COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 72A
4e chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 OCTOBRE 2022
N° RG 22/03153 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VFZH
AFFAIRE :
[P] [X]
C/
S.D.C. DU [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice la société PONTOISE IMMOBILIER GESTION ET SERVICES
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 20 Avril 2022 par le Conseiller de la mise en état de VERSAILLES
N° Chambre : 4
N° Section :
N° RG : 21/04390
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Sandrine MAIRESSE
Me Bruno ADANI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [P] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Sandrine MAIRESSE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 164
APPELANTE
****************
S.D.C. DU [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice la société PONTOISE IMMOBILIER GESTION ET SERVICES, dont le siège social est sis [Adresse 3]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Bruno ADANI de la SELARL ADANI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 183
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente et Madame Pascale CARIOU, conseiller chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Sévérine ROMI, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI,
***
Par ordonnance du 20 avril 2022, le conseiller de la mise en état près la cour d'appel de Versailles a :
- Prononcé la caducité de l'appel interjeté par Mme [X] à l'encontre du jugement rendu le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Pontoise ;
- Condamné Mme [X] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme [X] aux dépens.
Par requête du 5 mai 2022, Mme [X] a déféré cette ordonnance à la cour, lui demande de l'infirmer et de déclarer son appel et ses conclusions recevables. Elle sollicite en outre la condamnation du syndicat des copropriétaires aux dépens dont distraction.
Par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 septembre 2022, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de confirmer l'ordonnance déférée, de condamner Mme [X] à lui payer une somme de 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens en ce compris le timbre fiscal de 225 euros.
L'affaire, appelée à l'audience du 7 septembre 2022, a été renvoyée pour permettre à Mme [X] de répliquer au syndicat des copropriétaires, lequel avait conclu le jour même.
Il avait été indiqué au conseil de Mme [X] que les conclusions en réplique devraient être notifiées au plus tard le 14 septembre.
Mme [X] a régularisé des écritures aux fins d'irrecevabilité à agir du syndicat et en déféré le 21 septembre, jour de l'audience de renvoi.
La demande d'un nouveau renvoi de la part du syndicat des copropriétaires a été rejetée, mais les parties ont été autorisées à produire en délibéré une note sur cette difficulté.
Cependant, aucune des parties n'a produit de note en délibéré.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision et aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige.
SUR CE LA COUR
Sur les conclusions notifiées par Mme [X]
Le renvoi avait été accordé à Mme [X] à l'audience du 7 septembre 2022 afin de lui permettre de répliquer au syndicat des copropriétaires, au plus tard le 14 septembre.
Néanmoins, Mme [X] n'a conclu que le 21 septembre, jour de l'audience, privant le syndicat de la possibilité de répliquer et de surcroît au mépris du calendrier fixé par la cour.
C'est en vain que Mme [X] fait valoir qu'elle n'a été informée que très récemment de l'expiration du mandat de syndic au 26 août 2022.
En effet, d'une part elle ne justifie pas de la date à laquelle elle a eu cette information.
D'autre part, elle était tenue de conclure au plus tard le 14 septembre 2022, ce qu'elle n'a pas fait, l'information supposée tardive de l'expiration du mandat du syndic ne constituant en aucune façon un empêchement de conclure sur le déféré en réplique aux conclusions du syndicat en respectant les délais impartis.
Les conclusions déposées le 21 septembre 2022 par Mme [X], qui ne permettent pas le respect du principe du contradictoire et qui ne respectent pas les délais imposés par la cour doivent être écartées des débats.
En tout état de cause, Mme [X] ne verse aucun document de nature à démontrer que le mandat du syndic est parvenu à expiration, tel le procès-verbal de l'assemblée générale au cours de laquelle ce dernier a été désigné.
Sur la recevabilité de la déclaration d'appel
En application de l'article 908 du code de procédure civile, ' A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe '.
Mme [X] ayant interjeté appel du jugement entrepris le 8 juillet 2021, elle disposait d'un délai expirant le 9 octobre à 00H pour conclure.
