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25/10/2022 | FRANCE | N°21/00571

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 25 octobre 2022, 21/00571


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 28A





DU 25 OCTOBRE 2022





N° RG 21/00571

N° Portalis DBV3-V-B7F-UJD6





AFFAIRE :



Consorts [U]

C/

Consorts [U]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :

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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-l'ASSOCIATION AVOCALYS,



-la SELARL CABINET BOURSIN-JANSSEN,



-Me Mélina PEDROLETTI











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 28A

DU 25 OCTOBRE 2022

N° RG 21/00571

N° Portalis DBV3-V-B7F-UJD6

AFFAIRE :

Consorts [U]

C/

Consorts [U]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-l'ASSOCIATION AVOCALYS,

-la SELARL CABINET BOURSIN-JANSSEN,

-Me Mélina PEDROLETTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W], [R], [A], [K] [U]

né le 06 Janvier 1959 à [Localité 26] 16ÈME

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 16]

Madame [M], [B], [Z] [U] épouse [S]

née le 01 Août 1949 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 12]

Madame [X], [T], [D], [L] [U] épouse [H]

née le 10 Février 1948 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 11]

Madame [P], [R], [L], [X] [U]

née le 26 Septembre 1961 à [Localité 26] 16ÈME

de nationalité Française

[Adresse 18]

[Adresse 18]

[Localité 13]

représentés par Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 004818

Me Elvire GRAVIER de la SCP ABG Elvire GRAVIER-Claude GRAVIER, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : P0269

APPELANTS

****************

Madame [N] [U]

née le 03 Août 1956 à [Localité 23]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 15]

représentée par Me Virginie JANSSEN de la SELARL CABINET BOURSIN-JANSSEN, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.316 - N° du dossier 21020008

Me Jérôme DAGORNE de la SELEURL DAGORNE AVOCATS, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : L0240

Madame [J], [C], [K], [E] [U]

née le 20 Janvier 1952 à [Localité 26] 16ÈME

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 14]

représentée par Me Mélina PEDROLETTI, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25163

Me Patrick HAUDUCOEUR, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : R267

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

**************************

FAITS ET PROCÉDURE

Un acte de notoriété a été reçu le 3 mars 2020 par M. [O], ès qualités, notaire à [Localité 25], à la requête de Mme [U] épouse [S] et de M. [W] [U].

A la suite de la plainte déposée le 18 mars 2020 par Mme [N] [U] à l'encontre de Me [I], la chambre des notaires a, par lettre du 14 avril 2020, rappelé que la succession avait été confiée par M. [W] [U], Mme [S], Mme [H] et Mme [P] [U] à M. [O], ès qualités, notaire à [Localité 25], que ce dernier avait qualité pour régler la succession dès lors qu'il avait été saisi par le plus grand nombre d'héritiers venant au même rang, que toutefois, les héritiers avaient également la possibilité de se faire assister du notaire de leur choix, M. [Y], ès qualités, notaire à [Localité 29], s'étant également manifesté pour Mmes [N] et [J] [U].

En vertu d'une ordonnance rendue sur requête le 4 mai 2020 par le président du tribunal judiciaire de Versailles, M. [W] [U], Mme [S], Mme [H] et Mme [P] [U] ont fait délivrer à Mmes [N] et [J] [U], le 22 mai 2020, une assignation à jour fixe.

Par jugement contradictoire rendu le 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- Rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par Mmes [N] et [J] [U],

- Rejeté la demande de jonction d'instances formée par Mme [N] [U],

- Rejeté la demande formée par les demandeurs au titre de l'article 815-5 du code civil,

- Rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par Mme [J] [U],

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Condamné M. [U], Mme [S], Mme [H] et Mme [P] [U] à payer à Mme [N] [U] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [U], Mme [S], Mme [H] et Mme [P] [U] à payer à Mme [J] [U] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné les demandeurs aux dépens.

M. [W] [U], Mme [M] [U] épouse [S], Mme [X] [U] épouse [H] et Mme [P] [U] (ci-après autrement nommées 'les consorts [U]') ont interjeté appel de ce jugement le 28 janvier 2021 à l'encontre de Mmes [N] et [J] [U] (ci-après, autrement nommées, 'Mmes [U]').

