COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
PAR DÉFAUT
Code nac : 70D
DU 11 OCTOBRE 2022
N° RG 18/06629
N° Portalis DBV3-V-B7C-SVKO
AFFAIRE :
Epoux [RL]
C/
[XK] [DD] épouse [Z],
et autres ...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Mars 2018 par le Tribunal d'Instance de GONESSE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 16-001061
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-la SCP EVODROIT-SCP INTER BARREAUX D'AVOCATS,
-Me [IH] [U]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [X] [RL]
né le 06 Juin 1982 à [Localité 12] (MAROC)
de nationalité Française
et
Madame [MC] [N] épouse [RL]
née le 12 Novembre 1984 à [Localité 16] 17ÈME
de nationalité Française
demeurant tous deux [Adresse 2]
[Localité 15]
représentés par Me Julien AUCHET de la SCP EVODROIT-SCP INTER BARREAUX D'AVOCATS, avocat - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13
APPELANTS
****************
Madame [XK] [DD] épouse [Z]
assignée en sa triple qualité d'indivisaire, d'héritière de M. [SN] [Z], décédé le 7 avril 2020 à [Localité 18], et de représentante légale de ses filles mineures
née le 27 Septembre 1976 à BERKANE (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 15]
représentée par Me Prisca LAMETH, avocat - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 46
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/013369 du 02/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
Monsieur [V] [W]
et
Madame [H] [W]
demeurant tous deux [Adresse 4]
[Localité 15]
Monsieur [E] [JJ]
et
Madame [NE] [Y] épouse [JJ]
demeurant tous deux [Adresse 5]
[Localité 15]
Monsieur [T] [L]
et
Madame [C] [L]
demeurant tous deux [Adresse 3]
[Localité 15]
Défaillants
INTIMÉS
****************
Madame [D] [Z]
née le 03 Juillet 2002 à [Localité 11] ([Localité 11])
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 15]
représentée par Me Prisca LAMETH, avocat - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 46
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000572 du 24/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
Monsieur [K] [Z]
né le 08 Février 2004 à [Localité 11] ([Localité 11])
de nationalité Française
et
Madame [R] [Z] (MINEURE)
née le 27 Août 2007 à [Localité 15] ([Localité 15])
de nationalité Française
demeurant tous deux [Adresse 1]
[Localité 15]
représentés par Me Prisca LAMETH, avocat - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 46
Mademoiselle [S] [Z] (MINEURE)
née le 07 Novembre 2013 à [Localité 15] ([Localité 15])
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 15]
Défaillante
PARTIES INTERVENANTES
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente, chargée du rapport et Madame Nathalie LAUER, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Aurélie DAOUST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte notarié établi le 30 décembre 2010, M. et Mme [RL] ont acquis une maison d'habitation en rez-de-chaussée située au [Adresse 2]), implantée sur une parcelle cadastrée section AO [Cadastre 7], d'une contenance de 3 ares, 46 centiares.
Désireux d'édifier une autre construction sur celle existante en limite séparative, en particulier à la jonction de la propriété voisine cadastrée AO [Cadastre 6] appartenant à M. et Mme [Z], M. et Mme [RL] ont sollicité M. [A], géomètre expert, afin qu'il procède au bornage amiable des limites séparatives des parcelles riveraines.
Le plan de bornage établi le 11 mars 2015 par M. [A], géomètre expert, l'a été après un débat contradictoire qu'il a organisé le jour même à l'issue duquel les parties ont reconnu comme réelles et définitives les limites des propriétés avec les riverains M. et Mme [Z], propriétaires d'une parcelle voisine cadastrée AO [Cadastre 6], M. et Mme [W] substituant M. et Mme [M], les précédents propriétaires de la parcelle voisine cadastrée AO [Cadastre 10], M. et Mme [JJ] et M. et Mme [L], également propriétaires de parcelles voisines cadastrées, respectivement, AO [Cadastre 9] et AO [Cadastre 8].
Après le bornage, M. et Mme [RL] ont poursuivi leur construction et le 6 octobre 2016, M. [Z] leur a adressé une lettre par laquelle il déplorait l'empiètement en limite séparative par rapport au bornage réalisé par M. [A].
