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06/10/2022 | FRANCE | N°20/00506

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 06 octobre 2022, 20/00506


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 06 OCTOBRE 2022





N° RG 20/00506



N° Portalis DBV3-V-B7E-TYPW





AFFAIRE :





[M] [L]



C/



S.A.S. MCCANN- ERICKSON FRANCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Nanterre

N° Sect

ion : Encadrement

N° RG : F 16/00528



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Mélina PEDROLETTI



Me Benjamin LOUZIER de la SELARL REDLINK



Expédition numérique délivrée à POLE EMPLOI



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 OCTOBRE 2022

N° RG 20/00506

N° Portalis DBV3-V-B7E-TYPW

AFFAIRE :

[M] [L]

C/

S.A.S. MCCANN- ERICKSON FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Nanterre

N° Section : Encadrement

N° RG : F 16/00528

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Benjamin LOUZIER de la SELARL REDLINK

Expédition numérique délivrée à POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 1er juin 2022, prorogé au 29 juin 2022, puis au 14 septembre 2022, différé au 15 septembre 2022 puis prorogé au 06 octobre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [L]

né le 19 Janvier 1961 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constituée, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et par Me Marianne LECOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1521

APPELANT

****************

S.A.S. MCCANN-ERICKSON FRANCE

N° SIRET : 552 010 498

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Benjamin LOUZIER de la SELARL REDLINK, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J044 substitué par Me Clarisse D'HARCOURT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Monsieur Ronan GABILLET,

EXPOSE DU LITIGE :

Le 1er juillet 2007, parallèlement au transfert de son contrat de travail de la société McCann G Agency à la société McCann Erickson France, Monsieur [M] [L] a conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec cette dernière, lequel prévoyait notamment son engagement au poste de directeur général adjoint, chargé d'assurer la gestion générale et opérationnelle de McCann G Agency. Antérieurement, il avait été engagé par la société SDIG, devenue McCann G Agency, au sein de laquelle il avait exercé différentes fonctions, avant d'en être nommé directeur général adjoint à compter du 1er décembre 2000.

La relation de travail entre les parties est régie par la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française. La société emploie habituellement au moins onze salariés.

Par lettre remise en main propre le 20 janvier 2016, Monsieur [M] [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 28 janvier suivant.

Par courrier daté du 2 février 2016, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse, avec dispense de l'exécution du préavis d'une durée de trois mois.

Par requête reçue au greffe le 2 mars 2016, il a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin notamment de contester la légitimité de son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de rappels de salaires.

Par jugement de départage du 17 janvier 2020, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- fixé la moyenne brute des salaires à 10.256,78 euros ;

- condamné la société à payer au salarié les sommes suivantes :

- 100.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié ;

- ordonné à la société de remettre au salarié un certificat de travail, des bulletins de salaire et une attestation Pôle emploi rectifiés dans le mois de la notification du jugement ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner une astreinte ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence de la moitié des sommes allouées;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la société aux dépens de l'instance.

Monsieur [L] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 21 février 2020 (procédure n° 20/00506).

Le 24 février 2020, la société Mc Cann Erickson France a également relevé appel de ce jugement (procédure n° 20/00539).

Le 2 mars 2020, Monsieur [L] a de nouveau formé un appel à l'encontre de cette décision (procédure n° 20/00618).

Le 13 mars 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction, sous le numéro n° 20/00506, des procédures inscrites au répertoire général sous le n° 20/00618 et n° 20/00506.

Le 5 novembre 2020, il a ordonné la jonction, sous le numéro n° 20/00506, des procédures inscrites au répertoire général sous le n° 20/00539 et n° 20/00506.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 29 juillet 2020 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, le salarié expose notamment :

- que l'insuffisance professionnelle ne doit pas refléter une défaillance passagère, que son licenciement a été initié alors qu'ils n'étaient pas parvenus, avec l'employeur, à un accord quant au rachat par lui de la société, que la société a rompu son contrat de travail avec précipitation, et que son licenciement repose en réalité sur un motif économique ;

- que le grief tiré de ce que qu'il n'aurait pas su développer le portefeuille de clients de l'agence est imprécis et subjectif, outre le fait qu'il n'est pas fondé ;

- qu' il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir su clarifier et adapter l'offre de l'agence aux évolutions de son marché, dans la mesure où ses propositions n'ont pas été retenues par sa hiérarchie et le groupe d'appartenance de la société ;

- que l'employeur n'est pas fondé à lui reprocher d'avoir manqué d'une manière significative les budgets des années 2014 et 2015, dans la mesure où cette insuffisance ne lui est pas imputable, d'autant plus qu'aucun objectif ne lui a jamais été fixé ;

