COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 6 OCTOBRE 2022
N° RG 19/02559 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TIRT
AFFAIRE :
[B] [C] épouse [V]
C/
[K] [I]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY
N° Chambre : 0
N° Section : AD
N° RG : 19/00010
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la ASSOCIATION AVOCALYS
Me Banna NDAO
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX, après prorogation du QUINZE ET VINGT NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX, les parties en ayant été avisées.
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [B] [C] épouse [V]
née le 02 Août 1967 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620
Représentant : Me Valérie LACROUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1452
APPELANTE
****************
Monsieur [K] [I]
né le 1er Août 1961 à [Localité 7] (SUISSE)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Alexandre DUMANOIR, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 635
Représentant : Me Banna NDAO, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667
Madame [O] [G] [X] épouse [I]
née le 29 janvier 1967 à [Localité 4] (ALLEMAGNE)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Alexandre DUMANOIR, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 635
Représentant : Me Banna NDAO, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant un contrat qualifié de 'prestations de service', en date du 5 septembre 2007, les époux [I], de nationalité allemande, ont confié à Mme [V] des services de ménage, de repassage et de garde occasionnelle de leur maison.
Mme [V] effectuait 6 heures de travail par semaine, qui se sont déroulées le mercredi de 7h30 à 12h30 au domicile des [I] ainsi qu'une heure de repassage que Mme [V] effectuait librement chez elle. Le taux horaire était fixé à 16,50 euros par heure.
En 2010, les consorts [I] ont adopté une fratrie de trois filles âgées de 4 à 9 ans et un nouveau contrat, toujours qualifié de 'de prestation de service' a été signé le 28 juin 2010 élargissant les services de Mme [V] aux courses et à la garde occasionnelle des enfants. La durée hebdomadaire de travail était portée entre 9 et 10 heures pour le ménage, une heure sur demande pour les cours(es),les services de garde (des enfants, de la maison) devant donner lieu à accord entre les parties au fur et à mesure, le taux horaire à 20 euros.
Parallèlement, les époux [I] ont engagé Mme [V] à raison de trois heures par semaine
afin de conduire, avec sa propre voiture, les enfants pour les accompagner à l'école, ces heures
étant rémunérées moyennant des chèques CESU au taux horaire de 17 euros nets.
Pour l'année scolaire 2015-2016, les consorts [I] ont déménagé en Allemagne et de nouveaux locataires allemands (un couple avec enfant) se sont installés pour une année dans leur maison.
Il a été convenu que Mme [V] serait sollicitée pendant 12 heures par semaine au tarif de 17 euros par heure. Pendant toute cette période, Mme [V] a continué son travail en étant réglée par la nouvelle famille allemande.
Au retour des consorts [I] en septembre 2016, ces derniers ont demandé à Mme [V] une adaptation de l'amplitude de la prestation de 12 heures à 10 heures en ramenant le taux horaire à 17 euros par heure, ce qui a été refusé par Mme [V].
Suivant acte en date du 26 octobre 2016, les époux [I] ont proposé à Mme [V] de la
rémunérer dorénavant 15 euros de l'heure soit 150 euros par semaine entièrement cotisées CESU, cette proposition étant contresignée par Mme [V] le 8 novembre 2016.
Convoquée le 9 mai 2017 à l'entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 16 mai 2017, Mme [V] a été licenciée par lettre datée du 20 mai 2017.
Par lettre datée du 3 juin 2017, les époux [I] ont dispensé Mme [V] d'exécuter la fin de son préavis, lui reprochant des commentaires 'inappropriés' et 'destabilisants' vis-à-vis de leurs enfants.
Par courrier du 22 juillet 2017, Mme [V] a contesté le solde de tout compte.
