COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 NOVEMBRE 2022
N° RG 20/01496 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T6PD
AFFAIRE :
S.A.S. ATELIERS CHOLLET FRERES
C/
[M] [I]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Avril 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : F19/00771
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS
Me Marie-Pierre MEQUINION
Expédition numérique délivrée à POLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 02 novembre 2022 puis différé au 03 novembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :
S.A.S. ATELIERS CHOLLET FRERES
N° SIRET : 652 016 817
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Sylvia GRADUS de la SELEURL SYLVIA GRADUS ASSOCIEE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0500 - Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629
APPELANTE
****************
Monsieur [M] [I]
né le 12 Janvier 1959 à [Localité 5] (49)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Christophe CROLET, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 394 - Représentant : Me Marie-Pierre MEQUINION, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 407
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Juillet 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
EXPOSE DU LITIGE
M. [M] [I] a été engagé à compter du 4 février 2014, par contrat de travail à durée indéterminée par la société Ateliers Chollet Frères, en qualité de métreur, statut IAC, coefficient 108, moyennant un salaire mensuel brut de 4 100 euros pour 39 heures de travail par semaine. Il a été promu, à compter du 1er avril 2014, chargé d'affaires, moyennant un salaire mensuel brut de 4 500 euros pour 39 heures de travail par semaine.
Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des cadres du bâtiment du 1er juin 2004.
M. [I] a été en arrêt de travail à compter du lundi 17 juillet 2017 pour maladie non professionnelle, en raison d'une entorse acromio-claviculaire.
Après avoir été convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception motivée en date du 4 août 2017 à un entretien préalable, qui s'est tenu le 16 août 2017, il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 août 2017.
La société Ateliers Chollet Frères employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.
Par requête reçue au greffe le 13 février 2018, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin de contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le versement de diverses sommes.
Par jugement du 9 avril 2020, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, a :
- dit que le licenciement de M. [I] est dénué de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Ateliers Chollet Frères à payer à M. [M] [I] :
*13 867,40 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*1386,74 euros bruts au titre des congés payés afférents,
*5 466,28 euros à titre d'indemnité de licenciement,
*13 868,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné à la société Ateliers Chollet Frères de fournir à M. [I] un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes au jugement,
- condamné la société Ateliers Chollet Frères au remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage de M. [I] dans la limite de trois mois,
- dit qu'il n'y a pas lieu à l'exécution provisoire du jugement en dehors des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,
- déboute M. [M] [I] de ses autres demandes,
- débouté la société Ateliers Chollet Frères de sa demande d'indemnité de procédure,
- condamné la société Ateliers Chollet Frères aux entiers dépens.
La société Ateliers Chollet Frères a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 16 juillet 2020.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 21 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Ateliers Chollet Frères demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et :
¿ d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [I] et a, en conséquence, condamné la société à lui payer :
*13 867,40 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*1 386,74 euros bruts au titre des congés payés afférents,
*5 466,28 euros à titre d'indemnité de licenciement,
*13 868,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la société Ateliers Chollet Frères de fournir à M. [I] un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi conformes,
- condamné la société Ateliers Chollet Frères à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage de M. [I] dans la limite de trois mois,
- condamné la société Ateliers Chollet Frères aux dépens ;
¿ statuant à nouveau de ces chefs,
- vu les articles L.151-1 et suivants du code de commerce, écarter des débats la pièce 27 communiquée par M. [I] qui est un document confidentiel interne à la société Ateliers Chollet Frères, couvert par le secret des affaires,
- dire bien fondé le licenciement de M. [I] pour faute grave,
- débouter en conséquence M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- très subsidiairement, si par extraordinaire la cour devait juger infondé le licenciement de M. [I] pour faute grave, dire que le licenciement de M. [I] repose sur une cause réelle et sérieuse, et fixer le montant des indemnités de rupture aux sommes suivantes :
*indemnité de préavis : 13 866,00 euros,
*congés payés afférents : 1 386,60 euros,
*indemnité de licenciement : 5 494,56 euros,
et débouter M. [I] du surplus de ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes de condamnation à lui payer des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral,
- débouter M. [I] de ses demandes de condamnation à lui payer les sommes de 45 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 13 868 euros à titre d'indemnité pour licenciement vexatoire et 2 000 euros sur fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [I] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [I] aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de Maître Katell Lallement, avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 20 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [I] demande à la cour de :
¿confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [I] et a, en conséquence, condamné la société à lui payer :
*13 867,40 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*1 386,74 euros bruts au titre des congés payés afférents,
*5 466,28 euros à titre d'indemnité de licenciement,
*1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la société Ateliers Chollet Frères de lui fournir un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi conformes au jugement,
¿ infirmer le jugement :
- quant au montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Ateliers Chollet Frères à lui payer la somme de 45 000 euros à ce titre,
- en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement vexatoire et condamner la société Ateliers Chollet Frères à lui payer la somme de 13 868 euros à ce titre,
¿ y ajoutant, de condamner la société Ateliers Chollet Frères à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La production en justice par M. [I] de la pièce numéro 27 consistant en un document appartenant à la société Ateliers Chollet Frères se rapportant aux années 2004 à 2007 relatif à une précédente relation contractuelle conclue entre les parties dix ans auparavant, n'étant pas justifiée par la nécessité pour le salarié d'assurer sa défense dans le présent litige, il convient d'écarter cette pièce des débats.