- que l'employeur ne fournit aucun élément probant s'agissant du grief tiré de ce que la gestion sociale de l'agence se serait caractérisée par un échec, alors qu'il démontre qu'il a bénéficié du soutien de tous les managers de l'agence et de nombreux salariés ;

- que le grief tiré de ce qu'il n'aurait pas assumé ses choix et les conséquences de ses décisions est subjectif, la société apportant par ailleurs des explications contradictoires sur ce point ;

- qu'en commençant à travailler pour la société SDIG sous statut d'intermittent du spectacle à compter du 13 juin 1984, il a occupé un emploi normal et permanent au sein de la société à compter de cette date, de sorte que son ancienneté doit être calculée sur cette base ;

- qu' il est fondé à percevoir des dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, au vu des circonstances de la rupture de son contrat de travail et du préjudice dont il justifie ;

- qu'alors qu'il a signé un avenant à son contrat de travail prévoyant le versement de bonus en cas d'atteinte d'objectifs qualitatifs et quantitatifs qui lui seraient fixés chaque année, la société ne lui a pas fixé de tels objectifs en amont pour les années 2013, 2014 et 2015, de sorte qu'elle lui est redevable du paiement du bonus annuel prévu (les résultats devant en tout état de cause être appréciés en considération du travail fourni, des moyens mis à sa disposition, de l'attitude de l'employeur et de la situation du marché) ;

- qu' il n'a jamais bénéficié de la moindre formation tout au long de la relation de travail, en dépit de l'évolution de ses fonctions, ni d'aucun entretien professionnel à compter de l'année 2008, cette situation lui ayant causé un préjudice, au vu de son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Il demande à la cour :

Sur le licenciement, de :

- Confirmer le jugement, en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Infirmer le jugement, en ce qu'il n'a pas sanctionné la brutalité de ce licenciement, ni tiré toutes les conséquences financières :

Et statuant à nouveau :

- Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : Y ajouter une somme de : 310.271,20 euros ;

- Rappel d'indemnité de licenciement : 17.090,96 euros ;

- Dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire : 61.540,68 euros ;

Sur le rappel de bonus, de :

- Infirmer le jugement ;

Statuant à nouveau,

- Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

- Rappel de salaire 03/2014 - bonus exigible au titre de l'exercice 2013 : 52.694 euros ;

- Congés payés y afférents : 5.269,40 euros ;

- Rappel de salaire 04/2015 - bonus exigible au titre de l'exercice 2014 : 53.400 euros ;

- Congés payés y afférents : 5.340 euros ;

- Rappel de salaire 04/2016 - bonus exigible au titre de l'année 2015 : 60.000,00 euros ;

- Congés payés y afférents : 6.000 euros ;

Sur le manquement à l'obligation de formation :

- Infirmer le jugement ;

Statuant à nouveau,

En tout état de cause :

- Débouter la société de toutes ses demandes

- Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de formation : 30.770,34 euros ;

- Article 700 du code de procédure civile :5.000 euros ;

- Condamner la société aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 juillet 2020 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société soutient en substance que :

- le licenciement pour insuffisance professionnelle du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse (quelle que soit son ancienneté), en ce qu'il est à l'origine de la situation financière catastrophique de la filiale qu'il dirigeait depuis 2001, au vu notamment de la dégradation de ses résultats à compter de 2011, des pertes de clients constantes et innombrables depuis 2013, de la situation florissante des autres agences similaires du groupe, de son individualisme dans la gestion de l'agence ainsi que de l'absence de mesure prise pour enrayer les difficultés de cette dernière, de la dénonciation de sa gestion erratique par les institutions représentatives du personnel ;

- l'appelant ne saurait se prévaloir d'une ancienneté antérieure au 1er avril 1990, date à laquelle il a conclu son contrat de travail avec la société SDIG ;

- en ce qui concerne les bonus pour les années 2013, 2014 et 2015, le salarié s'est lui-même fixé des objectifs à partir desquels des primes lui ont été réglées ;

- l'appelant ne saurait lui faire grief d'avoir manqué à son obligation de formation, dans la mesure où il disposait d'une délégation très large en matière sociale et n'avait aucune validation à demander pour suivre des formations, où il pouvait librement utiliser son droit individuel à la formation et où il n'a jamais adressé de demande de formation à qui que ce soit, outre le fait qu'il ne justifie d'aucun préjudice ;

- aucune brutalité ni aucune vexation ne ressort de la procédure de licenciement engagée à l'encontre de l'appelant, ce dont il résulte qu'il ne saurait se voir allouer de dommages et intérêts à ce titre.