Par leurs dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2021, les consorts [U] demandent à la cour de :

- Déclarer l'appel interjeté recevable et juridiquement bien fondé ;

- Débouter l'intimée ayant formé appel incident de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en la disant non fondée ;

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions leur faisant grief ;

Statuant à nouveau :

Au visa de l'article 815-5 du code civil,

- Autoriser l'aliénation, pour cause de péril imminent des immeubles, sollicitée par la majorité des deux tiers des héritiers faisant partie de l'indivision, immeubles qui sont :

* la maison de maître et de gardien sise à [Adresse 21],

* la maison sise à [Localité 24],

* l'appartement sis au [Adresse 7],

* ainsi que les terrains agricoles d'[Localité 19] et d'[Localité 17], dans le département de l'Oise,

- Dire cette demande recevable et juridiquement bien fondée,

- Ordonner, une fois les ventes réalisées, la séquestration des fonds par les soins de Me [I] de l'étude notariale [F]-[O] et [I] devant correspondre à la part de Mme [N] [U] dans la succession, pour assurer le remboursement de ses créanciers et, plus précisément, de M. [V],

- Condamner Mme [N] [U] à payer une indemnité d'occupation en tant qu'occupant sans droit ni titre de l'appartement sis au [Adresse 6] occupé par cette dernière depuis le 24 décembre 2019, date du décès de [L] [G] veuve [U],

- Fixer cette indemnité à 30.738,00 euros par an, soit après application du coefficient de minoration à 30 %, à la somme de 24.030,00 euros par an,

- Et condamner en tant que de besoin Mme [N] [U] à verser cette somme,

- Dire que Mme [N] [U] devra quitter les lieux occupés sis à [Adresse 21], sans droit ni titre par elle, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- Condamner Mme [N] [U] pour détention abusive des clés de la [Adresse 27] et de la maison de [Localité 20] (Yvelines) et résistance à les remettre, au préjudice de ses coïndivisaires, à verser à 2 000 euros au titre de dommages et intérêts à chacun des appelants soit 8 000 euros au total,

- Condamner Mme [N] [U] au titre du préjudice moral subi par M. [U] à lui verser la somme de 10 000 euros,

- Condamner in solidum Mmes [N] et [J] [U] à régler à M. [U], Mme [S], Mme [H] et Mme [P] [U] la somme de 8 000 euros chacune au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner in solidum Mmes [N] et [J] [U] aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 21 juillet 2021, Mme [N] [U] demande à la cour, au visa des articles 815-5 du code civil, de :

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Versailles n° RG 20/01932 en toutes ses dispositions,

- Débouter M. [W] [U], Mme [M] [U] épouse [S], Mme [X] [U] épouse [H] et Mme [P] [U] de leur prétention tendant à voir ordonner la vente de l'appartement sis [Adresse 5]), la vente de la villa sise [Adresse 8]) et de tous ses terrains et la vente de la villa sis [Adresse 9],

- Les débouter de toutes leurs autres demandes,

En toute hypothèse,

- Condamner M. [W] [U], Mme [M] [U] épouse [S], Mme [X] [U] épouse [H] et Mme [P] [U] à lui verser chacun une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par d'uniques conclusions notifiées le 20 juillet 2021, Mme [J] [U] demande à la cour de :

Sur l'appel principal,

- Déclarer M. [W] [U], Mme [M] [U] épouse [S], Mme [X] [U] épouse [H] et Mme [P] [U] mal fondés en leur appel, les débouter,

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 24 novembre 2020 (RG n°20/01932) en ce qu'il a :

* Rejeté la demande formée par les appelants au titre de l'article 815-5 du code civil,

* Condamné les appelants à payer la somme de 2.000 euros à Mme [J] [U] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouter M. [W] [U], Mme [M] [U] épouse [S], Mme [X] [U] épouse [H] et Mme [P] [U] de toutes leurs demandes fins et conclusions,

