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11/10/2022 | FRANCE | N°21/05135

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 11 octobre 2022, 21/05135


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53I



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 OCTOBRE 2022



N° RG 21/05135 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UWC6



AFFAIRE :



[O] [R]



C/



CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2020

F00098



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Martine DUPUIS



Me Emmanuel MOREAU



TC NANTERRE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 OCTOBRE 2022

N° RG 21/05135 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UWC6

AFFAIRE :

[O] [R]

C/

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2020F00098

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Emmanuel MOREAU

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2166838

Représentant : Me Laurent AZOULAI de la SELEURL LAMLA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 - N° du dossier 20218786

Représentant : Me Michèle SOLA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0133

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Delphine BONNET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

Le 20 août 2013, la SARL FV Consulting (la société FVC), gérée par M. [O] [D] [R], a ouvert dans les livres de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France (la Caisse d'épargne), un compte courant ; elle bénéficiait d'une autorisation de découvert à hauteur de 80 000 euros.

La société FVC a été placée en redressement judiciaire le 7 octobre 2015.

La Caisse d'épargne a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire au titre du compte courant.

Le 24 mai 2017, le plan de redressement de la société FVC a été arrêté ; puis, par jugement du 1er octobre 2019, la résolution du plan a été prononcée et la société FVC mise en liquidation judiciaire.

Par courrier recommandé du 14 novembre 2019, la Caisse d'épargne a mis en demeure M. [R], en sa qualité de caution de la société FVC, de lui payer la somme de 133 394,70 euros correspondant au solde débiteur du compte courant.

Puis, par acte du 17 décembre 2019, la Caisse d'épargne a assigné M. [R] devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 2 juillet 2021, a :

- débouté M. [R] de sa demande au titre de l'absence de production de la version originale de l'acte de cautionnement ;

- débouté M. [R] de sa demande d'annulation de l'acte de cautionnement pour absence de cause ;

- débouté M. [R] de sa demande d'annulation de l'acte de cautionnement pour vices du consentement;

- débouté M. [R] de sa demande au titre de la disproportion de son engagement de cautionnement ;

- condamné M. [R] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 110 614,20 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2017, avec anatocisme ;

- débouté M. [R] de sa demande reconventionnelle au titre de dommages et intérêts ;

- débouté M. [R] de sa demande de délais de paiement ;

- condamné M. [R] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [R] aux dépens.

Par déclaration du 5 août 2021, M. [R] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 novembre 2021, il demande à la cour de :

- le recevoir en son appel, le dire bien fondé en ses demandes et y faire droit ;

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau,

à titre principal,

- constater l'absence de production de la version originale de l'acte de cautionnement sur lequel la Caisse d'épargne fonde ses demandes à son encontre ;

en conséquence,

- débouter la Caisse d'épargne de ses demandes à son encontre ;

à titre subsidiaire,

- prononcer la nullité de l'acte de cautionnement pour absence de cause ;

- prononcer la nullité du cautionnement pour vices du consentement, à savoir pour erreur sur la solvabilité du débiteur, et pour cause de dol ;

en conséquence,

- débouter la Caisse d'épargne de toutes ses demandes à son encontre ;

à titre plus subsidiaire,

- constater la disproportion manifeste de son engagement ;

en conséquence,

- prononcer la décharge de l'engagement de son caution ;

à titre très subsidiaire,

- constater que les demandes de la Caisse d'épargne excèdent le montant de sa créance ;

en conséquence,

- débouter la Caisse d'épargne de ses demandes à son encontre ;

à titre également très subsidiaire,

- constater le défaut d'information annuelle de la caution par la Caisse d'épargne ;

en conséquence,

- prononcer la déchéance des intérêts et l'imputation des paiements effectués par le débiteur principal sur le règlement du principal de la dette ;

à titre infiniment subsidiaire,

- juger que la Caisse d'épargne a engagé sa responsabilité délictuelle à son égard ;

en conséquence,

- condamner la Caisse d'épargne à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance ;

- ordonner la compensation entre toute somme qu'il serait par extraordinaire condamné à payer et la créance de la Caisse d'épargne ;

à titre très infiniment subsidiaire,

- ordonner que toute somme qu'il serait le cas échéant condamné à payer à la Caisse d'épargne fera l'objet d'un paiement échelonné sur 24 mois ;

en tout état de cause,

- condamner la Caisse d'épargne à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Caisse d'épargne aux entiers dépens.

La Caisse d'épargne, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 janvier 2022, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- débouter M. [R] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [R] à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [R] aux dépens et autoriser maître Emmanuel Moreau, avocat au barreau de Versailles, à les recouvrer sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de M. [R] recevable.

Après avoir expliqué qu'en juillet 2015, la société FVC a sollicité une augmentation de son autorisation de découvert en vue de la porter à 230 000 euros, avec son cautionnement à hauteur de ce montant, ce qui a été refusé par la banque, laquelle a sollicité la signature d'un acte de caution émanant d'une autre personne et ayant vocation à remplacer celui précédemment sollicité auprès de lui, M. [R] soutient que la production de la version originale d'un acte de cautionnement est nécessaire pour apporter la preuve de son existence et partant pour en invoquer l'exécution selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Com., 20 janvier 2009, n° 07-20344). Il répond à la banque que les dispositions de l'article 1379 du code civil issues de l'ordonnance du 10 février 2016 ne sont pas applicables en l'espèce et que seul s'appliquerait l'ancien article 1334 du code civil. Il précise qu'il conteste l'existence même de ce cautionnement dont l'original ne lui a jamais été adressé par la banque, celle-ci ayant prévu dès le 7 août 2015 de faire signer un acte de cautionnement à une autre personne, M. [T]. Il rappelle que le cautionnement étant un contrat unilatéral, il peut n'être dressé qu'en un seul exemplaire qui doit être, ou avoir été en possession du créancier qui s'en prévaut. Il estime qu'il appartient à la Caisse d'épargne de prouver qu'il a entendu s'engager en qualité de caution en lui remettant un original de l'acte litigieux, rappelant qu'il n'a jamais consenti à un cautionnement sans contrepartie de l'octroi d'une autorisation de découvert à due concurrence de l'acte de cautionnement. Il explique qu'en effet, ayant compris le 7 août 2015 que la ligne de crédit à hauteur de 250 000 euros avait été refusée et ayant soumis à la banque une autre caution en garantie du découvert, l'original de l'acte de caution n'a jamais été envoyé à la banque.

