La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2022 | FRANCE | N°21/00533

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 11 octobre 2022, 21/00533


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





PAR DEFAUT

Code nac : 29A





DU 11 OCTOBRE 2022





N° RG 21/00533

N° Portalis DBV3-V-B7F-UJAS





AFFAIRE :



Consorts [Y]

C/

Consorts [Y]

S.C.P. [K] CHENAGON CHAUVIN





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de PONTOISE

N° Chambre : 02

N° Secti

on :

N° RG : 19/02606



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Franck LAFON,



- Me Jonathan THOMAS,



-la SCP COURTAIGNE AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE OCTOBRE DEUX M...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

PAR DEFAUT

Code nac : 29A

DU 11 OCTOBRE 2022

N° RG 21/00533

N° Portalis DBV3-V-B7F-UJAS

AFFAIRE :

Consorts [Y]

C/

Consorts [Y]

S.C.P. [K] CHENAGON CHAUVIN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de PONTOISE

N° Chambre : 02

N° Section :

N° RG : 19/02606

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Franck LAFON,

- Me Jonathan THOMAS,

-la SCP COURTAIGNE AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [N], [G], [U] [Y] épouse [T]

née le 24 Juillet 1975 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 16]

[Localité 7]

Mademoiselle [C], [J], [L] [Y]

née le 02 Février 1993 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 9]

représentées par Me Franck LAFON, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20210047

Me Armelle COULHAC-MAZERIEUX, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : E788

APPELANTES

****************

Madame [E], [F] [W] veuve [Y]

née le 07 Mai 1966 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 11]

[Localité 6]

représentée par Me Jonathan THOMAS, avocat postulant - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 155 - N° du dossier 789/2021

Me Camille GAILLARD-GUÉNÉGO, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : L0007

S.C.P. [K] CHENAGON CHAUVIN

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 400 495 651

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 021493

Me Frédéric MADY de la SELARL MADY- GILLET- BRIAND- PETILLION, avocat - barreau de POITIERS, vestiaire : 60

Monsieur [O], [V], [M] [Y]

né le 16 Avril 1979 à [Localité 14]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Défaillant

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente, chargée du rapport, et Madame Nathalie LAUER, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Aurélie DAOUST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

**************************

FAITS ET PROCÉDURE

[P] [Y] est décédé le 17 avril 2017 à [Localité 13] (Val d'Oise) laissant pour recueillir sa succession :

- ses trois enfants nés d'un premier mariage :

* [N] [Y], épouse [T],

* [O] [Y],

* [C] [Y],

- sa seconde épouse, [E] [W].

Aux termes d'un acte authentique reçu le 9 juillet 2007 par M. [X], notaire, associé de la société civile professionnelle (SCP) dénommée '[P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires, associés d'une SCP, titulaire d'un office notarial' dont le siège social est à Vouille (Vienne), [P] [Y] avait fait donation à Mme [W] de l'universalité des biens meubles et immeubles qui composait sa succession au jour de son décès, sans aucune exception.

Mme [T] et Melle [C] [Y] ont accepté purement et simplement la succession de leur père mais ont refusé de signer l'acte de notoriété fixant la dévolution successorale.

Par exploit du 8 avril 2019, elles ont fait assigner la SCP [R] [K], Philippe Chenagon et Samuel Chauvin (ci-après, autrement dénommée, la 'SCP'), Mme [W] et M. [O] [Y] devant le tribunal de grande instance de Pontoise.

Par jugement contradictoire rendu le 23 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

- Rejeté les fins de non recevoir soulevées par la SCP [R] [K], Philippe Chenagon et Samuel Chauvin et par Mme [E] [Y], née [W],

- Débouté Mme [N] [Y], épouse [T], et [C] [Y] de leurs demandes aux fins de voir déclarer l'acte de donation du 9 juillet 2007 inopposable aux tiers et, par voie de conséquence à elles-mêmes,

- Condamné Mmes [N] [Y], épouse [T], et [C] [Y] à verser d'une part à la SCP [R] [K], Philippe Chenagon et Samuel Chauvin ; d'autre part à Mme [E] [Y], née [W], la somme de 1 500 euros à chacune (soit 3.000 euros au total), sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté ou dit sans objet les demandes plus amples ou contraires des parties,