Disant avoir réalisé à ce moment-là que des erreurs affectaient le bornage effectué par M. [A] en ce que la mesure de façade de leur propriété mesurée par ce dernier à 8,80m présentait en réalité une largeur de 9,02 m, selon eux, retenu par le cadastre, par actes d'huissier de justice du 17 novembre 2016 et du 15 février 2017, M. et Mme [RL] ont fait citer à comparaître M. et Mme [Z], M. et Mme [W], substituant M. et Mme [M], les précédents propriétaires, M. et Mme [JJ], M. et Mme [L] devant le tribunal d'instance de Gonesse aux fins de voir prononcer la nullité du plan de bornage établi par M. [A], ordonner un nouveau bornage avec nomination d'expert et réserver les dépens.
Par jugement contradictoire rendu le 9 mars 2018, le tribunal d'instance de Gonesse a :
- Déclaré l'action en bornage judiciaire irrecevable,
- Débouté M. et Mme [RL] de l'ensemble de leurs demandes,
- Condamné M. et Mme [RL] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. et Mme [RL] aux dépens.
M. et Mme [RL] ont interjeté appel de ce jugement le 25 septembre 2018 à l'encontre de M. [SN] [Z], Mme [DD] épouse [Z], M. et Mme [W], M. et Mme '[P]', M. et Mme [L].
Par arrêt rendu le 21 janvier 2020, la 1re chambre 1re section de la cour d'appel de Versailles a :
- Ordonné la réouverture des débats,
- Invité les appelants à fournir toutes explications et toutes pièces justificatives relatives à la différence d'identité existant entre M. [E] [P] et Mme [NE] [P] figurant sur la décision entreprise et sur la déclaration d'appel et "M. [E] [JJ]" et "Mme [NE] [JJ]" auxquels la déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier de justice du 31 octobre 2018 et sur ses conséquences procédurales,
- Renvoyé l'affaire à la date du 26 mars 2020 pour clôture,
- Dit qu'à défaut de conclusions fournissant les explications sollicitées, l'affaire pourra faire l'objet d'une radiation,
- Réservé les dépens.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2022, M. et Mme [RL] demandent à la cour, au fondement de l'article 1130 du code civil, de :
- Débouter les consorts [Z] de toutes fins, moyens et prétentions,
- Infirmer le jugement du tribunal d'instance de Gonesse du 09 mars 2018 en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- Annuler le procès-verbal de bornage dressé par M. [A] en date du 11 mars 2015 pour erreurs substantielles,
- Ordonner l'ouverture de nouvelles opérations de bornage confiées à tel géomètre expert ayant mission de :
* Examiner le rapport d'analyse du cabinet [B] [NT] [F], les plans et titres de propriété,
* Donner son avis sur les erreurs affectant le plan de bornage dressé le 11 mars 2015 par M. [A],
* Convoquer les parties aux opérations de bornage,
* Dresser un plan côté de la limite séparative proposée au tribunal entre les parcelles A0[Cadastre 6] et AO [Cadastre 7],
* Procéder au bornage du terrain appartenant aux M. et Mme [RL],
* Procéder à la pose matérielle des bornes délimitant le terrain en question,
* De tout ce que dessus faire un rapport soumis au débat contradictoire des parties.
- Dire et juger que le nouveau bornage sera effectué à frais partagés conformément aux dispositions de l'article 646 code civil,
- Condamner Mme [Z] à leur verser une indemnité de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Mme [Z] aux entiers dépens, dont distraction par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 27 mai 2022, Mme [DD] veuve [Z], en sa triple qualité d'indivisaire, d'héritière de feu [SN] [Z], décédé, de représentante légale de ses filles mineures, [K] et [R], elles-mêmes assignées en qualité d'ayants-droit de feu [SN] [Z] ainsi que Mme [D] [Z] demandent à la cour, au fondement de l'article 646 du code civil, de :
- Déclarer Mme [DD], veuve [Z], en sa triple qualité d'indivisaire, d'héritière de [SN] [Z], décédé le 07 avril 2020 à [Localité 18], et de représentante légale de ses filles mineures, [K] et [R], elles-mêmes assignées en qualité d'ayants-droit de [SN] [Z], et Mme [D] [Z] recevables et bien fondées en leurs demandes, fins et prétentions,
En conséquence,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 janvier 2018 par le tribunal d'instance de Gonesse,
- Débouter M. et Mme [RL] de l'intégralité de leurs demandes plus amples ou contraires,
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- Condamner M. et Mme [RL] à verser à Mme [U], ès qualités d'avocat, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation de la part contributive de l'État,
- Condamner M. et Mme [RL] aux entiers dépens d'appel.
