COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 34C
DU 25 OCTOBRE 2022
N° RG 21/01283
N° Portalis DBV3-V-B7F-ULAC
AFFAIRE :
[D], [H], [J] [P] veuve [Z]
C/
[G] [Z] épouse [U] [O]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 18/07849
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Asma MZE, avocat
-l'AARPI JRF AVOCATS,
-la SELARL DOUCHET-DE LAVENNE-ASSOCIES,
-Me Barthélemy LACAN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [D], [H], [J] [P] veuve [Z]
née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 12]
de nationalité Française
Farm Wegdraai 179
BETHANIE - NAMIBIE
représentée par Me Asma MZE, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2100701
Me Anne-Sophie HETET, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : P0220
APPELANTE
****************
Madame [G] [Z] épouse [U] [O]
née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 9]
représentée par Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20210211
Me Anne-Sarah HOZÉ substituant Me Vincent CANU, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : E0869
Monsieur [L] [C] [N] [V]-[Y]
né le [Date naissance 6] 1965 à [Localité 13] (PAYS BAS)
de nationalité Néerlandaise
et
Madame [X], [I], [A] [K] épouse [V]-[Y]
née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 14]
de nationalité Française
demeurant tous deux [Adresse 4]
[Localité 9]
représentés par Me Gwendoline RICHARD de la SELARL DOUCHET-DE LAVENNE-ASSOCIES, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 121 - N° du dossier POSTULAT
Me Rémi CHEROUX, avocat - barreau de PARIS
S.C.P. LODIER-[F], titulaire d'un office notarial, représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège.
N° SIRET : 319 814 356
[Adresse 8]
[Localité 10]
représentée par Me Barthélemy LACAN, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : E0435
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente et Madame Nathalie LAUER, Conseiller, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
*****************************
FAITS ET PROCÉDURE
Les parties et leurs relations
En 1962, [T] [Z] et deux autres membres de sa famille constituaient une société, dite Des constructeurs, initialement sous la forme d'une société anonyme, avant de devenir une société à responsabilité limitée puis de prendre le forme d'une société civile immobilière (ci-après, la Sci), en 1972. [T] [Z] en était le gérant. Cette société possède, en bien principal, un immeuble sis au [Adresse 4]). Dans le cadre de cette Sci, l'affectation des parts sociales à des lots figure dans un tableau de correspondance annexé à un règlement de copropriété, édicté le 23 novembre 1965, permettant aux titulaires des parts de se faire attribuer le lot correspondant, en propriété ou en jouissance.
Par deux actes des 16 janvier 1974 et 14 avril 1980, [T] [Z] et son épouse, Mme [S] [Y] ont conjointement consenti une donation-partage des parts de la Sci Des constructeurs à leurs trois enfants, Mme [G] [Z], [M] et [B] [Z].
[M] et [B] [Z] sont accidentellement décédés le [Date décès 7] 1995.
[M] [Z] laissait pour unique ayant droit successoral son épouse, Mme [D] veuve [Z], donataire de la pleine propriété de tous biens meubles et immeubles composant la succession.
Au décès de ses deux fils, [T] [Z] renonçait à l'exercice de son droit de retour sur les donations partages consenties.
[T] [Z] est décédé le [Date décès 5] 2008 laissant pour lui succéder :
- son épouse, Mme [Y],
- sa fille, Mme [G] [Z], issue de son union en premières noces,
- ses deux petits enfants, M. [W] [Z] et [R] [Z] (mineure), venant en représentation de leur père pré-décédé, [B] [Z].
Par une assemblée générale du 11 septembre 2008, les associés de la Sci Des constructeurs désignaient comme cogérantes de celle-ci, Mmes [G] et [D] [Z].
En 2011, Mme [G] [Z] souhaitant vendre l'appartement correspondant aux parts sociales de la Sci Des constructeurs dont elle était titulaire, convoquait les associés de la Sci à une assemblée générale fixée au 21 septembre 2011.
La convocation à l'assemblée générale du 2l septembre 2011 était dressée par M. [F], ès qualités, notaire au sein de la société civile professionnelle (ci après, Sep) Lodier et [F] et ce, en vue de permettre le retrait partiel de Mme [G] [Z], l'attribution de l'appartement en pleine propriété à celle-ci application de l'article L. 212 9 du code de la construction et de l'habitation, la constatation de l'achèvement de l'immeuble social, la constatation de la conformité de l'immeuble social avec l'état descriptif de division et de voir approuver les comptes définitifs de l'opération de construction.
Dans le cadre de ses diligences, M. [F], ès qualités, notaire, retenait l'application du régime de société civile d'attribution au profit de la Sci Des constructeurs et ce, afin d'assurer le retrait partiel de Mme [G] [Z].
Par un acte du 22 février 2021 dressé par M. [F] et publié au 8ème bureau des hypothèques de Paris, le retrait partiel de Mme [G] [Z] de la Sci Des constructeurs était opéré ainsi que l'attribution de l'appartement en pleine propriété à celle-ci et en vue de la vente dudit appartement à M. et Mme [V] [Y].
Mme [G] [Z] procédait à la vente de l'appartement dont elle était devenue propriétaire au profit de M. et Mme [V] [Y] et, le 30 mars 2012, M. [L] [V], fils de Mme [Y] veuve [Z], informait Mme [D] [Z] de l'acquisition par ses soins, de l'appartement sis au 5ème étage de la copropriété et de la cave afférente et procédait à des travaux au sein dudit appartement.
Les litiges opposant les parties
En juillet 2012, M. [W] [Z] et Mme [R] [Z] assignaient Mme [D] veuve [Z], Mme [G] [Z] et Mme [Y] aux fins d'ordonner l'ouverture des opérations de liquidation partage de la succession de leur grand père.