La Caisse d'épargne qui fait observer que M. [R] reconnaît avoir signé l'acte de cautionnement litigieux, en garantie des dettes pouvant être dues par la société FVC, et y avoir apposé une mention manuscrite valable et conforme aux prescriptions édictées par le code de la consommation, fait valoir, au visa des anciens articles 1134 et 1348 du code civil applicables à l'acte litigieux, et du nouvel article 1379, qu'elle verse aux débats une copie fiable et parfaitement lisible du cautionnement souscrit le 5 août 2015 par M. [R] lequel ne dénie aucunement ni son écriture ni sa signature. Elle explique qu'elle a maintenu l'autorisation de découvert de la société FVC à hauteur de 80 000 euros, mais qu'elle a sollicité un cautionnement plus important parce que la société ne respectait pas les limites de cette autorisation, le compte étant en août 2015, débiteur de près de 135 000 euros. Elle soutient que le seul fait que l'original de l'acte ne soit pas versé aux débats ne saurait dégager M. [R] de cet engagement qu'il a souscrit en sa faveur et dont les mentions sont valables. Elle ajoute que M. [R] était le gérant de la société FVC de sorte que son cautionnement a une nature commerciale et que la preuve de son engagement peut donc être rapportée par tout moyen.

Le cautionnement présente un caractère commercial lorsque la caution à un intérêt patrimonial personnel dans l'opération à l'occasion de laquelle elle accorde sa garantie. L'intérêt personnel se trouve caractérisé du seul fait que le cautionnement émane du dirigeant de la société débitrice principale.

En l'espèce, la Caisse d'épargne produit la copie d'un acte sous seing privé du 5 août 2015 aux termes duquel M. [R] s'est porté caution solidaire envers elle en garantie des dettes pouvant être dues par la société FVC, pour une durée de 5 mois et 10 jours, soit jusqu'au 15 janvier 2016, dans la limite de la somme de 230 000 euros.

M. [R] étant le gérant de la société FVC, débitrice principale, le cautionnement a donc un caractère commercial.

Toutefois, compte tenu des dispositions de l'ancien article L. 341-4 du code de la consommation, en vigueur à la date de l'acte litigieux, imposant un formalisme à tous les cautionnements sous seing privé souscrits en garantie d'une opération de crédit par une personne physique envers un créancier professionnel, le cautionnement de M. [R] à l'égard de la Caisse d'épargne a nécessairement été recueilli par écrit.

Selon l'ancien article 1315 du code civil applicable au présent litige compte tenu de la date du cautionnement dont se prévaut la Caisse d'épargne, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

L'ancien article 1334 énonce que les copies, lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre, dont la représentation peut toujours être exigée.

Lorsque la copie est contestée, elle est dépourvue de valeur probante, de sorte qu'il appartient au créancier de produire l'original de l'acte. Si la copie n'est pas en elle-même contestée, elle peut suppléer à la représentation de l'original dès lors que l'existence de ce dernier n'est pas déniée.

Si M. [R] ne conteste pas avoir apposé la mention manuscrite et la signature figurant sur la copie de l'engagement de caution versée aux débats par la banque, il conteste cependant l'existence même du cautionnement dont il soutient que l'original n'a jamais été adressé à la banque.

Il n'est pas contesté par la Caisse d'épargne que la société FVC a sollicité une augmentation de son autorisation de découvert en vue de la porter à 230 000 euros. C'est dans ce contexte, selon M. [R], que la banque a sollicité sa caution personnelle à hauteur de 230 000 euros 'afin d'appuyer son dossier'.

Il résulte de l'échange de mails intervenu le 7 août 2015 entre M. [R] et la Caisse d'épargne, soit deux jours après la date figurant sur la copie de l'engagement de caution litigieux, que la banque n'avait accepté que le principe d'une autorisation de découvert portée à hauteur de 230 K€ avec le cautionnement de M. [T] à hauteur de 150 K€ a minima, et l'entrée de celui-ci au capital de la société FVC, la banque observant dans ce mail que le découvert autorisé n'était que de 80 000 euros.

Compte tenu de ce contexte, la banque qui n'allègue ni ne démontre avoir été en possession de l'original de l'acte de caution solidaire qu'elle oppose à M. [R] et dont elle réclame aujourd'hui l'exécution, ne peut se prévaloir de la seule copie de l'acte sur le fondement de l'article 1348 du code civil. S'agissant d'un acte unilatéral dont la preuve exige la production de l'original par le bénéficiaire, il lui appartient de prouver que M. [R] s'est effectivement engagé en qualité de caution à son égard en produisant l'original du cautionnement litigieux, ce qu'elle ne fait pas en sorte qu'elle doit être déboutée de ses demandes.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Déclare l'appel de M. [O] [D] [R] recevable ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Déboute la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France de ses demandes ;

Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France aux dépens de premier instance et d'appel ;

Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France à payer à M. [O] [D] [R] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 21/05135
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;21.05135 ?
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