Par conséquent, elle demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser au salarié les sommes de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à remettre au salarié un certificat de travail, des bulletins de salaire et une attestation Pôle emploi rectifiés dans le mois de notification du jugement ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'appelant du surplus de ses demandes ;

Et statuant à nouveau :

- Déclarer le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- Débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

A titre reconventionnel et en tout état de cause,

- Condamner l'appelant à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 février 2022.

MOTIFS :

Sur les rappels des bonus au titre des années 2013, 2014 et 2015 :

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, aux termes de l'avenant au contrat de travail signé entre les parties le 5 mars 2007, il a été prévu que le salarié 'pourra percevoir un bonus pouvant aller jusqu'à 50 % de sa rémunération annuelle de base s'il atteint les objectifs qualitatifs et quantitatifs qui lui sont fixés chaque année. Si [le salarié] dépasse ces objectifs, il pourra percevoir un bonus additionnel discrétionnaire'.

Cet avenant prévoyait par ailleurs le versement de ce bonus au mois d'avril de l'année N+1.

Alors que l'appelant soutient que la société ne lui a assigné aucun objectif qualitatif ou quantitatif pour les années 2013 à 2015, cette dernière indique que de tels objectifs lui ont été fixés, à travers la détermination des budgets que le salarié définissait lui-même chaque année.

Au soutien de son argumentation, la société verse aux débats :

- un tableau qui laisse apparaître que les bonus qu'elle a versés au salarié entre les années 2007 et 2015 lui ont été payés lorsqu'il a atteint ses objectifs en termes de marge brute ;

- un courrier électronique que le salarié a adressé le 20 juillet 2011 à Madame [K] [N], présidente du groupe en France, en lui demandant de discuter 'de la nouvelle formule de calcul des bonus SEIP (ex MICP)', en mettant celle-ci en relation avec la réalisation des objectifs de son agence et avec la performance du groupe ;

- un courrier électronique envoyé le 16 mars 2012 par Monsieur [S] [O], directeur financier du groupe en France, qui indique à un dénommé Monsieur [I] [V] que la totalité du bonus contractuel du salarié lui serait versée en cas d'atteinte de son budget ;

- une attestation établie par Monsieur [O] qui indique notamment que la rémunération variable attribuée au salarié était calculée en fonction de l'atteinte du budget de la filiale dont il assurait la direction opérationnelle et qu'il avait 'toujours été convenu avec [le salarié] que ses objectifs qualitatifs et quantitatifs correspondaient à l'atteinte du budget annuel qu'il définissait avec le groupe'.

Ces éléments apparaissent excessivement vagues et imprécis quant aux conditions de versement et aux modalités de calcul de ladite rémunération variable.

D'une part, s'ils laissent suggérer qu'un lien pouvait exister entre les résultats de l'agence dirigée par l'appelant et la rémunération variable qui lui était versée, aucun élément ne permet de démontrer que cette règle avait été portée à sa connaissance, concernant particulièrement les années 2013 et 2015.

La cour relève notamment que les échanges de courrier entre les parties, outre le fait qu'ils sont antérieurs à l'année 2013, apparaissent excessivement imprécis quant aux règles applicables entre elles. A ce titre, le courrier électronique du 20 juillet 2011 aux termes duquel le salarié indique que sa rémunération variable est notamment calculée en fonction de la performance du groupe au niveau mondial et en France est contredit par l'attestation de Monsieur [O], qui se borne à évoquer les résultats de la filiale dirigée par le salarié.

D'autre part, les éléments versés aux débats par la société ne démontrent nullement que les parties avaient convenu que le salarié déterminerait lui-même les objectifs conditionnant le versement de sa rémunération variable. A l'inverse, le courrier électronique qu'il a adressé le 20 juillet 2011 à la présidente du groupe en France démontre qu'il restait assujetti aux décisions de sa hiérarchie dans la détermination de sa rémunération.

En ce sens, la société ne produit aucun élément permettant de comprendre les montants de 7.306 euros et de 6.600 euros versés à titre de rémunération variable pour les années 2013 et 2014 et de démontrer que les objectifs fixés en amont au salarié permettaient d'anticiper la détermination d'une telle rémunération variable.

Au surplus, en application de l'article L. 3243-3 du code du travail, la circonstance selon laquelle le salarié n'a pas, antérieurement à la présente instance, sollicité le règlement de ses bonus, ne saurait justifier le manquement de l'employeur dans la détermination de ses objectifs.