Par actes d'huissier de justice délivrés le 31 octobre 2018, M. et Mme [RL] ont fait signifier selon les modalités de l'article 655 du code de procédure civile (à tiers présent au domicile), la déclaration d'appel et leurs conclusions à M. et Mme [JJ].
Par actes d'huissier de justice délivrés le 31 octobre 2018, M. et Mme [RL] ont fait signifier selon les modalités de l'article 655 du code de procédure civile (à tiers présent au domicile), la déclaration d'appel et leurs conclusions à M. et Mme [W].
Par actes d'huissier de justice délivrés le 31 octobre 2018, M. et Mme [RL] ont fait signifier selon les modalités de l'article 654 du code de procédure civile (à personne), la déclaration d'appel et leurs conclusions à M. et Mme [L].
Compte tenu des modalités de délivrance de la déclaration d'appel et des conclusions susvisées à M. et Mme [JJ], à M. et Mme [W] et à M. et Mme [L], qui n'ont pas constitué avocat, le présent arrêt sera rendu par défaut.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 2 juin 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel et à titre liminaire,
Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.
Il ressort toutefois des écritures des appelants qu'à hauteur d'appel, ils ne soutiennent plus que le procès-verbal de bornage n'était pas matérialisé par des bornes ou repères définissant sur le terrain les limites des fonds contigus. Il s'ensuit que les développements des consorts [Z] portant sur le grief de leurs adversaires relatif à l'absence de matérialisation des bornes sont sans portée et ne seront pas examinés par cette cour.
Conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne peut statuer que sur les prétentions récapitulées au dispositif des dernières conclusions des parties. En l'espèce, les appelantes sollicitent de la cour qu'elle infirme le jugement et annule le procès-verbal de bornage pour erreurs substantielles, puis ordonne un bornage judiciaire afin de fixer la ligne divisoire entre les fonds riverains du leur.
Ainsi, la question de la propriété des 20 cm de largeur de façade de la propriété de M. et Mme [RL] dont ils prétendent avoir été privés n'est pas dans le débat et il n'est pas demandé à la cour de statuer sur pareille question.
Sur la réponse à la question posée par cette cour dans son arrêt avant dire droit au sujet de l'identité d'une partie
M. et Mme [RL] répondent à cette question en précisant que l'identité exacte des intimés est bien M. [E] [JJ], né le 2 mai 1975 à [Localité 13] (Turquie), boucher, et Mme [NE] [JJ], née [Y] le 3 février 1980 à [Localité 13] (Turquie), secrétaire, demeurant [Adresse 5].
Ils précisent que le jugement du tribunal d'instance comportait cette erreur qui a été reproduite dans la déclaration d'appel.
La cour en tiendra compte.
Sur la nullité du procès-verbal de bornage de M. [A] sollicitée par les appelants
' Moyens des parties
Se fondant sur les dispositions des articles 646 et 1130 du code civil, M. et Mme [RL] poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il retient qu'ils ne démontrent pas l'existence de l'erreur, au sens de l'article 1130 précité, commise par le géomètre expert, M. [EM] [A] alors que ce dernier a commis deux erreurs dans son procès-verbal de bornage, la première en ce qu'il mentionne que la largeur de façade de leur fonds mesure 8,80 mètres au lieu de 9,02 mètres ; la seconde, en ce qu'il dit n'avoir reconnu 'aucun' signe de possession (page 4 du rapport).
S'agissant de la première erreur, ils font valoir que l'expert géomètre, pour parvenir à ses conclusions, s'est contenté du seul plan de cadastre et de l'acte de vente [G]/[RL] du 30 décembre 2010, alors que le devis qui l'obligeait prévoyait qu'il procède à une 'recherche d'archives' ; qu'il lui fallait dès lors, selon eux, remonter sur les titres antérieurs pour retrouver les mesures exactes de la largeur de façade de leur propriété.
