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13/10/2022 | FRANCE | N°20/00112

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 13 octobre 2022, 20/00112


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 OCTOBRE 2022



N° RG 20/00112 - N° Portalis DBV3-V-B7E-TV62



AFFAIRE :



SARL AMBULANCES CLAUDE MARTIN



C/



[R] [N]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes de CHARTRES

N° Section : AD

N° RG : F 18/00236



Copies exéc

utoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TREIZE O...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 OCTOBRE 2022

N° RG 20/00112 - N° Portalis DBV3-V-B7E-TV62

AFFAIRE :

SARL AMBULANCES CLAUDE MARTIN

C/

[R] [N]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes de CHARTRES

N° Section : AD

N° RG : F 18/00236

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL AMBULANCES CLAUDE MARTIN

N° SIRET : 341 048 924

[Adresse 2]

[Localité 7]

[Localité 4]

Représentant : Me Christophe GERARD de la SELAS GERARD & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0550 - Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

APPELANTE

****************

Monsieur [R] [N]

né le 11 Mars 1959 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000002

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

A compter du 10 septembre 2003, Monsieur [R] [N] a été engagé en qualité d'ambulancier par la société à responsabilité limitée Ambulances Claude Martin.

Un contrat de travail écrit a par la suite été conclu entre les parties le 30 mars 2016, celui-ci prévoyant notamment une quotité hebdomadaire de travail de 24 heures.

La relation de travail entre les parties était régie par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Par courrier du 19 février 2018, Monsieur [N] a été convoqué à un entretien préalable de licenciement, lequel s'est tenu le 1er mars suivant.

Par courrier du 7 mars 2018, il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave, son employeur lui reprochant en substance un accident de la route survenu alors qu'il conduisait un véhicule de l'entreprise, en dehors du chemin routier qui lui était imposé et sur son temps personnel.

Par requête reçue au greffe le 13 juillet 2018, Monsieur [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres afin notamment de contester la légitimité de son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de rappel de salaires.

Par jugement du 18 décembre 2019, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Chartres, section Activités diverses, a :

- dit que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société à verser au salarié les sommes suivantes :

- 9.200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2.628,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 262,84 euros au titre des congés payés afférents au préavis ;

- 5.329,92 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de l'aide juridictionnelle dont bénéficiait le salarié ;

- dit que les intérêts légaux étaient à compter de la date du dépôt de la requête s'agissant des salaires et à compter dudit jugement pour les autres sommes ;

- ordonné à la société de remettre au salarié le bulletin de salaire afférent au préavis, le certificat de travail rectifié mentionnant une date d'entrée au 10 septembre 2003, l'attestation Pôle emploi rectifiée y compris sur la date d'embauche au 10 septembre 2003, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la notification du jugement ;

- dit que le conseil se réserverait le droit de liquider l'astreinte ;

- dit que l'exécution provisoire était accordée sur les sommes à caractère de salaires et non sur les autres sommes ;

- débouté le salarié du surplus de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande reconventionnelle ;

- dit qu'après présentation d'un état de recouvrement, la société devrait rembourser au Trésor public les frais avancés par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle dont bénéficie le salarié ;

- condamné la société aux entiers dépens, ce compris les frais éventuels d'exécution par voie d'huissier.

Par déclaration au greffe du 10 janvier 2020, la société Ambulances Claude Martin a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 3 février 2021 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, elle expose notamment que le licenciement du salarié pour faute grave est fondé. Elle indique ainsi que celui-ci ne conteste pas que son accident est survenu alors qu'il utilisait le véhicule de la société en-dehors des heures de travail, sans l'en avoir informée, son imprudence et son infraction du code de la route ayant conduit à la destruction du véhicule.

Elle demande donc à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'a condamnée au paiement de diverses sommes à l'intimé, a dit que les intérêts légaux étaient à compter de la date du dépôt de la requête s'agissant des salaires et à compter dudit jugement pour les autres sommes, lui a ordonné de remettre à l'intimé différents documents sous astreinte, l'a débouté de sa demande reconventionnelle, a dit qu'elle devrait rembourser au Trésor public les frais avancés par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle dont bénéficiait le salarié après présentation d'un état de recouvrement et l'a condamnée aux entiers dépens ;

En conséquence,

- Juger que le licenciement pour faute grave de l'appelant est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse, constitutive d'une faute grave ;

- Débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner l'intimé à lui payer une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En réplique, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 novembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [R] [N], intimé, soutient en substance que :