Sur l'appel incident

- La déclarer recevable et bien fondée en son appel incident et y faire droit,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour

préjudice moral formée par elle,

Le réformant,

- Condamner M. [W] [U], Mme [M] [U] épouse [S], Mme [X] [U] épouse [H] et Mme [P] [U] à lui payer chacun la somme de 10 000 euros pour préjudice moral,

En tout état de cause,

- Condamner M. [W] [U], Mme [M] [U] épouse [S], Mme [X] [U] épouse [H] et Mme [P] [U] à lui payer chacun la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamner les appelants aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 16 juin 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel et à titre liminaire,

Seules les dispositions du jugement qui rejettent les demandes d'une part des consorts [U] fondées sur les dispositions de l'article 815-5 du code civil et d'autre part de Mme [J] [U] au titre du préjudice moral qu'elle alléguait sont querellées.

Il s'ensuit que les dispositions du jugement relatives au rejet de l'exception d'incompétence territoriale soulevée par Mmes [N] et [J] [U], à celui de la demande de jonction d'instances formée par Mme [N] [U], non querellées sont devenues irrévocables.

Sur la demande des consorts [U] fondées sur les dispositions de l'article 815-5 du code civil

' Moyens des parties

Les consorts [U] soutiennent que le refus de vendre de Mmes [U] les biens immobiliers indivis est de nature à mettre en péril l'intérêt commun. Pour en justifier, ils font ainsi valoir que :

* les immeubles se détériorent au plus haut point (pièce n° 30) ;

* les biens issus de la succession sont inoccupés ou occupés à tort, sans droit ni titre, comme celui de la [Adresse 28] par Mme [N] [U], et s'abîment énormément ;

* les trois biens seraient délabrés et mal entretenus (pièces n° 22, 23, 24, 30) ;

* il y a urgence à vendre tous ces biens pour pouvoir régler les droits de succession très importants que la fratrie ne peut pas assumer et qui s'élèvent à 1.200,000,00 euros ;

* les comptes bancaires sont bloqués à la demande de Mme [N] [U] et ne peuvent permettre le paiement de ces droits ;

* Mme [N] [U] doit honorer une dette très importante à l'égard de M. [V] et que ce dernier s'est montré très pressant envers la succession (pièces n° 2, 5, 6 et 15) de sorte que la vente de l'immeuble parisien permettrait ainsi le désintéressement de ce créancier insistant ;

* d'autres créanciers poursuivent Mme [N] [U] et la vente des biens permettra leur règlement ;

* les revenus mobilisables des indivisaires ne permettent pas de supporter les charges incompressibles puisque Mme [H] a un revenu mensuel de 559 euros, Mme [S] un revenu mensuel minime ayant été mère au foyer, Mme [P] [U], étant sans revenu étant en disponibilité depuis trois ans, et M. [U] devant rembourser trois prêts dont un pour travaux sur sa maison récupérée par donation, lui restant 1 412 euros à vivre mensuels ;

* ils ont dû faire l'avance de droit de 20 000 euros chacun réglée à l'administration

fiscale par Mmes [H], [S] et [P] [U] ainsi que par M. [U] de sorte que, pour payer cette avance, M. [U] a emprunté 20 000 euros en s'engageant dans un troisième prêt ;

* en ce qui concerne les terrains d'[Localité 19] et d'[Localité 17], leur évaluation a été diligentée par la SAFER de la Somme (pièce n° 26) ;

* les biens sont situés dans des secteurs prisés ; leur vente devrait donc être rapidement réalisée et une promesse de vente pourrait être très rapidement signée tant pour l'appartement de [Localité 25] que pour la villa d'[Localité 24] (Pyrénées Atlantiques) ainsi que la villa de [Localité 20] (Yvelines).

Mmes [U] poursuivent la confirmation du jugement et rétorquent que la vente d'un bien en indivision sans l'accord de l'unanimité des indivisaires sur le fondement de l'article 815-5 du code civil exige le respect de conditions strictes.