Ils invoquent le rapport du géomètre [F] du 13 avril 2018 (pièce 6) et son rapport complémentaire du 10 octobre 2018 (pièce 16), qu'ils ont mandaté postérieurement au jugement déféré, qui concluent en l'existence de titres antérieurs et d'un plan y afférent, en particulier celui du 19 mai 1928, mentionnant de manière concordante que la largeur de façade litigieuse de leur fonds mesurait 9,02 mètres (pièces 12 et 13). Ils ajoutent qu'une attestation notariée du 8 janvier 1970 (pièce 9) indique également que la largeur de façade pour la propriété cadastrée section AO [Cadastre 7] est égale à 9,02 m.
Ils soulignent que la mesure retenue dans le plan de M. [A] de 8,80 m est ainsi purement inexplicable et qu'elle est erronée. Selon eux, elle ne peut s'expliquer que par l'absence de recherche de la part de ce dernier dans les archives ; que le titre antérieur des consorts [Z] datant de 1921 (vente Marteau Villain, pièce 21) comporte un plan annexé identique à celui figurant dans l'acte du 19 mai 1928 (pièce 12) et la comparaison entre les plans annexés aux anciens titres de propriété et le cadastre permet de vérifier que les superficies enregistrées sont identiques pour les époux [RL] et les consorts [Z] de sorte qu'il est établi, selon eux, que depuis près d'un siècle, le seul plan qui diffère est celui réalisé par M. [A].
Ils en concluent que le plan de M. [A] retenant une largeur de façade de leur fonds qui mesure 8m80 est erronée et a eu pour conséquence de les priver d'une superficie de 8,42 m² environ (8,80 m au lieu de 9,02 sur 38,27 m de longueur).
Ils observent que les consorts [Z] font preuve de mauvaise foi quand ils contestent cette erreur alors que, à l'occasion de deux déclarations de travaux déposées par eux à la mairie de Garges-les-Gonesses en 2006 et 2016, il était clairement mentionné sur les plans qu'ils produisaient une largeur de façade de 7 m 05 qui est passée en 2016 à 7 m 25 (pièces 22 et 23). Il s'en déduit, selon eux, qu'ils ne pouvaient pas ignorer la superficie de la parcelle et la largeur de façade de leur fonds et qu'ils auraient pu aisément rectifier l'erreur commise par M. [A] au lieu de signer le procès-verbal de bornage sans rien dire.
S'agissant de la seconde erreur, ils relèvent que M. [A] mentionne à l'article 4 du procès-verbal qu'il n'a reconnu 'aucun' signe de possession alors que M. [F] a clairement identifié des signes de possession évidents en examinant la clôture et en relevant que la goutte d'eau du muret 'est orientée vers la parcelle AO [Cadastre 7]'. Se fondant sur les dispositions de l'article 654 du code civil, ils en concluent que la clôture est présumée dépendre de la parcelle AO [Cadastre 7] alors que le géomètre, M. [A], l'a attribué à la parcelle voisine.
Ils font encore valoir que M. [A] a lui-même admis son erreur et proposé de tout mettre en oeuvre pour la corriger (pièce 15).
Ils déduisent de tous ces éléments de preuve que l'erreur commise par M. [A] est très substantielle en ce qu'elle le prive d'une partie de leur propriété, désormais annexée par les consorts [Z] de sorte que la cour ne pourra qu'annuler le procès-verbal de bornage erroné pour éviter toute difficulté ultérieure.
Les consorts [Z] poursuivent la confirmation du jugement.
Se fondant sur la jurisprudence de la Cour de cassation (3e Civ., 18 mars 1974, pourvoi n° 73-10.208, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 3 N 124 P095 ; 3e Civ., 3 octobre 1972, pourvoi n° 71-11.705, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 3 N 485 P354), les intimés font d'abord valoir que la demande de leurs adversaires est irrecevable.
En effet, selon eux, le bornage amiable ayant recueilli l'assentiment de tous les propriétaires intéressés, les opérations ayant été menées dans le respect du contradictoire en présence des parties, le procès-verbal ayant été signé par l'ensemble des parties sans contestation, il présente un caractère définitif et ne peut pas être remis en cause.