Il est constant que ses conclusions ont été notifiées par RPVA le 9 octobre 2021 à 00h56.
Par l'ordonnance déférée, le conseiller de la mise en état a considéré que Mme [X] ne démontrait pas que les difficultés informatiques dont elle faisait état n'étaient pas imputables à son propre réseau informatique, ni que ces difficultés étaient insurmontables.
Il a donc été considéré que la condition de force majeure, requise par l'article 910-3 du code de procédure civile pour écarter la sanction de la caducité de l'appel en cas de non respect du délai de trois mois n'était pas remplie.
Mme [X] reprend dans sa requête initiale aux fins de déféré les mêmes arguments que ceux avancés devant le conseiller de la mise en état à savoir l'impossibilité d'accéder à ' e-barreau ' le 8 octobre au soir notamment à 23h18, 23h27, 23h36, 23h56 et produit à cet effet des copies de capture d'écran.
Elle soutient que sa connexion internet fonctionnait, que le dysfonctionnement lui était extérieur et constituait pour elle un événement imprévisible et irrésistible.
Le syndicat des copropriétaires rétorque qu'on ne peut déduire des captures d'écran une impossibilité de communiquer avec les juridictions et soutient qu'au contraire les rapports d'incident démontrent que les difficultés de connexion sont liées au système informatique de Mme [X]. Il ajoute que l'impossibilité d'accéder à ' e-barreau' entre 00h et 01h30 est imputable aux opérations de maintenance quotidiennes et qu'elle était parfaitement prévisible.
Il ressort toutefois des éléments du dossier qu'il est impossible de déterminer l'origine des difficultés de connexion avec ' e-barreau' le soir du 8 octobre 2021. Chaque partie tire en effet des pièces produites des conséquences opposées et incompatibles.
Ces pièces ne démontrent avec la certitude requise ni qu'elles sont imputables au service informatique du conseil de Mme [X], ni au contraire qu'elles proviennent d'un dysfonctionnement de ' e-barreau'.
Par ailleurs, les conclusions ont été notifiées à 00h56, soit moins d'une heure après l'expiration du délai.
Sanctionner par la caducité de l'appel un retard de 56 minutes dans la notification des premières conclusions d'appelant constituerait une sanction manifestement disproportionnée, remettant en cause le droit du justiciable à un second procès alors que dans le même temps, ce retard minime n'a eu pour l'intimé aucune conséquence et ne remet pas en cause le principe essentiel du droit à un procès équitable.
A cet égard, dans un arrêt du 9 juin 2022 Xavier Lucas c/ France, la CEDH rappelle que
' Le droit d'accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire »'.
Selon la Cour européenne, si le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, ' ces limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6 § 1 que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé '
La cour rappelle également que ' les tribunaux doivent éviter, dans l'application des règles de procédure, un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité du procès '.
Si le cas soumis à la CEDH ne portait pas sur le respect des délais dits Magendie, il n'en demeure pas moins que les principes rappelés dans cette décision trouvent à s'appliquer, compte tenu du caractère disproportionné de la sanction de la caducité de l'appel par rapport au degré de violation de la règle légale.
Dans ces conditions, il convient d'infirmer l'ordonnance déférée et de déclarer recevable l'appel interjeté par Mme [X] à l'encontre du jugement rendu entre les parties le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Pontoise .
Sur les autres demandes
Au vu du sens de l'arrêt, l'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a condamné Mme [X] aux dépens et à payer au syndicat des copropriétaires une indemnité de procédure.
Le syndicat des copropriétaires, partie perdante, supportera les dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure.
L'équité ne commande pas de faire droit à la demande d'indemnité de procédure de Mme [X].
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Ecarte des débats les conclusions notifiées par Mme [X] le 21 septembre 2022 ;
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'appel interjeté par Mme [X] à l'encontre du jugement rendu entre les parties le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Pontoise ;
Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] aux dépens et rejette toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président, et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,