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03/11/2022 | FRANCE | N°19/02765

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 03 novembre 2022, 19/02765


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 03 NOVEMBRE 2022





N° RG 19/02765



N° Portalis DBV3-V-B7D-TJWD





AFFAIRE :





[G] [R] épouse [X]



C/



SELAS PHARMACIE GRAND PLAISIR anciennement dénommée SELARL PHARMACIE [D]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juin 2019 par le Conseil de Prud'homme

s - Formation paritaire de Versailles

N° Section : Commerce

N° RG : 17/00807



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Julie GLIKSMAN



Me Jean-Luc MARCHAND





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TROIS N...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 NOVEMBRE 2022

N° RG 19/02765

N° Portalis DBV3-V-B7D-TJWD

AFFAIRE :

[G] [R] épouse [X]

C/

SELAS PHARMACIE GRAND PLAISIR anciennement dénommée SELARL PHARMACIE [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Versailles

N° Section : Commerce

N° RG : 17/00807

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Julie GLIKSMAN

Me Jean-Luc MARCHAND

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, fixé initialement au 08 juin 2022, prorogé au 06 juillet 2022, puis au 14 septembre 2022, différé au 15 septembre 2022, puis prorogé au 06 octobre 2022, puis prorogé au 27 octobre 2022, puis prorogé au 03 novembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [G] [R] épouse [X]

née le 22 Octobre 1992 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Julie GLIKSMAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 609

APPELANTE

****************

SELAS PHARMACIE GRAND PLAISIR anciennement dénommée SELARL PHARMACIE [D]

N° SIRET : 344 767 496

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Jean-Luc MARCHAND, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0877

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

EXPOSE DU LITIGE :

A compter du 1er septembre 2015, Madame [G] [R] épouse [X] a été engagée par la société Pharmacie [D], désormais dénommée la société Pharmacie Grand Plaisir, dans le cadre d'un contrat d'apprentissage d'une durée de deux ans.

La relation de travail entre les parties est régie par la convention collective nationale de la pharmacie d'officine.

Après avoir été placée en arrêt de travail à différentes reprises, notamment du 20 avril au 18 mai 2017, du 25 mai au 19 juin 2017 et du 24 juin au 23 août 2017, la salariée a été placée en congé maternité à compter du 24 août 2017.

Par courrier daté du 28 août 2017, elle a demandé à son employeur 'la régularisation de [s]a situation', en demandant notamment le paiement d'heures supplémentaires et le versement de primes ainsi qu'en dénonçant l'absence de paiement de ses indemnités journalières de sécurité sociale et de reversement des indemnités de l'organisme de mutuelle.

Par requête reçue au greffe le 27 septembre 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles, afin d'obtenir le paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de rappel de salaires.

Par jugement du 6 juin 2019, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, la juridiction prud'homale a :

- condamné la société au paiement des sommes suivantes :

- 1.307 euros au titre du rappel de primes ;

- 67,50 euros au titre des chèques-cadeaux ;

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine ;

- débouté la salariée du surplus de ses demandes ;

- débouté la société de ses demandes reconventionnelles ;

- condamné la société aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 2 juillet 2019, la salariée a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 14 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, elle expose notamment que :

- elle a été victime d'une discrimination liée à son statut d'apprenti et à son état de grossesse (ses relations avec son employeur s'étant dégradées dès l'annonce de sa grossesse), en ce qu'elle n'a pas bénéficié des primes de rapidité de commande, en ce que son employeur ne lui a pas remis ses documents de fin de contrat à l'arrivée du terme de son contrat d'apprentissage, en ce qu'elle n'a pas perçu les indemnités journalières liées à son congé maternité et à ses arrêts de travail pour maladie et en ce que les conditions de travail qui lui ont été imposées l'ont mise en danger, avec son bébé ;

- la société a employé des moyens illégaux pour se constituer des preuves dans le cadre de la présente procédure ;

- elle a été victime d'une situation de harcèlement moral, au vu de l'inégalité de traitement que lui a fait subir son employeur, de la privation des primes de rapidité de gestion de commandes, de ce qu'elle ne s'est pas vu remettre des chèques-cadeaux, en ce qu'elle n'a pas été rémunérée au titre des heures d'ajustement et heures supplémentaires et en ce que l'employeur n'a pas transmis à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ses attestations de salaire ;

- elle n'a pas été rémunérée au titre des heures d'ajustement qui se sont ajoutées à son emploi du temps au centre de formation des apprentis ;

- elle a réalisé des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, l'employeur ayant manqué de la payer au titre du temps de comptage de caisse ;

- l'employeur ne lui a pas versé la majoration conventionnelle applicable aux heures supplémentaires qu'elle a réalisées le samedi matin entre 7 heures et 8 heures à l'entrepôt ;

- la demande reconventionnelle au titre du trop-perçu est infondée, au regard de l'organisation en place et des heures de travail qu'elle a accomplies.

