La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2022 | FRANCE | N°20/00867

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 17 octobre 2022, 20/00867


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54C



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 OCTOBRE 2022



N° RG 20/00867 - N° Portalis DBV3-V-B7E-TXW5



AFFAIRE :



[M] [C]



[W] [C] née [O]



C/



SAS MAISONS PIERRE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Novembre 2019 par le Tribunal d'Instance de VERSAILLES

N° RG : 11-19-000580



Expéditions exécutoires
>Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Edith COGNY



Me Richard NAHMANY



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54C

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 OCTOBRE 2022

N° RG 20/00867 - N° Portalis DBV3-V-B7E-TXW5

AFFAIRE :

[M] [C]

[W] [C] née [O]

C/

SAS MAISONS PIERRE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Novembre 2019 par le Tribunal d'Instance de VERSAILLES

N° RG : 11-19-000580

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Edith COGNY

Me Richard NAHMANY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [C]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Edith COGNY de la SCP BERTHAULT - COGNY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 17

Madame [W] [C] née [O]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Edith COGNY de la SCP BERTHAULT - COGNY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 17

APPELANTS

****************

SAS MAISONS PIERRE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Richard NAHMANY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 485 et Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, Plaidant, avocat au barreau de MELUN, vestiaire : M5

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel ROBIN, Président chargé du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseiller,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Séverine ROMI, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Vincent MAILHE,

FAITS ET PROCÉDURE

Le 5 juillet 2017, M. et Mme [C] ont conclu avec la société Maisons Pierre un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans au prix de 116 700 euros, pour la construction d'une maison d'habitation au [Adresse 1]. Par lettre recommandée du 12 février 2018, M. et Mme [C] ont déclaré résilier le contrat.

Par acte d'huissier du 18 mars 2019, M. et Mme [C] ont fait assigner la société Maisons Pierre devant le tribunal d'instance de Versailles afin qu'elle soit condamnée à leur restituer le solde du dépôt de garantie d'un montant de 3 000 euros ainsi qu'à leur payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ; reconventionnellement, la société Maisons Pierre a réclamé à M. et Mme [C] le paiement de la somme de 11 201 euros au titre de l'exercice de leur droit de résiliation.

Par jugement en date du 15 novembre 2019, le tribunal d'instance de Versailles a condamné M. et Mme [C] à payer à la société Maisons Pierre la somme de 8 201 euros, correspondant au solde après compensation des créances réciproques, et une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'essentiel, le tribunal a considéré que M. et Mme [C], qui n'avaient pas été totalement remboursés de l'acompte qu'ils avaient versé, étaient fondés à réclamer le solde de 3 000 euros mais qu'ils ne justifiaient pas d'un comportement dolosif de leur débiteur susceptible de justifier l'octroi de dommages et intérêts excédant les intérêts moratoires de la somme due ; par ailleurs, il a considéré que M. et Mme [C], qui n'avaient pas justifié de demandes de prêt dans les soixante-huit jours suivant la conclusion du contrat, étaient mal fondés à se prévaloir de la caducité du contrat en raison d'un refus de prêt, que les conditions suspensives étaient réputées accomplies dans la mesure M. et Mme [C] avaient eux-mêmes empêché leur réalisation, et que la société Maisons Pierre était donc fondée à réclamer le paiement de l'indemnité de résiliation.

*

Le 7 février 2020, M. et Mme [C] ont interjeté appel de cette décision.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 10 mai 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience de la cour du 5 septembre 2022. Le jour de l'audience, l'ordonnance de clôture a été rabattue afin de recevoir les conclusions déposées pour les appelants le 12 juillet 2022 et pour l'intimée le 1er septembre 2022 ; puis l'instruction de l'affaire a été clôturée à nouveau et, à l'issue des plaidoiries, elle a été mise en délibéré.