Le 26 juillet 2012, Mme [D] veuve [Z] saisissait, par citation directe, le tribunal correctionnel de Paris afin de voir déclarer Mme [G] [Z] coupable notamment d'escroquerie de complicité de faux en écritures publiques, et d'usage de faux, la SCP Lodier-[F] en qualité de rédacteur des actes coupable de complicité de ces délits, d'être déclarée recevable en sa constitution de partie civile, d'être indemnisée, et, en outre, de voir annuler les différentes décisions prises pendant et postérieurement à l'assemblée générale du 2l septembre 2011 et de voir la responsabilité de la SCP Lodier et Bornet engagée.
Parallèlement à cette procédure, Mme [D] veuve [Z] faisait assigner, le 1er août 2013, M. et Mme [V] [Y], Mme [G] [Z] et la SCP Lodier-[F] devant le tribunal de grande instance de Nanterre, procédure enregistrée sous le n°17/09500, aux fins de notamment contester la qualification de société civile d'attribution de la Sci et les différentes décisions prises pendant et postérieurement à l'assemblée générale du 21 septembre 2011.
Par une ordonnance du 13 mars 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre prononçait un sursis à statuer dans l'attente de la décision parisienne concernant le partage judiciaire successoral avant d'ordonner, le 10 avril 2014, la radiation de l'affaire.
Par un jugement du 2 mai 2014, le tribunal de grande instance de Paris déterminait l'étendue des droits de Mme [D] veuve [Z] dans la Sci Des constructeurs notamment en :
- déclarant la demande en partage recevable,
- ordonnant le partage judiciaire de la succession de [T] [Z],
- requalifiant la demande de Mme [D] veuve [Z] tendant à la déclarer bénéficiaire de parts sociales en demande en revendication de parts sociales,
- constatant que Mme [D] veuve [Z] est propriétaire ou usufruitière des parts de la Sci Des constructeurs par l'effet d'une donation que lui avait consentie son époux.
Les prises de participation au sein de la Sci Des constructeurs représentaient ainsi respectivement 93 parts en toute propriété et 133 parts en nue propriété au profit de Mme [D] veuve [Z] et de Mme [G] [Z] (chacune), le surplus étant entre l'indivision, à savoir :
- M. [W] [Z] et [R] [Z] (226 parts en pleine propriété),
- Mme [Y] (235 parts en pleine propriété).
Le l0 octobre 2017, Mme [D] veuve [Z] communiquait au tribunal de grande instance de Nanterre le jugement rendu le 2 mai 2014 par le tribunal de grande instance de Paris ainsi que des conclusions aux fins de rétablissement au rôle, et le 12 avril 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre rendait une ordonnance de mise en état constatant la péremption d'instance dans l'affaire enregistrée sous le numéro 17/09500.
C'est dans ces conditions que par actes des 19 et 24 juillet 2018, Mme [D] veuve [Z] faisait assigner Mme [G] [Z], M. et Mme [V]-[Y] ainsi que la SCP Lodier-[F] devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
Par jugement contradictoire rendu le 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [D] veuve [Z] contre Mme [G] [Z], M. et Mme [V] [Y] et contre la SCP Lodier et Bornet,
- Condamné Mme [D] veuve [Z] à payer à Mme [G] [Z] la somme de 2.000 euros et à M. et Mme [V] [Y] la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,
- Rejeté la demande de Mme [D] veuve [Z] au titre des frais irrépétibles,
- Condamné Mme [D] veuve [Z] à payer à Mme [G] [Z] d'une part, à M. et Mme [V] [Y] d'autre part, et, par ailleurs, à la Scp Lodier et Bornet la somme de 4.000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné Mme [D] veuve [Z] à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront directement recouvrés par M. Lacan, ès qualités, avocat, pour la part lui revenant,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Pour statuer ainsi, le tribunal a rappelé en préambule que Mme [D] veuve [Z], n'ayant pas pris d'autres écritures depuis son exploit introductif d'instance de juillet 2018, elle n'avait pas formulé devant le tribunal ses moyens destinés à répliquer à la fin de non-recevoir qui lui était opposée par des conclusions au sens de l'article 753 du code de procédure civile et que ne pouvaient venir suppléer ses écritures signifiées le 7 mai 2019 ayant saisi le juge de la mise en état, et lui seul, en application de l'article 772-1 du même code.
Pour autant, et dès lors que Mme [D] veuve [Z] poursuivait l'instance engagée sans acquiescer à ladite fin de non-recevoir, le tribunal a décidé de répondre à ces moyens dans le cadre de l'appréciation du bien-fondé de celle-ci.
Sur la prescription, le jugement a fait application des dispositions de l'article 1844-14 du code civil puisqu'il lui était demandé de statuer sur des demandes de nullité d'actes et de délibérations postérieurs à la constitution de la société qui se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue.
Il a par ailleurs constaté l'absence d'actes interruptifs de prescription au sens des articles 2241, 2242 et 2243 du code civil dès lors que l'effet interruptif de prescription attaché à l'action engagée par Mme [D] veuve [Z] le 1er août 2013 avait pris fin à l'extinction de cette instance jugée périmée par ordonnance du 12 avril 2018 du juge de la mise en état revêtue de l'autorité de chose jugée.
Pour juger prescrite l'action engagée contre la SCP Lodier et Bornet, le jugement a fait application de l'article 2224 du code civil, le point de départ de l'action étant la connaissance des actes par Mme [D] veuve [Z], soit le 30 mars 2012 et tenu le même raisonnement sur le caractère non avenu de l'effet interruptif de la première instance également diligentée à l'encontre du notaire.
Mme [D] veuve [Z] a interjeté appel de ce jugement le 25 février 2021 à l'encontre de Mme [G] [Z], M. et Mme [V]-[Y] et de la société Lodier et [F].