Elles indiquent ainsi que :

* l'acte refusé ne doit pas seulement être utile ou avantageux mais d'une nécessité contraignante ;

* l'article 815-5 du code civil n'impose au juge aucune obligation, mais lui ouvre une faculté laissée à son appréciation, constituant l'une des exceptions admises au maintien de la règle de l'unanimité, la notion de ' mise en péril de l'intérêt commun' devant être strictement entendue ;

* l'existence de dettes personnelles de Mme [N] [U] est sans effet à l'égard des autres membres de la fratrie puisque rien d'autre que la part à lui revenir ne pourra être saisie par ses créanciers ;

* le péril prétendument entraîné par cette dette personnelle de Mme [N] [U] est aussi artificiel qu'inopérant puisque M. [V] a obtenu l'autorisation judiciaire de faire vendre la villa d'[Localité 24] depuis novembre 2015, mais n'a pas mis à exécution cette autorisation (pièce n°8) attendant le partage pour saisir la part d'héritage de Mme [N] [U], ce qui lui facilitera grandement la tâche dans le recouvrement de sa créance au regard de la lourdeur et de la lenteur des procédures de licitation ;

* Mme [N] [U] n'a droit qu'à un sixième de l'actif net de la succession de sorte qu'il paraîtrait absurde de vendre l'ensemble des biens immobiliers de la succession au regard de ses droits limités ;

* les appelants ne démontrent pas par leur production le 'délabrement' allégué des propriétés ;

* l'existence de nombreuses valeurs mobilières de placement ou liquidités (pièces 1, 2 et 9) permettra le paiement des droits de succession sans nécessité de vendre les biens immobiliers ; de même, le portefeuille de titres dépendant de la succession de [L] [U], ouvert dans les livres de la Financière d'Uzes du 12 juillet 2021 (pièce n°9), prouve que la valeur globale de celui-ci s'élève à la somme de 1 227 342 euros ;

* le blocage des comptes bancaires n'est justifié que par la nécessité de préserver les fonds avant la désignation d'un notaire en charge des opérations de partage ;

* Mme [J] [U], se fondant sur les dispositions de l'article 815-5-1, alinéa 4, du code civil, estime qu'ordonner dès à présent la vente de tous les biens immobiliers de la succession porterait une atteinte excessive à son droit de se faire attribuer la propriété de [Localité 20] ou la villa d'[Localité 24], dont les valeurs n'excèdent pas le montant de ses droits ; selon elle, la vente prématurée des propriétés de [Localité 20] ou d'[Localité 24] reviendrait à la priver de cette possibilité d'attribution au simple motif d'une dette qui lui est totalement étrangère.

' Appréciation de la cour

Selon l'article 815-5 du code civil, 'Un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un coïndivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun.

Le juge ne peut, à la demande d'un nu-propriétaire, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier.

L'acte passé dans les conditions fixées par l'autorisation de justice est opposable à l'indivisaire dont le consentement a fait défaut.'

Le régime légal de l'indivision prévoit en principe un accord unanime des indivisaires pour vendre un bien indivis (article 815-3, 3 , du code civil). Toutefois, le juge peut autoriser un indivisaire à passer seul un acte l'exigeant, ce qui est notamment prévu par l'article 815-5 du code civil, précité. Cette autorisation n'est qu'une simple faculté pour le juge. Elle est en outre soumise à la condition que le refus d'un indivisaire mette en péril l'intérêt commun.

La jurisprudence de la Cour de cassation, s'agissant de l'application de ce texte, enseigne que cette preuve est rapportée dans les hypothèses suivantes :

* lorsque le refus de vendre d'un des indivisaires, ex conjoint divorcé, dont les intérêts patrimoniaux ont été liquidés, fait preuve d'une carence et d'une inertie et résiste sans justification à la vente de ce bien indivis (1re Civ., 8 mars 2017, pourvoi n°15-28.318) ;

* dès lors que la valeur de l'immeuble diminue de façon constante, que son état nécessite des travaux de rénovation auxquels l'autre coindivisaire n'a pas les moyens de faire face, que l'unique offre d'achat au prix correspondant à celui du marché, n'a pu être acceptée, faute d'accord de ce dernier, que l'indivisaire revendique un prix excessif de ce bien ( 1re Civ., 16 mars 2016, pourvoi n° 15-14.959) ;