La lettre de licenciement notifiée à M. [I] le 19 août 2017, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
'Lors de notre entretien du mercredi 16 août 2017, nous vous avons exposé un certain nombre de griefs que vous avez spontanément reconnus sans pour autant nous fournir d'explications. Par conséquent cette entrevue ne nous a pas permis de modifier l'appréciation que nous portons sur vos agissements.
Nous procédons donc à votre licenciement immédiat pour faute grave sans préavis ni indemnité pour les raisons suivantes :
Vous avez été embauché au sein de l'entreprise Ateliers Chollet Frères par contrat à durée indéterminée du 4 février 2014 en tant que chargé d'affaires, statut cadre, et étiez directement placé sous ma responsabilité.
Dans le cadre de vos fonctions, vous aviez la responsabilité du suivi et de la coordination du marché de travaux auprès de l'[4].
Lors d'un rendez-vous de chantier du 15 juin 2017 avec ce client, vous avez engagé l'entreprise en signant un planning de travaux compressé de quatre à cinq semaines, selon les tranches, par rapport au délai initial.
Or, vous avez pris cette importante décision sans en référer à quiconque et sans vérifier la capacité de l'entreprise à tenir ce délai pendant la période estivale, et de surcroît sans disposer de ce pouvoir d'engagement, que je suis le seul à détenir en tant que chef d'entreprise.
Par ailleurs, vous n'avez pas porté de réserves sous votre signature, comme il est d'usage dans notre profession. Vous n'avez pas non plus établi, le soir même ou le lendemain, de mail ou de courrier à destination de la maîtrise d'ouvrage portant sur d'éventuelles réserves.
Vous ne m'avez pas informé de cet important changement de programmation alors qu'il est lourd de conséquences pour l'entreprise. Lors de nos réunions hebdomadaires de suivi de chantier qui ont suivi le 15 juin, vous n'avez pas non plus alerté les participants sur ces nouveaux délais, ni sur les conséquences de cette compression de planification, ni sur les moyens techniques et humains que vous comptiez mettre en place.
Ainsi, ce n'est que le 20 juillet 2017 que j'ai découvert la décision que vous aviez prise le 15 juin et que j'ai été confronté aux conséquences de votre incurie.
En réalité, vous avez pris unilatéralement cette décision mais vous n'avez pris aucune des mesures que cela impliquait en termes de suivi, d'encadrement et de mobilisation du personnel nécessaire à la bonne tenue des nouveaux délais sur lesquels vous aviez engagé mon entreprise.
Votre totale inertie et inconséquence ont entraîné la très vive réaction de notre client l'[4] (deux lettres recommandées et deux e-mails).
Il a donc fallu, pour pallier votre carence professionnelle fautive, mobiliser les équipes nécessaires pour respecter les nouveaux délais en pleine période de congés d'été.
J'ai même dû porter à la connaissance de la production les nouveaux délais ventilés par tranche dont elle n'avait pas été informée.
La conséquence de cette non-préparation est que 90% du personnel de l'entreprise, atelier et pose, se trouvent engagés pour le seul chantier de l'[4]. Ainsi, les chantiers Crimée, Trudaine, Chaptal, EFS, Gramat-Balard, Eglise [7], sont au point mort et retardés à une date inconnue à ce jour. Le chantier pour le client Staff en Seine n'a quant à lui-même pas pu être honoré !