Par dernières conclusions au fond notifiées le 30 septembre 2021 , Mme [D] veuve [Z] demande à la cour de :
Vu l'article 4 du code de procédure civile,
Vu l'article 5 du code de procédure civile,
Vu l'article 12 du code de procédure civile,
Vu l'article 64 du code de procédure civile,
Vu l'article 70 du code de procédure civile,
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Vu l'article 564 du code de procédure civile
Vu l'article 567 du code de procédure civile,
Vu l'article 789, 6 du code de procédure civile,
Vu l'ancien article 1304 du code civil,
Vu l'article 1128 du code civil,
Vu les articles 1832 et suivants du code civil,
Vu les articles 1843 et suivants du code civil,
Vu les articles 1844 et suivants du code civil,
Vu l'article 1869 alinéa 1 du code civil,
Vu l'article 1690 du code civil,
Vu l'article 2224 du code civil,
Vu l'article 2227 du code civil,
Vu l'article 2237 du code civil,
Vu les articles 2240 et suivants du code civil,
Vu l'article L212 1 du code de la construction et de l'habitation,
Vu l'article L212 9 du code de la construction et de l'habitation,
Vu l'article L 212 13 du code de la construction et de l'habitation,
Vu les jurisprudences,
Vu les éléments versés aux débats,
- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 12 novembre 2020 en ce qu'il :
* Déclare irrecevable comme prescrite l'action de Mme [D] veuve [Z] contre Mme [G] [Z], M. et Mme [V]-[Y] et contre la société Lodier et [F],
* Condamne Mme [D] veuve [Z] à payer à Mme [G] [Z] la somme de 2.000 euros et à M. et Mme [V]-[Y] la somme 5.000 euros de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,
* Rejette la demande de Mme [D] veuve [Z] au titre des frais irrépétibles,
* Condamne Mme [D] veuve [Z] à payer à Mme [G] [Z] d'une part, à M. et Mme [V]-[Y] d'autre part, et, par ailleurs, à la société Lodier et [F] la somme 4.000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* Condamne Mme [D] veuve [Z] à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront directement recouvrés par Maître Lacan Barthélémy pour la part lui revenant,
* Ordonne l'exécution provisoire du jugement.
Et statuant de nouveau de :
In limine litis,
- Déclarer Mme [D] veuve [Z] recevable et bien fondée,
- Déclarer recevable toutes ses prétentions.
A titre principal :
- Déclarer non prescrite l'action de Mme [D] veuve [Z] à l'égard de Mme [G] [Z], de M. et Mme [V]-[Y] et de la société Lodier et [F],
- Juger que Mme [D] veuve [Z] a qualité et intérêt à agir.
A titre subsidiaire :
- Juger que l'action en nullité n'est pas éteinte, compte tenu de l'illicéité de l'objet social.
A titre très subsidiaire :
- Juger qu'il y a exception de nullité.
A titre extrêmement subsidiaire :
- Juger que les clauses statutaires sont réputées non écrites et par conséquent non soumises à la prescription quinquennale.
En tout état de cause :
- Déclarer non prescrite l'action en responsabilité contre Mme [G] [Z].
Sur le fond,
- Juger que la SCI Des constructeurs revêt la qualité de société civile de droit commun,
Par conséquent,
A titre principal :
- Prononcer la nullité des actes suivants pris illégalement :
* l'acte de vente de l'appartement situé au 5ème étage gauche de la copropriété du [Adresse 4] et de la cave afférente, conclu entre Mme [G] [Z] et M. et Mme [V]-[Y],
* l'expédition notariée du procès verbal d'assemblée générale du 21 septembre 2011,
* l'acte authentique de retrait partiel de Mme [G] [Z] en date du 22 février 2012,
* les statuts modifiés de la SCI en date du 22 février 2012,
* l'avis de nantissement des parts sociales du 08 mars 2012.
- Juger que cette nullité est opposable à M. et Mme [V]-[Y] ainsi qu'à toute autre personne.
- Prononcer la nullité des actes ultérieurs suivants :
* l'acte de partage du 18 juin 2018 et des statuts mis à jour, déposés au greffe du tribunal de commerce de Paris le 26 décembre 2018.
- Juger que cette nullité est opposable à M. et Mme [V]-[Y] ainsi qu'à toute autre personne.
A titre subsidiaire :
- Juger que ces actes sont réputés non écrits.
En tout état de cause :
- Juger que la société Lodier et [F] a engagé sa responsabilité professionnelle en régularisant lesdits actes,
- Juger que Mme [G] [Z] a engagé sa responsabilité en qualité de gérante et associée,
- Juger que Mme [G] [Z] et M. et Mme [V]-[Y] ont agi de manière concertée au détriment des intérêts de la SCI Des constructeurs et de leur associée et co-gérante Mme [D] veuve [Z],
Par conséquent,
- Condamner in solidum la société Lodier et [F], Mme [G] [Z] ainsi que M. et Mme [V]-[Y] à verser à Mme [D] veuve [Z] la somme de 1. 500.000 euros en réparation de son préjudice matériel, sur le fondement de leur responsabilité.
- Condamner in solidum la société Lodier et [F], Mme [G] [Z] ainsi que M. et Mme [V]-[Y] à verser la somme de 30. 000 euros à Mme [D] veuve [Z] en réparation de son préjudice moral,
- Condamner in solidum la société Lodier et [F], Mme [G] [Z] ainsi que M. et Mme [V]-[Y] à indemniser la SCI Des constructeurs à la somme de 987.000 euros au titre du nantissement effectué sur la société, à défaut de nullité de l'avis de nantissement des parts sociales du 08 mars 2012,
- Débouter la société Lodier et [F], Mme [G] [Z] ainsi que M. et Mme [V]-[Y] de toutes leurs demandes.
