COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRÊT N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
DU 06 OCTOBRE 2022
N° RG 20/02009
N° Portalis DBV3-V-B7E-UCAA
AFFAIRE :
[U]-[V] [F]
C/
S.A.R.L. MILOTEC
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Juillet 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Nanterre
N° Section : Activités Diverses
N° RG : F 16/02141
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 05 octobre 2022, différé au 06 octobre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [U]-[V] [F]
né le 12 Septembre 1987 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - Représentant : Me Lina AL WAKIL, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 244
APPELANT
****************
S.A.R.L. MILOTEC
N° SIRET : 347 939 225
[Adresse 1]
[Localité 3]
Signification de la déclaration d'appel et des conclusions le 26 novembre 2020 par remise à étude d'huissier de justice
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,
Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,
FAITS ET PROCÉDURE,
Monsieur [U]-[V] [F] a été engagé par contrat à durée indéterminée à compter du 15 septembre 2015 en qualité de technicien de maintenance pour un salaire mensuel brut de 1.950.00 euros.
La société emploie moins de 11 salariés et est soumise à la convention collective des entreprises de commerce et de commission import-export.
M. [F] a été convoqué à un entretien préalable le 25 février 2016. L'entretien s'est déroulé le 7 mars 2016.
M. [F] a été licencié pour faute grave le 10 mars 2016.
Le 21 mars 2016, M. [F] a contesté les faits qui lui étaient reprochés à l'appui du licenciement.
Par requête reçue au greffe le 13 juillet 2016, Monsieur [U]-[V] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le versement de diverses sommes.
Par jugement de départage du 31 juillet 2020, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre :
- Dit que le licenciement pour faute grave est fondé ;
- Déboute Monsieur [U] [F] de toutes ses demandes ;
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ou de tout autre demande plus ample ou contraire ;
- Dit que chacune des parties supportera la charge de ses frais irrépétibles ;
- Condamne Monsieur [U] [F] aux dépens.
Monsieur [U]-[V] [F] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 25 septembre 2020.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 19 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur [U]-[V] [F] , appelant, demande à la cour de :
- Infirmer le jugement de départage du 31 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de toutes ses demandes, et dit que le licenciement pour faute grave est fondé.
- Dire et juger Monsieur [F], recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,
- En conséquence,
- Dire qu'aucune faute grave ne saurait être reprochée à Monsieur [F],
- Juger que le licenciement de Monsieur [F] est sans cause réelle ni sérieuse,
- Par conséquent,
- Condamner la société Milotec à verser à Monsieur [F] la somme de 11.700,00 € bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamner la société Milotec à verser à Monsieur [F] la somme de 390.00 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.
- Condamner la société Milotec à verser à Monsieur [F] la somme de 1.950 euros bruts correspondant au préjudice subi pour défaut de visite médical à l'embauche,
- Condamner en conséquence la société Milotec à verser à Monsieur [F] la somme de 3.900 euros à titre d'indemnité de préavis,
- Ordonner à la société Milotec la remise des documents rectifiés : attestation Pôle Emploi, certificat de travail ,bulletin de paie Mars 2016 sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, à compter du 15 ème jour suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir.
- Condamner la société Milotec à verser à Monsieur [F] la somme de 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, sur le fondement des articles R.1454-28 du code du travail et 515 du code de procédure civile.
- A titre infiniment subsidiaire :
- Dire qu'aucune faute grave ne saurait être reprochée à Monsieur [F],
- Par conséquent,
- Condamner la société Milotec à verser à Monsieur [F] la somme de 390.00 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.
- Condamner la société Milotec à verser à Monsieur [F] la somme de 1.950 euros bruts correspondant au préjudice subi pour défaut de visite médical à l'embauche,
- Condamner en conséquence la société Milotec à verser à Monsieur [F] la somme de 3.900 euros à titre d'indemnité de préavis, -Ordonner à la société Milotec la remise des documents rectifiés : attestation Pole emploi ,certificat de travail ,bulletin de paie Mars 2016 sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, à compter du 15 ème jour suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir.
- Condamner la société Milotec à verser à Monsieur [F] la somme de 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, sur le fondement des articles R.1454-28 du code du travail et 515 du code de procédure civile.
La société Milotec n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement pour faute grave
Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la SARL Milotec reproche au salarié des refus volontaires d'exécuter ses missions de travail, des négligences graves, des propos déplacés et des insultes vis à vis de sa hiérarchie, une atteinte à l'image de la société et l'utilisation à des fins personnelles de sommes versées par avance par l'employeur.