S'agissant de l'erreur, ils rappellent que les juges du fond apprécient souverainement si elle présente les caractéristiques suffisantes pour entraîner la nullité du contrat, si elle est suffisamment importante, si elle est substantielle. Citant ainsi un arrêt rendu par la Cour de cassation (3e Civ., 5 octobre 1994, pourvoi n° 91-21.527), ils font valoir qu'une erreur portant sur '1 % de la surface totale, était minime et ne pouvait entraîner l'annulation de la convention de bornage dès lors que le géomètre-expert justifiait que la discordance de superficie était inférieure à la tolérance admise pour l'établissement de la surface d'une parcelle cadastrale', a approuvé le premier juge qui a refusé l'annulation du procès-verbal de bornage après avoir déduit que 'ce dernier avait bien effectué les opérations de bornage conformément aux règles de l'art'.
S'agissant de l'erreur de mensuration, ils soutiennent que M. et Mme [RL] sont de mauvaise foi en reprochant aujourd'hui à M. [A], expert, de ne pas avoir procédé à des recherches d'archives approfondies alors qu'ils ont signé le procès-verbal en toute connaissance de cause, comme il le mentionne expressément lui-même, celui-ci indiquait très précisément les éléments d'archives sur lesquels se fondait l'expert. Ils contestent le qualificatif d' 'inexplicable' associé par leurs adversaires à la mesure de 8,80 mètres de façade de leur fonds identifiée par l'expert, M. [A], alors que cette mesure a été établie après un débat contradictoire entre les parties.
Ils soutiennent que M. et Mme [RL] font dire à la lettre rédigée par M. [A] le 12 octobre 2018 (pièce 15 de leurs adversaires) ce qu'elle ne dit pas. Ainsi, selon eux, l'expert n'y a pas admis son erreur, n'a pas procédé à une nouvelle réunion d'expertise, n'a pas accepté de rédiger un nouveau rapport. Ils contestent avoir admis l'existence de cette erreur de mensuration.
Ils ne concluent pas sur l'erreur relative à l'absence de signe de possession.
' Appréciation de la cour
Il sera rappelé, pour la bonne compréhension du litige, que l'ensemble des parties, riveraines de la parcelle de M. et Mme [RL], ont, après débat contradictoire organisé par le géomètre expert, signé le procès-verbal, intitulé 'procès-verbal de bornage et de reconnaissance des limites de propriétés', aux termes duquel elles reconnaissent comme réelle et définitive les limites de propriétés objet dudit procès-verbal de bornage selon les lignes fixées et délimitées (pièce 3 des appelants) sur le procès-verbal. L'expert a procédé à l'implantation des bornes marquant la limite des propriétés respectives, ce que les appelants ne discutent plus. Il a également établi un plan annexé au procès-verbal (pièce 4 des appelants).
Il conviendra de rappeler qu'un procès-verbal de bornage fixe exclusivement la ligne divisoire entre les fonds et, de ce fait, n'est pas un acte translatif de propriété de sorte qu'il ne fait pas obstacle à l'action en revendication (par exemple, 3e Civ., 10 novembre 2009, pourvoi n° 08-19.756, Bull. 2009, III, n° 249). Les parties peuvent, cependant, à l'occasion d'un bornage amiable, trancher expressément une question de propriété dont la solution s'imposera ensuite entre eux comme étant la loi des parties (3e Civ., 18 janvier 1995, pourvoi n° 92-21.065). Il appartiendra dans ces circonstances au juge de déterminer la commune intention des parties à la convention de bornage amiable. En l'espèce, aucune des parties ne prétend que l'expert M. [A] se serait vu confier la mission de trancher, après débat contradictoire, une question portant sur la propriété des parcelles en cause.
En outre, la mission confiée à M. [A] dans le devis produit par M. et Mme [RL] (pièce 1) apparaît être une mission classique de bornage. Il y est ainsi mentionné que l'expert doit élaborer un 'procès-verbal de bornage normalisé et un plan de bornage', après recherches 'archives' et 'convocations des riverains' ; qu'il doit sur le terrain procéder à une 'levé préalable', un 'bornage contradictoire et une implantation et matérialisation des limites, si nécessaire'. Le montant de ces opérations s'élève à la somme de 1 387,20 euros. Il n'est pas demandé à l'expert de procéder à des recherches particulières au-delà de ce qui est nécessaire pour fixer la ligne divisoire entre les fonds de sorte que les griefs formulés par les appelants contre le géomètre expert relatifs à son absence de recherches approfondies des titres de propriété n'apparaissent pas fondés. En outre, M. et Mme [RL] n'ont pas attrait en la cause M. [A], ni formulé des demandes contre lui, ni engager sa responsabilité civile professionnelle, si bien que les griefs formulés contre lui sont inopérants.