Le 27 décembre 2017, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles aux fins d'entendre les époux [I] condamner à lui payer les sommes suivantes :
- 6 576 euros à titre d'indemnité légale pour travail dissimulé,
- 4 080 euros à titre de rappel de salaire, outre 410,50 euros congés payés ,
- 6 000 euros à titre d'indemnité pour préjudice moral,
- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
In limine litis, les époux [I] ont soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes pour statuer sur les demandes relatives aux deux contrats de prestations de service de 2006 et 2010. Ils se sont par ailleurs opposés aux demandes de la requérante et ont sollicité reconventionnellement la condamnation de Mme [V] au paiement de la somme de 750,72 euros au titre d'un trop perçu, celle de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé et 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 14 mai 2019, notifié le 21 mai 2019, le conseil a statué comme suit :
Condamne Mme [V] à payer aux consorts [I] les sommes de 750,72 euros au titre du remboursement de trop perçu et de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme [V] de l'intégralité de ses demandes,
Déboute les consorts [I] du surplus de leurs demandes,
Se déclare incompétent pour statuer sur les demandes relatives aux contrats de prestations de services du 5 septembre 2007 et 28 juin 2010 au profit du tribunal de commerce de Versailles et dit qu'à défaut de recours, le dossier sera transmis à cette juridiction,
Condamne Mme [V] aux dépens, y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels.
Le 14 juin 2019, Mme [V] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 1er septembre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 7 septembre 2021.
' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 7 juin 2021, Mme [V] a demandé à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :
Dire et juger que la cour est compétente pour statuer sur le sort des contrats litigieux,
Constater, dire et juger qu'elle a travaillé en qualité d'employée de maison de 2007 à juillet 2017, sous la subordination juridique et économique des consorts [I], leur employeur, ainsi qu'en attestent toutes les pièces produites et notamment les pièces 1, 2, 5, 17, et 18,
Requalifier en conséquence les contrats dits de prestations de services du 5 septembre 2007 et du 28 juin 2010 en contrats de travail d'employé de maison soumis au statut du particulier employeur régi par les dispositions du code du travail et les dispositions particulières des articles L. 7221-1 et suivants du code du travail,
Dire et juger que les époux [I] ont commis un abus dans l'exercice du droit du licenciement, et ont exécuté de mauvaise foi leurs obligations d'employeur pendant la durée du contrat et dans le cadre de la rupture, motivée quasi exclusivement par un souci d'effacer un délit civil et pénal,
Condamner les époux [I] à lui verser les sommes de :
- 6 016 euros pour travail dissimulé,
- 3 816 euros à titre de rappel de salaires,
- 410,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 15 000 euros au titre du préjudice moral subi,
- 15 000 euros au titre du préjudice subi distinct du fait de l'abus de droit commis dans l'exercice de mauvaise foi du droit du licenciement, à l'effet de masquer les fautes commises pendant près de 10 années (travail dissimulé),
- 7 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
' Suivant leurs dernières conclusions, remises au greffe le 22 juin 2021, les consorts [I] ont demandé à la cour de :
Juger Mme [V] irrecevable en ses prétentions nouvelles formulées par voie de conclusions n°2 :
- constater, dire et juger que Mme [V] a travaillé en qualité d'employée de maison de 2007 à juillet 2017, sous la subordination juridique et économique des consorts [I], leur employeur, ainsi qu'en attestent toutes les pièces produites et notamment les pièces 1, 2, 5, 17, et 18,
- requalifier en conséquence les contrats dits de prestations de services du 5 septembre 2007 et du 28 juin 2010 en contrats de travail d'employé de maison soumis au statut du particulier employeur régi par les dispositions du code du travail et les dispositions particulières des articles L7221-1 et suivants du code du travail.
- dire et juger que les époux [I] ont commis un abus dans l'exercice du droit du licenciement, et ont exécuté de mauvaise foi leurs obligations d'employeur pendant la durée du contrat et dans le cadre de la rupture, motivée quasi exclusivement par un souci d'effacer un délit civil et pénal,
- condamner les époux [I] à verser à Mme [V] la somme de 15 000 euros au titre du préjudice subi distinct du fait de l'abus de droit commis dans l'exercice de mauvaise foi du droit du licenciement, à l'effet de masquer les fautes commises pendant près de 10 années ( travail dissimulé) ;
Juger prescrite l'action en requalification des contrats dits de prestations de services du 5 septembre 2007 et du 28 juin 2010 en contrats de travail d'employé de maison soumis au statut du particulier employeur régi par les dispositions du code du travail et les dispositions particulières des articles L7221-1 et suivants du code du travail ;
Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts ;
Réformer le jugement sur ce point et statuant nouveau, condamner Mme [V] à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts compte tenu du préjudice causé ;
Condamner Mme [V] à verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
Débouter Mme [V] de toutes demandes, fins et conclusions et la condamner aux dépens.