Elle demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui verser les sommes de 1.307 euros bruts au titre du rappel de primes de rapidité de gestion de commande pour la période du 1er septembre 2015 au 23 juin 2017 et de 67,50 euros correspondant à la valeur des chèques-cadeaux auxquels elle pouvait prétendre ;

- Infirmer partiellement le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et débouté la société de ses demandes reconventionnelles ;

Statuant à nouveau :

- Dire qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur ;

- Condamner en conséquence la société à lui verser la somme de 30.000 euros à titre d'indemnisation pour harcèlement moral ;

- Dire qu'elle a été victime de discrimination en raison de son état de grossesse de la part de son employeur ;

- Condamner en conséquence la société à lui verser la somme de 30.000 euros à titre d'indemnisation pour discrimination en raison d'un état de grossesse ;

- Condamner la société à lui verser les sommes de :

- 235,84 euros au titre de 32 heures de travail dites « d'ajustement » pour la période septembre 2016 ' janvier 2017 ;

- 128,97 euros au titre de 17,5 heures de travail supplémentaires pour la période 1er septembre 2015 -23 juin 2017 ;

- 35,28 euros au titre de 24 heures supplémentaire majorées à 20% pour la période 1er septembre 2015 -23 juin 2017 ;

- Dire que la décision sera assortie de l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

- Dire que les intérêts légaux seront dus sur l'ensemble des sommes octroyées à compter de la date d'introduction de l'instance, le 27 septembre 2017 ;

- Condamner la société à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société défenderesse aux entiers dépens et aux éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 16 novembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société, intimée, soutient en substance que :

- la salariée n'a formulé des griefs au titre du harcèlement, de la discrimination ou de la dégradation de ses conditions de travail que le 28 août 2017, alors qu'elle ne lui a adressé aucun de ces griefs tout au long de sa présence dans l'entreprise et dans le cadre du courrier qu'elle lui a précédemment envoyé au mois de juillet 2017 ;

- la salariée est de mauvaise foi dans ses allégations, en ce que celle-ci ne s'est déplacée que tardivement pour se voir remettre ses documents qui étaient quérables dans l'entreprise et a refusé de signer tout justificatif de cette remise, et en ce qu'elle se repose sur de fausses allégations ;

- elle produit des éléments apportant des preuves contraires aux allégations de la salariée, et notamment des attestations de salariées qui avaient connu des grossesses en période d'emploi, l'appelante ne démontrant pas avoir porté des charges lourdes, s'être plaint de tels faits auprès de collègues ou de l'employeur ou en avoir informé la médecine du travail durant les huit jours pendant lesquels elle a travaillé en étant enceinte ;

- les attestations produites par l'appelante comportent notamment des contradictions flagrantes, outre le fait qu'elles émanent notamment d'anciens salariés licenciés pour faute grave ou font état de faits dont leurs auteurs n'ont pas été témoins ;

- alors que la salariée a abandonné ses demandes de rappel d'indemnités journalières de sécurité sociale et de dommages et intérêts pour fausse déclaration auprès de la CPAM tout en maintenant les faits qu'elle présentait à cette fin, le défaut d'indemnisation résulte de ses propres manquements ainsi que d'erreurs de la CPAM ;

- la salariée ne produit aucun document du centre de formation des apprentis concernant d'éventuelles heures supplémentaires en école et se borne à faire état de fausses preuves ou de preuves irrecevables ;

- l'appelante a été indûment rémunérée au titre de 22 heures d'absence injustifiée ainsi que d'heures de travail non réalisées le mercredi, où elle a systématiquement quitté son poste une heure avant la fin du service, d'heures de travail prétendument récupérées alors qu'elle était en arrêt de travail pour maladie et de temps de pause excédentaire ;

- la demande au titre de la majoration pour heures supplémentaires formée par la salariée est infondée au regard de la convention collective applicable, en ce que la pharmacie n'était pas ouverte au public lorsqu'elle a accompli ces heures de travail ;

- en sa qualité d'apprentie préparatrice, l'appelante n'accomplissait aucun travail de gestion, de sorte qu'elle n'est pas fondée à solliciter le bénéfice de la prime de rapidité de gestion de commandes ;

- les chèques-cadeaux étaient attribués par les laboratoires de parapharmacie, concernaient les salariés qui avaient suivi les formations de ces derniers et ne portaient pas sur les médicaments, alors que l'appelante apprenait à délivrer des médicaments et n'avait en tout état de cause pas suivi lesdites formations ;

- l'appelante a agi de mauvaise foi, portant atteinte à l'image et à l'éthique professionnelle de la société, de sorte qu'elle doit être condamnée au versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé.