- son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que son accident est survenu sur une route enneigée, qu'il avait choisi d'emprunter au vu des conditions météorologiques et de circulation pour regagner le siège de la société, dans un contexte dans lequel le régulateur de la société lui avait indiqué qu'il était susceptible de le rappeler pour prendre en charge des patients, alors même que l'employeur n'établit aucunement la réalité de ses horaires de travail ainsi que l'infraction au code de la route, le défaut de maîtrise du véhicule et la destruction de ce dernier qu'il lui reproche ;

- au vu des articles 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail et 24 de la Charte sociale européennne dont il résulte notamment l'obligation d'allouer au salarié une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation appropriée ou considérée comme telle, il y a lieu d'écarter l'article L. 1235-3 du code du travail en sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, telle qu'elle plafonne le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans la mesure où il ne permet pas une juste indemnisation du préjudice subi ;

- il a été privé du règlement de ses congés payés de l'exercice 2016, l'employeur l'ayant placé d'autorité en congé sans solde entre les 12 et 31 juillet 2016, bien qu'il disposait de congés payés antérieurement acquis ;

- les documents concernés par la remise ordonnée par le jugement ne lui ont pas été transmis par l'employeur.

Par conséquent, il demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l'appelante à lui payer les sommes de 5.329,92 euros à titre d'indemnité de licenciement et de 2.628,42 à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre une somme de 262,84 au titre des congés payés y afférents et en ce qu'il a ordonné la remise du bulletin de salaire afférent au préavis, du certificat de travail rectifié mentionnant une date d'entrée au 10 septembre 2003, de l'attestation Pôle emploi rectifiée y compris sur la date d'embauche au 10 septembre 2003, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la notification du jugement ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'appelante à lui verser une somme de 9.200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l'appelante à lui verser les sommes de :

- 26.285 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour faisant droit à l'exception d'inconventionnalité des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail aux dispositions européennes ;

- subsidiairement, 17.084,99 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, outre 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi en raison de son âge et de sa sitaution personnelles vis-à-vis de l'emploi ;

- 913,64 euros à titre de rappel de congés payés ;

- 2.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

- 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

Y ajoutant,

- Prononcer la liquidation de l'astreinte prononcée par le Conseil de prud'hommes de Chartres à hauteur de 15.000 euros arrêtée au jour de l'établissement de ses écritures ;

- Dire que l'intégralité des sommes sus énoncées sera augmentée des intérêts au taux légal et ce, à compter du jour de l'introduction de la demande en application des articles 1146 et 1153 du code civil ;

- Condamner l'appelante aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er juin 2022.

MOTIFS :

Sur le rappel de congés payés :

Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

En l'espèce, le salarié soutient qu'il a été privé du règlement de ses congés payés pour l'année 2016, dans la mesure où son employeur l'a placé d'autorité en congé sans solde du 12 au 31 juillet 2016, alors qu'il disposait de congés payés antérieurement acquis.

Alors que la charge de la preuve de l'accomplissement de ses obligations légales lui incombe, l'employeur ne fournit aucune explication sur ce point.

Il convient donc d'allouer au salarié une somme de 913,64 euros à titre de rappel de congés payés.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il le déboute de ce chef.

Sur le licenciement :

En application de l'article L. 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par ailleurs, selon l'article L. 1235-2, alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

En outre, la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur.

En l'espèce, le salarié s'est vu notifier son licenciement dans les termes suivants :

'Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Les motifs de licenciement sont ceux évoqués lors de l'entretien (...) du 1er mars 2018 à savoir :

Le vendredi 9 février 2018, vous étiez en charge de procéder à l'accompagnement en VSL d'un patient à [Localité 6] au domicile de ce dernier. Ce patient a été déposé par vos soins à 15 heures. Dès lors après que vous ayez contacté 'le régulateur', ce jour-là M. [H], celui-ci vous a indiqué la fin de votre journée de travail. Dès lors vous auriez dû rentrer avec le véhicule de l'entreprise au siège social à [Localité 7] afin de récupérer votre véhicule personnel et ainsi restituer le véhicule de l'entreprise.

Or vous avez eu un accident de la route avec le véhicule de l'entreprise ce même jour à 17 heures (heure de constat) en la commune de Saint Hilaire sur Yerre ; accident dont vous êtes le seul responsable. Le trajet entre [Localité 6] et [Localité 7] est estimée à 30 minutes en empruntant la route nationale 10, cette nationale que nous imposons d'emprunter entre ces deux communes étant le trajet le plus court et le plus rapide. Ce jour avec un temps neigeux, nous acceptons le fait que le trajet des 30 minutes soit augmenté.