Or, vous n'êtes pas sans savoir que les chantiers qui ne sont pas achevés ne peuvent pas être facturés, ce qui est fortement préjudiciable pour la trésorerie de l'entreprise.
Votre comportement porte gravement atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise qui, je vous le rappelle, se bat depuis de nombreux mois pour retrouver un équilibre financier et échapper à un dépôt de bilan. Il porte aussi gravement atteinte à l'image et à la réputation de l'entreprise vis-à-vis de nos clients, que ce soit l'[4] ou ceux dont nous avons dû arrêter et/ou décaler les chantiers.
D'ailleurs la réaction de l'[4] n'a pas tardé à se manifester puisque notre cliente habituelle vient de nous notifier que le dossier de l'entreprise Ateliers Chollet Frères n'était pas retenu pour le marché du Petit Hôtel, pointant l'imprécision du mémoire technique réalisé par vos soins, alors que nous étions le moins-disant.
Nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement immédiat pour faute grave en date du 19 août 2017.'
M. [I] conteste la matérialité des faits qui lui sont imputés dans la lettre de licenciement, dont il n'est pas établi qu'il les ait reconnus lors de l'entretien préalable, contrairement à ce que la société Ateliers Chollet Frères affirme dans cette lettre.
Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il invoque à l'appui du licenciement.
La cour relève à titre liminaire que le fait pour un employeur de laisser s'écouler un délai entre la révélation des faits et l'engagement de la procédure de licenciement ne peut avoir pour effet de retirer à une faute son caractère de gravité, dès lors que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu, est absent de l'entreprise.
Il est établi en l'espèce que la société Ateliers Chollet Frères, attributaire, le 14 février 2017, du lot n°2 : menuiseries extérieures-stores-charpente bois du chantier de restauration de la façade Sud de l'aile Colbert/ Pavillon J du [6], a reçu le 22 février 2017 un ordre de service pour la réalisation de ces travaux moyennant le prix de 410 693,59 euros TTC et que M. [I] a été le chargé d'affaires en charge du suivi et de la coordination de l'exécution de ce chantier.
Les comptes-rendus de chantier diffusés par le service des affaires immobilières et du patrimoine de l'[4] versés aux débats mentionnent :
- concernant la réunion de chantier n°6 du 6 avril 2017, que la fin de la phase n°1 du chantier de restauration de la façade Sud de l'aile Colbert/ Pavillon J du [6] étant avancée au 5 juin 2017, l'[4], maître d'ouvrage, demande aux entreprises de modifier le planning pour avancer leur intervention, demandant ainsi à la société Ateliers Chollet Frères de commencer son intervention à partir du 17 avril 2017 (semaine16), après avoir préparé au début de la semaine 15 les sas, dont un prototype sera fait sur site à partir du 14 avril 2017 ;
- concernant la réunion de chantier n°8 du 20 avril 2017, que la dépose des menuiseries de la phase n°1 a commencé le 18 avril 2017 après-midi, que la pose du prototype a été faite et donnera lieu à validation le 19 avril 2017 et que les sas sont à poser à partir du lundi 24 avril 2017 ;
- concernant la réunion de chantier n°13 du 8 juin 2017, que l'[4] demande aux entreprises de signer lors du prochain rendez-vous de chantier le planning d'exécution recalé diffusé ce jour et, s'agissant du lot n°2 attribué à la société Ateliers Chollet Frères, qu'il y aura présence simultanée des sas sur plusieurs phases et création d'une tranche 3 bis pour traiter 10 menuiseries urgentes au 1er étage ;
- concernant la réunion de chantier n°14 du 15 juin 2017, que le planning d'exécution recalé a été signé le 15 juin 2017 par toutes les entreprises.
La société Ateliers Chollet Frères étant destinataire, sur la boîte mail de l'entreprise, de l'ensemble des comptes-rendus de chantier établis et diffusés par le service des affaires immobilières et du patrimoine de l'[4], était à même de les consulter directement, de sorte qu'elle était en mesure de savoir que le 8 juin 2017, elle avait demandé aux entreprises de signer, lors du prochain rendez-vous de chantier, le 15 juin 2017, le planning d'exécution recalé diffusé.