Par conséquent, à défaut pour l'employeur d'avoir précisé au salarié ses objectifs à réaliser pour les années 2013, 2014 et 2015 ainsi que les conditions de calcul vérifiables, la rémunération variable prévue pour ces trois années est due à l'appelant.

Dans la mesure où le salarié percevait une rémunération annuelle contractuelle de 120.000 euros, il était fondé à percevoir une somme annuelle de 60.000 euros à titre de rémunération variable.

Compte tenu des sommes de 7.306 euros et de 6.600 euros qu'il a perçues à ce titre pour les années 2013 et 2014, le salarié sera donc justement indemnisé par le versement de somme de :

- 52.694 euros au titre de la rémunération variable due au mois d'avril 2014 au titre de l'exercice 2013, outre une somme de 5.269,40 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 53.400 euros au titre de la rémunération variable due au mois d'avril 2015 au titre de l'exercice 2014, outre une somme de 5.340 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 60.000 euros au titre de la rémunération variable due au mois d'avril 2016 au titre de l'exercice 2015, outre une somme de 6.000 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il déboute le salarié de ces chefs.

Sur le licenciement :

En application de l'article L. 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, le salarié s'est vu notifier son licenciement dans les termes suivants :

'Nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement en raison des motifs suivants.

Vous occupez le poste de Directeur Général Adjoint. Votre mission principale consiste à assurer la direction générale et opérationnelle de la société McCann G Agency.

Vous relevez des catégories des cadres dirigeants, disposant d'une grande liberté dans le processus décisionnel et dans l'utilisation des ressources de la société pour accomplir votre mission. Or force est de constater que vous n'avez pas été capable de mener à bien cette dernière dans la période récente.

En effet, vous n'avez pas su développer le portefeuille client de l'agence.

Pour faire face au déclin historique de McCann G Agency, la société ENGIE, vous n'avez pas suffisamment renouvelé les clients de la filiale : la marge brute effectuée sur les clients hors ENGIE passe ainsi de 1.368K€ en 2009 à seulement 1.131K€ en 2015, conduisant ainsi la société McCann G Agency à être encore en situation de dépendance économique vis-à-vis de son principal client.

De même, vous n'avez pas su garder les deux autres clients structurants de l'agence, SFR et EDF. En effet, la marge brute réalisée par SFR passe ainsi de 231K€ en 2014 à 29K€ en 2015 et la marge brute réalisée sur EDF passe de 219K€ en 2014 et 19K€ en 2015.

Par ailleurs, il vous appartenait de mettre au point une stratégie et une organisation permettant le développement de McCann G Agency.

Or, vous n'avez pas su clarifier et adapter l'offre de McCann G Agency aux évolutions de son marché et vous savez pertinemment que l'absence d'une offre claire mène inexorablement à un déclin du chiffre d'affaires et de la marge brute. Ainsi, la marge brute de McCann G Agency a été divisée par deux entre 2009 et 2015, passant de 4.881K€ à 2.462 K€ en 2015, ce qui correspond à un taux de décroissance organique de presque 11% par an sur la période.

Pourtant, dans le même temps, une autre filiale du groupe McCann Erickson France, la société McCann Healthcare, de taille comparable, a connu le chemin inverse, passant ainsi d'une marge brute 948K€ en 2009 à une marge brute de 5.500K€ en 2015, ce qui démontre que la performance commerciale d'une filiale ne dépend pas de la conjoncture économique mais bien de son principal dirigeant, de sa vision et des moyens qu'il se donne.

De plus, l'absence de stratégie de développement construite n'a pas permis à l'agence de se détacher de son image de 'couteau suisse', en interne comme en externe, focalisant ainsi la démarche de développement sur des appels d'offres de faible valeur où le prix est un critère discriminant.

Vous manquez ainsi de manière significative dans les budgets des années 2014 et 2015 alors même que ces derniers n'étaient pas particulièrement agressifs en termes d'objectifs commerciaux et que vous les avez vous-même établis :

En 2014, vous manquez votre objectif de marge brute de 16% : 3,3 M€ d'objectif de marge brute et seulement 2.781K€ réalisés, générant ainsi une perte additionnelle de 138K€ par rapport à la perte autorisée dans le budget.

En 2015, vous manquez votre objectif de marge brute de 18% : 3M€ d'objectif de marge brute et seulement 2.462K€ réalisés, générant ainsi une perte additionnelle de 589K€ par rapport à la perte autorisée dans le budget.

D'autre part, en votre qualité de dirigeant, vous avez une responsabilité sociale et un rôle fédérateur important. Or votre gestion sociale se caractérise également par un échec.

