COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 NOVEMBRE 2022
N° RG 19/03580 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TO43
AFFAIRE :
Me Christophe BASSE SELARL C. BASSE - Mandataire liquidateur de la société Gamed Pressing MEUDON
C/
[V] [Y]
L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : C
N° RG : F18/00206
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Quitterie MASNOU
Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SELARL C. BASSE, mission conduite par Me Christophe BASSE - Mandataire liquidateur de la société Gamed Pressing MEUDON
[Adresse 4]
[Localité 8]
APPELANTE
****************
Madame [V] [Y]
née le 05 Octobre 1958 à [Localité 9] ([Localité 9])
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Quitterie MASNOU, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1053
INTIMEE
****************
L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98, substitué par Me Jeanne-Marie DELAUNAY, avocat au barreau de VERSAILLES
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Madame [V] [Y] a été engagée par la société Fast pressing à compter du 1er mai 2005 par contrat à durée indéterminée en qualité de responsable de magasin.
En août 2016, la société Gamed Pressing Meudon a racheté le fonds de commerce du pressing dans lequel la salariée exerçait ses fonctions, et a hérité dans le même temps de son contrat de travail.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de la blanchisserie, laverie, location de linge et nettoyage à sec du 17 novembre 1997.
Selon la salariée, celle-ci percevait un salaire mensuel moyen de 2 908,08 euros.
Par courrier du 28 août 2017, la société Gamed Pressing Meudon a notifié à la salariée un avertissement, motivé par une attitude désinvolte à l'égard d'un client et un comportement agressif envers ses collègues.
Par courrier du 4 septembre 2017, la salariée a contesté cette sanction disciplinaire.
Par la suite, elle a sollicité la conclusion d'une rupture conventionnelle, mais la société a refusé.
Par courrier du 11 septembre 2017, l'employeur a confirmé les griefs reprochés à la salariée. Par courrier du 18 septembre 2017, la salariée a reproché à son employeur son comportement et des pressions incessantes.
Par courrier du 20 octobre 2017, la société a adressé un second avertissement à la salariée, lui reprochant une attitude désinvolte et des retards répétés.
Par courrier du 26 octobre 2017, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable fixé le 10 novembre 2017.
La salariée a été licenciée pour faute grave le 16 novembre 2017.
Par jugement du 22 mars 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné la SELARL C. Basse, prise en la personne de maître Christophe Basse, en qualité de mandataire liquidateur.
Par requête reçue au greffe le 19 février 2018, Madame [V] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin de contester la légitimité de son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses sommes.
Par jugement du 3 juillet 2019, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, section commerce, a :
- Constaté l'absence de faute grave
- Requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Condamné la société Gamed Pressing Meudon au paiement des sommes suivantes :
- 8 724 euros (huit mille sept cent vingt-quatre euros) au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5 816,16 euros (cinq mille huit cent seize euros seize cents) au titre du préavis
- 581,61 euros (cinq cent quatre-vingt-un euros soixante et un cents) au titre des congés payés sur préavis
- 9 208,92 euros (neuf mille deux cent huit euros quatre-vingt-douze cents) à titre d'indemnités de licenciement
- 805,10 euros (huit cent cinq euros dix cents) au titre de rappel de salaire sur mise à pied d'octobre 2017
- 80,51 euros (quatre-vingt euros cinquante et un cents) à titre de congés payés y afférents
- 1 486,76 euros (mille quatre cent quatre-vingt-six euros soixante-seize cents) à titre de rappel de salaire sur mise à pied de novembre 2017
- 148,67 euros (cent quarante-huit euros soixante-sept cents) à titre de congés payés y afférents
- 895 euros (huit cent quatre-vingt-quinze euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Dit que les sommes porteront intérêt à compter de la date du prononcé
- Ordonné la remise des documents, attestation Pôle emploi conforme, bulletins conformes au présent jugement sous astreinte de 10 euros (dix euros) par jour de retard à compter du 30ème jour après la date du prononcé.
