déduction de deux paiements partiels de 75 000 et 5 000 euros à imputer en priorité sur les intérêts moratoires, de condamner la société In'li à lui payer la somme de 35 614,19 euros au titre des intérêts moratoires dus pour les situations de travaux payées avec retard, de condamner la société In'li au paiement d'intérêts moratoires au taux de 11 % l'an, outre leur capitalisation, et de la condamner au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre une indemnité recouvrement de 20 000 euros en application de l'article L.441-6 du code de commerce, ou, subsidiairement, de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Tradi-art construction conteste être forclose à agir en paiement de ses créances en soutenant que la société In'li ne lui a jamais notifié le décompte général du marché et que le délai de six mois prévu par l'article 50.32 du CCAG ' Travaux de 1976 n'a donc pas commencé de courir ; elle ajoute qu'aucune disposition ne lui imposait d'adresser au maître d'ouvrage une mise en demeure d'établir son décompte et que, au surplus, elle lui a adressé une interpellation suffisante en le mettant en demeure de payer. Par ailleurs, la société Tradi-art construction fait valoir que les règles qui lui sont opposées s'appliquent seulement dans le cas de marchés publics et que tel n'est pas le cas en l'espèce ; elle invoque également le caractère abusif de la procédure de règlement des marchés qui lui est imposée.

Quant au fond, la société Tradi-art construction fait valoir qu'elle a achevé ses travaux et que les réserves ont été levées ; elle ajoute que les travaux supplémentaires ont donné lieu à des paiements volontaires et qu'elle réclame seulement le prix des travaux des marchés de base. En outre, elle conteste avoir contracté distinctement avec deux sociétés différentes pour la réalisation de deux chantiers distincts ; elle reproche sur ce point à la société In'li de développer une argumentation contradictoire au détriment de son adversaire ; au surplus, la société Immobilière ACL PME aurait eu, en tout état de cause, la qualité de maître d'ouvrage apparent pour l'ensemble de l'opération.

Par conclusions déposées le 21 septembre 2022, la société In'li demande à la cour de déclarer irrecevable le moyen nouveau soulevé par la société Tradi-art construction, tiré de la qualité de maître d'ouvrage apparent, de confirmer le jugement déféré ou, subsidiairement, de débouter la société Tradi-art construction de ses demandes et, en tout état de cause, de la condamner aux dépens.

La société In'li fait valoir que la société Tradi-art construction invoque pour la première fois en cause d'appel sa qualité de maître de l'ouvrage apparent ; elle conteste en outre avoir eu cette qualité alors notamment que les ordres de service et les paiements émanent de deux sociétés distinctes. Elle ne pourrait davantage être qualifiée de maître d'ouvrage de fait.

Pour contester la recevabilité de l'action de la société Tradi-art construction, la société In'li soutient que celle-ci ne l'a pas mise en demeure d'établir le décompte général prévu par l'article 32 du CCAG ' Travaux de 1976; de surcroît, la société Tradi-art construction n'aurait pas agi dans les six mois de la réponse adressée le 15 janvier 2013 à sa lettre de mise en demeure.

Quant au fond, la société In'li soutient en premier lieu qu'en l'absence d'établissement du décompte général la créance de la société Tradi-art construction n'est pas exigible, ni certaine. La société In'li soutient que le décompte porte sur deux opérations distinctes menées par deux maîtres d'ouvrage différents ; elle affirme que le décompte et les pièces produites ne permettent pas d'identifier l'imputation des paiements allégués et elle conteste avoir accepté les travaux supplémentaires.

MOTIFS

Sur la recevabilité des moyens nouveaux

L'article 563 du code de procédure civile dispose expressément que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux.

Dès lors, la société In'li est mal fondée à demander à la cour de déclarer irrecevable un moyen invoqué par la société Tradi-art construction au motif que celui-ci serait nouveau en cause d'appel.

Sur la recevabilité de l'action de la société Tradi-art construction

Selon l'article 50.32 du CCAG ' Travaux de 1976, si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 de cet article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable.

En l'espèce, la société In'li ne justifie d'aucune notification à la société Tradi-art construction d'une décision prise sur une réclamation de cette société ; elle est dès lors mal fondée à invoquer la forclusion prévue par l'article 50.32 rappelé ci-dessus.

Sur le solde du prix des travaux

La détermination du solde de prix

Selon l'article 13.3 du CCAG ' Travaux de 1976, après l'achèvement des travaux l'entrepreneur dresse le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble ; le projet de décompte final est remis au maître d''uvre dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux ; le projet de décompte final par l'entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d''uvre et il devient alors le décompte final ; selon l'article 13.4, le maître d''uvre établit ensuite le décompte général qui comprend le décompte final, l'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, et la récapitulation des acomptes mensuels et du solde ; le décompte général doit être notifié à l'entrepreneur au plus tard quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final, ou trente jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde, et le mandatement du solde intervient dans le délai fixé par le marché et courant à compter de la notification du décompte général sans pouvoir dépasser soixante jours lorsque la durée d'exécution contractuelle du marché est supérieure à six mois.