Il est établi que c'est M. [I] qui a signé, le 15 juin 2017, le planning d'exécution recalé diffusé par l'[4] le 8 juin 2017.
Si la société Ateliers Chollet Frères verse aux débats le planning d'exécution recalé signé par les entreprises le 15 juin 2017, elle ne produit pas le planning initial signé par les entreprises et l'exactitude du document non signé qu'elle produit sous cet intitulé en pièce 4, contestée par M. [I], n'est corroborée par aucun élément. L'employeur, sur qui repose la charge de la preuve de la faute grave, ne produisant pas d'élément suffisant permettant de remettre en cause le planning initial dont le salarié se prévaut, ne démontre pas que celui-ci a accepté un planning de travaux compressé de 4 à 5 semaines par rapport au planning initial, alors que le nouveau planning, qui prévoyait pour le lot n°2 une date de fin de travaux avancée du 16 octobre 2017 au 6 octobre 2017, portait la durée des travaux de 24 à 25 semaines, compte-tenu de l'avancement de la date de début du chantier du 2 mai 2017 au 17 avril 2017.
S'agissant plus particulièrement des tranches de travaux initiales 2 et 3, et des tranches 2, 3 et 3 bis du planning du 15 juin 2017:
¿ le planning marché annexé au cahier des clauses techniques particulières produit par M. [I], que la pièce 4 de la société Ateliers Chollet Frères ne permet pas de remettre en cause, prévoyait pour 48 ouvrants à restaurer, 12 semaines de travaux du lundi 29/05/17 au lundi 21/08/17, dont :
- dépose menuiserie pour restauration tranche 2 : durée 7 jours (début lundi 29/05/17, fin mercredi 21/06/2017) ;
- restauration menuiseries tranche 2 : durée 23 jours (début vendredi 02/06/17, fin mercredi 05/07/17) ;
- repose menuiseries tranche 2 : durée 6 jours (début lundi 19/06/17, fin vendredi 07/07/17) ;
- dépose menuiserie pour restauration tranche 3: durée 7 jours (début mercredi 05/07/17, fin mardi 01/08/17) ;
- restauration menuiseries tranche 3 : durée 25 jours (début mercredi 11/07/17, fin mercredi 16/08/17) ;
- repose menuiseries tranche 3 : durée 7 jours (début jeudi 27/07/17, fin lundi 21/08/17).
¿ le planning signé le 15 juin 2017 prévoyait pour 50 ouvrants à restaurer, 13 semaines de travaux du lundi 29/05/17 au vendredi 25/08/17, soit :
*pour la tranche 2 (23 menuiseries et une porte) : 44 jours (début lundi 29/05/17, fin vendredi 28/07/17); la dépose des menuiseries pour restauration tranche 2 étant terminée au 14/06/17, à l'exception des ouvrants du 4ème étage, terminée pour le 16/06/17, et la restauration des menuiseries tranche 2 étant en cours, ce planning prévoyait 10 jours pour la repose des menuiseries de la tranche 2 (début lundi 26/06/17, fin vendredi 07/07/17).
*pour la tranche 3 (16 menuiseries dont 14 à restaurer et 2 portes) : 63 jours, dont :
- sas et dépose menuiserie pour restauration tranche 3: durée 10 jours (début lundi 19/06/17, fin vendredi 30 /06/17) ;
- repose menuiseries tranche 3 : durée 10 jours (début lundi 17/07/17, fin vendredi 28/07/17) ;
*une tranche 3 bis (10 menuiseries) : 34 jours dont :
- sas et dépose menuiserie pour restauration tranche 3 bis: durée 5 jours (début lundi 24/07/17, fin vendredi 28/07/17) ;
- repose menuiseries tranche 3bis : durée 9 jours (début lundi 14/08/17, fin vendredi 25/08/17).
Il n'en ressort pas que le planning signé par M. [I] le 15 juin 2017 ait été resserré pour ces tranches de travaux.
La preuve de l'important changement de programmation lourd de conséquences pour l'entreprise invoqué par la société Ateliers Chollet Frères dans la lettre de licenciement n'est en conséquence pas rapportée.