*

Par conclusions déposées le 12 juillet 2022, M. et Mme [C] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit que la société Maisons Pierre leur est redevable de la somme de 3 000 euros, de la condamner au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2018, de la condamner au paiement de la somme de 2 500 euros pour réticence dolosive et de la condamner au paiement d'une indemnité de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [C] invoquent la nullité du contrat de construction de maison individuelle conclu le 5 juillet 2017, jour de la conclusion de la promesse de vente du terrain, et avant que celle-ci soit devenue définitive ; ils ajoutent que les conditions suspensives prévues par le contrat de construction ne se sont pas réalisées, faute d'acquisition du terrain sur lequel la maison devait être édifiée et faute d'obtention du prêt destiné à financer l'opération de construction ; l'article 7 du contrat conclu avec la société Maisons Pierre imposant aux maîtres de l'ouvrage de justifier de leur demande de prêt dans un certain délai serait réputée non-écrite en raison de sa contrariété à l'article L.231-1 du code de la construction et de l'habitation et en ce qu'elle introduirait un déséquilibre significatif entre les parties. Enfin, M. et Mme [C] soutiennent que la société Maisons Pierre avait entendu limiter l'indemnité de résiliation à la somme de 3 000 euros qu'elle avait conservée et qu'elle n'a pas engagé de travaux qui pourraient justifier de lui allouer une telle indemnité.

Par conclusions déposées le 1er septembre 2022, la société Maisons Pierre demande à la cour de déclarer irrecevables comme nouvelles en appel les demandes de M. et Mme [C] relatives à la nullité du contrat de construction, de confirmer le jugement déféré et de condamner solidairement les appelants au paiement d'une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre liminaire, la société Maisons Pierre invoque les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et fait valoir qu'en première instance M. et Mme [C] ne demandaient pas de prononcer la nullité du contrat conclu avec elle ; subsidiairement, elle conteste l'irrégularité alléguée en soutenant notamment que M. et Mme [C] étaient titulaires d'une promesse définitive de vente d'un terrain et que le contrat de construction a été conclu sous la condition suspensive de l'achat de ce terrain. Pour le surplus, elle se réfère à la motivation du jugement en soutenant que M. et Mme [C] n'ont pas satisfait à leurs obligations relatives à la demande de prêt.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Néanmoins, conformément à l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, la demande de M. et Mme [C] de prononcé de la nullité du contrat conclu avec la société Maisons Pierre tend aux mêmes fins que la demande de prononcé de sa caducité, en ce que ces deux prétentions recherchent un anéantissement rétroactif de l'acte.

La société Maisons Pierre est dès lors mal fondée à contester la recevabilité de la demande nouvelle de M. et Mme [C].

Sur la nullité du contrat de construction de maison individuelle

Au soutien de leur contestation de la validité du contrat conclu avec la société Maisons Pierre, M. et Mme [C] invoquent les dispositions de l'article L.231-2 a) du code de la construction et de l'habitation, selon lequel le contrat de construction de maison individuelle doit, notamment, mentionner le titre de propriété du maître de l'ouvrage ou les droits réels lui permettant de construire, alors qu'en l'espèce l'acte litigieux a été conclu avant que la promesse de vente du terrain soit devenue définitive et alors que les bénéficiaires de cette promesse avaient toujours la faculté de s'en rétracter.

Cependant, aucune disposition légale n'impose que le maître de l'ouvrage soit, à la date de conclusion du contrat de construction de maison individuelle, déjà titulaire des droits réels permettant la réalisation de son projet de construction sur un terrain déterminé et il résulte au contraire expressément de l'article L.231-4 a) du code de la construction et de l'habitation qu'un tel contrat peut être conclu par le titulaire d'une simple promesse de vente, mais sous la condition suspensive de la réalisation de la vente ; en outre, la disposition invoquée par M. et Mme [C] impose un formalisme qui a été respecté dans la mesure où le contrat conclu avec la société Maisons Pierre vise la promesse de vente d'un terrain dont ils étaient bénéficiaires.

Enfin, M. et Mme [C] ne rapportent aucune preuve de l'existence du droit de rétractation qu'ils allèguent, alors que, selon les termes mêmes de la promesse de vente qui leur a été consentie le 5 juillet 2017, ils ne bénéficiaient pas de la faculté de rétractation prévue par l'article L.271-1 du code de la construction et de l'habitation.

Sur la caducité du contrat de construction de maison individuelle

Conformément à l'article 16 de ses conditions générales, le contrat de construction de maison individuelle a été conclu sous plusieurs conditions suspensives, notamment celle de l'acquisition par le maître de l'ouvrage de la propriété du terrain et celle de l'obtention de prêts.