Elle demande à la cour de :

- Débouter la salariée de son appel ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il :

- N'a pas reconnu la situation de harcèlement moral et débouté la salariée de sa demande de 30.000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ;

- N'a pas reconnu la situation de discrimination en raison de l'état de grossesse et débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 30.000 euros au titre de discrimination en raison de son état de grossesse ;

- Débouté la salariée de sa demande en paiement de la somme de 235,84 euros au titre de 32 heures d'ajustement pour la période septembre 2016-janvier 2017 ;

- Débouté la salariée de sa demande de paiement de la somme de 128,97 euros au titre de 17,5 heures de travail supplémentaires pour la période 1er septembre 2015-23 juin 2017 ;

- Débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire de 35,28 euros au titre de 24 heures supplémentaires majorées à 20% pour la période 1er septembre 2015-23 juin 2017 pour un montant de 35,28 euros ;

- Débouté la salariée de sa demande d'exécution provisoire, intérêts légaux ;

- Dire qu'il y a lieu d'écarter des débats toutes les attestations produites par l'appelante qui seront déclarées irrecevables au visa de l'article 202 du code de procédure civile ;

- Dire et juger qu'il y a lieu d'écarter des débats les « preuves à soi-même » créées par la salariée (carnet journalier, photographies ad hoc, etc') ;

- Dire que la salariée ne rapporte la preuve d'une faute de l'employeur sur aucun chef de ses demandes, ni de contraintes anormales au cours de l'exécution de son contrat de travail ;

- Et si par très impossible la Cour devait écarter la manipulation et la construction de mauvaise foi de Mme [X], et estimerait qu'elle aurait éprouvé un « ressenti » personnel pour des contraintes de travail imposées par les impératifs de gestion inhérents à la vie de toute entreprise, dire et juger que ce ressenti personnel à la salariée n'est pas imputable à une faute de l'employeur;

- Dire que la salariée ne justifie pas d'une incidence quelconque sur son état de santé, ni plus généralement d'un préjudice ni donc d'un lien de causalité entre préjudice et faute allégués ;

Du chef de l'appel incident formé par la société :

- Dire que la salariée a construit son dossier de mauvaise foi, et ce, avec l'intention de nuire à la société ;

- Condamner la salariée à lui une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 1240 du code civil en réparation de son préjudice moral ;

- Constater que la salariée ne justifie pas avoir effectué l'intégralité des 840 heures d'école prévues par le CFA, ce qui ne permet pas de déterminer s'il y a eu trop perçu supplémentaire sur salaire ;

- Condamner la salariée à lui payer les sommes suivantes :

- 166,27 euros, à titre de remboursement de salaire trop perçu ;

- 162,22 euros, à titre de remboursement de salaire trop perçu ;

- 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la salariés aux entiers dépens qui comprendront les frais qui seront la suite et la conséquence de la décision à intervenir.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 2 mars 2022.

MOTIFS :

Sur la prime de rapidité de gestion de commandes :

Aux termes de l'article L. 6222-23 du code du travail, l'apprenti bénéficie des dispositions applicables à l'ensemble des salariés dans la mesure où elles ne sont pas contraires à celles qui sont liées à sa situation de jeune travailleur en formation.

En l'espèce, il est constant que la salariée n'a pas bénéficié du versement de la prime de rapidité de gestion de commandes en vigueur au sein de la société.

Bien que l'employeur soutienne que la ''prime de rapidité de gestion' [était] due pour les actes de GESTION, et ce, à l'employé gestionnaire des stocks et au responsable d'entrepôt qui est également gestionnaire', il reste excessivement imprécis dans ses propos quant à la consistance de ces activités de gestion et à leur distinction avec les activités de manutention.

De façon générale, alors que la salariée soutient que la prime litigieuse pouvait bénéficier à l'ensemble des salariés de la société, cette dernière ne justifie nullement de ce que son attribution était liée aux fonctions exercées par les salariés.

Il en résulte que l'appelante pouvait prétendre au bénéfice de la prime de rapidité de gestion de commandes.

S'agissant du montant dû à la salariée, l'employeur ne rapporte aucun élément démontrant que le montant de la prime versée aux salariés s'était limité à 1.010 euros sur une année.

Par ailleurs, dès lors que la salariée a été engagée à temps complet (fût-ce dans le cadre d'un contrat d'apprentissage qui l'amenait à n'être présente que quelques heures par semaine dans les locaux de la société) et qu'il n'est pas contesté qu'elle a été présente sur l'année de référence, l'employeur ne saurait valablement solliciter une proratisation du montant de la prime versée.

Au vu des allégations de l'appelante selon laquelle les salariés ont bénéficié d'une somme de 1.307 euros à titre de prime de rapidité de gestion de commande, et en l'absence d'élément de preuve contraire produits par l'employeur sur ce point, le jugement sera confirmé en ce qu'il alloue à la salariée une somme de 1.307 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la prime de rapidité de gestion de commandes.