En effet, vos collaborateurs n'ont plus confiance en vous comme le démontrent les question insistantes des IRP au cours des CE/CCE du groupe sur la stratégie de McCann G Agency. Plusieurs de vos collaborateurs ont ainsi demandé au Président de McCann Erickson France et à son Secrétaire Général d'effectuer un 'changement de capitaine'. La présentation du projet d'entreprise de McCann G Agency lors du CCE du 16 Novembre 2015 n'a ainsi pas convaincu les IRP présents, rendant ainsi plus difficile encore le rebond nécessaire en 2016 qui doit assurer la pérennité économique de notre filiale.

Vous êtes responsable de la gestion sociale de la société McCann G Agency qui est désastreuse et qui fait donc courir des risques importants à l'entreprise.

A titre d'exemple, vous n'avez pas effectué tous les entretiens annuels d'évaluation 2015 de tous les collaborateurs de McCann G Agency ainsi que vous le rappelait le Secrétaire Général du groupe dans son courriel du 26 Octobre 2015. A cette date le pourcentage de finalisation n'était que de 28%, soit un des taux les plus faibles de l'UES McCann France de [Localité 4] dont fait partie McCann G Agency. Au 20 Janvier 2016, ceci n'a quasiment pas évolué.

Enfin, vous n'assumez pas vos choix et les conséquences de vos décisions.

Ainsi, le 15 Janvier 2016, vous demandez à voir le Président du Groupe au sujet des enjeux de l'année 2016.

Vous vous présentez sans aucune proposition alors même que chaque dirigeant de filiale est en actualisation active de son 'forward plan' c'est-à-dire de son prévisionnel de l'année 2016.

Vous restez totalement démuni lorsque le Président du Groupe et son Secrétaire Général vous interrogent sur ce dernier et les actions envisagées pour réaliser l'objectif de marge brute de 2,9M€ fixé.

Vous répondez finalement par un courrier en date du 18 Janvier 2016, reconnaissant votre impuissance et la situation déplorable de McCann G Agency : 'McCann G Agency n'a pas la taille critique suffisante pour se battre sur son marché' ; 'l'agence cumule les faiblesses' ; 'l'objectif de marge brute de 2,9M€ paraît difficile à atteindre'.

Une situation que vous imputez aux prédécesseurs de l'actuel Président du Groupe McCann en France, mais il s'agit bien des conséquences de vos manquements en votre qualité de dirigeant de McCann G Agency dont il est question.

Ces constats nous conduisent à vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse car vous n'êtes manifestement plus la personne capable d'assurer la pérennité économique de notre filiale McCann G Agency et en conséquence le maintien dans l'emploi de ses collaborateurs.'

S'agissant du grief tiré de ce que le salarié n'aurait pas su renouveler le portefeuille de clients de l'agence, celui-ci soutient qu'entre les années 2009 et 2016, il a conquis de nouveaux clients, tels que SNCF Réseaux, SFR, EDF, Michelin, l'INA, CBRE, Omega-Pharma, Klesia, Euromaster, Keolis, ACPM/OJD, Megableu, Monoprix (ces entités sont, pour la plupart, énumérées sur la fiche de présentation de l'agence datant de 2016 qu'il verse aux débats)...

La société ne verse aucun élément de nature à remettre en cause les allégations du salarié concernant ces nouveaux clients.

En ce qui concerne la perte des clients SFR et EDF dont fait état la société, la cour relève que, bien qu'elle souligne la nette diminution des gains procurés par ces clients, elle reconnaît que la marge brute les concernant n'était pas nulle en 2015.

La cour observe que la diminution de marge brute concernant les sociétés SFR et EDF entre 2009 et 2015 (passage de 231 K€ à 29 K€ pour SFR et de 219 K€ à 19 K€ pour EDF) excédant la diminution de la marge brute de la filiale sur tous les clients autres qu'Engie au cours de la même période, telle qu'elle a été relevée par la société (passage de 1.368 K€ à 1.131 K€), il s'en déduit que la marge brute réalisée avec les clients autres que les sociétés SFR, EDF et Engie a augmenté.

Dans ce contexte, la société reste particulièrement imprécise quant aux pertes de clients reprochés, aucun élément probant ne permettant d'identifier ces prétendus clients perdus.

