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03/11/2022 | FRANCE | N°20/02252

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 03 novembre 2022, 20/02252


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 NOVEMBRE 2022



N° RG 20/02252 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UDA6



AFFAIRE :



[L] [I]





C/



SAS ALLIANCE mission conduite par Maître [H] [O] ès qualité de mandataire liquidateur de la Société ERIME AUTOMATION

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation par

itaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Section : I

N° RG : 20/00353



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sarah ANNE



Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SELAS SIMON ASSOCIES



Me Sophie CORMARY de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/02252 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UDA6

AFFAIRE :

[L] [I]

C/

SAS ALLIANCE mission conduite par Maître [H] [O] ès qualité de mandataire liquidateur de la Société ERIME AUTOMATION

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Section : I

N° RG : 20/00353

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sarah ANNE

Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SELAS SIMON ASSOCIES

Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 02 novembre 2022, puis différé au 03 novembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [L] [I]

né le 14 Juin 1969 à [Localité 7] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Sarah ANNE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 33

APPELANT

****************

SAS ALLIANCE mission conduite par Maître [H] [O] ès qualité de mandataire liquidateur de la Société ERIME AUTOMATION

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SELAS SIMON ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411

L'UNEDIC, DELEGATION AGS CGEA D'ILE DE FRANCE OUEST

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98, substitué par Me François GREGOIRE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Juillet 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,

EXPOSE DU LITIGE :

M. [L] [I] a été engagé à compter du 26 décembre 1997, par contrat de travail à durée indéterminée, par la société Erime Automation, au sein de laquelle il occupait des fonctions de technicien, niveau 4.3, coefficient 285.

Les relations entre les parties sont soumises aux stipulations conventionnelles applicables à la branche de la métallurgie.

A la suite d'un accident du travail survenu le 7 août 2015, M. [I] a été placé en arrêt de travail.

A l'issue de deux visites médicales en date des 1er et 21 juillet 2016, le médecin du travail l'a déclaré inapte au poste de technicien.

Il a été affecté à un poste de câbleur.

A compter du 2 juin 2017, il a été placé en arrêt de travail pour rechute de l'accident de travail du 7 août 2015.

A l'issue de la visite de reprise, le 8 janvier 2018, le médecin du travail a conclu à son inaptitude au poste câbleur en ces termes :

'A la suite de l'étude de poste et des conditions de travail réalisée les 8 juillet 2016 et 31 juillet 2017 et de l'échange avec l'employeur par téléphone le 08 janvier 2018, M. [I] est inapte au poste de câbleur et à tous postes comportant de la manutention manuelle de charges quelles qu'elles soient (portet/ou soulèvement), des activités comportant des postures debout prolongée et/ou contraignantes pour le rachis (flexion, extension, torsion), des activités nécessitant des gestes répétés en force des membres supérieurs ou de lever le membre supérieur gauche au -dessus de l'horizontale. Pourrait être reclassé sur un poste ne comportant pas ces contraintes, de type administratif, le cas échéant poste informatique. Peut suivre une formation compatible avec ces capacités restantes.'

Contestant l'avis d'inaptitude du médecin du travail, la société Erime Automation a saisi, le 19 janvier 2018, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, statuant en la forme des référés, pour contester l'avis d'inaptitude du médecin du travail et demander l'organisation d'une mesure d'instruction.

Par ordonnance du 23 mars 2018, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, statuant en la forme des référés, a dit que la société Erime Automation continuera à s'acquitter du salaire de M. [I] à partir du 08 février 2018 et a dit faire droit à la demande de la société Erime Automation et confier une mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail concernant l'avis d'inaptitude du salarié à son poste de travail.

Saisi, le 19 décembre 2018, par la société Erime Automation, d'une demande de désignation nominative d'un médecin-inspecteur figurant sur la liste établie par la Direccte pour procéder à la mission fixée par l'ordonnance de référé du 23 mars 2018, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, statuant en la forme des référés, a, par ordonnance du 1er mars 2019, désigné le docteur [X] [M] en qualité de médecin inspecteur du travail, défini la mission de celui-ci visant notamment à déterminer si l'état de santé du salarié justifie les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émises par le médecin du travail, fixé à la somme de 200 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise que la société Erime Automation devra consigner à la caisse des dépôts et consignations au plus tard le 1er avril 2019 et renvoyé l'affaire à l'audience du 13 décembre 2019. La consignation n'a pas été effectuée.