- S'est réservé le droit de liquider l'astreinte
- Prononcé l'exécution provisoire
- Condamné la société Gamed Pressing Meudon aux entiers dépens
- Débouté la société Gamed Pressing Meudon de sa demande reconventionnelle
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples, contraires ou autres.
Par déclaration au greffe du 25 septembre 2019, la société Gamed Pressing Meudon a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 6 avril 2022, la cour d'appel de Versailles a ordonné la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture pour permettre l'intervention volontaire ou l'assignation forcée par la salariée qui a formé appel incident de Maître Basse es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Gamed Pressing Meudon et de l'AGS et aux parties de déposer de nouvelles conclusions ;
Par courriers du 20 mai 2022 et du 28 juin 2022, maître Christophe Basse, mandataire liquidateur de la société Gamed Pressing Meudon, a indiqué qu'il ne serait pas représenté dans cette affaire, compte tenu de l'impécuniosité de la liquidation, qu'il s'en rapportait à la sagesse de la cour, précisant ne pas maintenir l'appel formé par son administrée ;
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 7 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Madame [V] [Y], intimée, demande à la cour de :
- Déclarer recevable et bien fondée l'assignation en intervention forcée délivrée à sa requête à l'encontre du centre de gestion et d'études AGS CGEA Ile-de-France Ouest, [Adresse 2], [Localité 7].
- Adjuger au requérant le bénéfice de ses écritures en ce qu'elles sont dirigées notamment à l'encontre de l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest.
- Juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun et opposable au centre de gestion et d'études AGS CGEA Ouest dans les limites de sa garantie légale.
- Déclarer recevable et bien fondée l'assignation en intervention forcée délivrée à sa requête à l'encontre de la SELARL C. Basse prise en la personne de maître Christophe Basse désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la société Gamed Pressing Meudon par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 22 mars 2022 dans la procédure actuellement pendante devant la cour d'appel de Versailles entre Madame [V] [Y] et la société Gamed Pressing Meudon.
- Juger que la SELARL C. Basse prise en la personne de maître Christophe Basse désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la société Gamed Pressing Meudon sera tenue d'intervenir dans l'instance actuellement pendante devant la 15ème chambre sociale de la cour d'appel de Versailles - RG n° 19/03580.
- Juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré opposable à la SELARL C. Basse prise en la personne de maître Christophe Basse désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la société Gamed Pressing Meudon.
- Juger les demandes de condamnations formulées initialement contre la société Gamed Pressing Meudon par voie de conclusions signifiées en tête des présentes opposables à la SELARL C. Basse en la personne de maître Christophe Basse désignée en qualité de mandataire liquidateur
Par conséquence :
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 3 juillet 2019 en ce qu'il a jugé l'absence de faute grave, requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Fixer au passif de la société Gamed Pressing Meudon à son profit les sommes de :
- 5 816,16 euros au titre de l'indemnité de préavis ;
- 581,61 euros au titre des congés y afférents ;
- 9 208,92 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
- 805,10 euros au titre du rappel de salaires pendant la mise à pied d'octobre 2017 ;
- 80,51 euros au titre des congés y afférents ;
- 1 486,76 euros au titre du rappel de salaires pendant la mise à pied de novembre 2017 ;
- 148,67 euros au titre des congés y afférents ;
- 895 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;
Sur l'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 3 juillet 2019 en ce qu'il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et fait droit à sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Réformer uniquement sur le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau sur le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- Fixer au passif de la société Gamed Pressing Meudon à son profit la somme de 31 988 euros (11 mois de salaires) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne le 3 juillet 2019
en ce qu'il a dit que les sommes porteront intérêt à compter de la date du prononcé du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt ;
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 3 juillet 2019 en ce qu'il a ordonné la remise des documents, attestation pôle emploi conforme, bulletins de paie conformes au présent jugement sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter du 30ème jour après la date du prononcé et qu'il s'est réservé le droit de liquider l'astreinte ;
- Réformer le jugement rendu par le conseil prud'hommes le 3 juillet 2019 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes suivantes :
- 34 896,96 euros (12 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- 17 453,52 euros (6 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité ;
- 17 453,52 euros (6 mois de salaires) au titre du non-respect de l'obligation de formation ;
- 17 453,52 euros (6 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Statuant à nouveau :
- Fixer au passif de la société Gamed Pressing Meudon à son profit les sommes suivantes :
- 34 896,96 euros (12 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- 17 453,52 euros (6 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour non-respect de
l'obligation de sécurité ;
- 17 453,52 euros (6 mois de salaires) au titre du non-respect de l'obligation de formation ;
- 17 453,52 euros (6 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
En tout état de cause :
- Juger que les AGS CGEA Ile-de-France Ouest garantira les sommes précitées ;
- Juger l'arrêt à intervenir opposable aux AGS CGEA Ile-de-France Ouest
- Juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun et opposable au centre de gestion et d'études
AGS CGEA Ouest dans les limites de sa garantie légale.