- Condamné Mmes [N] [Y], épouse [T], et [C] [Y] au paiement des dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [N] [Y] épouse [T] et Melle [C] [Y] ont interjeté appel de ce jugement le 27 janvier 2021 à l'encontre de Mme [E] [W] épouse [Y], M. [O] [Y] et la SCP [K] Chenagon Chauvin.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 24 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, Mme [T] née [Y] et Melle [C] [Y] demandent à la cour de :

- Les déclarer recevables et bien fondées en leur appel,

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 23 novembre 2020 en ce qu'il a débouté la société civile professionnelle « [R] [K], Philippe Chenagon et Samuel Chauvin, notaires, associés d'une société civile professionnelle titulaire d'offices notariaux » de sa fin de non-recevoir ;

- Infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant de nouveau :

- Déclarer inopposables ou prononcer l'inopposabilité aux tiers et donc à elles-mêmes, à la date du 9 juillet 2007 :

* de l'acte de cessions de parts du 7 novembre 2006 au bénéfice de Mme [K], ès qualités, notaire, de la modification subséquente de la dénomination sociale de la SCP décidée audit acte, de la désignation de Mme [K] en qualité d'associé et de co-gérant de la SCP, ainsi que des statuts modifiés de cette dernière du 7 mai 2007 desdits actes et mentions,

* de la société civile professionnelle dénommée « [P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires, associés d'une société civile professionnelle titulaire d'un office notarial »,

* de la qualité de notaires associés de M. [X], Mme [A] et Mme [K] au sein de la société civile professionnelle dénommée « [P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires, associés d'une société civile professionnelle titulaire d'un office notarial »,

* de tout exercice en commun par M. [X], Mme [A] et Mme [K], ès qualités, notaires, de l'activité de notaire au sein de ladite société civile professionnelle,

Par voie de conséquence :

- Déclarer inopposable ou prononcer l'inopposabilité aux tiers et donc à elles-mêmes, de l'acte de donation universelle du 9 juillet 2007 reçu par « M. [X], notaire soussigné, membre de la société civile professionnelle dénommée « [P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires, associés d'une société civile professionnelle titulaire d'un office notarial »,

- Débouter la société civile professionnelle « [R] [K], Philippe Chenagon et Samuel Chauvin, notaires, associés d'une société civile professionnelle titulaire d'offices notariaux » de l'intégralité de ses demandes, en tous leurs chefs et moyens,

- Débouter Mme [W] veuve [Y] de l'intégralité de ses demandes, en tous leurs chefs et moyens,

- Prononcer le caractère commun à Mme [W] veuve [Y] et à M. [O] [Y] de l'arrêt à intervenir,

- Condamner la société civile professionnelle « [R] [K], Philippe Chenagon et Samuel Chauvin, notaires, associés d'une société civile professionnelle titulaire d'offices notariaux » à leur payer, chacune, la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société civile professionnelle « [R] [K], Philippe Chenagon et Samuel Chauvin, notaires, associés d'une société civile professionnelle titulaire d'offices notariaux » aux entiers dépens, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par d'uniques conclusions notifiées le 17 juillet 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [Y] née [W] demande à la cour de :

- La déclarer recevable et bien fondée dans l'ensemble de ses demandes,

- Juger qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour sur la demande d'inopposabilité de l'acte de donation du 9 juillet 2007,

En tout état de cause,

- Condamner la partie succombante à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par d'uniques conclusions notifiées le 7 juillet 2021, la société '[R] [K], Philippe Chenagon et Samuel Chauvin, notaires associés d'une société civile professionnelle d'offices notariaux', auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au fondement des dispositions de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et du décret n° 67-868 du 02 octobre 1967 portant réglementation d'administration publique pour l'application à la profession de notaire de ladite loi, de :

- Dire et juger :

* que dès l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 16 avril 2007, seule la SCP dénommée « [P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires associés d'une société civile professionnelle titulaire d'un office notarial », était habilitée à recevoir les actes authentiques.