La société Ateliers Chollet Frères, qui affirme qu'il aurait été d'usage dans la profession d'assortir la signature du planning de réserves, ne le démontre pas. La cour constate qu'aucune des entreprises concernées n'a d'ailleurs émis de réserves sous sa signature, étant précisé que l'expression postérieure de réserves ne pourrait être qu'inopérante. Le grief fait au salarié de ne pas avoir assorti sa signature de réserve n'est pas sérieux.
La société Ateliers Chollet Frères fait grief à M. [I] d'avoir outrepassé ses pouvoirs en signant le planning litigieux en l'absence de délégation de pouvoir reçue de son employeur pour ce chantier.
Il est établi que des délégations de pouvoir aux termes desquelles 'M. [T], président de la société Ateliers Chollet Frères, donne pouvoir à M. [I], chargé d'affaires, pour représenter les Ateliers Chollet Frères, parapher et signer tout document administratif et/ou technique engageant ladite société dans le cadre du marché cité en référence' ont été remises au salarié le 15 mai 2014 pour le marché du site Malaquais de l'Ensba, le 7 avril 2016 le marché des travaux de la salle Melpomène de l'Ensba, le 31 mai 2016 pour le marché de l'INSJ et qu'une délégation de pouvoir visant le marché de l'aménagement du local d'accueil de la Sainte-Chapelle lui a été remise le 10 janvier 2017 , aux termes de laquelle 'M. [T], gérant de la société Ateliers Chollet Frères, donne pouvoir à M. [I], chargé d'affaires, pour signer toutes les pièces afférentes au chantier dans le cadre de l'appel d'offre adaptée cité en référence.'.
M. [I], qui reconnaît que l'employeur ne lui a pas remis de délégation de pouvoir pour le chantier de restauration de la façade Sud de l'aile Colbert/ Pavillon J du [6], soutient que si celui-ci lui remettait généralement une délégation de pouvoir par chantier, la remise d'une délégation de pouvoir n'était cependant pas systématique, en particulier pour le chantier de l'[4], et qu'il avait l'habitude de signer le document planning lors de précédents chantiers du même type.
La société Ateliers Chollet Frères n'établit pas que la remise à M. [I] d'une délégation de pouvoir écrite était systématique et qu'il avait été donné instruction à l'intéressé de ne signer aucun document et spécialement aucun planning à défaut d'avoir reçu un tel écrit. Le grief fait au salarié d'avoir outrepassé ses pouvoirs n'est pas justifié.
La société Ateliers Chollet Frères est mal fondée à faire grief à M. [I] d'avoir signé le planning litigieux sans en référer à quiconque, dès lors qu'elle ne démontre ni qu'il s'agissait, comme elle l'allègue, d'un important changement de programmation lourd de conséquences pour l'entreprise, ni qu'elle avait un motif sérieux de s'opposer à ce recalage du planning d'exécution soumis par l'[4] à sa signature comme à celle de l'ensemble des entreprises intervenant sur le chantier.
La société Ateliers Chollet Frères reproche à M. [I] de ne pas lui avoir signalé cette modification de planning, ce que le salarié conteste, soutenant l'avoir fait lors de la réunion du mardi 20 juin 2017.
Il est établi par l'attestation de M. [F], chargé d'affaires au sein de la société Ateliers Chollet Frères depuis le 1er juin 2017, que M. [T], président de la société, réunissait chaque mardi tous les chargés d'affaires, en présence de l'assistante, qui établissait le compte-rendu de la réunion, et de la comptabilité pour faire le point des événements intervenus dans la semaine (changements de planning, difficultés).
La société Ateliers Chollet Frères produit en pièce 19 des documents portant en en-tête 'suivi des affaires du :' en date du vendredi 2 juin 2017, du vendredi 9 juin 2017, du jeudi 15 juin 2017, du vendredi 23 juin 2017, du vendredi 30 juin 2017, du vendredi 7 juillet 2017, du jeudi 13 juillet 2017 et du vendredi 21 juillet 2017, répertoriant l'avancement des travaux des chantiers suivis par M. [I], sur lequel l'existence du nouveau planning du chantier de l'[4] aile Colbert n'est pas mentionnée en tant que telle. Il ne résulte pas cependant de ces documents sommaires, qui se rapportent uniquement à l'état d'avancement des travaux des chantiers suivis par M. [I], sans mentionner aucun échange, ni, pour celui en date du vendredi 21 juillet 2017, l'absence du salarié, en congé maladie depuis le lundi 17 juillet, qu'ils constituent effectivement le compte-rendu des réunions du mardi.