Par jugement du 2 juillet 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Erime Automation et a désigné la société Alliance prise en la personne de Maître [H] [O] en qualité de liquidateur.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 juillet 2019, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 16 juillet suivant, puis par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 juillet 2019, il a été licencié pour motif économique. Il lui a été versé une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et une indemnité de licenciement d'un montant de 19 172,99 euros.

Par décision du 13 décembre 2019, le conseil de prud'hommes a ordonné la radiation de l'affaire relative à la contestation de l'avis du médecin du travail.

Contestant son licenciement, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, par requête reçue au greffe le 9 mars 2020, aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 14 septembre 2020, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- dit que la rupture du contrat de travail du salarié est justifiée ;

- débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, sous réserve des dispositions des articles R. 1454-14 et 5 du code du travail ;

- laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Par déclaration au greffe du 13 octobre 2020, M. [I] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 avril 2021 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, il demande  à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- fixer au passif de la société Erime Automation la somme de 19.172,99 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire pour défaut de notification des motifs s'opposant à son reclassement, à titre infiniment subsidiaire pour perte de chance d'obtenir le doublement de l'indemnité de licenciement et l'accompagnement spécifique de Pôle emploi ;

- déclarer la décision à intervenir opposable à l'Unedic-Délégation AGS CGEA Ile de France Ouest.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 mars 2021 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Alliance, prise en la personne de Maître [O], ès qualités de liquidateur de la société Erime Automation demande à la cour :

¿ A titre principal, de :

- dire irrecevables les prétentions nouvelles de l'appelant ;

- dire que le licenciement pour motif économique du salarié présente une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande de requalification et de sa demande de dommages-intérêts afférente ;

- condamner M. [I] à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

¿ A titre subsidiaire, de :

- réduire le quantum dans de plus justes proportions ;

- fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société ;

- dire que les sommes fixées sont brutes de charges, cotisations sociales et d'imposition.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 12 février 2021 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, l'Unedic-délégation AGS CGEA Ile de France Ouest,

demande donc à la cour de :

- juger irrecevables les demandes nouvelles présentées en cause d'appel au titre des dommages-intérêts pour perte de chance d'obtenir le doublement de l'indemnité de licenciement et de l'accompagnement spécifique du Pôle emploi ;

- juger que le licenciement est fondé ;

En conséquence,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause,

- juger que la garantie due par l'AGS ne couvre pas les dommages-intérêts à raison des fautes délictuelles ou quasi-délictuelles commises par l'employeur ;

- condamner l'appelant aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L'article L. 1226-12 du même code dispose que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

La lettre de licenciement qui a été notifiée à M. [I] est rédigée comme suit :

'Par jugement du 2 juillet 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la Sarl Erime Automation et m'a désignée ès qualités de liquidateur.

Par courrier du 11 juillet 2019, vous avez été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 16 juillet 2019.

Je suis tenu de vous notifier le motif économique de la rupture envisagée de votre contrat de travail et c'est la raison pour laquelle ce courrier vous est remis, ainsi que les documents d'informations relatifs au contrat de sécurisation professionnelle.

Comme il vous a été indiqué au cours de cette réunion, la liquidation judiciaire de la société et la cessation d'activité conduisent à la suppression de la totalité des postes de travail, en vertu de l'article L. 641-1 du code de commerce.

Nous avons préalablement mis en oeuvre tous les moyens dont nous disposions pour rechercher des postes de reclassement interne.

La société est toutefois dans l'impossibilité de proposer des postes de reclassement en son sein, dans la mesure où elle a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

En conséquence, votre poste de travail se trouve supprimé.

Conformément aux articles L. 1233-65 et suivants du code du travail, le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle vous est donc proposé.

Nous vous précisons que la remise de ces documents n'a pas de lien avec votre éventuel état de santé ou votre situation personnelle et n'est liée qu'au seul jugement de liquidation judiciaire et à la cessation d'activité de la société (...).'

Le motif économique ressortissant à la cessation totale d'activité de la société Erime Automation, mise en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, dont il n'est pas prétendu qu'elle appartenait à un groupe, ce dont il résulte la suppression de tous les postes de travail et l'impossibilité de reclasser M. [I], ce dernier est mal fondé à prétendre que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il dit le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de notification des motifs s'opposant au reclassement :

L'employeur a l'obligation, en application des dispositions de l'article L. 1226-12 du code du travail relatives à l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, de faire connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s'opposent au reclassement, lorsqu'il est dans l'impossibilité de lui proposer un autre emploi.

En première instance, M. [I] a demandé au conseil de prud'hommes de lui octroyer des dommages-intérêts pour licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte.

Cette demande de dommages-intérêts incluant nécessairement la demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de notifier par écrit les motifs s'opposant au reclassement, cette dernière ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel. Elle est en conséquence recevable.