Subsidiairement,
- Condamner Mme [G] [Z] à régler la somme de 370 897 euros à Mme [D] veuve [Z], correspondant à la distribution du prix de la vente aux associés en fonction de leur nombre de parts au sein de la société Des constructeurs.
En tout état de cause et y ajoutant,
- Condamner in solidum la société Lodier et [F], Mme [G] [Z] ainsi que M. et Mme [V]-[Y] à verser la somme de 15.000 euros à Mme [D] veuve [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Les condamner in solidum aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 29 juillet 2022, Mme [G] [Z] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.
Et y ajoutant :
- Condamner Mme [D] veuve [Z] à payer à Mme [G] [Z] les sommes de :
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
* 10.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.
- Réparer l'omission de statuer sur les demandes formulées par Mme [G] [Z] par devant le conseiller de la mise en état et :
- Condamner Mme [D] veuve [Z] à payer à Mme [G] [Z] les sommes de :
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
* 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile.
- Condamner Mme [D] veuve [Z] à supporter les entiers dépens d'appel dont le recouvrement sera effectué, pour ceux la concernant, par la société JRF & Associés représentée par Mme [E], ès qualités, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 20 juin 2022, M. et Mme [V]-[Y] demandent à la cour de :
Vu l'article 1844 14 du code civil,
Vu l'article 389 du code de procédure civile,
Vu l'article 1844 10 du code civil,
Vu l'article 1844 13 du code civil,
Vu l'article 1844 16 du code civil,
Vu les articles L.212 1 et suivants du code de la construction et de l'habitation,
Vu les articles 1845 et suivants du code civil,
Vu l'article 564 du code de procédure civile,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu l'article 559 du code de procédure civile,
A titre principal,
- Déclarer irrecevables l'ensemble des demandes de Mme [D] veuve [Z],
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 12 novembre 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné Mme [D] veuve [Z] à verser la somme de 5.000 euros à M. et Mme [V] [Y] au titre de la procédure abusive.
Statuant à nouveau :
- Condamner Mme [D] veuve [Z] à verser à M. et Mme [V] [Y] la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil au titre de la procédure abusive initiée en première instance par Mme [D] veuve [Z],
Et y ajoutant :
- Condamner Mme [D] veuve [Z] à amende civile de 10.000 euros au titre de l'article 559 du code de procédure civile,
- Condamner Mme [D] veuve [Z] à verser à M. et Mme [V] [Y] la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil au titre de la procédure d'appel abusive.
A titre subsidiaire,
(Dans l'hypothèse où les demandes de Mme [D] veuve [Z] ne seraient pas jugées prescrites),
- Dire Mme [D] veuve [Z] mal fondée à solliciter la nullité de l'assemblée générale du 21 septembre 2011,
- Constater la régularité du procès verbal de l'assemblée générale du 21 septembre 2011,
- Constater la régularité de l'acte de retrait partiel du 22 février 2012,
- Constater la juste soumission de la SCI des constructeurs au régime des sociétés civiles d'attribution,
- Débouter Mme [D] veuve [Z] de l'ensemble de ses prétentions.
A titre infiniment subsidiaire,
(Dans l'hypothèse extraordinaire où la nullité de l'assemblée générale du 21 septembre 2011 et du retrait partiel du 22 février 2012 serait prononcée),
- Constater la validité de la vente de l'appartement du cinquième étage de l'immeuble situé au [Adresse 4] et de la cave afférente,
Le cas échéant, accorder des délais pour que la situation puisse être régularisée,
- Dire que la SCP Lodier [F] devra relever indemnes M. et Mme [V] [Y] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre.
En tout état de cause,
- Débouter Mme [D] veuve [Z] de ses demandes en condamnation à verser des dommages et intérêts,
- Condamner Mme [D] veuve [Z] au versement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Mme [D] veuve [Z] aux entiers dépens.
Par d'uniques conclusions au fond notifiées le 22 août 2021, la société Lodier et [F] demande à la cour de :
Principalement,
Confirmant le jugement entrepris,
Vu les articles 2224 et suivants du code civil,
- Déclarer irrecevable comme prescrite Mme [D] veuve [Z] en ses demandes dirigées contre la société Lodier et [F] et l'en débouter.
Y ajoutant,
- Condamner Mme [D] veuve [Z] à payer à la société Lodier et [F] la somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts pour appel abusif et l'en débouter.
Subsidiairement au fond,
- Dire mal fondée Mme [D] veuve [Z] en l'ensemble de ses demandes et l'en débouter.
En tous les cas,
- Dire sans objet les demandes subsidiaires en garantie que certaines parties ont formées contre la société Lodier et [F].
Y ajoutant,
- Condamner Mme [D] veuve [Z] à payer à la société Lodier et [F] la somme de 8.000 euros au titre de sur l'article 700 code de procédure civile,
- Condamner Mme [D] [Z] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, et dire que M. Lacan, ès qualités, avocat, pourra, en application de l'article 699 code de procédure civile, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.
SUR CE, LA COUR,
Les limites de l'appel
Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges. Il y a lieu toutefois de souligner que Mme [D] veuve [Z] ne conteste pas les motifs du jugement aux termes desquels celui-ci a retenu l'absence d'acte interruptif de prescription mais déploie de nouveaux moyens destinés à contredire la prescription qui lui est opposée.
La prescription des demandes de Mme [D] veuve [Z]
Mme [D] veuve [Z] poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé son action prescrite.
Elle affirme en premier lieu que la SCI des constructeurs a toujours été depuis sa création en 1972 une société civile de droit commun, les statuts précisant qu'elle était soumise aux articles 1832 et suivants du code civil. Elle se prévaut de différents actes qui, selon elle, sont de nature à démontrer que la SCI des constructeurs est une SCI de droit commun.