Le procès-verbal rédigé par M. [A] précise son objet à savoir 'procéder au bornage des limites de la propriété cadastrée Commune de [Localité 14], section AO n° [Cadastre 7]'. Y est annexé un plan dressé par le géomètre qui intègre dans la propriété des consorts [Z] (AO [Cadastre 6]), la clôture, qualifiée de privative, séparative des deux fonds appartenant respectivement à M. et Mme [RL] (AO [Cadastre 7]) et aux consorts [Z].
Le procès-verbal énumère les documents sur la base desquels M. [A] a défini les limites des propriétés à savoir 'le plan cadastral', les titres de vente 'par M. [J] au profit de M. et Mme [M] 25 juin 1999, Me [I] à [Localité 17] ; par Mme [G] au profit de M. et Mme [RL] 30 décembre 2010, Me [O] à [Localité 15]'. Ainsi, M. [A] s'est fondé sur deux titres de propriété. Les parties, quant à elles, n'ont fourni aucun document à l'expert. Le procès-verbal précise en outre que 'les parties signataires ont pris connaissance de ces documents sur lesquels elles ont pu exprimer librement leurs observations'. Aucune observation n'a été formulée par les parties.
Il s'ensuit que le bornage ainsi effectué signé par l'ensemble des parties est régulier et vaut, en principe, titre de sorte qu'il prive les parties de la possibilité de solliciter un bornage judiciaire.
Comme tout acte juridique, un procès-verbal de bornage peut cependant être attaqué pour vice du consentement et notamment pour erreur. C'est précisément ce dont se plaignent les appelants.
Le procès-verbal de bornage litigieux ayant été établi et signé par l'ensemble des parties le 11 mars 2015, soit avant l'entrée en vigueur de la réforme du droit des obligations du 10 février 2016, la disposition du code civil applicable était l'article 1109 du code civil, créé par la loi 1804-02-07 promulguée le 17 février 1804 qui disposait que 'Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.'
A la suite de la réforme du droit des obligations du 10 février 2016, cette disposition a été réécrite, renumérotée et est devenue l'article 1130 du code civil, afin de consacrer dans la loi, les principes posés par la jurisprudence, en particulier s'agissant du caractère déterminant de chacun de ces vices pour emporter le consentement de la partie concernée dans la conclusion du contrat.
Ainsi, le nouvel article 1130 du code civil énonce que 'l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné'.
Selon une jurisprudence ancienne, mais constante, l'erreur doit être considérée comme portant sur la substance lorsqu'elle est de telle nature que sans elle l'une des parties n'aurait pas contractée (notamment 1re Civ., 13 janvier 1998, pourvoi n° 96-11.881, Bull. 1998, I, n° 17).
Il faut que la qualité substantielle ait été reconnue comme telle par les parties contractantes et qu'elle soit entrée dans le champ contractuel. L'erreur est appréciée au moment de la formation du contrat, cependant les parties peuvent invoquer des circonstances postérieures pour prouver une erreur commise lors de sa conclusion (voir par exemple 3e Civ., 26 mai 2004, pourvoi n° 02-19.354, Bull., 2004, III, n° 107).
L'erreur ne peut entraîner la nullité du contrat que si elle est excusable.
Il est indubitable que la définition des limites des propriétés constitue l'objet du contrat et que les mensurations des terrains respectifs sont entrées dans le champ contractuel de sorte que l'erreur sur ces mensurations est, en principe, de nature à vicier le consentement des parties.
Reste cependant à déterminer si M. et Mme [RL] n'auraient pas signé le procès-verbal litigieux s'ils avaient eu connaissance des erreurs qu'ils allèguent au moment de sa signature. La charge de la preuve pèse sur eux.
Pour établir l'erreur sur les mensurations, ils produisent des rapports établis par un géomètre expert dont les travaux n'ont pas été réalisés au contradictoire de leurs adversaires (pièces 16 et 10).
Ils produisent encore la lettre du 12 octobre 2018 de M. [A] (pièce 15) à leur conseil qui indique ce qui suit : 'Suite à votre courrier en recommandé avec avis de réception en date du 25 septembre 2018, réceptionné le 5 octobre, par lequel vous me faites part de nouveaux éléments concernant la limite séparative de propriété entre les époux [RL] et les époux [Z], je vous informe en avoir pris connaissance.
