COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Code nac : 74Z
DU 18 OCTOBRE 2022
N° RG 21/04163
N° Portalis DBV3-V-B7F-UTNP
AFFAIRE :
[W] [I]
C/
[B] [P]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mai 2021 par le Tribunal de Proximité de VANVES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 11-19-0268
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- la SELEURL MINAULT [X]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [W] [I]
né le 26 Mai 1971
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20210252
Me Aurélien WULVERYCK de l'AARPI OMNES AVOCATS, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : J091
APPELANT
****************
Madame [B] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Défaillante
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Sylvie BORREL, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [P] est propriétaire d'un pavillon situé au [Adresse 2].
Son voisin, M. [I], résidant au [Adresse 1], bénéficie d'une servitude lui permettant d'évacuer ses eaux de pluie dans un regard installé sur la propriété de la demanderesse.
Se plaignant du fait que M. [I] ne procède pas à l'entretien de ce regard, et aucune conciliation n'ayant abouti, Mme [P] a fait délivrer à M. [I], par acte d'huissier de justice du 3 avril 2019, une assignation à comparaître devant le tribunal de proximité de Vanves sollicitant, au bénéfice de l'exécution provisoire :
- la condamnation de M. [I] à réaliser les travaux visés, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter de la signification par huissier de justice de la décision à intervenir,
- subsidiairement la condamnation de M. [I] au paiement de la somme de 1.177 euros TTC (montant du devis visé), à actualiser, correspondant aux travaux à entreprendre,
- à lui payer une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- l'autorisation d'effectuer les travaux lui permettant de séparer son propre contrôle d'accès en un interphone sonnette autonome, installé sur un autre emplacement, proche de son portail,
- à lui régler une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, comprenant notamment le coût de l'assignation et du PV d'huissier de justice.
À l'audience du tribunal de proximité, elle n'a pas maintenu ses deux dernières demandes.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 20 mai 2021, le tribunal de proximité de Vanves a :
- Rejeté la fin de non recevoir soulevée par M. [I],
- Condamné M. [I] à effectuer les travaux d'entretien du regard situé sur le fonds de Mme [P] sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter d'un délai de 6 jours suivant la signification de la présente décision,
- Condamné M. [I] à verser à Mme [P] la somme de 300 euros en réparation de son préjudice,
- Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire au présent dispositif,
- Condamné M. [I] à verser à Mme [P] la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [I] aux dépens en ce compris le coût de l'assignation et du PV de constat d'huissier de justice.
M. [I] a interjeté appel de ce jugement le 30 juin 2021 à l'encontre de Mme [P].
Par d'uniques conclusions notifiées le 28 septembre 2021, M. [I] demande à la cour de :
Vu les articles 640 et 641 du code civil,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. [I].
Y faisant droit,
A titre principal,
- Juger que Mme [P] n'a pas mis dans la cause Mme [I],
En conséquence,
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Déclarer les demandes de Mme [P] irrecevables.
A titre subsidiaire,
- Juger que Mme [P] n'établit pas que le regard est la cause des gênes occasionnées,
En conséquence,
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Débouter Mme [P] de ses demandes.
A titre infiniment subsidiaire,
- Désigner un expert pour rendre un rapport sur les causes des troubles constatées,
En tout état de cause,
- Condamner Mme [P] à 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laisser les entiers dépens à sa charge dont distraction au profit de la SELARL Minault [X] agissant par Mme [X], ès qualités, avocat, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par acte du 8 septembre 2021 notifié le 13 septembre 2021, M. [I], par voie d'huissier, a signifié la déclaration d'appel à Mme [P] à personne.
Par acte du 1er octobre 2021 notifié le 07 octobre 2021, M. [I], par voie d'huissier, a signifié la déclaration d'appel et ses conclusions à Mme [P] à personne.
Mme [P] n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 2 juin 2022.
Pour l'exposé détaillé des moyens de M. [I] et ainsi que le permet l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé à ses écritures susvisées.