Elle indique que dans le dispositif de sa première assignation du 1er août 2013, sa première demande adressée au tribunal de grande instance de Nanterre était de dire et juger que la SCI des constructeurs revêtait la qualité de société civile de droit commun. Elle en déduit que cette demande n'était donc pas soumise à la prescription triennale.
Elle prétend que les premiers juges dans le cadre de cette première instance, n'ont jamais répondu à cette demande mais imposé un sursis à statuer avant de prononcer la radiation de l'affaire. Elle en déduit que son assignation, délivrée les 19 et 24 juillet 2018 dans le cadre de la présente instance, n'a fait que réitérer cette demande. Elle se dit par conséquent victime d'un déni de justice du fait de la prescription retenue à l'encontre de ses présentes demandes.
Elle soutient que les premiers juges ont statué infra petita en omettant de statuer sur la nature de la SCI qui constituait selon elle une véritable prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile et non un moyen ; que cette demande lui confère un droit puisqu'elle est associée de la SCI des constructeurs détenant ce bien immobilier ; que cette demande concerne même l'ordre public puisque les dispositions de la société civile d'attribution relèvent de l'ordre public ; que, par application de l'article 12 du code de procédure civile, le juge aurait donc dû soulever d'office ce moyen ; que la fin de non-recevoir aurait dû être soulevée dès le stade de la mise en état comme l'impose l'article 789-6°) du code de procédure civile.
Elle invoque l'article 1844-11 du code civil pour conclure que l'action en nullité n'est pas éteinte dès lors que cette nullité repose sur l'illicéité de l'objet social, les parties adverses ayant décidé d'appliquer le statut de la SCI d'attribution au lieu du statut de la SCI de droit commun après 40 ans de fonctionnement.
Elle prétend que le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 2 mai 2014, définitif le 23 décembre 2015 a interrompu la prescription puisqu'il a jugé qu'elle était propriétaire en vertu de la donation de son époux.
Elle considère que le tribunal judiciaire de Nanterre a commis un excès de pouvoir en retenant la prescription, cela à l'encontre d'un arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2012 qui juge qu'une cour d'appel qui constate la péremption de l'instance dont elle est saisie excède ses pouvoirs en déclarant ensuite l'action prescrite.
Elle affirme que les parties adverses ont reconnu son droit contre lequel elles prescrivaient puisqu'elles ont demandé, à l'occasion de la première assignation du 1er août 2013, au tribunal de grande instance de Nanterre de surseoir à statuer au motif que sa qualité à agir dépendait directement du résultat de la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Paris et ont finalement acquiescé au jugement rendu par cette juridiction.
Pour soutenir que la prescription ne court pas ou est suspendue, elle invoque l'article 2237 du code civil au motif que les statuts de la SCI des constructeurs du 22 février 2012 indiquent que les parts sociales appartiennent à la succession de [T] [Z].
Elle se fonde aussi sur la prescription trentenaire de l'article 2227 du code civil puisque l'objet du litige porte sur la vente d'un bien immobilier de Mme [G] [Z].
Elle soutient encore que Mme [G] [Z], en sa qualité de cogérante de la SCI des constructeurs, a engagé sa responsabilité puisqu'elle n'a pas inséré les mentions obligatoires dans les statuts pour revendiquer l'application du régime de la société civile d'attribution et que cette action se prescrit par 10 ans en vertu de l'article 1840 du code civil.
Elle ajoute que ce n'est qu'à partir du 23 décembre 2015, où le jugement du tribunal de grande instance de Paris est devenu définitif, qu'elle pouvait demander au juge de juger que la SCI des constructeurs était une société de droit commun et d'annuler la vente du bien immobilier et les procès-verbaux. Or, elle rappelle à cet égard, qu'en vertu de la jurisprudence constante, la prescription ne purge pas l'acte du vice dont il est entaché de sorte que la nullité peut être invoquée par voie d'exception sans limite dans le temps.
Elle affirme enfin qu'en réalité c'est elle qui soulève la prescription de demandes en défense dès lors que la SCI des constructeurs a toujours été une société de droit commun depuis sa création en 1972 de sorte que les parties adverses ne peuvent soutenir la régularité des actes qu'ils ont établis sur le fondement de la SCI d'attribution.
M. et Mme [V] [Y] concluent à la confirmation du jugement sur ce point dont ils s'approprient les motifs. Ils rappellent en préambule que Mme [D] veuve [Z] n'avait jamais contesté la nature de SCI d'attribution de la SCI des constructeurs. Ils répondent par ailleurs aux moyens développés par l'appelante de la manière suivante :
- la demande visant à faire juger que la SCI des constructeurs revêtait la qualité de société civile de droit commun n'est pas une prétention en tant que telle devant être tranchée par le juge mais un moyen au soutien de la véritable prétention de Mme [D] veuve [Z] qui consiste à demander l'annulation du retrait partiel de Mme [G] [Z] de la SCI des constructeurs ainsi que tous les actes subséquents,
- admettre la solution inverse reviendrait à considérer qu'aucune demande ne peut jamais être prescrite à partir du moment où le moyen qui la sous-tend serait imprescriptible car ne constituant pas une action en tant que telle, ce qui serait bien sûr illogique et contraire aux règles relatives au mécanisme de la prescription,
- l'article 1844-11 du code civil est inapplicable dans la mesure où l'objet social de la SCI des constructeurs n'est nullement illicite,
- on peine à comprendre en quoi la nature de la SCI ferait obstacle à l'acquisition de la prescription triennale,
- le jugement du tribunal de grande instance de Paris est sans incidence sur la question de la régularité du retrait partiel de Mme [G] [Z] de la SCI ainsi que des actes subséquents et ne peut être constitutif d'un événement interrompant la prescription dans la mesure où l'action de Mme [D] veuve [Z] n'est pas liée au nombre de parts sociales qu'elle détient dans la SCI, son action contre les actes pris par cette société étant en principe recevable au fond à partir du moment où elle est associée quel que soit le nombre de parts sociales détenues,
Le sursis à statuer n'a aucunement eu pour effet de lier les deux instances et d'accorder un effet interruptif de prescription en dehors de tout régime légal ou jurisprudentiel au jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris.