En outre, les courriers électroniques versés aux débats par le salarié démontre qu'il a formulé différentes propositions (notamment au cours de l'année 2015) à sa hiérarchie au sein du groupe en vue de faire évoluer utilement la politique commerciale de son agence, sans que celles-ci aient été prises en compte. A ce titre, notamment, les courriers électroniques qu'il a adressés à sa hiérarchie au niveau du groupe en France, le 24 janvier 2014 et entre les 6 au 9 novembre 2015, démontrent ses sollicitations répétées de rapprochement avec d'autres sociétés du groupe, en vue de répondre à la nécessité de renforcer le positionnement de la filiale qu'il gérait sur le marché et de répondre à de nouvelles demandes.

Au vu de ces éléments, le grief fait au salarié tiré de l'absence de renouvellement du portefeuille de clients de l'agence n'est pas justifié.

S'agissant du grief tiré de ce que le salarié n'aurait pas su clarifier et adapter l'offre de l'agence aux évolutions de son marché, alors que son contrat de travail prévoyait qu'il rende compte de l'exercice de ses fonctions au Président de McCann Erickson France, il est établi, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, que le salarié a adressé différentes propositions à sa hiérarchie en vue de faire évoluer le positionnement de la filiale.

En ce sens, la société ne saurait se borner à reprocher au salarié de ne pas avoir formulé de recommandation, de stratégie et de plan d'action dans son courrier électronique du 7 juillet 2015, aux termes duquel il proposait notamment un mélange entre les équipes de différentes entités.

La cour relève que l'employeur n'a formulé aucune observation quant à cette proposition, laquelle s'inscrivait pourtant dans la vision de mutualisation portée par l'appelant (au vu notamment de l'échange de courriers électroniques datés des 6 au 9 novembre 2015 précité, ainsi que du courrier électronique du 4 décembre 2013 dont avait été destinataire sa hiérarchie).

Au surplus, indépendamment des résultats de certaines filiales, dont il n'est pas établi qu'elles soient plus comparables à la société McCann G Agency que d'autres filiales dont les résultats ne sont pas évoqués par elle, la société McCann Erickson ne saurait valablement imputer les résultats de l'agence au salarié alors même, notamment, que le résultat net du groupe en France pour l'année 2016 (-783.000 euros) laisse apparaître les difficultés qu'il a rencontrées et la dégradation du marché (le président de la société ayant, à ce titre, reconnu une réduction du marché de la publicité lors de la réunion du comité d'entreprise du 17 septembre 2015).

Le deuxième grief fait au salarié n'est ainsi pas établi.

S'agissant du grief tiré de ce que le salarié aurait manqué d'une manière significative les budgets des années 2014 et 2015, la dégradation des résultats de la filiale à compter de l'année 2014 n'est pas contestée.

Cela étant, il convient de relever que la société n'a fixé aucun objectif au salarié pour ces années, ainsi qu'il a été montré précédemment.

Au surplus, il est constant que cette baisse de résultats est liée au désengagement du principal client de l'agence, la société Engie. L'employeur ne conteste pas que le salarié était étranger à cette situation, comme le confirme le courrier électronique envoyé le 14 avril 2016 par Monsieur [B] [P], responsable du département communication interne de la société Engie, qui fait explique la réduction de budgets de sa société comme résultant d'arbitrages internes visant à répartir les dépenses entre différents prestataires historiques.

Dans ce contexte, alors que la diminution des dépenses du principal client de la filiale était nécessairement de nature à obérer les résultats de cette dernière, il est établi que le groupe n'a pris en compte aucune des propositions d'évolutions que lui avait adressées le salarié antérieurement à l'année 2016.

Ainsi, à supposer que les résultats atteints par le salarié étaient insuffisants par rapport aux attentes pour les années 2014 et 2015, aucune insuffisance professionnelle ni aucun comportement fautif ne sauraient lui être reprochés.

La société ne saurait donc faire grief au salarié d'avoir manqué ses objectifs pour les années 2014 et 2015.

S'agissant du grief tiré de ce que le salarié aurait échoué dans la gestion sociale de l'agence, ni le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 22 juin 2016, ni l'attestation établie par Monsieur [Z] [D], secrétaire du comité d'entreprise et délégué syndical CFDT ne sont de nature à démontrer la 'gestion erratique de la société' reprochée au salarié. D'une part, la réunion du comité d'entreprise du 22 juin 2016 s'est tenue postérieurement au licenciement du salarié et, au demeurant, le contenu de son procès-verbal ne laisse apparaître aucun élément le mettant en cause. D'autre part, outre son caractère isolé, l'auteur de l'attestation ne disposait pas de l'ensemble des éléments permettant de replacer les résultats de la société dans leur contexte, tels qu'il a été évoqué précédemment.