* en conséquence parfaitement régulier l'acte du 9 juillet 2007 comportant donation de [P] [Y] au profit de Mme [W], reçu par Me [X], ès qualités, notaire associé de la SCP [X]-[A]-[K],

- Débouter en conséquence Mme [T] et [C] [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- Confirmer dès lors le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 23 novembre 2020 en ce qu'il a :

* Débouté Mme [T] et [C] [Y] de leur demande aux fins de voir déclarer l'acte de donation du 09 juillet 2007 inopposable aux tiers et par voie de conséquence à elles-mêmes,

* Condamné Mme [T] et [C] [Y] à verser à la SCP [R] [K], Philippe Chenagon et Samuel Chauvin la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* Condamné Mme [T] et [C] [Y] au paiement des dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

- Condamner Mme [T] et [C] [Y] à lui payer la somme complémentaire de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Les condamner enfin en tous les frais et dépens de l'instance d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel et les conclusions des appelantes du 27 avril 2021 ont été signifiées respectivement les 23 mars 2021 et 29 avril 2021 à M. [O] [Y] par actes d'huissier de justice dressés selon les modalités des articles 656 et 658 du code de procédure civile (en l'étude).

Les conclusions de la SCP ont été signifiées à M. [O] [Y] par acte d'huissier de justice dressé le 22 juillet 2021 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile (procès-verbal de recherches infructueuses).

Compte tenu des modalités de signification de ces actes à M. [O] [Y], le présent arrêt sera rendu par défaut.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 2 juin 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel et à titre liminaire,

Les appelantes sollicitent l'infirmation du jugement sauf en ses dispositions relatives au rejet des fins de non recevoir soulevées par la SCP.

La SCP renonce à solliciter, au fondement des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des prétentions des demanderesses pour absence de tentative de résolution amiable préalable du litige. Elle poursuit la confirmation du jugement en ses autres dispositions.

Le jugement en ce qu'il rejette les fins de non recevoir soulevées par la SCP [R] [K], Philippe Chenagon et Samuel Chauvin et par Mme [E] [Y], née [W] est dès lors devenu irrévocable.

Pour la bonne compréhension du litige, il importe de préciser que l'acte notarié de donation universelle a été reçu par Me [X], notaire, membre de la SCP dénommée '[P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires, associés d'une SCP, titulaire d'un office notarial' le 9 juillet 2007.

Cette SCP fut créée en 1994 par MM. [B] [S], [P] [X] et Mme [Z] [A], sous la dénomination '[P] [X], [Z] [A] et [B] [S], notaires associés d'une société civile professionnelle titulaire d'un office notarial'.

Le 7 novembre 2006, M. [B] [S] et [Z] [A] ont conclu un acte de cessions de parts de société civile professionnelle à Mme [R] [K], jusqu'alors notaire salariée de la société, de la totalité de ses parts s'agissant de M. [S] et d'une partie d'entre elles pour Mme [A]. Les statuts de la société civile professionnelle ont été mis à jour selon acte authentique du 8 mai 2007 ; l'arrêté de M. le Garde des Sceaux du 16 avril 2007 portant agrément et nomination de Mme [R] [K] a été publié au journal officiel du 8 mai 2007.

Tant l'acte de cessions de parts, le changement de la dénomination sociale de l'étude ainsi que les statuts modifiés subséquents ont été déposés auprès du greffe du tribunal de commerce de Poitiers le 7 novembre 2007, soit postérieurement à la rédaction de l'acte de donation universelle par M. [X], sous la dénomination '[P] [X], [Z] [A] et [B] [S], notaires associés d'une société civile professionnelle titulaire d'un office notarial'.

Les appelantes soutiennent que parce que cette publication est intervenue postérieurement à la rédaction de la donation universelle, l'inopposabilité de cet acte est encourue.

Sur l'inopposabilité aux tiers de l'acte de donation universelle du 9 juillet 2007

' Moyens des parties

Se fondant sur les dispositions des articles L. 123-9 du code de commerce, R. 123-66, R. 123-54, R.123-105, du même code, 38, 44-1, 45 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnels, 32,52 et 20 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, 1865 du code civil, 36 des statuts de la SCP, l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 18 décembre 2007 (Com., 18 décembre 2007, pourvoi n° 06-20.111, Bull. 2007, IV, n° 271), les appelantes poursuivent l'infirmation du jugement qui rejette leur demande tendant à l'inopposabilité de l'acte de donation universelle du 9 juillet 2007, dès lors que l'étude notariale n'a procédé auprès du registre du commerce et des sociétés (RCS) ni à la publication de l'acte de cessions de parts en cause, ni à celle des statuts modifiés subséquents.

Selon elles, il résulte de ces textes, et en particulier de l'article L.123-9 du code de commerce, que les actes de cession de parts d'une société civile professionnelle de notaires, l'acte portant changement de sa dénomination et les statuts modifiés subséquents doivent faire l'objet d'une mesure de publicité légale auprès du greffe du tribunal de commerce sous peine de ne pas être opposables aux tiers.