Sur la demande au titre des chèques-cadeaux :

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, la salariée n'apporte aucun élément permettant de démontrer que le dispositif des chèques-cadeaux a été mis en place par l'employeur, alors que la société soutient que les chèques-cadeaux litigieux étaient attribués par des laboratoires de parapharmacie à l'issue de challenges organisés par ces derniers.

La salariée n'est donc pas fondée à reprocher à l'intimée un quelconque manquement dans la remise de ces chèques-cadeaux.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il lui alloue une somme de 67,50 euros au titre des chèques-cadeaux.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

L'article L. 3171-2 du code du travail dispose que lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

L'article L. 3171-3 du code du travail prévoit quant à lui que l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

Par ailleurs, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En outre, l'article L. 3121-36 du code du travail en sa rédaction applicable depuis le 10 août 2016 dispose qu'à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

En l'espèce, au soutien de ses allégations selon lesquelles elle a effectué 17,5 heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées par la société à compter du 1er août 2016 au-delà des 35 heures contractuellement convenues, la salariée soutient qu'une réunion d'une heure lui a été imposée sur son temps de pause déjeuner le 23 septembre 2016 et que le temps de caisse ne lui était pas rémunéré par l'employeur.

Au soutien de ses allégations, elle produit :

- un planning hebdomadaire manuscrit indiquant les horaires qui lui ont été assignés à compter du 1er août 2016 (concernant les périodes non scolaires : 9 heures - 12 heures et 13 heures - 18 heures le lundi ; 9 heures - 13 heures le mardi ; 9 heures - 12 heures et 13 heures - 15 heures 30 le mercredi ; 14 heures 30 - 20 heures le jeudi ; 9 heures - 12 heures et 13 heures - 18 heures le vendredi ; 9 heures - 12 heures et 13 heures - 18 heures un samedi sur deux) ;

- un planning quotidien manuscrit tenu débutant au 7 octobre 2016, lequel indique les heures d'arrivée et de départ qu'elle indique avoir réalisées ainsi que sa durée quotidienne de pause (8 heures 56 à 13 heures le mardi 25 octobre 2016, 14 heures 27 à 20 heures 13 le 3 novembre 2016, 8 heures 55 à 18 heures 15 le vendredi 25 novembre 2016 avec une heure de pause...) ;

- différentes photographies d'elle-même, portant une blouse, laissant apparaître en arrière-plan l'heure affichée sur un micro-onde (l'employeur reconnaît que la photographie a été prise dans la cuisine de la pharmacie) ;

- une attestation établie par Monsieur [T] [O], qui indique avoir travaillé pour la société entre 2014 et 2017, qui rapporte que cette dernière n'a jamais souhaité rémunérer les heures supplémentaires accomplies par les apprentis et que le temps consacré à la caisse n'était pas décompté comme du temps de travail.

Les photographies produites par l'appelante sont dépourvues de caractère probant compte-tenu, d'une part, de l'impossibilité de les situer avec certitude dans le temps et, d'autre part, de l'absence de certitude quant à l'exactitude de l'heure affichée.

De même, l'attestation établie par Monsieur [T] [O] apparaît excessivement générale quant aux heures de travail réalisées par la salariée de sorte qu'elle est dépourvue de force probante.

En revanche, le planning quotidien tel qu'il est produit par la salariée constitue un élément suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies, en ce qu'il laisse apparaître qu'elle a pu accomplir des heures de travail au-delà de l'emploi du temps initial.

Il permet à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

A l'appui de son argumentation selon laquelle la salariée n'a accompli aucune heure supplémentaire, l'employeur produit :

- un tableau manuscrit comparant les horaires de travail que la salariée indique avoir accomplis avec, notamment les horaires de service des premiers et derniers clients ;

- une liste des ventes informatisée mentionnant notamment les dates et heures des opérations réalisées entre le 2 novembre 2016 et le 19 avril 2017.

Les pièces produites par l'employeur, au même titre que ses écritures, ne remettent nullement en cause les allégations de l'appelante selon laquelle le temps qu'elle consacrait à la clôture de caisse ne lui était pas rémunéré. Le caractère répété de cette pratique démontre à tout le moins que l'employeur l'avait tacitement acceptée.

Outre le fait que la clôture de caisse pouvait se dérouler au-delà des horaires de services aux clients, la cour relève que l'employeur reconnaît lui-même que 'le temps de travail effectif a été calculé par rapport à [l]a fonction essentielle [de la salariée] qui était de servir la patientèle, et donc de procéder à des ventes au comptoir'. Ainsi, tout en reconnaissant que la salariée n'était pas exclusivement affectée à cette dernière tâche, l'employeur reconnaît que la détermination du temps de travail effectif de la salariée était comptabilisé sur cette seule base.