Cependant lors de l'accident vous étiez dans une commune n'ayant aucun lien avec ce trajet [Localité 6] [Localité 7] et de surcroît il est survenu deux heures après la notification de la fin de votre journée de travail. Vous étiez donc au volant du véhicule de l'entreprise en dehors de votre temps de travail ; sur votre temps personnel.

Par conséquent, au regard de tous ces motifs nous vous confirmons que nous ne pouvons pas poursuivre notre collaboration puisque les faits que nous avons constatés constituent une faute grave justifiant ainsi votre licenciement sans indemnités, ni préavis'.

Il est établi, au vu du constat d'accident automobile réalisé par le salarié, que l'accident qui lui est reproché est survenu à 17 heures à [Localité 8], alors qu'il conduisait le véhicule de son employeur, à la suite d'une perte de contrôle sur la neige.

S'agissant du grief tiré de ce que l'intimé se serait trouvé dans une commune sans lien avec le trajet entre les communes de [Localité 6] (où il avait réalisé sa dernière mission de la journée) et [Localité 7] (lieu du siège social de l'entreprise où il devait restituer le véhicule), le récit de ce dernier, selon lequel il aurait entendu emprunter un itinéraire alternatif (en particulier pour éviter des embouteillages), est conforté par la carte géographique et les simulations d'itinéraires qu'il produit. Outre l'absence d'écart sensible entre les différentes durées de trajets proposés (entre 29 minutes et 34 minutes, sans prise en compte des éléments lieux à la circulation et aux conditions météorologiques avancés par le salarié), la cour relève la localisation géographique de la commune de [Localité 8], laquelle se situe entre les communes de [Localité 6] et de [Localité 7].

En ce qui concerne le reproche tiré de ce que l'accident serait survenu deux heures après la notification au salarié de la fin de sa journée de travail, celui-ci a eu lieu alors que l'intimé avait déposé ses derniers patients à [Localité 6] à 15 heures, selon l'employeur.

Cela étant, l'employeur ne démontre nullement avoir notifié au salarié la fin de sa journée de travail à l'issue de sa mission à [Localité 6].

En ce sens, l'appelante ne fournit aucun élément concernant les horaires de travail du salarié, alors que ce dernier indique qu'il ignorait toujours ses horaires de travail et qu'il était susceptible de se voir confier des missions dans l'heure précédant ces dernières. Dans ce contexte, le récit du salarié selon lequel, l'accomplissement de tâches administratives et l'attente d'un éventuel appel du régulateur justifient l'heure à laquelle il circulait avec le véhicule de la société apparaît crédible, à plus forte raison que les conditions climatiques pouvaient causer des ralentissements de circulation.

Au vu de ces éléments, l'employeur ne saurait valablement faire grief au salarié d'avoir circulé avec le véhicule de l'entreprise sur une commune sans lien avec son trajet professionnel et durant son temps personnel.

En tout état de cause, l'employeur n'est pas fondé à reprocher au salarié d'avoir conduit le véhicule de la société sur la neige, alors même qu'en dépit de l'obligation de sécurité qui lui incombe, il ne justifie pas avoir adressé de consignes au salarié en ce sens, tant en ce qui concerne la réalisation de sa prestation de travail auprès des patients qu'en ce qui se rapporte à l'accomplissement du trajet de retour au siège de la société.

Au surplus, l'employeur ne fournit aucun élément probant au soutien de ses affirmations selon lesquelles l'intimé aurait, d'une part, détruit le véhicule qu'il conduisait et, d'autre part, commis une infraction en ne maîtrisant pas le véhicule.

Ainsi, compte tenu au demeurant des conditions de circulation dégradées, l'accident subi par le salarié ne saurait, à lui seul, caractériser un quelconque manquement de ce dernier à ses obligations.

Par conséquent, s'agissant en tout état de cause d'un événement survenu à l'issue d'une relation contractuelle de plus de quatorze ans ne laissant apparaître aucun antécédent disciplinaire, l'accident précité n'est pas de nature à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il dit le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières sur licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Dans la mesure où son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'intimé, qui disposait d'une ancienneté de quatorze ans et sept mois au moment du licenciement et percevait un salaire moyen de 1.314,24 euros bruts au moment de la rupture, est fondé à percevoir différentes sommes.