- Condamner les AGS CGEA Ile-de-France Ouest à garantir les sommes fixées à son profit dans la limite de sa garantie légale et réglementaire.
- Ordonner à la SELARL C. Basse en la personne de maître Christophe Basse à délivrer sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir l'attestation pôle emploi conforme, bulletins de paie conformes à la décision à intervenir ;
- Condamner la SELARL C. Basse en la personne de maître Christophe Basse, [Adresse 4] [Localité 6], en sa qualité de liquidateur de la société Gamed Pressing Meudon à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 13 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, l'association AGS CGEA Ile-de-France Ouest, partie intervenante, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Madame [Y] de ses demandes au titre du non-respect de l'obligation de sécurité, du harcèlement moral, exécution déloyale du contrat de travail, non-respect de l'obligation de formation,
- Infirmer pour le surplus,
- En conséquence, ordonner à Madame [Y] la restitution entre les mains de maître Basse, mandataire liquidateur de la société Gamed Pressing Meudon les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement, soit :
- Salaires et assimilés : 2 290,45 euros
- Indemnités de congés payés : 809,37 euros
- Indemnités de préavis : 5 805,96 euros
- Indemnités de licenciement : 8 208,92 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8 724 euros, soit 25838,70 euros.
A titre subsidiaire,
- Fixer à 8 724 euros l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Juger que Madame [Y] ne justifie d'aucun préjudice distinct indemnisable,
- Débouter Madame [Y] de ses demandes indemnitaires,
En tout état de cause :
- Mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure.
- Juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce.
- Juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail, selon les plafonds légaux.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 septembre 2022.