Elles prétendent donc que l'étude notariale qui a dressé l'acte de donation universelle du 9 juillet 2007, en ce qu'elle est assujettie à immatriculation, ne pouvait pas, dans l'exercice de son activité, opposer aux tiers les faits et actes sujets à mention, tels que l'acte du 7 novembre 2006 portant cessions de parts et changement de sa dénomination sociale et ses statuts modifiés du 8 mai 2007 que si ces derniers avaient été publiés au registre.

Relevant que l'acte du 7 novembre 2006 ainsi que les statuts modifiés subséquents du 7 mai 2007 n'ont été déposés auprès du greffe du tribunal de commerce de Poitiers que le 7 novembre 2007, soit postérieurement à l'acte de donation universelle du 9 juillet 2007, par application de l'article L. 123-9 du code de commerce, les appelantes affirment que ces actes étant inopposables aux tiers, par voie de conséquence l'acte de donation universelle du 9 juillet 2007 l'est nécessairement et notamment à elles.

Elles soulignent que l'acte de donation universelle du 9 juillet 2007 a été reçu, tel qu'énoncé dans cet acte, par Me [X], membre de la SCP '[P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires, associés d'une SCP, titulaire d'un office notarial' ; qu'ainsi, Me [X] est intervenu en qualité d'associé de cette SCP, non de titulaire à titre personnel de l'office notarial ; que s'il était signataire de cet acte authentique du 9 juillet 2007, la personne titulaire de l'office notarial est la SCP de sorte que M. [X] n'a instrumenté l'acte qu'en sa qualité d'associé de celle-ci, qu'il ne pouvait pas encore se prévaloir à l'égard des tiers d'un tel exercice en commun par ses membres de la profession de notaire.

Elles insistent donc sur le fait qu'en l'absence de publication au RCS de l'acte de cession de parts, de changement de dénomination, de modification des statuts de la SCP, conformément aux dispositions de l'article L.123-9 du code de commerce, les faits et actes de cette société sujets à mention ne sont opposables au tiers et, par voie de conséquence, l'acte de donation universelle rédigé avant cette publication, qui correspond précisément à un acte de cette société, ne peut pas l'être non plus.

Elles invoquent différents arrêts de la Cour de cassation (en particulier, Com., 26 février 2008, pourvoi n° 06-22.151, 06-21.744 ; 3e Civ., 5 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.214 ; Com., 20 septembre 2011, pourvoi n° 10-15.068, Bull. 2011, IV, n° 135 ; Com., 11 septembre 2012, pourvoi n° 11-19.726 ; Com., 23 janvier 2007, pourvoi n° 05-16.460 ; Com., 7 juillet 2021, pourvoi n° 19-11.906 ; Com., 28 juin 2017, pourvoi n° 15-27.605) qui, selon elles, sanctionnent les cours d'appel qui valident des actes accomplis par une société en dehors de son objet social, de pareils actes étant privés d'effectivité. Elles soutiennent que l'effectivité, donc l'opposabilité, d'un acte, a fortiori authentique, sont indissociablement liées à l'opposabilité des actes de fonctionnement de l'autorité instrumentaire qui a établi celui-ci. Selon elles, cette conclusion s'impose de plus fort lorsque, comme dans le cas d'espèce, la qualité d'associé de l'un des trois notaires présentés comme membres de la SCP instrumentaire de l'acte n'est pas opposable aux tiers faute de publicité légale des actes lui conférant cette qualité et qu'à ce titre l' 'exercice en commun' de l'activité de notaire au sein de la structure, et donc l'objet social de cette dernière, s'en trouvent de jure inopposables. Elles persistent de plus belle à affirmer que les actes concernant la vie d'une société ne peuvent pas être sans incidence sur les actes conclus et dressés par cette société. Il s'agirait là selon elles d'une inopposabilité par voie de conséquence. Elles observent encore, se fondant sur les arrêts susmentionnés, que la jurisprudence de la Cour de cassation s'est fait l'écho des conséquences du respect ou non de la publicité légale des actes de fonctionnement d'une société sur l'absence ou non d'effectivité des actes pris par cette dernière dans le cadre de l'exercice de son activité, sans que ces derniers aient jamais été soumis eux-mêmes à la publicité de l'article L.123-9 du code de commerce.