Les parties ayant accepté la proposition faite par la cour lors de l'audience du 7 septembre 2021, de recourir à une mesure de médiation judiciaire, il a été ordonné avant dire droit, par décision en date du 23 septembre 2021, une médiation judiciaire confiée au Centre Yvelines Médiation, le délai ayant été prorogé à la demande du médiateur.
Par courrier daté du 19 avril 2022, l'association CYM a informé la cour que la mission de médiation était terminée et qu'elle n'avait pas permis aux parties de parvenir à un accord.
En cours de délibéré, la cour a, conformément aux dispositions de l'article 16 alinéa 3 du code de procédure civile, invité les parties à présenter leurs éventuelles observations sur l'application, le cas échéant, des textes suivants :
1-S'agissant de la prescription soulevée par les intimés, les dispositions de l'article 2224 du code civil (cf. arrêt publié du 11/05/2022 n° 20-18.084)
2-S'agissant de la demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, les stipulations de l'article 1 de la CCN du particulier employeur, étendue, dans sa rédaction applicable au cours de la relation contractuelle, qui énoncent notamment que " Est salarié toute personne, à temps plein ou partiel, qui effectue tout ou partie des tâches de la maison à caractère familial ou ménager. "
Le conseil de Mme [V] a présenté ses observations par message en date du 16 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
I - Sur les demandes nouvelles en cause d'appel :
Les époux [I] affirment que plusieurs nouvelles prétentions sont formulées par Mme [V] en cause d'appel, par voie de conclusions n°2, à savoir celles ainsi formulées :
- Constater, dire et juger que Mme [V] a travaillé en qualité d'employé de maison de 2007 à juillet 2017, sous la subordination juridique et économique des Consorts [I], leur employeur, ainsi qu'en attestent toutes les pièces produites et notamment les pièces 1,2, 5, 17, et 18,
- Requalifier en conséquence les contrats dits de prestations de services du 5 septembre 2007 et du 28 juin 2010 en contrats de travail d'employé de maison soumis au statut du particulier employeur régi par les dispositions du code du travail et les dispositions particulières des articles L. 7221-1 et suivants du code du travail.
- Dire et juger que les époux [I] ont commis un abus dans l'exercice du droit du licenciement, et ont exécuté de mauvaise foi leurs obligations d'employeur pendant la durée du contrat et dans le cadre de la rupture, motivée quasi exclusivement par un souci d'effacer un délit civil et pénal,
- Condamner les époux [I] à verser à Mme [V] la somme de 15 000 euros au titre du préjudice subi distinct du fait de l'abus de droit commis dans l'exercice de mauvaise foi du droit du licenciement, à l'effet de masquer les fautes commises pendant près de 10 années ( travail dissimulé)'
Les époux [I] concluent que ces prétentions nouvelles se distinguent dans leur fondement des prétentions originaires de Mme [V], et ne tendent pas aux mêmes fins que les prétentions formulées par la salariée devant le conseil des prud'hommes de Poissy.
L'article 564 du code de procédure civile fixe le principe de 'l'interdiction des demandes nouvelles en appel' en ces termes : 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.
Cette règle est fondée sur le principe d'immutabilité du litige et sur le droit à un double degré de juridiction.
L'article 565 du même code donne de la demande 'non nouvelle' la définition suivante : ' Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent'.
Il s'en déduit que doit être considérée comme nouvelle la prétention dont l'objet est de substituer en appel un droit différent de celui dont on s'est prévalu en première instance. En revanche, si le droit qui sert de fondement à la prétention formulée en appel demeure identique à celui qui avait été invoqué en première instance, tout en se présentant sous un aspect différent, la prétention n'est pas nouvelle.
Par application de cette règle et alors que le conseil de prud'hommes avait rappelé les prétentions de la requérante, sous la rubrique 'arguments de la demanderesse' dans les termes suivants :
« Que les deux contrats signés en date du 5 septembre 2007 et 28 juin 2010, ne sont pas des contrats de services, Mme [V] n'ayant jamais créé d'entreprise de prestations de services pour assurer le ménage.