Par ailleurs, les affirmations de l'employeur selon lesquelles le salarié avait perdu la confiance de ses collaborateurs et ne tenait pas sa position d'élément fédérateur sont contredites par les courriers électroniques versés aux débats par ce dernier. Ceux-ci démontrent qu'il disposait du soutien de nombreux salariés, au vu des multiples courriers électroniques qui lui ont été adressés après l'annonce de son licenciement le 4 février 2016.

En ce qui concerne les entretiens individuels d'évaluation qui n'auraient pas été menés par le salarié, ce dernier verse aux débats un courrier électronique daté du 26 octobre 2015 aux termes duquel il a indiqué à son responsable hiérarchique qu'un problème technique avec le logiciel dédié (Career Navigator) empêchait le bon déroulement de ces derniers. Aucune réponse n'a été apportée à ce message.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il ne saurait être reproché au salarié d'avoir échoué dans la gestion sociale de l'agence.

Enfin, en ce qui concerne le grief tiré de ce que le salarié n'aurait pas assumé ses choix et les conséquences de ses décisions, il convient de relever le caractère vague et imprécis de ce grief.

Pour ce qui concerne la réunion sollicitée le 15 janvier 2016 par le salarié avec le président du groupe et le déroulement de celle-ci, aucun élément ne démontre que ce dernier devait être en mesure d'y expliquer très précisément son 'forward plan'.

De façon générale, en l'absence d'élément probant quant à l'ordre du jour de cette réunion et aux éventuels manquements commis par le salarié à cette occasion, aucun reproche ne saurait être formulé au salarié à cet égard.

Sur ce point, la société ne saurait valablement réduire le courrier électronique adressé par le salarié à sa hiérarchie le 18 mars 2016 à une reconnaissance de son incapacité à améliorer la situation de l'agence. L'examen de ce message laisse notamment apparaître qu'il avait formulé un certain nombre de propositions, visant à ce que le groupe aide la filiale à surmonter ses faiblesses (mise en place d'une cellule de prospection commune, suggestion d'un profil de recrutement souhaitable...).

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la matérialité des différents griefs formulés à l'encontre du salarié dans la lettre de licenciement n'est pas établie.

Au surplus, alors que ce licenciement s'intègre dans un contexte dans lequel le salarié n'a pas donné suite aux propositions de rachat de la filiale que lui a adressées le groupe dans le courant de l'été 2015 (ainsi qu'il résulte des courriers électroniques datés du 1er au 16 septembre 2015, dont il résulte de la formulation que la proposition de transaction initiale émanait du groupe et non du salarié), la cour relève qu'aucune observation n'a été adressée au salarié concernant la qualité de son travail, antérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il dit le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l'ancienneté du salarié

Aux termes de l'article L. 122-1 du code du travail en sa rédaction en vigueur du 12 août 1986 au 14 juillet 1990, le contrat de travail à durée déterminée peut être conclu pour l'exécution d'une tâche précise. Il ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

En l'espèce, il est constant que, d'une part, que le salarié a été engagé par la société SDIG dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au 1er avril 1990 et, d'autre part, que le contrat de travail conclu entre les parties le 1er juillet 2007 prévoyait in fine une reprise de son ancienneté au 1er avril 1990, par l'effet du transfert de son contrat de travail.

Le salarié fait valoir qu'il a commencé à travailler pour la société SDIG en qualité d'intermittent du spectacle à compter du 13 juin 1984, ainsi qu'il est démontré par les bulletins de paie qu'il verse aux débats.

Ces bulletins de paie remis chaque mois du 13 juillet 1984 au mois de mars 1990 démontrent qu'il a travaillé de façon continue pour la société SDIG (en-dehors de périodes quelques jours), alors qu'il n'est pas contesté que ses emplois successifs d'assistant opérateur, de réalisateur et de directeur de production correspondaient à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Dès lors que ces périodes de travail ont été effectuées au service de la société SDIG avec laquelle la relation de travail s'est poursuivie par la suite, la société intimée ne saurait valablement arguer de ce que le salarié n'est pas fondé à se prévaloir de l'ancienneté acquise auprès d'une autre société du groupe.

Compte tenu de ces éléments, il convient de considérer que l'ancienneté du salarié au service de la société prend effet au 13 juin 1984.

Sur l'indemnité de licenciement

Compte-tenu de son ancienneté ainsi calculée, de son salaire moyen et de ce qu'il a perçu la somme de 101.716,62 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, le salarié est bien fondé à prétendre au paiement de la somme de 17.090,69 euros, qu'il revendique à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, en application de l'article 31 de la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il le déboute de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Compte tenu de son âge, 55 ans, de son ancienneté de plus de 30 ans au moment de son licenciement, de la perte de revenus dont il justifie au regard de la rémunération à laquelle il pouvait prétendre, le salarié sera justement indemnisé de la perte injustifiée de son emploi par le versement d'une somme de 180.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, en sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 24 septembre 2017.