* dès lors que les immeubles ne sont plus loués, qu'ils se dégradent et produisent des charges sans contrepartie, que leur état nécessite des travaux de rénovation auxquels l'indivisaire qui résiste à la vente n'a pas les moyens de faire face (1re Civ., 2 avril 2014, pourvoi n° 13-15.744) ;

* dès lors que l'immeuble, inoccupé, n'est productif d'aucun revenu et engendre des charges importantes par rapport à sa valeur et que le prix offert correspond au prix du marché (1re Civ., 5 mars 2014, pourvoi n° 12-26.618) ;

* dès lors que l'immeuble se trouve dans une zone d'aménagement qui a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique, la procédure d'expropriation étant mise en oeuvre, et que le prix de l'acquisition amiable envisagée est très nettement supérieur à l'estimation du bien par le service des domaines ; que, dans un contexte d'expropriation le refus, opposé par un des indivisaires, à la conclusion d'une vente dans des conditions équivalentes à celles qu'il avait acceptées auparavant, met en péril l'intérêt commun des indivisaires (1re Civ., 6 novembre 2013, pourvoi n° 12-25.788) ;

* le refus d'un indivisaire de souscrire à la cession de bail offerte par l'article L. 411-64 du code rural, seule alternative possible au refus de renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite, met en péril l'intérêt commun des indivisaires (1re Civ., 3 mars 1992, pourvoi n° 90-16.420, Bulletin 1992 I N° 71) ;

* le refus d'un cohéritier de consentir à l'aliénation des biens indivis pour assurer le paiement des droits de succession peut être de nature à mettre en péril l'intérêt commun des indivisaires (1re Civ., 14 février 1984, pourvoi n° 82-16.526, Bulletin 1984 I N° 61).

Il ressort de la jurisprudence susmentionnée que le critère de la mise en péril de l'intérêt commun suppose la prise en compte, essentiellement, de la valeur patrimoniale du bien indivis et il revient à celui qui invoque l'application de l'article 815-5 du code civil d'en faire la démonstration.

L'urgence n'est pas une condition d'application de l'article 815-5 du code civil (1re Civ., 12 juillet 2001, pourvoi n° 99-14.202).

En l'espèce, c'est de manière injustifiée que les consorts [U] soutiennent que le refus de Mmes [U] d'accepter la vente des biens immobiliers indivis met en péril l'intérêt commun.

En effet, contrairement à ce qu'elles soutiennent, les trois procès-verbaux établis par des huissiers de justice sur requête du président du tribunal judiciaire de Versailles afin de dresser l'inventaire des biens (pièces n° 22, 23, 24) ne permettent pas de retenir que ces immeubles se détériorent ou que leur valeur patrimoniale s'est amoindrie. S'agissant des photographies versées aux débats de la maison de [Localité 20] (pièce 30), outre qu'elles ne sont ni datées ni renseignées de sorte que leur force probante est sujette à caution, en tout état de cause elles ne permettent pas à la cour de se prononcer, de manière certaine, sur la réalité des faits allégués (détérioration du bien immobilier et dévalorisation du bien).

La cour ne dispose d'aucun élément permettant d'apprécier le montant des charges incompressibles de sorte qu'il apparaît bien téméraire de la part des appelants de soutenir qu'ils démontrent ne pouvoir y faire face. De même, en l'absence de tout élément de preuve sur ces charges engendrées, il est impossible pour la cour de retenir que ces immeubles génèrent des charges importantes par rapport à leur valeur, ce d'autant plus que le prix de vente offert est totalement inconnu, aucune offre de prix n'étant versée aux débats.

Encore, comme les intimées le font valoir, l'existence de dettes personnelles de Mme [N] [U] à l'égard de M. [V] n'apparaît pas, en l'espèce, justifier leur demande d'autorisation de procéder à la vente des biens immobiliers avant le partage successoral. Ainsi, il est démontré que M. [V] n'a pas entendu mettre en vente la villa d'[Localité 24] malgré l'autorisation obtenue depuis novembre 2015 (pièce n°8), soit avant le décès de leur mère et la présente succession, et les appelants ne produisent aucun élément de preuve justifiant que ce dernier ait exercé une quelconque pression sur les indivisaires pour obtenir le paiement de sa créance qui, au demeurant, ne concerne que Mme [N] [U].