A défaut pour la société Ateliers Chollet Frères de produire un véritable compte-rendu de la réunion de chantier du 20 juin 2017, la preuve de ce que M. [I] n'a pas signalé à son employeur la modification de planning n'est pas rapportée.
La société Ateliers Chollet Frères reproche à M. [I] d'avoir engagé l'entreprise sur de nouveaux délais sans vérifier la capacité de l'entreprise à les tenir pendant la période estivale et sans prendre les mesures nécessaires à la tenue de ces délais en termes de suivi, d'encadrement et de mobilisation du personnel nécessaire. Il n'est pas établi cependant que le nouveau planning, qui ne modifiait pas de manière significative l'organisation du travail, nécessitait des moyens supplémentaires.
Il n'est pas démontré non plus, que, contrairement à ce que soutient M. [I], celui-ci n'a pas informé le chef d'atelier des délais fixés dans le nouveau planning. M. [L], chef d'atelier, se borne en effet à attester en termes généraux que les chargés d'affaires et M. [T] étaient les seuls décisionnaires, que ce soit en terme d'effectif sur les chantiers qu'en ce qui concerne la planification de l'atelier, tandis que son rôle consistait à approuver ou non les décisions à intervenir lorsque leurs demandes n'étaient pas réalisables et qu'à l'issue de la réunion de travaux et après accords des interlocuteurs il exécutait les demandes et mettait en place l'organisation (pose et atelier), sans évoquer précisément le chantier de restauration de la façade Sud de l'aile Colbert/ Pavillon J du [6].
S'il est exact que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du jeudi 13 juillet 2017, le service des affaires immobilières et du patrimoine de l'[4], constatant qu'alors que, selon le planning signé en réunion de chantier le 15 juin 2017, la repose des ouvrants de châssis en phase 2 devait s'achever le vendredi 7 juillet 2017, seuls 5 des 21 châssis à traiter sont reposés, bien que certains soient dans l'atelier de la société Ateliers Chollet Frères depuis près de deux mois, et soulignant que ce retard entraîne inévitablement un décalage dans la mise en peinture des fenêtres, puis dans la dépose des échafaudages prévue le 24 juillet, a demandé à la société Ateliers Chollet Frères de renforcer ses équipes sans délai et d'achever sa prestation sur la phase 2 d'ici le lundi 17 juillet, faute de quoi des sanctions financières lui seront appliquées conformément au cahier des clauses techniques particulières, il n'est pas démontré que la durée de la réalisation des travaux de dépose, restauration et repose des ouvrants de châssis en phase 2, et plus particulièrement celle de la restauration des ouvrants de châssis au sein de l'atelier de la société Ateliers Chollet Frères ait été réduite dans le nouveau planning par rapport au planning initial, de sorte que le retard de quelques jours constaté le 13 juillet 2017 serait imputable à ce nouveau planning. La société Ateliers Chollet Frères, qui dispose des comptes-rendus des réunions de chantier, dont elle était régulièrement destinataire, ne justifie pas par ailleurs de la date à laquelle la repose des ouvrants de châssis en phase 2 a été finalement achevée.
Il n'est pas établi non plus que le retard dans la repose des ouvrants des châssis en phase 2 constaté par le service des affaires immobilières et du patrimoine de l'[4] le 13 juillet 2017 soit la véritable cause de l'attribution par celui-ci, quelques jours plus tard, du marché de restauration des menuiseries extérieures du 1er étage du PetitHôtel à une autre société, alors que cette décision a été prise à l'issue d'un appel d'offres, sur la base des critères de jugement définis dans le règlement de consultation.
Si la société Ateliers Chollet Frères, dont les travaux ont été réceptionnés sans réserve à la date du 11 décembre 2017, au vu du procès-verbal de levée de réserves et des propositions du maître d'oeuvre en date du 6 décembre 2017, soutient qu'elle n'a pas pu terminer le chantier, elle n'en justifie pas. Elle ne démontre pas en effet que l'ordre de service qui lui a été adressé le 10 janvier 2018 mentionnant une moins-value de 34 971,84 euros sur le lot n°2 d'un prix initial de 410 693,59 euros soit la conséquence du planning d'exécution recalé signé par M. [I] le 15 juin 2017, alors que ce dernier a fait état de la suppressiondans le lot n°2 des prestations fenêtre neuve et reprise charpente, laquelle était mentionnée comme représentant 18 jours de travail dans le planning initial qu'il produit, et qu'aucun élément ne permet d'établir un lien entre cette suppression et la modification du planning.