Que les contrats soit-disant 'de prestations de services' n'indiquent aucun numéro de siret ni capital social.
Que les contenus des contrats sont clairement ceux de contrats de travail puisque comprenant des instructions, des horaires à respecter incompatibles avec l'exécution d'une prestation de services qui s'effectue en toute liberté et sans contraintes horaires.
Que Mme [V] a subi le choix de la famille [I] de ne pas la déclarer sans pour autant bénéficier d'un statut d'indépendant, en cotisant à ce régime.
Que la famille [I] n'a jamais fourni de facture au nom d'une société de Mme [V] , alors qu'elle revendique avoir eu recours aux services de sa prétendue société.
Et qu'en conséquence, le statut de salariée est établi sans difficulté par les termes des deux contrats conclus ainsi que par les déclarations CESU faites depuis 2010, ainsi que par les courriers de la famille [I] marchandant la déclaration intégrale des heures de Mme [V] contre une réduction de son salaire horaire et de son temps de travail. »
Par suite la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, formulée dès la première instance, étant liée aux conditions dans lesquelles s'est nouée la relation contractuelle depuis l'origine et à la critique formée par Mme [V] de la qualification des contrats signés en 2007 et 2010, sous réserve qu'une demande de constat, non contentieuse, ne constitue pas une demande en justice, les époux [I] ne sont pas fondés à invoquer l'irrecevabilité des demandes visant à juger que Mme [V] a travaillé depuis l'origine sous un lien de subordination juridique et à requalifier les contrats de prestation en contrat de travail.
En revanche, force est de constater que la demande tendant à voir juger l'existence d'un abus de droit, et à condamner les époux [I] à verser à Mme [V] la somme complémentaire de 15 000 euros au titre du préjudice subi distinct du fait de l'abus de droit commis dans l'exercice de mauvaise foi du droit du licenciement, à l'effet de masquer les fautes commises pendant près de 10 années (travail dissimulé), nouvelle en cause d'appel sera déclarée irrecevable.
II - Sur la prescription de la demande de requalification :
Les époux [I] rappellent que Mme [V] sollicite pour la première fois devant la cour, en 2019, la requalification des contrats de prestation de services conclus entre le 5 septembre 2007 et le 28 juin 2010, alors qu'elle a saisi le conseil de Prud'hommes le 26 décembre 2017 sans solliciter cette requalification. Ils expliquent que les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui ont réduit de 30 à 5 ans la durée de la prescription de l'action en requalification se sont appliquées à cette dernière à compter de la date de son entrée en vigueur, soit le 18 juin 2008. Puis, les dispositions de la loi du 14 juin 2013 réduisant le délai de 5 à 2 ans ont trouvé application à cette action à compter du 16 juin 2013 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée antérieurement prévue.
Les intimés concluent que le contrat de prestation de service a reçu exécution à compter du 5 septembre 2007 et jusqu'au 28 juin 2010, de sorte que Mme [V] connaissait dès le mois de septembre 2007 et au plus tard le 28 juin 2010 les conditions réelles d'exercice de l'activité et connaissait donc les faits lui permettant d'exercer ses droits. Ils retiennent que le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification du contrat de prestation de services et contrat de travail doit donc être fixé à cette date, mais que Mme [V] n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 26 décembre 2017 alors qu'en application des dispositions précitées, le délai de prescription expirait au 19 juin 2013.
En droit prud'homal, en l'absence de texte spécifique régissant une action, s'applique le délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil. Selon ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Par ailleurs, en vertu de l'article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Il résulte de leur combinaison que l'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de l'article 2224 du code civil.
La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit.
En l'espèce, force est de constater qu'au plus tard, le contrat de prestation de services de 2007, modifié par le contrat de prestation de services conclu le 28 juin 2010, a pris fin à l'été 2015, date à laquelle la relation contractuelle a été suspendue pendant une année, la relation contractuelle s'étant poursuivie à compter de l'automne 2016 dans le cadre d'un contrat de travail relevant du dispositif CESU.