S'agissant de la réunion organisée le 23 septembre 2016 durant la pause déjeuner de l'appelante, la société n'en conteste pas la tenue. Elle se borne à soutenir que celle-ci s'est tenue en-dehors du temps de pause et que les apprentis n'y étaient pas conviés mais qu'ils y étaient acceptés. Cela étant, elle ne produit aucun élément probant au soutien de ses allégations.

De façon générale, alors qu'il appartient à l'employeur d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, celui-ci ne verse pas d'éléments probants permettant de remettre en cause l'ensemble des éléments précis que l'appelante verse aux débats.

Au vu de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il est établi que la salariée a accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées.

Sur la base d'un salaire horaire de 7,3734 euros, il convient de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 96,78 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il déboute la salariée de ce chef.

Sur la demande au titre des heures d'ajustement :

La salariée soutient qu'elle a réalisé 32 heures qu'elle qualifie d'heures d'ajustement, entre le 5 septembre 2016 et le 30 janvier 2017.

Cela étant, sa demande apparaît confuse en ce qu'elle ne permet pas de distinguer ces prétendues heures d'ajustement des heures pour lesquelles elle a été rémunérée.

En tout état de cause, à supposer que ces prétendues heures d'ajustement se sont ajoutées aux heures pour lesquelles elle a été rémunérée, les explications apportées par la salariée laissent apparaître que ces heures concernaient ses périodes scolaires et non ses périodes passées en entreprise.

Il en résulte que ses affirmations, qui ne sont recoupées par aucun élément extérieur émanant notamment du CFA, ne saurait suffire à laisser apparaître la réalisation de ces prétendues heures d'ajustement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il la déboute de ce chef.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires majorées :

Aux termes de l'article 13 de la convention collective nationale de la pharmacie d'officine du 3 décembre 1997, sans préjudice des dispositions du code du travail relatives au travail de nuit, pour les pharmacies demeurant ouvertes au public, tout travail effectué après 20 heures donne lieu à une majoration horaire de 20 % pour les heures comprises entre 20 heures et 22 heures ou entre 5 heures et 8 heures et de 40 % pour les heures comprises entre 22 heures et 5 heures.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'appelante a accompli 24 heures de travail le samedi matin, entre 7 heures et 8 heures au sein de l'entrepôt de la pharmacie.

La cour relève que la règle conventionnelle précitée s'intègre dans un paragraphe intitulé 'travail de nuit', de sorte qu'elle a vocation, non pas à rétribuer le salarié en contrepartie de la seule ouverture au public de la pharmacie, mais de rémunérer justement la prestation de travail accomplie entre 20 heures et 8 heures.

Par conséquent, l'employeur ne saurait valablement soutenir que la pharmacie n'était ouverte au public qu'à compter de 9 heures pour justifier l'absence de majoration des heures supplémentaires accomplies au sein de l'entrepôt entre 7 heures et 8 heures.

Il convient donc d'allouer à la salariée une somme de 35,28 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires majorées.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il déboute la salariée de ce chef.

Sur la discrimination alléguée :

L'article L. 1132-1 du code du travail prévoit qu'aucun personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, en raison notamment de sa grossesse.

Selon l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance du principe de non-discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, au soutien de ses allégations selon lesquelles elle a fait l'objet d'un traitement discriminatoire lié à son statut d'apprentie et que celui-ci s'est aggravé en raison de sa grossesse, la salariée fait état de différents éléments :

- elle a été privée du versement de la prime de rapidité de gestion de commandes, en raison de sa qualité d'apprentie ;

- Madame [D], dirigeante de la société, lui a fait part de son insatisfaction lorsqu'elle lui a annoncé sa grossesse ;

- elle ne s'est vu délivrer aucun bulletin de salaire à compter du mois d'avril 2017 ;

- elle ne bénéficiait d'aucune mutuelle et ne percevait aucune indemnité journalière de la sécurité sociale au moment de son accouchement ;

- ses documents de fin de contrat ne lui ont été remis que le 24 septembre 2017, alors que son contrat de travail est arrivé à terme le 31 août précédent ;

- elle a été contrainte de porter des charges lourdes et était debout toute la journée à la pharmacie, alors qu'elle avait annoncé sa grossesse.