La SCP poursuit la confirmation du jugement et fait valoir que les écritures de leurs adversaires sont particulièrement répétitives, redondantes et peu pertinentes au regard de la problématique qu'elles soulèvent.

Elle prétend que ses adversaires donnent à l'article L.123-9 du code de commerce une portée qu'il n'a pas. Selon elle, le texte doit être lu comme signifiant que 'les actes concernant la vie d'une société commerciale ne sont opposables aux tiers qu'à compter de leur mention au RCS même s'ils ont fait l'objet d'une autre publicité légale', ce qui, ajoute-t-elle, a constamment été rappelé la Cour de cassation (Com., 18 décembre 2007, pourvoi n° 06-18.936 ; Com., 24 mai 2011, pourvoi n° 10-19.222, Bull. 2011, IV, n° 81).

Elle fait valoir que le principe posé par ce texte ne peut pas concerner les actes authentiques établis dans l'exercice de l'activité notariale par la société régulièrement immatriculée ; qu'en outre, un tel principe est incontestable dès lors que les actes authentiques, en particulier l'acte de donation litigieux, ne sont pas sujets à mention au RCS.

Elle soutient que les appelantes confondent manifestement les règles juridiques applicables à l'opposabilité aux tiers des faits et actes relatifs au fonctionnement interne de la SCP, au regard des dispositions du code de commerce, avec celles, spécifiques, aux notaires, ayant trait aux actes relevant de leur activité professionnelle.

Se fondant sur les dispositions des articles 5, 27 et 97 du décret du 2 octobre 1967 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, elle ajoute que la société de notaire entre en fonction dès son agrément, que la nomination d'une société civile professionnelle dans un office de notaire et la nomination de chacun des associés sont prononcées par arrêté du garde des sceaux ; que la SCP dont M. [X] était associé, est entrée en fonction sous la seule dénomination possible '[P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires, associés' dès le 8 mai 2007, date de la publication de l'arrêté de nomination du 16 avril 2007, au journal officiel ; que cet arrêté a mis fin aux fonctions de Mme [K] en qualité de notaire salariée au sein de l'office de notaire dont est titulaire la SCP '[P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires, associés, titulaires d'un office de notaire' à la résidence de Vouillé (Vienne) ; Mme [K] étant nommée notaire associée membre de la SCP [P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires, associés, M. [S] s'étant retiré.

Elle en conclut que dès le 8 mai 2007, c'est sous cette nouvelle dénomination que M. [X] pouvait recevoir l'acte notarié litigieux et dès la publication au journal officiel de l'arrêté du Garde des sceaux du 16 avril 2007, seul M. [X], Mme [A] et Mme [K] étaient habilités, en leur qualité de notaire, à recevoir les actes authentiques au nom de la SCP, sous cette dénomination à l'exception de toute autre. Par voie de conséquence, selon elle, cet acte de donation du 9 juillet 2007 a été reçu de manière pleinement régulière.

Elle souligne le manque de cohérence des développements des appelantes qui soutiennent tout à la fois que dès le 8 mai 2007, la SCP nouvellement dénommée est entrée en fonctions, ce qui implique nécessairement que chacun des associés visés dans cette dénomination exerçait la profession de notaire au nom de cette société, mais aussi que les actes reçus par cette SCP nouvellement dénommée et seule à pouvoir les recevoir, ne seraient pas opposables aux tiers.

' Appréciation de la cour

Selon l'article L. 123-9 du code de commerce, la personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer aux tiers les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre du commerce et des sociétés.

C'est par d'exacts motifs, pertinents et circonstanciés, adoptés par cette cour que le premier juge a retenu que cette disposition n'avait pas la portée que les demanderesses lui donnaient. En effet, par 'les faits ou actes sujets à mention' il faut entendre ceux qui se rapportent au fonctionnement et à la vie de la société, susceptibles d'engager la responsabilité de la société vis-à-vis des tiers. Du reste, l'ensemble des arrêts cités par les appelantes sont inopérants et ne sont nullement transposables à la présente espèce.