En saisissant le conseil de prud'hommes le 27 décembre 2017, la requérante a régulièrement saisi le conseil de prud'hommes dans le délai de cinq ans qui s'est ouvert au terme de l'exécution des contrats de prestation de service critiqués.
Par suite, Mme [V] n'encourt pas la prescription de sa demande en requalification de la relation contractuelle en contrat de travail.
La fin de non recevoir soulevée par les intimés sera en conséquence rejetée.
III - Sur l'incompétence du conseil de prud'hommes et l'existence d'un contrat de travail :
Les époux [I] soutiennent que le conseil de prud'hommes a, à juste titre, retenu son incompétence, puisque toute demande relative aux contrats de prestations de service signés respectivement en 2007 et 2010 entre les parties relève du tribunal de commerce et que le seul contrat relevant de la compétence du conseil de Prud'hommes est le contrat CESU de trois heures mis en place en juin 2010.
Mme [V] critique le jugement en ce qu'il n'a pas apprécié les conditions d'exécution dans lesquelles le contrat s'est déroulé alors qu'elle soutient rapporter des éléments concrets qui dressent sans équivoque le cadre de la relation de travail.
Les époux [I] rétorquent qu'il n'y avait aucun lien de subordination et que Mme [V] ne verse pas le moindre élément aux débats établissant qu'ils avaient effectivement la possibilité de lui donner des ordres et des directives, de la contrôler et de la sanctionner, sachant qu'ils étaient systématiquement absents lors de l'intervention de Mme [V]. Ils exposent que cette dernière n'a jamais réclamé un bulletin de paie, ni un contrat de travail et qu'elle exerçait cette activité d'ailleurs pour plusieurs clients.
L'appréciation de la compétence de la juridiction prud'homale commande d'apprécier au préalable si la relation contractuelle, antérieure au mois de septembre 2016 et suspendue de septembre 2015 à août 2016, caractérise ou non un contrat de travail.
Le contrat de travail est celui par lequel une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
En l'absence d'écrit, il incombe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve. À l'inverse, en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en justifier.
Par ailleurs, et les époux [I] opposant à l'appelante le statut d'auto-entrepreneur auquel Mme [V] aurait adhéré, il convient de rappeler que la loi n 2008-776 du 4 août 2008 de Modernisation de l'économie a mis en place pour les travailleurs indépendants, un double dispositif optionnel de versement libératoire social et fiscal en faveurs des entrepreneurs individuels entrant dans le champ du régime fiscal de la micro-entreprise dits auto-entrepreneurs, qu'ils exercent à titre principal ou de façon accessoire à un statut de salarié ou de retraité.
L'article L. 8221-6 du code du travail dans sa rédaction issue de cette réforme et applicable jusqu'à l'adoption de la loi du 18 juin 2014, et donc applicable à la date de conclusion du second contrat de juin 2010, disposait que:
I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;
2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 213-11 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;
3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;
4° Les personnes physiques relevant de l'article L. 123-1-1 du code de commerce ou du V de l'article 19 de la loi n 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. (Alinéa abrogé par la loi n°2014-626 du 18 juin 2014)
II.- L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.
Dans ce cas, il n'y a dissimulation d'emploi salarié que s'il est établi que le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement à l'accomplissement de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie.
L'article L. 123-1-1 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 06 août 2008 au 19 décembre 2014, énonçait ceci : 'Par dérogation à l'article L. 123-1, les personnes physiques exerçant une activité commerciale à titre principal ou complémentaire sont dispensées de l'obligation de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés tant qu'elles bénéficient du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article et, notamment, les modalités de déclaration d'activité, en dispense d'immatriculation, auprès du centre de formalités des entreprises compétent, les conditions de l'information des tiers sur l'absence d'immatriculation, ainsi que les modalités de déclaration d'activité consécutives au dépassement de seuil. Les personnes mentionnées au premier alinéa dont l'activité principale est salariée ne peuvent exercer à titre complémentaire auprès des clients de leur employeur, sans l'accord de celui-ci, l'activité professionnelle prévue par leur contrat de travail.'