Ce jugement n'a aucun lien avec le préjudice allégué, au demeurant inexistant, par Mme [D] veuve [Z], de sorte que l'arrêt du 9 septembre 2020 de la première chambre civile de la Cour de cassation cité par Mme [D] veuve [Z] est inapplicable au cas présent,
Les premiers juges n'ont commis aucun excès de pouvoir dès lors que l'arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2012 n'est aucunement transposable au cas d'espèce puisqu'il concerne une seule et même instance.
Étant rappelé qu'ils ne sont pas héritiers de [T] [Z], ils n'étaient pas parties à l'affaire ayant donné lieu au jugement du tribunal de grande instance de Paris si bien qu'ils n'ont pu reconnaître quoi que ce soit au profit de Mme [D] veuve [Z].
La reconnaissance de la qualité d'associée de Mme [D] veuve [Z] ne saurait valoir reconnaissance du bien-fondé de sa demande de nullité du retrait partiel de Mme [G] [Z] de la SCI des constructeurs.
Mme [D] veuve [Z] n'est pas héritière de [T] [Z] et ne fait pas partie de sa succession de sorte que l'article 2237 du code civil est inapplicable.
La demande de nullité de la vente de l'appartement de Mme [G] [Z] ne peut être étudiée qu'en cas de nullité du procès-verbal de l'assemblée générale du 21 septembre 2011 qui a permis le retrait partiel de l'intéressée.
Cette demande étant prescrite, la demande de nullité de l'acte de vente de l'appartement est sans objet.
La question de la prescription applicable à cette demande est donc sans incidence sur l'irrecevabilité des demandes de Mme [D] veuve [Z],
L'action en nullité de l'acte de vente de l'appartement est soumise au délai de prescription triennal dans la mesure où elle est fondée sur une prétendue irrégularité des décisions sociales qui en sont le support ; elle est invoquée par une associée de la SCI et non par les parties à l'acte de vente,
La prescription trentenaire de l'article 2227 du code n'a vocation à s'appliquer qu'aux actions réelles immobilières. Au cas présent, l'action de Mme [D] veuve [Z] ne peut être qualifiée d'action réelle immobilière dans la mesure où elle ne revendique et ne peut revendiquer à titre personnel aucun droit réel immobilier sur l'appartement.
Le régime de la prescription décennale fixé à l'article 1840 du code civil est inapplicable dès lors que l'on peine à comprendre quelle serait la mention obligatoire qui ferait défaut dans les statuts de la SCI des constructeurs et l'incidence de ce défaut de mention par rapport aux demandes de nullité formulées par Mme [D] veuve [Z].
Le principe même de l'exception de nullité est d'être invoqué par le défendeur à une action alors que Mme [D] veuve [Z] est demanderesse au cas présent.
Il n'y a pas de clause statutaire réputée non écrite dès lors que l'on peine à comprendre en quoi l'objet des statuts de la SCI des constructeurs serait contraire à une disposition impérative du titre X " de la société " du code civil, Mme [D] veuve [Z] se bornant à rappeler les moyens inopérants aux termes desquels elle conteste la qualification de société civile d'attribution.
L'article 1844-10 du code civil est inapplicable dans la mesure où l'action de Mme [D] veuve [Z] ne vise pas une clause des statuts.
Mme [D] veuve [Z] prétend également de manière étrange qu'en réalité ce serait elle qui soulève la prescription des demandes en défense dès lors que la SCI des constructeurs a toujours été une société de droit commun mais cet argument est inintelligible dès lors que c'est bien Mme [D] veuve [Z] qui sollicite la nullité d'actes de la SCI des constructeurs et que les autres parties se sont tout simplement limitées à demander le rejet de ses demandes et sa condamnation pour procédure abusive.
Mme [G] [Z] d'une part et la SCP Lodier et [F] concluent à la confirmation du jugement sur ce point dont ils s'approprient les motifs.
Appréciation de la cour
La cour note en préambule que si Mme [D] veuve [Z] fait valoir que les statuts de la SCI des constructeurs soumettent celle-ci aux articles 1832 et suivants du code civil, il en résulte qu'elle est donc en particulier soumise à l'article 1844-14 du code civil qui définit le régime juridique de la prescription applicable aux actes de la société.
En second lieu, Mme [D] veuve [Z] ne précise pas sur quel fondement juridique, la nature de la SCI, de droit commun selon elle, serait de nature à faire échapper ses demandes à la prescription régie par l'article 1844-14 du code civil. Elle se contente en effet d'indiquer qu'il est évident que cette demande sur la nature juridique de la société n'est pas soumise à la prescription triennale.
De plus, si Mme [D] veuve [Z] rappelle que sa première demande contenue dans son assignation du 1er août 2013 était de dire et juger que la SCI des constructeurs est une SCI de droit commun, elle omet que cette instance a été jugée définitivement périmée par ordonnance du juge de la mise en état du 12 avril 2018 comme l'a exactement rappelé le jugement déféré sans que Mme [D] veuve [Z] n'élève aucune contestation à cet égard.
Mme [D] veuve [Z] ne peut davantage sérieusement soutenir que la prescription retenue en première instance la rend victime d'un déni de justice puisque, à partir du moment où elle avait délivré sa première assignation dans le délai de prescription, il lui appartenait de ne pas laisser l'instance se périmer.