De ce fait, je vous confirme de tout mettre en oeuvre, dans le meilleur délai, pour organiser une réunion de bornage amiable avec la rédaction d'un nouveau procès-verbal de bornage'.
Par cette lettre, M. [A] n'admet pas son erreur, mais se propose d'organiser une nouvelle réunion en vue de procéder à un nouveau procès-verbal de bornage. Il apparaît donc que M. [A] se montre ouvert à une nouvelle discussion contradictoire sur la base des nouvelles données fournies qui conduira, le cas échéant, à la définition de nouvelles limites. En effet, ces nouvelles limites ne peuvent pas être de manière certaine redéfinies sans l'accord de l'ensemble des parties et sans discussion des pièces produites. Du reste, les appelants ne peuvent sérieusement prétendre le contraire puisqu'ils sollicitent de la cour une mesure d'instruction judiciaire destinée à redéfinir, le cas échéant, de nouvelles limites de propriété.
Ces éléments ainsi produits ne permettent pas d'établir de manière certaine l'existence des erreurs alléguées.
En outre, l'erreur alléguée porte sur la mensuration de la largeur de façade de la propriété de M. et Mme [RL] et représente 7,65 m² (8,80 m au lieu de 9,02 sur 38,27 m de longueur), et non 8,42 m² comme l'indiquent les appelants (page 10 de leurs écritures), pour une superficie totale de 346 m² ce qui représente 2,2 % de la surface totale concernée. Et surtout, elle a été dénoncée le 17 novembre 2016 par M. et Mme [RL] après qu'ils ont reçu la mise en demeure adressée par M. et Mme [Z] le 7 octobre 2016 de cesser l'empiètement constaté. Ils ne démontrent pas que, sans cette mise en demeure, l'erreur portant sur 2,2% de la surface concernée aurait été dénoncée par eux, mais se bornent à l'affirmer.
De plus, il apparaît des productions que la clôture en plaque béton avec poteaux, délimitant les fonds riverains [OV], a été rattachée au fonds cadastré AO [Cadastre 6] appartenant à M. et Mme [Z] et a été considérée comme une clôture privative alors que M. [F], l'expert, postérieurement missionné par les appelants, indique qu'elle 'serait à rattacher à la propriété cadastrée section AO [Cadastre 7]' appartenant à M. et Mme [RL]. Même si M. [F] utilise le conditionnel, ce qui indique clairement que cette donnée n'est ni certaine, ni démontrée, il résulte cependant de cette indication que M. et Mme [RL] ont parfaitement été placés dans la situation de pouvoir réaliser que cette clôture ne leur était pas attribuée. Ils auraient pu faire les observations utiles à ce moment là et refuser de signer le procès-verbal de bornage rédigé par M. [A] si cette clôture avait toujours fait partie de leur lot ou si elle était mitoyenne aux deux lots.
S'agissant du grief relatif aux 'signes de possession', comme indiqué précédemment, les conclusions de M. [F] n'apparaissent pas fiables dès lors qu'il utilise le conditionnel. En outre, les photographies reproduites dans son rapport ne permettent pas à la cour de retenir que les dispositions de l'article 654 du code civil s'appliquent et doivent permettre de dire que cette clôture appartient à M. et Mme [RL] à titre privatif.
En tout état de cause, M. et Mme [RL] ne démontrent pas que leur consentement a été vicié, au jour de la rédaction du procès-verbal de bornage litigieux, par l'existence d'une erreur substantielle et que sans celle-ci, munis des renseignements fournis par M. [F], ils n'auraient pas signé le procès-verbal de bornage litigieux le 11 mars 2015.
Le jugement en ce qu'il déclare l'action en bornage judiciaire irrecevable sera dès lors confirmé et M. et Mme [RL] déboutés de l'ensemble de leurs demandes.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme [RL], parties perdantes, supporteront les dépens d'appel. Par voie de conséquence, leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
L'équité commande de verser à Mme [U], ès qualités d'avocat, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation de la part contributive de l'État.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition,
CONFIRME le jugement déféré ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. et Mme [RL] aux dépens d'appel ;
CONDAMNE M. et Mme [RL] à verser à Mme [U], ès qualités d'avocat, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation de la part contributive de l'État ;
REJETTE toutes autres demandes.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,