Si Mme [V] affirme que, dès avant la régularisation de la relation contractuelle laquelle n'interviendra qu'en novembre 2016, par lettre du 19 juillet 2016, les époux [I] lui ont indiquer que ses « remarques ont laissé des traces, jusqu'à maintenant. Sachez [B], que face à de telles insinuations, 99 sur 100 patrons vous auraient licenciée, avec effet immédiat, pour déloyauté », aucune pièce n'est visée dans les conclusions, la seule lettre du 19 juillet 2016 communiquée en pièce 19, ne comportant pas de telles mentions.
En revanche, il est constant que :
- Mme [V] a répondu à une offre d'emploi faisant implicitement référence à un contrat de travail dans la mesure où il y était évoqué un 'très bon salaire' (pièce n°20 de l'appelant),
- les contrats dit 'de prestations' qui énoncent les activités essentiellement ménagères à accomplir au domicile du couple, stipulent que la cocontractante 'exécutera ses services suivant les instructions générales et particulières données' par les époux [I] et qu'elle 's'engage à exercer ses fonctions de façon constante selon le planning accordé'.
Ils mentionnent en outre précisément les horaires de travail, un coût horaire et non à la prestation réalisée, et font expressément référence aux droits attachés au statut de salarié et notamment au fait que 'Mme [V] a droit à cinq semaines de congés payés par an', lesquels seront payés par les époux [I] en sus du coût des heures de travail effectivement accomplies,
- ces mêmes contrats, énoncent que Mme [V] ne fournira que sa prestation de travail, l'ensemble des produits et matériels étant à la charge des époux [I],
- il n'est pas allégué par les intimés, ni a fortiori justifié, que Mme [V] leur ait présenté une seule facture de prestation ;
- les époux [I] et Mme [V] ont conclu à compter de juin 2010 un contrat de travail pour une mission complémentaire consistant à conduire les enfants du domicile aux établissements scolaires et inversement à raison de 3 heures par semaine. Ils exposent avoir salarié Mme [V] à ce seul titre 'pour des raisons d'assurance', en faisant état que cette mission ne rentrait pas dans l'objet social de la société M&P, dirigée par l'époux de Mme [V], société qui est étrangère aux contrats de prestation de services ;
- à l'issue de la suspension d'une année de la relation contractuelle et au retour des époux [I] à leur domicile d'[Localité 5], les parties ont échangé sur les modalités de la poursuite de leurs relations contractuelles, les époux [I] manifestant le souhait d'obtenir une réduction du nombre d'heures hebdomadaires et du taux horaire.
Dans ce cadre, les époux [I] ont proposé le 26 octobre 2016 à Mme [V] un 'salaire horaire net de 15 euros par heure donc 150 euros par semaine, entièrement cotisées CESU'. En lui précisant qu' 'une rémunération partiellement cotisée (par exemple 10 heures à 17 euros dont 3 heures cotisées CESU) vous ferait gagner un salaire brut de 209 euros par semaine donc moins que notre offre (surtout notre proposition est en accord avec la Loi)' - pièce n°3 de l'appelante.
Mme [V] leur ayant répondu qu'elle ne pouvait accepter cette proposition et préférait dans ces conditions rester aux modalités initiales, les époux [I] ont répliqué par lettre du 4 novembre 2016 que 'notre nouvelle proposition s'était faite sur votre souhait - vous avez demandé d'être cotisée intégralement. Nous étions partant car cette démarche vous permet d'accumuler des droits de retraite pour le travail effectué. Pour nous (ainsi que pour vous), l'avantage est d'être en plein accord avec la Loi. Lors de (nos) discussions, [K] vous avait signalé qu'en conséquence d'une cotisation intégrale, le salaire net devra baisser, car les frais supplémentaires d'une cotisation sont très importants et nous n'avons aucun moyen de profiter des avantages fiscaux du régime CESU (contrairement à vos autres clients) car nous ne sommes pas imposés en France. [...]' (pièce n°4 de l'appelante) ;
Il résulte de ces éléments que nonobstant les dénégations des époux [I], les conditions d'exercice même de la prestation de travail, lesquelles s'inscrivaient dans un cadre strict (à leur domicile, tâches ménagères déterminées selon les instructions générales et particulières et des horaires fixes) confiées à une personne physique à qui était reconnu le droit de bénéficier de congés payés à hauteur de cinq semaines par an, le fait que les intimés s'engageaient à prendre en charge les produits et matériels, en sus des prestations, s'analysent en un contrat de travail.