Le liquidateur, tenu de licencier le salarié dans le délai prévu par l'article L. 3253-8 du code du travail, ne peut être tenu de notifier au salarié déclaré inapte les motifs qui s'opposent à son reclassement, avant d'engager la procédure de licenciement.

Il convient en conséquence de débouter M. [I] de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de notification des motifs s'opposant au reclassement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de chance :

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

La demande de dommages-intérêts pour préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir le doublement de l'indemnité de licenciement en raison de son inaptitude d'origine professionnelle et de bénéficier de l'accompagnement spécifique de Pôle emploi formée par M. [I] pour la première fois en cause d'appel, qui tend à la réparation de la perte de son emploi, tend aux mêmes fins que la demande de dommages-intérêts pour licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte initialement formée en première instance.

Elle est en conséquence recevable.

Constitue une perte de chance la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

Toute perte de chance ouvre droit à réparation.

La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

M. [I] sollicite la fixation au passif de la société Erime Automation de la somme de 19 172,99 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'obtenir le doublement de l'indemnité de licenciement et l'accompagnement spécifique de Pôle emploi.

En application de l'article L. 1226-11 du code du travail, il incombe à l'employeur de reclasser le salarié dans le mois de sa déclaration d'inaptitude par le médecin du travail ou, à défaut, de le licencier.

Aux termes de l'article L. 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Il est constant que postérieurement à l'avis d'inaptitude en date du 8 janvier 2018, la société Erime Automation n'a proposé aucun poste de reclassement à M. [I].

La reprise par la société Erime Automation du paiement des salaires à laquelle elle était tenue en vertude l'article L1226-11 du code du travail en l'absence de reclassement ou de licenciement à l'expiration du délai d'un mois ne la dispensait pas de l'obligation qui lui était faite de proposer un poste de reclassement au salarié. L'employeur qui s'est abstenu de reclasser le salarié et ne l'a pas licencié a manqué à cette obligation, dont la contestation de l'avis d'inaptitude du médecin du travail, dont il avait saisi le conseil de prud'hommes statuant en la forme des référés, ne le dispensait pas.

En s'abstenant, au cours de la période du 8 janvier 2018 au 1er juillet 2019, de licencier M. [I], alors qu'elle ne justifie ni d'une recherche de reclassement, ni d'un poste conforme aux conclusions et indications du médecin du travail sur le reclassement susceptible de devenir disponible pour le reclasser, la société Erime Automation a fait perdre au salarié une chance de bénéficier de l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail ainsi que du dispositif [C], permettant aux personnes licenciées pour inaptitude de bénéficier d'un accompagnement par Pôle emploi.

Au vu des éléments de la cause, la cour fixe le préjudice subi par M. [I] du fait de cette perte de chance à la somme de 18 000 euros. Il convient en conséquence de fixer ladite somme au passif de la liquidation judiciaire de la société Erime Automation.

Sur la garantie de l'AGS

Les dommages-intérêts dus au salarié à raison de l'inexécution par l'employeur d'une obligation découlant du contrat de travail sont garantis par l'AGS dans les conditions prévues à l'article L. 3253-8 du code du travail. Tel est le cas du manquement commis antérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire par la société Erime Automation, qui s'est abstenue de reclasser le salarié et ne l'a pas licencié.

Le présent arrêt sera opposable à l'AGS (CGEA Ile de France Ouest) dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail. Cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le liquidateur judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Erime Automation, qui succombe.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 14 septembre 2020 en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [L] [I] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant :

Dit les demandes de dommages-intérêts de M. [L] [I] pour défaut de notification des motifs s'opposant au reclassement et pour perte de chance d'obtenir l'indemnité spéciale de licenciement et de bénéficier de l'accompagnement spécifique de Pôle emploi recevables ;

Déboute M. [L] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de notification des motifs s'opposant au reclassement ;

Fixe la créance de M. [L] [I] au passif de la liquidation judiciaire de la société Erime Automation, représentée par la société Alliance, prise en la personne de Maître [H] [O], ès qualités de liquidateur, à la somme de 18 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'obtenir le paiement de l'indemnité spéciale de licenciement et de bénéficier de l'accompagnement spécifique de Pôle emploi ;

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS (CGEA d'Ile-de-France Ouest) dans les limites de sa garantie légale et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le liquidateur judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement ;

Déboute les parties de leurs demandes d'indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Alliance, prise en la personne de Maître [H] [O], ès qualités de liquidateur de la société Erime Automation.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02252
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;20.02252 ?
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