La preuve d'une faute de M. [I] rendant impossible son maintien dans l'entreprise et justifiant la cessation immédiate de son contrat de travail n'est pas rapportée. En l'absence de faute grave, le salarié est bien fondé à prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement.
En application de l'article L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant cette période, fixée à trois mois par la convention collective, soit une rémunération mensuelle brute de 4 622,60 euros. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Ateliers Chollet Frères à payer à M. [I] la somme de 13 867,40 euros bruts, que celui-ci revendique à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 1 386,74 euros bruts au titre des congés payés afférents,
M. [I], âgé de plus de 55 ans à la date d'expiration du délai de préavis, comme étant né le 12 janvier 1959. a droit en application des articles 7.4 et 7.5 de la convention collective à une indemnité de licenciement égale à 3/10ème de mois de salaire par année d'ancienneté, majorée de 10%. Il comptait une ancienneté de 3 ans et 8 mois à la date d'expiration du préavis dont il a été abusivement privé. Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Ateliers Chollet Frères à lui payer la somme de 5 466,28 euros, qu'il revendique à titre d'indemnité de licenciement.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à la société Ateliers Chollet Frères de fournir à M. [I] un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes à sa décision.
En l'absence de faits imputables au salarié constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a dit le licenciement de M. [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Au moment de son licenciement, M. [I] avait au moins deux années d'ancienneté et la société Ateliers Chollet Frères employait habituellement au moins onze salariés.
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, M. [I] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant de ses salaires bruts des six derniers mois précédant son licenciement.
En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, 58 ans, de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, la cour fixe le préjudice matériel et moral qu'il a subi à la somme de 30 000 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé et la société Ateliers Chollet Frères condamnée à payer ladite somme à M. [I] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [I], qui sollicite la condamnation de la société Ateliers Chollet Frères à lui payer en outre la somme de 13 868 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, fait valoir qu'il s'est toujours investi dans l'entreprise en allant bien au-delà de ses obligations, ne comptant pas ses heures bien que n'étant pas payé des heures supplémentaires effectuées, qu'il a été licencié alors qu'il était en arrêt maladie, qu'il continuait cependant à travailler pour son employeur dans l'intérêt de l'entreprise, qu'aucun reproche ne lui a été fait durant cette période et qu'en réalité son employeur n'a pas supporté qu'il puisse être en arrêt maladie, ce qui n'était jamais arrivé par le passé.
Aucun élément n'est présenté par M. [I] laissant supposer qu'il a été licencié en raison de son état de santé. Le salarié ne présente pas non plus d'élément précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies. Le fait qu'aucun reproche ne lui ait été fait avant le 4 août 2017 et qu'il ait effectué des commandes de verre pour le compte de l'entreprise le 31 juillet 2017 ne caractérisent pas des circonstances vexatoires du licenciement.
M. [I] ne rapportant pas la preuve d'une faute de son employeur lui ayant causé un préjudice distinct de celui résultant de la perte injustifiée de son emploi, ci-dessus réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de confirmer le jugement entrepris l'ayant débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire.
Les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail sont applicables au licenciement de M. [I]. Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le remboursement par la société Ateliers Chollet Frères à Pôle emploi, partie au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'il a versées à M. [I] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois d'indemnités.
La société Ateliers Chollet Frères, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de la condamner, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme de 1 000 euros qu'elle a été condamnée à payer à celui-ci par le conseil de prud'hommes pour les frais irrépétibles exposés en première instance.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Ecarte des débats la pièce communiquée par M. [M] [I] sous le numéro 27 ;
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 9 avril 2020 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Condamne la société Ateliers Chollet Frères à payer à M. [M] [I] la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Condamne la société Ateliers Chollet Frères à payer à M. [M] [I] la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Déboute la société Ateliers Chollet Frères de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Ateliers Chollet Frères aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,