Par ailleurs, M. et Mme [V] [Y] opposent justement que la nature selon Mme [D] veuve [Z] de droit commun de la SCI des constructeurs, n'est qu'un moyen au soutien de sa demande d'annulation des différents actes de cette SCI ayant conduit à la vente de l'appartement par Mme [G] [Z]. En outre, à supposer que ce moyen puisse effectivement s'analyser comme une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, ne pourrait être combattu que l'acte par lequel celle-ci a revêtu la forme d'une SCI d'attribution, à savoir, selon Mme [D] veuve [Z], les statuts modifiés le 22 février 2012, lesquels ne pouvaient être attaquées eux-mêmes que dans le délai triennal de l'article 1844-14 du code civil. Il est donc totalement inopérant d'invoquer le statut d'ordre public des sociétés civiles immobilières d'attribution. Dès lors, le moyen selon lequel le juge aurait dû le soulever d'office manque en fait.
Mme [D] veuve [Z] n'a pas fait valoir en première instance que la fin de non-recevoir tirée de la prescription n'avait pas été soulevée devant le juge de la mise en état. En tout état de cause, cette circonstance n'est pas de nature à purger l'action introduite par Mme [D] veuve [Z] de sa prescription.
Dans le cadre de l'action en partage de la succession de [T] [Z], par jugement définitif du 2 mai 2014, le tribunal de grande instance de Paris a admis la revendication par Mme [D] veuve [Z] des parts sociales de la SCI des constructeurs dont son époux l'avait gratifiée. Pour autant, il n'y a pas d'effet interruptif de prescription d'une action à une autre, ceci d'autant plus que cette action devant le tribunal de grande instance de Paris n'a jamais concerné la nature juridique de la SCI. En tout état de cause on peine à comprendre en quoi, le fait que Mme [D] veuve [Z] soit propriétaire de ces parts serait de nature à interrompre la prescription de ses demandes en nullité des actes de la SCI et de l'acte de vente immobilière subséquent qui résulte de la stricte application de l'article 1844-14 du code civil.
De plus, Mme [D] veuve [Z] dénature le sens de l'arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2012. En effet, aux termes de cette jurisprudence, il ne peut être statué, dans le cadre d'une seule et même instance à la fois sur la péremption et la prescription. Or, comme l'observent justement M. et Mme [V] [Y], c'est l'instance introduite en 2013 qui a été définitivement jugée périmée et non pas la présente instance. Aucun excès de pouvoir ne saurait donc être reproché aux premiers juges.
Acquiescer au jugement du tribunal de grande instance de Paris qui a admis la revendication de Mme [D] veuve [Z] sur les parts sociales de la SCI des constructeurs que lui avait données son époux ne vaut nulle reconnaissance de son droit à contester les actes de la SCI et l'acte de vente subséquent, objet du présent acte introductif d'instance.
Mme [D] veuve [Z] ne peut davantage invoquer l'article 2237 du code civil dès lors que la présente action ne concerne pas la succession de [T] [Z] et que Mme [D] veuve [Z] n'est pas héritière de celui-ci.
Par donation de son époux, Mme [D] veuve [Z] est propriétaire de parts de SCI et a engagé une action en nullité d'acte de cette dernière et d'un acte de vente immobilière subséquent. Pour autant, comme l'observent justement M. et Mme [V] [Y] une fois encore, elle ne dispose elle-même d'aucun droit réel immobilier sur ce bien. C'est donc vainement qu'elle invoque l'article 2227 du code civil.
Il n'est que de se référer à l'acte introductif d'instance pour constater que Mme [D] veuve [Z] n'a pas engagé d'action en responsabilité à l'encontre de Mme [G] [Z] en sa qualité de cogérante de la SCI des constructeurs. Il est donc inopérant d'invoquer l'article 1840 du code civil.
Mme [D] veuve [Z], pour tenter de contourner vainement la prescription qui lui est opposée, invoquent encore de nombreux moyens qui préjugent du fond.
Il en va ainsi :
- De l'illicéité de l'objet social : Mme [D] veuve [Z] fonde cette illicéité sur l'application à la SCI du statut des SCI d'attribution, or, aucune décision n'a jamais statué en ce sens et ne peut intervenir puisque cette demande est précisément prescrite. En tout état de cause, comme le font justement valoir M. et Mme [V] [Y], on peine à comprendre en quoi : " l'administration et l'exploitation de tous immeubles bâtis ou non bâtis, situés en France et notamment, d'un immeuble bâti, situé au [Adresse 4], en vue notamment de la division de ces derniers par fractions, destinées à être attribuées aux associés, en propriété ou en jouissance ; la mise en valeur des immeubles sociaux, notamment, par voie d'édification, de construction, en vue de toute destination, par voie de démolition ou autrement et par tous travaux de viabilité et autres ; la location de tous immeubles et d'une manière générale, leur exploitation directe, étant entendu que ces opérations ont pour but principal, le logement ou la satisfaction des intérêts légitime familiaux des membres de la société. ", détermination de l'objet social par l'article 2 des statuts mis à jour le 22 février 2012, serait illicite.
-De l'exception de nullité invoquée par Mme [D] veuve [Z]. Comme le relèvent justement une fois encore M. et Mme [V] [Y], Mme [D] veuve [Z] est demanderesse à la présente procédure. Or, l'exception de nullité constitue un moyen de défense à une prétention adverse.
- Des clauses réputées non écrites des statuts : pour se prévaloir du caractère non écrit de certaines clauses des statuts, Mme [D] veuve [Z] fait valoir que ceux-ci ne peuvent établir des règles contraires aux dispositions impératives de la loi en partant du principe que tel est le cas alors qu'il n'en a jamais été jugé et ne peut en être jugé puisque sa demande à cet égard est prescrite.