En l'espèce, la société Tradi-art construction ne produit aucun procès-verbal de réception ; néanmoins l'existence d'une réception n'est pas contestée par la société In'li, ni la levée des réserves intervenue conformément au certificat en ce sens établi par le maître d''uvre, le 12 janvier 2012, avec l'entreprise.

Après avoir établi un seul projet de décompte final pour l'ensemble de l'opération, la société Tradi-art construction a établi deux documents distincts, l'un pour le lot gros 'uvre et l'autre pour le lot étanchéité, et les a notifiés simultanément au maître d''uvre et à la société L'immobilière ACL PME le 23 mars 2012. Ainsi, le maître d'ouvrage aurait dû notifier le décompte général avant le 7 mai 2012 et le paiement du solde aurait dû être effectué au plus tard le 6 août suivant.

Or, la société In'li ne justifie d'aucune notification du décompte général, ni même de son établissement. La lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par la société Tradi-art construction à la société L'immobilière ACL PME, rappelant que l'entreprise est « toujours en attente du règlement de [son] DGD » et en réclamant le paiement sous peine d'engager des poursuites et de réclamer des intérêts moratoires contient une interpellation suffisante faite au maître de l'ouvrage d'avoir à satisfaire à ses obligations et vaut ainsi mise en demeure d'établir le décompte général définitif ou de payer le solde du prix tel qu'il résulte du décompte final établi par la société Tradi-art construction.

La société In'li, ainsi mise en demeure, soutient à tort que la créance de la société Tradi-art construction ne serait pas exigible au seul motif qu'elle n'aurait pas donné lieu à un décompte général établi par le maître de l'ouvrage et la circonstance qu'il appartient au créancier de faire la preuve de sa créance est sans incidence sur l'exigibilité de celle-ci.

Conformément à l'ancien article 1315 du code civil, dont les dispositions sont désormais reprises par l'article 1353 de ce code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, conformément au décompte établi par ses soins, la société Tradi-art construction réclame le paiement de la somme principale de [99 342 + 23 327,26 ' 75 000 ' 5 000] 42 669,26 euros au titre du solde du prix des travaux compris dans un lot n°1 installation de chantier ' gros 'uvre et dans un lot n°3 étanchéité.

Elle justifie :

1) d'un ordre de service n°1 ayant pour objet « 54 logements à [Localité 5] » et portant sur le « Lot 3 : ETANCHEITE » d'un montant de 34 229,49 euros toutes taxes comprises, lequel ordre de service a été signé par la société L'immobilière ACL PME, désignée en qualité de maître d'ouvrage ;

2) d'un ordre de service n°2 ayant pour objet « travaux supplémentaires » et portant sur le « Lot 1 : INSTALLATION DE CHANTIER / GROS 'UVRE », mentionnant la mise en place d'une deuxième grue au prix de 53 994,56 euros hors taxes et ayant eu pour effet de porter le montant du marché à 1 386 475,25 euros toutes taxes comprises, lequel ordre de service a été signé par la société L'immobilière ACL PME, désignée en qualité de maître d'ouvrage.

Ainsi, la société Tradi-art construction justifie suffisamment d'un engagement contractuel de la société L'immobilière ACL PME de lui payer une somme supérieure au solde de prix dont elle réclame le paiement.

La société In'li ne rapporte aucune preuve des paiements qu'elle aurait effectués pour s'acquitter de sa dette et, dans l'hypothèse où, comme elle le soutient, le décompte établi par la société Tradi-art construction et les documents comptables produits par celle-ci confondraient deux tranches d'un même chantier exécutées pour des maîtres d'ouvrage distincts, il ne peut être déduit de ces documents qu'elle-même s'est libérée de sa propre dette.

Dès lors, en l'absence de toute preuve d'un quelconque paiement effectué par la société L'immobilière ACL PME ou les sociétés venues aux droits de celle-ci, il convient de faire droit à la demande de la société Tradi-art construction.

Les intérêts moratoires

En matière de dettes contractées pour une activité professionnelle, selon l'ancien article L.441-6 I alinéa 8 du code de commerce, applicable à la date des faits et dont les dispositions sont désormais reprises par l'article L.441-10 de ce code, sauf stipulation contraire, qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, le taux des pénalités de retard, exigibles à compter du jour suivant la date prévue pour le règlement, est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage et ces pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire.

En l'espèce, le point de départ de ces intérêts moratoires est l'expiration du délai prévu par le CCAG ' Travaux de 1976 pour le mandatement du solde de prix au profit de l'entreprise, soit le 6 août 2012.

Compte tenu du solde exigible à cette date, et des paiements partiels d'un montant total de 80 000 euros intervenus le 12 février 2013, il convient de faire droit à la demande principale de la société Tradi-art construction imputant ces paiements sur le principal.