L'employeur, qui conteste toute discrimination liée au statut d'apprentie de la salariée et à son état de grossesse, se prévaut :

- d'un courrier du 5 septembre 2017 (réceptionné le 8 septembre suivant par la salariée, selon l'accusé de réception versé aux débats), par lequel elle a indiqué à la salariée que ses documents de fin étaient établis et tenus à sa disposition au sein de la pharmacie, sur rendez-vous ;

- de ce que la salariée s'est présentée le 22 septembre 2017 à la pharmacie pour récupérer ses documents de fin de contrat (elle produit un échange de SMS avec la salariée qui laisse apparaître qu'elle s'est effectivement présentée à la pharmacie le 22 septembre à 19 heures 30), en refusant de signer tout justificatif de remise ;

- de ce que plusieurs salariées attestent de ce que les salariées enceinte étaient dispensées de porter des charges et avaient la possibilité de s'asseoir sur des tabourets (attestations de Madame [A] [MM], de Madame [N] [S], de Madame [Y] [J] et de Madame [F] [AS] - Madame [HM] [W] et Madame [V] [I] évoquant leurs cas personnels), Madame [MM] et Madame [XM] [K] indiquant en substance qu'elles avaient constaté que Madame [D] avait fait en sorte que l'appelante ne soulève plus de charge et que cette dernière travaillait assise ;

- de deux photographies laissant apparaître que les postes de déballage et au robot pouvaient être exercés en position assise, sur un tabouret ;

- de ce que le retard d'indemnisation de la salariée par la CPAM et l'organisme de mutuelle résulte des fautes de l'appelante, en ce qu'elle n'a ni informé la CPAM de de qu'elle disposait d'une mutuelle, ni transmis à sa mutuelle les décomptes qu'elle recevait de la CPAM, en ce que la salariée n'a pas envoyé ses arrêts de travail à la CPAM, en ce que la CPAM a commis des erreurs dans la gestion du dossier de l'appelante, en ce que l'indécision de la CPAM a entraîné un retard d'indemnisation (la délivrance de deux arrêts de travail - tels qu'ils sont versés aux débats - concernant deux périodes se chevauchant, par deux médecins différents dont l'un uniquement fait état d'un rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse ayant ajouté de la confusion à la situation).

Au soutien de ses allégations, la salariée produit :

- une attestation établie par Monsieur [P] [C], qui indique avoir travaillé au sein de la pharmacie entre 2014 et 2019, laquelle conforte en substance les allégations de l'appelante concernant les manquements prêtés à l'employeur en matière de paiement de primes, d'heures supplémentaires et de majorations ainsi qu'en matière de sécurité ;

- une attestation établie par Monsieur [O], qui indique notamment, d'une part, avoir entendu Madame [D] exprimer des critiques quant à la grossesse de l'appelante et, d'autre part, que la salariée avait été affectée à un poste, les commandes du robot, qui ne se prêtait pas à la position assise et qui l'amenait à porter des charges pouvant dépasser les 4 kg ;

- une attestation établie par Monsieur [Z] [U] qui indique notamment que l'appelante devait portait des charges pendant sa grossesse ;

- une attestation établi par Madame [M] [L], qui rapporte notamment que les salariés affectés à l'entrepôt 'sortai[en]t les pleins', les vidait et que les apprentis accomplissaient les mêmes tâches que les autres salariés, en-dehors de la gestion de commande ;

- une attestation établie par Madame [E] [H], qui indique avoir été apprentie au sein de la pharmacie au cours de la même période que l'appelante, qu'elle n'a reçu aucune des primes versées aux salariés, qu'elle n'a pas bénéficié de la majoration conventionnelle de 20 % pour son temps de travail accompli de 7 heures à 8 heures le samedi matin et qu'elle était présente lorsque Madame [D] a critiqué l'appelante pour sa grossesse survenue durant son apprentissage ;

- deux copies d'échanges de correspondance avec la CPAM datés des 25 et 31 juillet 2017, qui démontrent que l'employeur lui avait adressé des attestations de salaires concernant ses arrêts de travail pour maternité et maladie erronées ainsi qu'une copie d'écran de son espace personnel d'assurés sociale qui démontrent que les envois tardifs ou erronés d'attestations par l'employeur et leur incidence sur son indemnisation ;

- un échange de courriers datés des 3 et 20 juillet 2017 avec son employeur qui laisse notamment apparaître que ce dernier lui avait indiqué que ses bulletins de paie étaient à sa disposition dans l'entreprise et qu'elles lui avait finalement étaient transmises par retour de courrier du 20 juillet 2017 ;

- un courrier établi le 14 novembre 2017 par un contrôleur du travail de l'unité département des Yvelines, qui indique qu'il a reçu cette dernière à différentes reprises au cours des années 2016 et 2017 et que celle-ci l'a interrogée sur ses conditions de travail.

Il n'y a discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail que si le traitement défavorable infligé au salarié est fondé sur un des motifs prohibés par ces dispositions. Le statut d'apprentie ne figurant pas parmi les motifs de discrimination prohibés par cet article, la salariée ne saurait invoquer une discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail, au regard de son statut d'apprentie.

Dès lors, elle ne saurait utilement se prévaloir, à l'appui de la discrimination qu'elle invoque, de faits antérieurs à l'annonce de sa grossesse, dont l'employeur reconnaît avoir été informé par la déclaration qu'elle lui a adressée le 5 avril 2017, à savoir l'absence de versement de la prime de rapidité d'exécution.