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

Le salarié, qui n'a pu accomplir le préavis d'une durée de deux mois prévu par l'article L. 1234-1 du code du travail, sera indemnisé par le versement d'une indemnité de préavis d'un montant de 2.628,47 euros, outre une somme de 262,84 euros au titre des congés payés y afférents, ainsi qu'il le demande.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

- Sur l'indemnité de licenciement

En application des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 5 329,92 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, dont le montant n'est pas en lui-même critiqué par l'employeur.

- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail tel qu'il résulte de l'ordonnance du 22 septembre 2017, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

Selon l'article 24 de cette même Charte, « en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. »

L'annexe de la Charte sociale européenne précise qu'il « est entendu que l'indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. »

Il résulte de la loi n° 99-174 du 10 mars 1999, autorisant l'approbation de la Charte sociale européenne, et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 que la France a choisi d'être liée par l'ensemble des articles de la Charte sociale européenne.

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Il résulte de l'annexe, de la Partie III et de la Partie V de la Charte sociale européenne que les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application prévus par l'annexe de la Charte sociale européenne et l'article I de la partie V de ladite Charte et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique mentionné par la Partie III de l'annexe de la Charte sociale européenne.

Par conséquent, les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

En outre, aux termes de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (l'OIT), si les organismes mentionnés à l'article 8 de ladite convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Les stipulations de cet article 10 qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne. En effet, la Convention n° 158 de l'OIT précise dans son article 1er : « Pour autant que l'application de la présente convention n'est pas assurée par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, elle devra l'être par voie de législation nationale. »

Selon la décision du Conseil d'administration de l'OIT, ayant adopté en 1997 le rapport du Comité désigné pour examiner une réclamation présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par plusieurs organisations syndicales alléguant l'inexécution par le Venezuela de la Convention n° 158, le terme « adéquat » visé à l'article 10 de la Convention signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

A cet égard, il convient de relever qu'aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 de ce code n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

Par ailleurs, selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l'article L. 1235-3 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il en résulte, d'une part, que les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Il en résulte, d'autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail en sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

Ainsi, compte tenu des circonstances de la rupture, de son ancienneté au service de la société et de son âge au moment de la rupture (59 ans) et de ses difficultés de réinsertion professionnelle, une somme de 12.000 euros sera allouée au salarié à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail en sa rédaction applicable au litige.

Le jugement sera donc infirmé sur le montant ainsi alloué.

En revanche, dès lors que le salarié ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui indemnisé par ailleurs par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement sera confirmé en ce qu'il le déboute de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de son âge et de sa situation personnelle vis-à-vis de l'emploi.

Sur les autres demandes :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il ordonne à l'appelant la remise d'un bulletin de salaire afférent au préavis, d'un certificat de travail rectifié mentionnant une date d'embauche fixée au 10 septembre 2003 et d'une attestation Pôle emploi rectifiée y compris sur la date d'embauche au 10 septembre 2003.

En revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il assortit cette condamnation d'une astreinte qui n'apparaît pas nécessaire en l'espèce.

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles de première instance, et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Ambulances Claude Martin.

La demande formée par M. [N] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 3 300 euros et la demande présentée de ce chef par la société Ambulances Claude Martin rejetée.

Les intérêts au taux légal avec capitalisation sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil sur les sommes susvisées seront dus dans les conditions précisées au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 18 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Chartres, sauf en ce qu'il condamne la société à responsabilité limitée Ambulances Claude Martin à payer à Monsieur [R] [N] la somme de 9.200 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, assortit la remise des documents obligatoires rectifiés d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la notification dudit jugement et en ce qu'il déboute le salarié de sa demande au titre du rappel de congés payés ;

Statuant de nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant :

Condamne la société à responsabilité limitée Ambulances Claude Martin à payer à Monsieur [R] [N] les sommes suivantes :

- 913,64 euros à titre de rappel de congés payés ;

- 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3.300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l'article 1343-2 du code civil sont dus sur la créance salariale (rappel de congés payés, indemnité de préavis et congés payés) et sur l'indemnité de licenciement, à compter du 17 juillet 2018, date de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et à compter du présent arrêt pour les autres sommes ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Déboute la société à responsabilité limitée Ambulances Claude Martin de sa demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Condamne la société à responsabilité limitée Ambulances Claude Martin aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,La PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00112
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;20.00112 ?
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