SUR CE,
Sur l'exécution du contrat de travail':
Madame [V] [Y] sollicite les sommes de 17 453,52 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité, de 34 896,96 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, de 17 453,52 euros au titre du non-respect de l'obligation de formation, faute de l'avoir formée et d'avoir veillé au maintien de sa capacité à occuper son emploi et ce malgré son ancienneté et de 17 453,52 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'employeur l'ayant empêché selon elle de travailler dans des conditions normales qui auraient préservé sa santé physique et mentale ;
L' AGS conteste les fautes et préjudices invoqués sur ces fondements ;
Sur l'obligation de sécurité
En application de l'article L.4121-1 du code du travail, « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » ;
En l'espèce, Mme [Y] indique que son employeur refusait de former les salariés sur les machines de nettoyage à sec, les obligeant à utiliser ces produits sans formation ni notice d'utilisation ; elle ajoute que l'employeur a exercé sur elle une pression pour qu'elle quitte l'entreprise à moindre coût ;
Mme [Y] procède toutefois essentiellement par voie d'affirmations ; si des échanges ont eu lieu sur un recours à la procédure de rupture conventionnelle, qui n'ont finalement pas abouti, la pression fautive invoquée pour la faire quitter l'entreprise à moindre coût n'est pas démontrée ; plus largement l'impact des faits invoqués sur la santé de la salariée n'est pas non plus établi, ni finalement l'existence d'un préjudice spécifique subi au titre de l'obligation de sécurité ;
La demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité est en conséquence rejetée ; le jugement est confirmé sur ce point ;
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ;
Selon l'article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ;
Vu les articles L1152-1 et L1254-1 du code du travail,
Il résulte de ces textes que lorsque la salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
En l'espèce, Madame [Y] invoque les faits suivants': des pressions, des avertissements injustifiés, menaces et insultes et plus largement le comportement agressif et humiliant de l' employeur à son encontre ;
Pour étayer ses affirmations, elle se réfère à une attestation de Mme [F] [M], laquelle fait état d'un avertissement délivré à Mme [Y] au motif d'avoir été agressive et irrespectueuse notamment à son encontre le 4 août 2017, comportement que l'attestante dément ; il est observé que l'avertissement en question reproche un comportement agressif de la salariée "envers [ses] collègues [C] et [S]" ; il n'est par ailleurs pas sollicité l'annulation de ces avertissements ;
Le compte-rendu du conseiller de la salariée lors de l'entretien relatif à une rupture conventionnelle évoque une attitude fermée et agressive du directeur et finalement l'échec de la négociation ;
Mme [Y] se réfère par ailleurs à ses propres dires contenus dans les courriers qu'elle a adressés à son employeur ;
Il n'est pas produit d'éléments médicaux ;
En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, qui suppose des agissements répétés de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, n'est pas établie ;
La demande relative au harcèlement est par conséquent être rejetée ; le jugement est confirmé à cet égard ;
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
L'article L.1221-1 prévoit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi par les parties au contrat ;
Si dans le courrier du 3 octobre 2017 produit par la salariée le directeur a indiqué que " (...) si vous ne changez pas d'avis nous ferons la signature de la convention le vendredi 13 octobre", l'employeur n'a pas imposé à cette date la signature de la rupture conventionnelle, qui n'est pas intervenue ;
A nouveau l'échec des négociations de rupture conventionnelle, qui se rapportent d'ailleurs non à l'exécution mais à la rupture de la relation de travail, ne revêt pas en soi de caractère fautif ;
Enfin, il n'est pas justifié par la salariée d'un préjudice spécifique et distinct subi en lien avec l'exécution déloyale qu'elle invoque ;
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Sur l'obligation de formation
Il revient à l'employeur d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard de l'évolution des emplois, technologies et des organisations ;
En l'espèce, Mme [Y], indique seulement que son employeur a manqué à ces obligations sans expliciter ni en tout état de cause justifier avoir subi un préjudice spécifique à ce titre ;
Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de dommages et intérêts au titre d'un non-respect de l'obligation de formation ; le jugement est confirmé sur ce point ;
Sur la rupture du contrat de travail':
Il est rappelé que maître Christophe Basse, ès-qualité de mandataire liquidateur de la société Gamed Pressing Meudon, n'est pas représenté et a indiqué qu'il s'en rapportait à la sagesse de la cour, précisant ne pas maintenir l'appel formé par son administrée ;
Dans ses écritures, l'AGS indique, en ce qui concerne la rupture du contrat de travail pour faute grave, ne disposer ni des conclusions ni de pièces de la société et s'en remettre à la justice ;