Aucun élément sur les conditions auxquelles la vente de ces biens devraient être organisées n'est en outre versé aux débats. Dans ces conditions, la cour est dans l'incapacité de vérifier que la valeur patrimoniale du bien, qui, en particulier, se déprécierait, exigerait sa vente avant le partage.

L'arrêt invoqué à l'appui de leur demande (1re Civ., 30 janvier 2019, pourvoi n°18-12.40) est inopérant puisqu'il ne concerne pas la mise en oeuvre des dispositions de l'article 815-5 du code civil , mais de l'article 815-9 du code civil lequel n'est pas invoqué par les appelants. La simple lecture du sommaire relatif à cet arrêt l'illustre de manière patente : 'Aux termes de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires. Il en résulte que lorsqu'il est incompatible avec les droits concurrents d'un coïndivisaire, le maintien dans les lieux d'un indivisaire constitue un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés peut mettre fin en ordonnant l'expulsion de l'occupant'. Il n'y est donc pas question d'autorisation judiciaire de vendre donnée parce que le refus opposé par un indivisaire était de nature à mettre en péril l'intérêt commun.

Il découle de ce qui précède que la demande des appelants ne saurait être accueillie et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts

' Moyens des parties

Mme [J] [U] fait grief au jugement déféré de rejeter sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral. Elle rappelle que les appelants l'ont accusée, par écrit, aux termes de leur assignation et de leurs écritures en justice (page 2 des conclusions des appelants) d'avoir séquestré leur mère ; que, selon elle, ils y évoquent les conditions douteuses de son décès, sans rapport avec leur demande et que ces propos qui figurent dans leurs écrits l'ont blessée en ce qu'ils sont purement gratuits puisque sans lien avec la présente procédure. En réparation, elle sollicite la condamnation de ses adversaires à lui verser la somme de 10 000 euros.

Ses adversaires sollicitent la confirmation du jugement de ce chef.

' Appréciation de la cour

Il résulte des termes du jugement que Mme [J] [U] a fondé sa demande de dommages et intérêts sur les dispositions de l'article 1240 du code civil. La cour constate cependant que, à hauteur d'appel, celle-ci ne précise pas le fondement de sa demande.

Il convient toutefois de rappeler que les propos tenus dans les débats judiciaires, les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux sont protégés par le principe de l'immunité énoncé par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ; que l'immunité de la défense dans le cadre de l'instance judiciaire est une liberté fondamentale ; qu'il en résulte que les propos, discours ou écrits ne peuvent être sanctionnés que dans le respect du strict cadre prévu par l'article 41 de la loi précitée.

Dès lors, faute pour Mme [J] [U] de fonder son action sur les dispositions de l'article 41 susvisée et de rapporter la preuve que les conditions d'application de ce texte sont réunies sa demande ne saurait être accueillie.

Le jugement en ce qu'il rejette cette demande sera confirmé.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Les consorts [U], qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, l'équité ne commande pas de leur allouer des sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en revanche de les condamner à verser à Mmes [U] des sommes au titre des frais irrépétibles engagées pour assurer leur défense en appel.

Les consorts [U] seront dès lors condamnés à verser à chacune des intimées la somme de 4 000 euros (4 000 euros en tout pour Mme [J] [U] et 4 000 euros en tout pour Mme [N] [U]).

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

Dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [W] [U], Mme [M] [U] épouse [S], Mme [X] [U] épouse [H] et Mme [P] [U] aux dépens d'appel ;

DIT qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [W] [U], Mme [M] [U] épouse [S], Mme [X] [U] épouse [H] et Mme [P] [U] à verser les sommes suivantes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

* 4 000 euros à Mme [J] [U],

* 4 000 euros à Mme [N] [U] ;

REJETTE toutes autres demandes.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 21/00571
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;21.00571 ?
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