SUR CE, LA COUR,
Compte tenu des modalités de signification des actes de procédure à Mme [P], il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
La recevabilité des demandes de Mme [P]
M. [I] poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé recevable les demandes de Mme [P]. Il expose qu'il est propriétaire du bien avec son épouse qui n'a pas été assignée par Mme [P] et que le premier juge, pour juger la demande recevable, par application de l'article 5 du code civil, ne pouvait se fonder sur une jurisprudence constante suivant laquelle la demande dirigée contre un seul des indivisaires demeure recevable quand bien même la décision qui en est issue est inopposable à l'indivisaire qui n'a pas été appelé en la cause.
Appréciation de la cour
En application de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'article 32 de ce même code dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Ainsi, aux termes des articles 30, 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est pour le défendeur le droit de discuter du bien-fondé d'une prétention et elle est ouverte à ceux qui ont un intérêt légitime au rejet de cette prétention, sauf si la loi attribue ce droit à des personnes qualifiées, ce qui n'est pas le cas pour une indivision. Enfin, la prétention émise contre une personne dépourvue du droit d'agir est irrecevable.
L'indivisaire contre lequel est dirigée l'action ayant des droits sur l'ensemble du bien, fussent-ils partagés avec ses co-indivisaires, est donc habilité à agir pour défendre des intérêts qui sont les siens autant que ceux des co-indivisaires, même s'il ne représente pas l'indivision et qu'on ignore si lors du partage le bien sera ou non mis dans son lot.
Demeure la question, qui est distincte, de l'opposabilité aux autres co-indivisaires de la décision à intervenir alors qu'ils n'ont pas été appelés à l'instance.
En résumé, aux termes des articles 30, 31 et 32 du code de procédure civile, l'action introduite contre un seul indivisaire est bien recevable, la décision rendue sur celle-ci étant toutefois inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ceux-ci.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Le bien-fondé des demandes de Mme [P]
M. [I] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à entretenir le regard et à indemniser Mme [P]. À l'appui, il fait valoir que l'encombrement est imputable à Mme [P] qui ne nettoie pas les feuilles dans sa cour. Il prétend que le constat d'huissier de justice montre que la cour est inondée quand il pleut mais qu'il n'existe aucun élément démontrant que c'est imputable à une faute de sa part.
Subsidiairement, il demande une mesure d'expertise judiciaire.
Appréciation de la cour
En application de l'article 640 du code civil, les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué. Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement. Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.
En l'espèce, il résulte du procès-verbal de constat d'huissier de justice réalisé à la demande de Mme [P] le 1er février 2019 mais produit par M. [I] devant la cour que le long du pignon du pavillon situé au n° [Adresse 2], appartenant à M. [I], est présente une descente en zinc reliée à la gouttière dudit pavillon et insérée dans un pied en fonte, lui-même orienté vers l'allée menant au pavillon de Mme [P].
Dans ce regard, en direction du trottoir, est présente une ouverture avec conduit devant permettre l'évacuation des eaux vers la voie publique.
Or, l'huissier de justice a constaté que ce conduit était obstrué à environ 10 cm de son ouverture et il a simulé des écoulements d'eau de pluie provenant du pied en fonte par l'installation d'un tuyau d'arrosage. Et au bout d'une minute, le regard a débordé et l'eau a commencé à se déverser devant le portillon, dans l'allée pavée de Mme [P].
Sans qu'aucune expertise technique ne soit nécessaire, la relation de cause à effet entre l'obstruction du regard et le débordement est ainsi démontrée de sorte que M. [I] ne peut sérieusement soutenir que celui-ci proviendrait d'un défaut d'entretien de sa cour par Mme [P]. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire qui aux termes de l'article 146 du code de procédure civile ne peut en aucun cas être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. [I] à entretenir le regard.
En outre, M. [I] ne soumet à la cour aucun élément de nature à contredire le jugement qui a retenu que les différents clichés photographiques qui étaient versés au dossier en première instance mettaient en évidence la difficulté d'accéder au logement de Mme [P] lors d'épisodes pluvieux et l'inondation de la cour. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. [I] à lui payer la somme de 300 euros de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice directement lié au défaut d'entretien imputable à M. [I].
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions, y compris accessoires.
En tant que partie perdante tenue aux dépens, M. [I] ne peut qu'être débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal de proximité de Vanves,
Et, y ajoutant,
DÉBOUTE M. [I] de sa demande d'expertise,
DÉBOUTE M. [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [I] aux dépens d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,