À titre superfétatoire, il convient de relever que selon les stipulations de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur, étendue, dans sa rédaction applicable au cours de la conclusion de la relation contractuelle, en septembre 2007, qu' 'Est salarié toute personne, à temps plein ou partiel, qui effectue tout ou partie des tâches de la maison à caractère familial ou ménager. "
Par suite, la demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail sera accueillie.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé :
Au soutien de sa demande de 6 016 euros de dommages et intérêts, Mme [V] affirme avoir subi un préjudice considérable en travaillant sans être déclarée de 2006 à 2016 et que la réalité de ce délit, tout comme l'élément moral, sont bien constitués.
Les intimés contestent toute volonté de dissimuler le travail de Mme [V] et répliquent notamment que depuis l'origine et jusqu'à l'embauche sous forme de CESU à l'automne 2016, leur co contractante s'est toujours présentée comme travailleuse indépendante sans jamais vouloir changer ce statut, qu'elle n'a à aucun moment réclamé un contrat de travail et que si elle avait souhaité être embauchée sous le régime Cesu, ils auraient fait le nécessaire puisque cela n'aurait rien changé pour eux au niveau tarifaire.
Ils soutiennent que la seule relation « employeur - salariée » concernait, d'une part, l'accompagnement des enfants à l'école à partir de 2010 (3 heures par semaine), et, d'autre part, l'accord signé fin octobre 2016 à la première demande de Mme [V]. Ils font observer que Mme [V] s'est livrée pendant de nombreuses années à l'exercice à but lucratif d'une activité de prestation de services sans procéder à son immatriculation ni aux déclarations aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale de son chiffre d'affaires, de sorte qu'elle ne peut réclamer justice si le dommage qu'elle subit est le produit de ses propres actions menées illicitement ou illégalement.
Sans que le caractère exhaustif puisse ressortir de la communication de ces éléments, force est de constater par la production de bulletins de salaire établis dans le cadre du 'Cesu' sur la période courant de 2007 à 2015, de plusieurs employeur particulier, que Mme [V] n'était, à tout le moins, nullement réticente à l'idée d'être déclarée et rémunérée selon cette modalité, les intimés ne justifiant en aucune façon leurs allégations selon lesquelles l'appelante avait d'autres 'clients'.
Concernant le caractère intentionnel de la dissimulation, Mme [V] invoque la profession de juriste de son employeur tandis que les intimés lui opposent leur parfaite bonne foi et l'absence de tout intérêt de ne pas la déclarer puisqu'ils payaient une prestation de ménage à un tarif (20 euros de l'heure) correspondant à celui d'un travail parfaitement déclaré toutes charges comprises.
Alors qu'un modèle de 'contrat de prestation' est joint à l'exemplaire du contrat de juin 2010 que Mme [V] verse aux débats, aucun élément ne permet d'identifier l'auteur des dits contrats, l'erreur relevée par Mme [V] sur le numéro de rue de son adresse ne permettant pas d'en imputer formellement l'origine aux époux [I].
Mme [I], juriste de formation, conteste avoir été 'avocate en droit français', mais concède qu'elle a été inscrite au barreau de Paris jusqu'en 2018 en qualité de 'rechtsanwalt', terme dont elle s'abstient de fournir à la cour la signification en français.
Peu important la volonté prêtée par les époux [I] à Mme [V] d'exercer ses fonctions dans le cadre d'un auto-entreprenariat, laquelle n'est pas démontrée, le fait que l'auteur du contrat de prestation litigieux ne soit pas identifié, ou encore le fait que M. [V] exerçait à l'époque de la conclusion de ces deux contrats litigieux et jusqu'en 2014 une activité professionnelle en nom propre sous l'enseigne MP, il ressort des éléments constants de l'espèce que les intimés n'ont pu se tromper sur la portée de la convention conclue et le fait que l'activité exercée par Mme [V] au titre des travaux ménagers accomplis à leur domicile, n'était pas déclarée, de plus fort à compter de juin 2010, date à partir de laquelle ils ont convenu de salarier Mme [V] pour une part seulement de ses fonctions (3 heures/13 heures hebdomadaires) dans le cadre du dispositif CESU.