Contrairement à ce que soutient la société Maisons Pierre, toutes les conditions suspensives devaient être réalisées pour que le contrat conclu avec M. et Mme [C] devienne parfait et, à défaut, il lui appartient de démontrer que toutes celles ayant défailli sont néanmoins réputées réalisées en raison du comportement des maîtres de l'ouvrage qui ont fait échec à leur réalisation.

Or, il n'est pas contesté que M. et Mme [C] n'ont pas acquis le terrain mentionné par la promesse de vente visée par le contrat de construction de maison individuelle, dans le délai de vingt-quatre mois prévu par ce contrat, et aucun élément de fait ne permet d'affirmer que le défaut de la réalisation de cette vente est la conséquence du comportement de M. et Mme [C] eux-mêmes qui y auraient fait échec, ni même qu'elle est la conséquence de l'absence de financement dont la société Maisons Pierre soutient qu'elle serait imputable à leur faute.

En outre, même si M. et Mme [C] n'ont pas respecté l'article 7 des conditions générales du contrat de construction de maison individuelle leur imposant de déposer leurs demandes de prêts dans les soixante jours de la conclusion de ce contrat et d'en justifier auprès du constructeur dans les huit jours suivant l'expiration de ce délai, sous peine de perte du bénéfice de la condition suspensive d'obtention des prêts, ils démontrent cependant avoir effectué des démarches pour obtenir un financement de leur projet immobilier, à des conditions qui n'étaient pas plus difficiles à obtenir que celles mentionnées dans le contrat de construction de maison individuelle, et s'être heurtés à un refus de deux banques.

Dès lors, si la société Maisons Pierre est fondée à soutenir que la condition suspensive d'obtention des prêts ne lui est pas opposable, faute pour M. et Mme [C] d'avoir justifié de leurs démarches bancaires dans le délai rappelé ci-dessus, en tout état de cause elle ne rapporte pas la preuve que la condition suspensive d'acquisition du terrain doit être réputée réalisée en raison du comportement de ses cocontractants.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré, de débouter la société Maisons Pierre de sa demande au titre de l'indemnité de résiliation et de la condamner à payer à M. et Mme [C] la somme de 3 000 euros au titre de la restitution du solde du dépôt de garantie.

Cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2018, date de la mise en demeure adressée par M. et Mme [C] à la société Maisons Pierre.

Sur les dommages et intérêts

Conformément à l'article 1231-6 du code civil, le préjudice résultant du retard dans le paiement est réparé par les intérêts légaux de la somme due.

M. et Mme [C], qui sollicitent en outre une somme de 2 500 euros au titre de la réticence dolosive, ne précisent pas quel préjudice indépendant du retard dans le paiement il conviendrait ainsi de réparer.

En outre, le seul refus de payer une somme due ne suffit pas à caractériser une intention dolosive, ni même la mauvaise foi prévue par le troisième alinéa de l'article 1231-6 du code civil.

M. et Mme [C] seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La société Maisons Pierre, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société Maisons Pierre à payer à M. et Mme [C] une indemnité de 8 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés à l'occasion du présent procès ; elle sera elle-même déboutée de ses demandes à ce titre, tant pour la première instance que pour l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE recevable la prétention de M. et Mme [C] tendant au prononcé de la nullité du contrat de construction de maison individuelle conclu avec la société Maisons Pierre ;

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit que la société Maisons Pierre est redevable de la somme de 3 000 euros au profit de M. et Mme [C] ;

Et, statuant à nouveau,

DÉBOUTE M. et Mme [C] de leur demande de prononcé de la nullité du contrat de construction de maison individuelle ;

DÉBOUTE la société Maisons Pierre de ses demandes relatives à la résiliation du contrat et au paiement d'une somme de 8 201 euros, après compensation avec la créance de M. et Mme [C] ;

CONDAMNE la société Maisons Pierre à payer à M. et Mme [C] la somme de 3 000 euros mentionnée ci-dessus, avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2018 ;

DÉBOUTE M. et Mme [C] de leur demande de dommages et intérêts pour réticence dolosive ;

CONDAMNE la société Maisons Pierre aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. et Mme [C] une indemnité de 8 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de ses demandes à ce titre.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00867
Date de la décision : 17/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-17;20.00867 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award