La cour, qui n'est tenue que de répondre aux moyens dont elle est régulièrement saisie, observe la carence de l'appelant ;
En tout état de cause, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties pour constater l'absence de faute grave et requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [Y] dénué de cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences financières :
Madame [Y] sollicite la fixation au passif de la société Gamed Pressing Meudon des indemnités liées à la rupture du contrat de travail, la confirmation des montants alloués à l'exception de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour laquelle elle demande d'augmenter le montant à la somme de 31 988 euros ;
A la date de son licenciement Madame [Y] avait une ancienneté de 12 ans au sein de l'entreprise qui employait de façon habituelle moins de 11 salariés selon l'attestation Pôle emploi produite aux débats ;
L'article L. 1235-3 du code du travail issu de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 publiée le 23 septembre 2017 prévoit, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et si la réintégration n'est pas demandée et acceptée, une indemnisation à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau produit, soit pour une ancienneté telle que celle de Mme [Y], une indemnité minimale de 2,5 mois de salaire brut et une indemnité maximale de 11 mois de salaire brut ;
Au-delà de cette indemnisation minimale, et tenant compte notamment de l'âge (59 ans), de l'ancienneté de la salariée et des circonstances de son éviction, étant observé qu'elle ne justifie pas précisément de sa situation professionnelle postérieure au licenciement, il convient d'allouer une indemnité totale portée à 17 448,48 euros nets à ce titre et de la fixer au passif de la société Gamed Pressing Meudon ; le jugement est infirmé de ce chef ;
Il y a lieu aussi d'allouer à Mme [Y] les sommes suivantes en les fixant au passif de la liquidation :
- 5 816,16 euros bruts au titre du préavis et 581,61 euros au titre des congés payés sur préavis,
- 9 208,92 euros nets à titre d'indemnités de licenciement
- 805,10 euros bruts au titre de rappel de salaire sur mise à pied d'octobre 2017 et 80,51 euros à titre de congés payés y afférents,
- 1 486,76 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied de novembre 2017 et 148,67 euros à titre de congés payés y afférents ;
Sur l'intervention de l'AGS
Le présent arrêt sera opposable à l'AGS (CGEA Ile de France ouest) dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail, lesquelles excluent en particulier l'indemnité de procédure ;
Cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement ;
Sur les autres demandes
Il y a lieu d'ordonner la remise, dans le mois suivant la signification du présent arrêt, de l'attestation pôle emploi, des bulletins de salaire et du certificat de travail rectifiés';
Le prononcé d'une astreinte ne s'avère pas nécessaire ; le jugement est infirmé seulement sur ce dernier point ;
Sur les intérêts
La demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne peut prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce ;
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et jusqu'au 22 mars 2022 ;
S'agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter du jugement les ayant prononcées mais non postérieurement au 22 mars 2022;'
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la SELARL C. Basse en la personne de maître Christophe Basse, en sa qualité de liquidateur de la société Gamed Pressing Meudon ;
La demande formée par Mme [Y] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées au titre d'un non-respect de l'obligation de sécurité, du harcèlement moral, du non-respect de l'obligation de formation et d'une exécution déloyale du contrat de travail,
L'infirme pour le surplus,
Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,
Dit la présente décision opposable à l'AGS CGEA Île de France Ouest dans les seules limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail et des articles D. 3253-5 et suivants du code du travail lesquelles n'incluent pas la condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
Fixe au passif de la société Gamed Pressing Meudon les sommes suivantes :
- 17 448,48 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5 816,16 euros bruts au titre du préavis et 581,61 euros au titre des congés payés sur préavis,
- 9 208,92 euros nets à titre d'indemnités de licenciement,
- 805,10 euros bruts au titre de rappel de salaire sur mise à pied d'octobre 2017 et 80,51 euros à titre de congés payés y afférents,
- 1 486,76 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied de novembre 2017 et 148,67 euros à titre de congés payés y afférents,
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du jugement les ayant prononcées, mais non postérieurement au 22 mars 2022,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
Condamne la SELARL C. Basse en la personne de maître Christophe Basse, en sa qualité de liquidateur de la société Gamed Pressing Meudon à payer à Madame [V] [Y] la somme de 2'000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SELARL C. Basse en la personne de maître Christophe Basse, en sa qualité de liquidateur de la société Gamed Pressing Meudon aux dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,