En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. La faute grave s'entend d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave.
La SARL Milotec bien que régulièrement attraite dans la procédure d'appel, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu. Elle ne verse aucune pièce aux débats.
M. [F] sollicite l'infirmation du jugement déféré, il demande à la Cour de juger qu'aucune faute grave ne peut lui être reprochée et de dire en conséquence son licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
En l'absence de pièces versées par la SARL Milotec, la lettre de licenciement du 10 mars 2016 qui est dans le débat devant la Cour, ne suffit pas à elle seule à rapporter la preuve de la faute grave dont la charge incombe à l'employeur.
Il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris et de dire que le licenciement de M. [F] est sans cause réelle et sérieuse à défaut de preuve rapportée des manquements reprochés au salarié par son employeur.
Sur les conséquences du licenciement
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Monsieur [F] bénéficiait d'une ancienneté de cinq mois et dix-neuf jours au moment de son licenciement et la SARL Milotec employait moins de onze salariés.
Au vu du préjudice subi par M. [F] du fait de la perte injustifiée de son emploi, la SARL Milotec sera condamnée à lui payer la somme de 11.700,00 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
Sur l'indemnité légale de licenciement
Aux termes de l'article L 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, "le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement".
Monsieur [F] qui ne comptait pas une année d'ancienneté ininterrompue au service de la SARL Milotec, n'est dès lors pas éligible au paiement d'une indemnité légale de licenciement sur le fondement de ce texte.
Il sera débouté de sa demande de paiement d'une indemnité légale de licenciement. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l'indemnité de préavis
En application de l'article L 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession.
Monsieur [F] justifiait d'une ancienneté de plus de cinq mois de services continus mais inférieure à 6 mois, il est dès lors bien fondé à solliciter le paiement d'une indemnité de préavis sur le fondement de la convention collective applicable.
La convention collective des entreprises de commerce et de commission import-export applicable à la cause prévoit en son article 12 que la durée du préavis en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, sauf en cas de faute grave, est d'un mois pour les techniciens et agents de maîtrise totalisant moins de six mois d'ancienneté.
La SARL Milotec sera dès lors condamnée à payer à M. [F] la somme de 1950 euros à titre d'indemnité de préavis.
Sur l'absence de visite médicale à l'embauche
L'article R. 4624-10 du code du travail dispose que le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.
L'article L. 4121 -l du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent:
- Des actions de prévention des risques professionnels"et de la pénibilité au travail";
- Des actions d'information et de formation;
- La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existante.
S'il est acquis au débat devant les premiers juges que la SARL Milotec a bien effectué la déclaration d'embauche à l'URSSAF de M. [F] et que l'organisme de médecine du travail (CSMN) figure en outre mentionné dans la déclaration d'embauche de M. [F] faite par son employeur, l'organisation d'une visite médicale à l'embauche du salarié n'est cependant pas établie.
Toutefois la Cour relève que le salarié qui se limite à affirmer que l'absence de visite médicale à l'embauche lui a nécessairement causé un préjudice, ne rapporte pas la preuve de celui-ci, de sorte qu'il sera débouté de sa demande à ce titre et le jugement déféré confirmé sur ce point.
Sur la remise des documents sociaux
En application de l'article R. 1234-9 du code du travail, les employeurs sont tenus, au moment de la résiliation, de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, de délivrer au salarié des attestations ou justification qui leur permettent d'exercer leurs droits aux prestations mentionnées à l'article L 5421-2 du code du travail, et de transmettre ces mêmes attestations aux organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage.
En conséquence pour tenir compte des condamnations prononcées la SARL Milotec est condamnée à remettre à M. [F] une attestation pôle emploi et un bulletin de paie rectifiés, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation du prononcé d'une astreinte.
Sur les dépens et l'indemnité de procédure
La SARL Milotec qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il convient de la condamner à payer à M. [F] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur l'exécution provisoire
Le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif, la demande tendant à voir assortir le présent arrêt de l'exécution provisoire est sans objet.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant par arrêt réputé contradictoire,
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 19 novembre 2020 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés:
Dit que le licenciement de Monsieur [U]-[V] [F] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SARL Milotec à payer à Monsieur [U]-[V] [F] les sommes suivantes:
- 11 700 euros à titre à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
- 1 950 euros à titre d'indemnité de préavis ;
Ordonne à la SARL Milotec de remettre à Monsieur [U]-[V] [F] les documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt ;
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Condamne la SARL Milotec à payer à Monsieur [U]-[V] [F] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Milotec aux dépens de première instance et d'appel.
- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,