Ainsi,

* dans l'arrêt du 26 février 2008 (Com, pourvoi n° 06-22.151, 06-21.744) la Cour de cassation a sanctionné un arrêt qui a déclaré nulle une promesse de vente contraire selon lui à l'objet social d'une société alors que les stipulations du statut de cette société entrait bien dans l'objet social de celle-ci ;

* dans l'arrêt du 5 novembre 2020 (3e civ. pourvoi n° 19-21.214), la Cour de cassation a statué dans des circonstances semblables, sanctionnant ainsi un arrêt qui avait dénaturé les statuts d'une société et annulé un acte qui entrait manifestement dans l'objet social de celle-ci ;

* dans celui du 20 septembre 2011 (Com. pourvoi n° 10-15.068, Bull. 2011, IV, n° 135), l'objet du litige portait sur la date à laquelle la disparition de la personnalité juridique d'une société devenait opposable au tiers ;

* dans celui du 11 septembre 2012 (Com. pourvoi n° 11-19.726), la Cour de cassation a statué dans le même sens qu'elle l'avait fait dans l'arrêt précédent (du 20 septembre 2011),

* dans celui du 23 janvier 2007 (Com. pourvoi n° 05-16.460), il était question de la régularité d'une assignation délivrée à une société dissoute en raison d'une fusion-absorption, mais dont la dissolution n'avait pas encore été mentionnée au registre du commerce et des sociétés avec l'indication de sa cause ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, forme juridique et siège des personnes morales ayant participé à l'opération ;

* dans l'arrêt du 7 juillet 2021 (Com. pourvoi n° 19-11.906 ; Com., 28 juin 2017, pourvoi n° 15-27.605), la question posée à la Cour de cassation portait sur la date d'acquisition de la qualité pour agir en justice de la société absorbante en cas de fusion absorption ;

* dans celui du 28 juin 2017 (Com. pourvoi n° 15-27.605), la problématique posée à la Cour de cassation était proche de celle qu'elle avait eu à résoudre dans son arrêt du 23 janvier 2007.

La synthèse des arrêts cités par les appelantes au soutien de leur prétention démontre bien que les prévisions de l'article L. 123-9 du code de commerce concernent les actes relatifs au fonctionnement et à la vie de la société, susceptibles d'engager la responsabilité de la société vis-à-vis des tiers.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le jugement retient que s'agissant des SCP titulaires d'un office notarial, l'inopposabilité prévue à cet article ne concerne aucunement les actes authentiques établis dans l'exercice notarial, ces actes, en particulier les actes de donations, n'étant pas sujets à mention au RCS.

En outre, c'est tout aussi exactement que le premier juge a retenu que les dispositions spécifiques aux notaires ayant trait aux actes relevant de leur activité professionnelle, en particulier les dispositions des articles 5, 27 et 97 du décret du 2 octobre 1967 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, ici applicables commandent que la SCP titulaire d'un office notarial entre en fonction dès son agrément.

En l'espèce, comme le relève pertinemment le premier juge, par arrêté du garde des sceaux du 16 avril 2007, Mme [K] a été nommée notaire associée, membre de la SCP [P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires associés ; que M. [S] s'était retiré de la SCP [P] [X], [Z] [A] et [B] [S], retrait qui avait été accepté ; que la raison sociale de la SCP [P] [X], [Z] [A] et [B] [S] a été ainsi modifiée en '[P] [X], [Z] [A] et [R] [K], notaires associés d'une société civile professionnelle titulaire d'un office notarial' ; que cet arrêté a été publié au Journal Officiel le 8 mai 2007 de sorte que c'est sous cette seule dénomination '[P] [X], [Z] [A] et [R] Mme [K], notaires, associés, d'une société civile professionnelle titulaire d'un office notarial' que la SCP intimée pouvait recevoir l'acte de donation universelle du 9 juillet 2007.

Il découle de ce qui précède que les moyens développés par les appelantes qui ne sont pas fondés ne sauraient être de nature à revenir sur la décision des premiers juges.

Le jugement en ce qu'il déboute les appelantes de leurs prétentions sera dès lors confirmé.

Sur les demandes accessoires

La teneur du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Mme [T] née [Y] et Mme [C] [Y], parties perdantes, supporteront les dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L'équité commande d'allouer la somme de 5 000 euros à la SCP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les appelantes seront condamnées au paiement de cette somme.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [Y] née [W].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition,

Dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [N] [T] née [Y] et Mme [C] [Y] aux dépens d'appel ;

DIT qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [N] [T] née [Y] et Mme [C] [Y] à verser à la société '[R] [K], Philippe Chenagon et Samuel Chauvin, notaires associés d'une société civile professionnelle d'offices notariaux' la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes de ce chef.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 21/00533
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;21.00533 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award