Il convient donc d'infirmer le jugement sur le montant de la somme allouée à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire :

La réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement est subordonnée, d'une part, à la caractérisation d'une faute de l'employeur dans les circonstances de la rupture du contrat de travail et, d'autre part, à la démonstration d'un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, les affirmations du salarié selon lesquelles l'employeur lui aurait demandé de quitter 'manu militari l'entreprise' ne sont pas nullement étayées.

En outre, si M. [L] a été dispensé de l'exécution de son préavis, cette décision de l'employeur n'est pas en soi vexatoire et les échanges de courriers électroniques (envoyés et reçus avec sa messagerie professionnelle), produits par le salarié démontrent qu'il a eu la possibilité de saluer ses collègues, de leur transmettre ses coordonnées personnelles et de s'expliquer quant à son départ.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il le déboute de ce chef.

Sur les dommages et intérêts au titre du non-respect de l'obligation de formation :

Selon l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Par ailleurs, l'obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi relève de l'initiative de l'employeur.

En outre, selon l'article L. 6315-1 du code du travail en sa rédaction en vigueur depuis le 7 mars 2014, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi.

En l'espèce, alors que la délégation de pouvoirs dont disposait le salarié ne comporte aucun élément en relation avec la mise en oeuvre de la formation et des entretiens individuels, il n'est pas contesté que le salarié n'a bénéficié, d'une part, d'aucune formation tout au long de la relation contractuelle et, d'autre part, d'aucun entretien professionnel.

Les manquements de l'employeur à ses obligations résultant des articles L. 6321-1 et L. 6315-1 du code du travail sont ainsi caractérisés

Cela étant, le salarié n'apporte aucun élément permettant de démontrer le préjudice subi de ce fait.

En particulier, la cour relève qu'il ne saurait se prévaloir de l'insuffisance professionnelle, alléguée par son employeur à l'appui du licenciement, pour justifier de son préjudice, dès lors que celui-ci n'est pas établi et qu'aucun lien n'est démontré entre la rupture de son contrat de travail et les manquements de l'employeur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il le déboute de ce chef.

Sur les autres demandes :

La remise d'un certificat de travail, des bulletins de salaire et d'une attestation Pôle emploi rectifiés est de droit, sans qu'il n'y ait lieu de prononcer une astreinte.

Les intérêts au taux légal avec capitalisation sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil sur les sommes susvisées seront dus dans les conditions précisées au dispositif.

En outre, s'agissant d'un salarié disposant de plus de deux ans d'ancienneté et d'une entreprise employant au moins onze salariés, il y a lieu d'ordonner à la société le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, dans la limite de six mois, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

La société, qui succombe pour l'essentiel à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu d'allouer au salarié, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 2.500 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme allouée au salarié par le conseil de prud'hommes pour les frais irrépétibles exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 28 juin 2019,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne la société McCann Erickson France à payer à Monsieur [M] [L] les sommes suivantes :

- 52.694 euros au titre de la rémunération variable due au mois d'avril 2014 au titre de l'exercice 2013 ;

- 5.269,40 euros au titre des congés payés afférents à la rémunération variable due au mois d'avril 2014 au titre de l'exercice 2013 ;

- 53.400 euros au titre de la rémunération variable due au mois d'avril 2015 au titre de l'exercice 2014 ;

- 5.340 euros au titre des congés payés afférents à la rémunération variable due au mois d'avril 2015 au titre de l'exercice 2014 ;

- 60.000 euros au titre de la rémunération variable due au mois d'avril 2016 au titre de l'exercice 2015 ;

- 6.000 euros au titre des congés payés afférents à la rémunération variable due au mois d'avril 2016 au titre de l'exercice 2015 ;

- 17.090,69 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 180.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les intérêts au taux légal sont dus sur la créance salariale à compter de la date de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et à compter du présent arrêt pour les autres sommes ;

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne à la société McCann Erickson France de rembourser aux organismes sociaux concernés les indemnités de chômage éventuellement payées à Monsieur [M] [L], dans la limite de six mois d'indemnités ;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Déboute la société McCann Erickson France de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Condamne la société McCann Erickson France à payer à Monsieur [M] [L] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Condamne la société McCann Erickson France aux dépens d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00506
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;20.00506 ?
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