Dès lors la société In'li sera condamnée au paiement d'intérêts de retard au taux de 11 % l'an sur la somme de 122 669,26 euros, à compter du 6 août 2012 et jusqu'au 12 février 2013, puis au paiement d'intérêts de retard au taux prévu par les dispositions légales rappelées ci-dessus, à compter du 13 février 2013 et jusqu'à parfait paiement, sur la somme de 42 669,26 euros.

Il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

L'indemnité pour frais de recouvrement

La société Tradi-art construction invoque les dispositions finales de l'ancien alinéa 8 de l'article L.441-6 I du code de commerce, issues de la n°2012-1270 du 20 novembre 2012, selon lesquelles tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret et, lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification.

Cependant, elle sollicite le paiement d'une somme de 20 000 euros, qui excède le montant prévu par l'article D.441-5 du code de commerce, sans justifier des frais de recouvrement effectivement exposés.

Sa demande est dès lors mal fondée.

Sur les retards de paiement des acomptes mensuels

Selon l'article 13.2 du CCAG ' Travaux de 1976, avant la fin de chaque mois, l'entrepreneur remet au maître d''uvre un projet de décompte établissant le montant total, arrêté à la fin du mois précédent, des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché depuis le début de celle-ci, le projet de décompte mensuel établi par l'entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d''uvre et il devient alors le décompte mensuel ; le montant de l'acompte mensuel à régler à l'entrepreneur est déterminé, à partir du décompte mensuel, par le maître d''uvre qui dresse à cet effet un état qu'il notifie à l'entrepreneur ; le mandatement de l'acompte intervient dans un délai fixé par le marché et courant à compter de la date de remise du projet de décompte par l'entrepreneur au maître d''uvre, ce délai ne pouvant excéder quarante-cinq jours.

En l'espèce, pour solliciter le paiement d'intérêts moratoires au titre des acomptes mensuels exigibles durant l'exécution du marché, la société Tradi-art construction se contente de se référer à un tableau établi par ses soins, sans justifier des dates auxquelles elle aurait remis au maître d''uvre ses projets de décomptes mensuels et qui seules ont pu faire courir le délai de quarante-cinq jours imposé pour leur paiement ; les « situations » qu'elle produit en pièces n°47 et 48 ne font aucune preuve d'une quelconque transmission au maître d''uvre ; il n'est donc pas démontré que les paiements faits par le maître d'ouvrage sont intervenus en retard, même si la société In'li invoque à tort l'existence d'un délai contractuel de quarante jours à compter de l'état d'acompte lequel ne pouvait avoir pour effet de proroger le délai de paiement au-delà du maximum fixé par les dispositions rappelées ci-dessus.

Il convient en conséquence de débouter la société Tradi-art construction de sa demande d'intérêts moratoires sur les acomptes mensuels.

Sur l'abus de procédure

La circonstance que la société In'li n'a pas établi le décompte général définitif, ainsi qu'elle en avait l'obligation, ne suffit pas à caractériser une faute destinée à faire échec à l'exercice de ses droits par la société Tradi-art construction.

Aucun élément ne permet de qualifier d'erronée, et encore moins d'abusive, l'argumentation de la société In'li selon laquelle il aurait existé deux maîtres d'ouvrage distincts pour l'opération immobilière litigieuse.

Enfin, la circonstance que la société In'li s'est abstenue de produire des éléments de preuve ne caractérise aucune faute dans l'exercice de son droit de se défendre en justice.

Dès lors, la société Tradi-art construction est mal fondée à reprocher à la société In'li d'avoir résisté abusivement à ses demandes.

Au surplus, la société Tradi-art construction, qui se contente d'invoquer « de très lourds préjudices en termes de frais de gestion notamment », ne produit aucune preuve de la réalité du préjudice dont elle réclame l'indemnisation.

Il convient, en conséquence, de débouter la société Tradi-art construction de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La société In'li, qui succombe à titre principal, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société In'li à payer à la société Tradi-art construction une indemnité de 10 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés à l'occasion du présent procès.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE recevables les moyens nouveaux invoqués par la société Tradi-art construction ;

INFIRME le jugement déféré ;

Et, statuant à nouveau,

DÉCLARE recevable l'action de la société Tradi-art construction contre la société In'li ;

CONDAMNE la société In'li à payer à la société Tradi-art construction des intérêts au taux de 11 % l'an sur la somme de 122 669,26 euros, à compter du 6 août 2012 et jusqu'au 6 février 2013 ;

CONDAMNE la société In'li à payer à la société Tradi-art construction la somme de 42 669,26 euros, avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 13 février 2013 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts par années entières ;

DÉBOUTE la société Tradi-art construction de sa demande d'indemnité pour frais de recouvrement ;

DÉBOUTE la société Tradi-art construction de sa demande d'intérêts de retard sur les acomptes mensuels ;

DÉBOUTE la société Tradi-art construction de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

CONDAMNE la société In'li aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la société Tradi-art construction une indemnité de 10 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Madame CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 20/04876
Date de la décision : 14/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-14;20.04876 ?
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