Enfin, c'est avec raison que M. et Mme [V] [Y] font valoir qu'ils n'ont été que défendeurs à la présente action de sorte qu'aucune prescription de leur demande ne saurait sérieusement leur être opposée, la prescription des moyens de défense étant un concept inexistant en droit.
En définitive, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé toutes les demandes de Mme [D] veuve [Z] prescrites.
Les demandes indemnitaires des parties intimées
Mme [G] [Z] et M. et Mme [V] [Y] ont formé appel incident sur le montant des dommages et intérêts pour procédure abusive qui leur ont été alloués en première instance et qu'ils jugent sous-évaluées. La SCP Lodier et Bornet réclame devant la cour des dommages et intérêts pour appel abusif.
Appréciation de la cour
Il convient de rappeler que l'appartement objet du litige a été vendu par Mme [G] [Z] à M. et Mme [V] [Y] il y a 10 ans. Après avoir engagé en 2013 une première action qu'elle a laissé périmer, Mme [D] veuve [Z] a saisi une nouvelle fois le tribunal judiciaire de Nanterre en 2018 en reprenant les termes exacts de son premier acte introductif d'instance de 2013. Elle n'a pas non plus jugé utile de conclure en défense sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription qui lui étaient opposées. Alors que le jugement déféré repose sur une argumentation aussi rigoureuse en droit qu'en fait, elle n'a pas hésité à interjeter appel en invoquant des moyens inopérants sans exception, celui alléguant l'excès de pouvoir des premiers juges reposant même sur une erreur de droit grossière, si ce n'est volontaire. Ce faisant, elle a fait subir à Mme [G] [Z] pendant 10 ans les tracas d'une procédure judiciaire relative à l'appartement que celle-ci avait vendu à M. et Mme [V] [Y]. Elle a fait subir les mêmes tracas à M. et Mme [V] [Y] qui, pour ce qui les concernent, n'ont pu de plus jouir sereinement de l'appartement qu'ils avaient acquis compte tenu de l'aléa que représente nécessairement toute procédure judiciaire. Elle a fait subir les mêmes tracas à la SCP Lodier et [F] en faisant peser sur celle-ci la menace d'une action en responsabilité professionnelle bien que celle-ci fût manifestement prescrite.
Il en résulte que Mme [D] veuve [Z] a abusé de son droit d'agir en justice. Elle a même persisté dans cet abus en interjetant appel alors qu'elle ne disposait d'aucun moyen sérieux de nature à infirmer la décision entreprise. Cet abus constitue une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil dès lors qu'il est à l'origine des préjudices ci-dessus relatés.
Le jugement déféré sera toutefois confirmé sur les montants et, vu le caractère gravement abusif de l'appel interjeté à la légère, Mme [D] veuve [Z] sera condamnée en outre à payer à M. et Mme [V] [Y] la somme supplémentaire de 5000 euros de dommages et intérêts, à Mme [G] [Z] la somme de 5000 euros et à la SCP Lodier et Bornet la somme de 3000 euros.
En revanche, quand bien même le conseiller de la mise en état a omis de statuer sur la demande de dommages et intérêts que Mme [G] [Z] avait formée dans le cadre de l'incident diligenté par Mme [D] veuve [Z], celui-ci n'aurait pu que déclarer cette demande irrecevable, comme il l'a fait pour la même demande de M. et Mme [V] [Y] formée devant lui, faute de tout pouvoir pour statuer sur une telle demande sur laquelle seule la cour peut statuer.
Le préjudice de Mme [G] [Z] étant complètement réparé par les dommages et intérêts ci-dessus alloués, il n'y a pas lieu de lui en allouer de supplémentaires au titre de l'incident diligenté devant le conseiller de la mise en état.
L'amende civile
En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.
En l'espèce, les errements judiciaires de Mme [D] veuve [Z] ci-dessus relatés constituent en outre de sa part une utilisation dévoyée des moyens du service public de la justice et, à l'aune de la charge de travail de celui-ci et de l'acuité des autres litiges qu'il peut avoir à juger, d'autant plus inacceptable. Ils doivent cesser. Mme [D] veuve [Z] sera donc condamnée à une amende civile de 10 000 euros.
Les demandes accessoires
Compte tenu du sens du présent arrêt, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
En tant que partie perdante tenue aux dépens, Mme [D] veuve [Z] ne peut qu'être déboutée de sa propre demande sur ce même fondement.
En revanche, cet appel privé de tout caractère sérieux a causé aux parties intimées d'importants frais irrépétibles supplémentaires liés notamment à l'importance des efforts déployés pour répondre complètement et avec pertinence à la somme des moyens développés par Mme [D] veuve [Z], même inopérants, voire confinant à l'absurde pour certains.
Mme [D] veuve [Z] sera donc condamnée à payer à M. et Mme [V] [Y] la somme de 10 000 euros et à Mme [G] [Z] et la SCP Lodier et Bornet la somme de 5000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens d'appel pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre,
Et, y ajoutant,
CONDAMNE Mme [D] veuve [Z] à payer à M. et Mme [V] [Y] la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,
CONDAMNE Mme [D] veuve [Z] à payer à Mme [G] [Z] la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,
DÉBOUTE Mme [G] [Z] du surplus de sa demande indemnitaire,
CONDAMNE Mme [D] veuve [Z] à payer à la SCI Lodier et [F] la somme de 3000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,
CONDAMNE Mme [D] veuve [Z] à payer une amende civile de 10 000 euros,
CONDAMNE Mme [D] veuve [Z] à payer à M. et Mme [V] [Y] la somme de 10 000 euros et à Mme [G] [Z] et la SCP Lodier et Bornet la somme de 5000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [D] veuve [Z] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,