Outre le fait qu'elle ne laisse pas apparaître si leur auteur a personnellement constaté les faits qu'il rapporte, il convient de douter de l'objectivité et de la crédibilité de l'attestation établie par Monsieur [U], en ce qu'elle a été signée le 24 octobre 2017, postérieurement à son licenciement pour faute grave par la société prononcé le 22 septembre précédent.

Pareillement, outre ses imprécisions et ses généralités concernant l'activité des salariés lorsqu'ils étaient affectés à l'entrepôt, il convient de douter de l'objectivité et de la crédibilité de l'attestation établie par Madame [L] le 10 novembre 2017, dans la mesure où celle-ci a été licenciée pour faute grave par la société et entretenait alors un contentieux avec cette dernière.

En outre, l'attestation établie par Monsieur [C] est dépourvue de force probante, en ce qu'elle ne permet pas de déterminer si ses déclarations reposent sur des constatations personnelles et en ce qu'elle comporte des allégations excessivement imprécises (notamment en ce qui concerne les propos prêtés à Madame [D]) quant aux faits que la salariée déclare avoir subis, particulièrement en ce qui concerne les prétendus manquements de l'employeur aux règles de sécurité.

De même, le récit de Monsieur [O], établi plus de deux ans après les prétendus faits, concernant les prétendues critiques formulées par Madame [D] concernant la grossesse de l'appelante est excessivement imprécis quant aux circonstances dans lesquelles les propos qui lui sont prêtés ont pu être tenus. Aucun élément ne démontre par ailleurs qu'il a pu constater que la salariée portait des charges lourdes.

Les allégations se rapportant aux remarques déplacées qui auraient été formulées par Madame [D] concernant la grossesse de l'appelante apparaissent insuffisamment précises tant dans leur teneur que dans le contexte de leur survenance.

Par ailleurs, la circonstance selon laquelle la salariée a interrogé à différentes reprises l'inspection du travail concernant ses conditions de travail et a reçu des conseils ne permet nullement de caractériser la matérialité des faits allégués.

Sur les conditions de travail de la salariée durant sa grossesse, l'attestation établie par Monsieur [O] est contredite par les attestations d'autres salariés, que le lien de subordination avec l'employeur ne saurait suffire à remettre en cause au vu, d'une part, de leur nombre et leur caractère convergent et, d'autre part, des photographies produites qui montrent qu'il était techniquement possible d'exercer différentes fonctions en position assise, particulièrement en ce qui concerne la gestion du robot. Les éléments allégués par la salariée ne sont pas matériellement établis.

En revanche, les pièces produites par la salariée démontrent que l'employeur ne lui a adressé ses bulletins de paie des mois d'avril à juin 2017 que par courrier du 20 juillet 2017, à sa demande, et que la salariée s'est vue verser tardivement ses indemnités journalières de sécurité sociale.

L'employeur ne conteste pas que la salariée ne s'est pas vu remettre ses documents de fin de contrat au moment de l'arrivée du terme de son contrat de travail.

Les éléments matériellement établis, pris en leur ensemble, survenus après l'annonce par la salariée de sa grossesse à l'employeur, laissent supposer l'existence d'une discrimination sur son état de grossesse.

Par conséquent, il appartient à l'employeur de prouver que l'ensemble des décisions contestées est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

S'il n'est pas établi que l'employeur a accompli en temps utile les diligences qui lui incombaient concernant les documents à adresser à la Cpam, les éléments qu'il verse aux débats démontrent que le retard d'indemnisation de la salariée s'intègre dans un contexte de grande complexité de la situation de l'intéressée, dans lequel les retards excèdent la seule responsabilité de l'employeur.

S'agissant de l'absence de transmission des documents de fin de contrat dénoncée par la salariée, et dont la cour rappelle le caractère quérable et non portable, les pièces produites par l'employeur démontrent que ceux-ci avaient été tenus à la disposition de la salariée.

Dans ce contexte, l'absence de remise spontanée par l'employeur des bulletins de paie se rapportant à la période postérieure à l'annonce de la grossesse de la salariée ne saurait suffire à caractériser une quelconque discrimination liée à l'état de grossesse de cette dernière.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute de ce chef de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination.

Sur la situation de harcèlement alléguée :

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du code du travail mentionne que, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, au soutien de ses allégations selon lesquelles elle fait l'objet d'un harcèlement moral au travail, la salariée fait état du non-paiement de primes, de l'absence de remise des chèques-cadeaux, de l'absence de paiement des heures d'ajustement et des heures supplémentaires, de l'absence de transmission des attestations à la CPAM par l'employeur et des remarques déplacées qui auraient été formulées concernant sa situation de grossesse par Madame [D].

Si la salariée fait par ailleurs état de faits qui auraient été subis par ses collègues, la cour relève que ces éléments ne sont pas de nature à caractériser la matérialité d'agissements concernant personnellement l'appelante et pouvant contribuer à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Par ailleurs, il a été montré que la matérialité de l'absence de paiement des heures d'ajustement n'était pas établie.

En outre, dans la mesure où la remise des chèques-cadeaux ne relevait pas des attributions de l'employeur mais de laboratoires de parapharmacie, aucun grief ne saurait être formulé à l'encontre de l'employeur de ce chef.

La matérialité des remarques déplacées qui auraient été formulées par Madame [D] concernant l'état de grossesse n'est pas établie, pour les raisons indiquées précédemment.

En revanche, il est établi que la salariée n'a pas été rémunérée au titre des heures supplémentaires majorées ainsi que de ses heures supplémentaires et qu'elle n'a pas bénéficié de la prime de rapidité de gestion de commandes.

Les éléments produits par la salariée laissent également apparaître qu'elle a été informée par la CPAM d'envois tardifs ou erronés d'attestations par son employeur.

La salariée verse aux débats deux certificats médicaux établis par le docteur [B] les 26 août et 2 septembre 2017 qui, indiquent, en substance, que la salariée l'a consulté à plusieurs reprises à compter du mois de mars 2017 pour des problèmes d'anxiété, de troubles du sommeil et de douleurs abdominales liés, selon elle, 'à des problèmes à son travail' et à 'un harcèlement moral sur son lieu de travail'.

Au vu de l'ensemble des éléments invoqués par la salariée en prenant en compte les documents médicaux produits, les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

En réponse, l'employeur fait valoir différents arguments, tels qu'il ont été précédemment énoncés.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le caractère tardif de l'indemnisation durant ses arrêts de travail pour maladie et son congé maternité ne saurait être reproché à l'employeur, celui-ci s'intégrant dans un contexte complexe de dysfonctionnement auquel ont contribué les différents protagonistes.

Par ailleurs, si le défaut de paiement des heures supplémentaires majorées par l'employeur justifie le versement d'un rappel de salaire par l'employeur, l'application erronée du texte conventionnel par l'employeur s'explique par les diverses interprétations susceptibles d'être données aux stipulations litigieuses.

De même, le défaut de versement de la prime de rapidité de gestion de commandes ne concernait pas spécifiquement l'appelante et procédait d'une décision s'appliquant à l'ensemble des apprentis.

Dans ce contexte, compte tenu de son ampleur limitée, l'absence de rémunération des heures supplémentaires accomplies par la salariée ne saurait, à elle seule, suffire à caractériser un harcèlement moral.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur la demande reconventionnelle au titre du trop-perçu :

Ainsi qu'il a été exposé précédemment, les décomptes établis par l'employeur sur la base des heures de service des clients ne sont pas de nature à établir les horaires de travail effectivement réalisés par la salariée.

De façon générale, l'employeur ne verse aucun élément justifiant du paiement indû d'heures de travail non réalisées.

L'employeur sera donc débouté de sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 162,22 euros au titre du salaire trop-perçu du fait d'absences injustifiées au centre de formation.

Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il déboute celui-ci de sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 166,27 euros au titre du salaire trop-perçu en raison de départs avant la fin de service, d'absences non récupérées et de temps de pause excédentaires, qui ne sont pas établis.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre du préjudice moral :

Indifféremment du caractère partiellement infondé de ses demandes, il ne saurait être fait grief à la salariée d'avoir exercé une action en justice afin de revendiquer ses droits.

La cour ne relève aucun élément caractérisant un abus en l'espèce.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute la société de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal sur les sommes susvisées seront dus dans les conditions précisées au dispositif.

L'employeur, qui succombe partiellement, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Il sera condamné à payer à la salariée la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d'appel, en sus de la somme de 1 000 euros allouée par le conseil de prud'hommes pour les frais irrépétibles exposés en première instance.

Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt, le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 6 juin 2019 par le conseil de prud'hommes de Versailles, sauf en ce qu'il condamne la société [D] devenue la société Pharmacie Grand Plaisir à payer à Madame [G] [R] épouse [X] une somme de 67,50 euros au titre des chèques-cadeaux et en ce qu'il déboute Madame [G] [R] épouse [X] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des heures supplémentaires majorées ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société Pharmacie Grand Plaisir à payer à Madame [G] [R] épouse [X] les sommes suivantes :

- 96,78 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- 35,28 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires majorées ;

- 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d'appel ;

Dit que les intérêts au taux légal sont dus sur les créances salariales à compter du 16 octobre 2017, date de la présentation à l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Pharmacie Grand Plaisir aux dépens de première instance et d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 19/02765
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;19.02765 ?
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