L'absence de toute invitation des époux [I] adressée à leur co-contractante, d'établir des factures de ses 'prestations', tout en la déclarant en parallèle, à compter de juin 2010, pour une part limitée de ses prestations dans le cadre du CESU, caractérise l'intention des intimés de se soustraire à leurs obligations sociales.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande à ce titre et les époux [I] seront condamnés à lui verser la somme de 6 016 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.
Sur les rappels de salaire compte tenu de la modification unilatérale du contrat de travail :
Mme [V] soutient que les époux [I] ont décidé unilatéralement de réduire son salaire à deux reprises, en septembre 2015, puis en novembre 2016 au motif que la déclaration intégrale de son salaire serait trop coûteuse, engendrant de trop fortes cotisations. Elle expose avoir apposé sa signature sous la contrainte économique s'agissant de la première modification et refusé la deuxième modification, sans qu'aucun avenant au contrat n'ait été fait. Mme [V] sollicite un rappel de salaire de 2016 euros s'agissant de la réduction abusive de son salaire de septembre 2015 à octobre 2016, et de 1 800 euros s'agissant de la perte de salaire d'octobre 2016 à juillet 2017.
Les époux [I] rétorquent que la demande de Mme [V] à ce titre est radicalement irrecevable et en tout état de cause infondée. Ils exposent que, pour la période de septembre 2015 à août 2016, dans une relation prestataire-client, il était tout à fait possible de renégocier les tarifs et que si Mme [V] a des réclamations à faire au titre de ces contrats de prestation de service, elle devra s'adresser au tribunal de commerce, en prenant soin de bien identifier son cocontractant concernant chaque période. Ils ajoutent qu'à l'écoute de Mme [V] 'et soucieux d'éviter tout risque de pseudo auto-entreprenariat', il lui ont fait une 'proposition généreuse à hauteur de 15 euros nets de l'heure correspondant finalement à un coût de 25,66 euros brut, soit environ 1100 euros/mois pour 10 heures par semaine et plaident que dans la mesure où ils devaient désormais assumer les charges patronales et salariales il était évident que le tarif horaire devait être redéfini à la baisse.
S'agissant de la période de septembre 2016 à juin 2017, les intimés rappellent que la période de septembre à octobre inclus était soumise au contrat de prestation de service et qu'à partir de novembre 2016 et jusqu'à juin 2017, les relations entre les parties étaient basées sur un contrat d'emploi service, sans qu'il n'existe aucune modification d'un contrat salarié puisqu'il s'agissait de la passation d'un contrat de prestation de service avec un tarif TTC à un contrat CESU avec un salaire correspondant exactement au contrat.
Le contrat conclu en 2010 ayant été requalifié en contrat de travail, l'employeur ne pouvait modifier le montant de la rémunération sans justifier l'accord exprès de la salariée sur cette modification substantielle du contrat de travail, la seule poursuite de la relation contractuelle sans réclamation de Mme [V] ne caractérisant pas l'accord de cette dernière.
S'agissant de la période courant septembre 2015 à août 2016, la salariée n'est pas fondée en sa réclamation compte tenu de la suspension de la relation contractuelle à l'occasion du retour temporaire de la famille en Allemagne, Mme [V] n'ayant pas été employée durant cette période par les intimés. L'appelante sera déboutée de ce chef.
En revanche, le seul fait que Mme [V] a contresigné, le 8 novembre 2016, la proposition formulée par les époux [I] le 26 octobre 2016, sans y avoir apposé la mention 'lu et approuvé', alors même qu'elle l'avait, dans un premier temps, refusée, ne vaut pas accord exprès de ce qui s'analyse en une modification du contrat de travail.
Faute de justifier de l'accord exprès de Mme [V] sur la réduction du taux horaire de 20 à 15 euros, la demande de rappel de salaire sera accueillie à hauteur de 1 944 euros.
Sur le complément d'indemnité de préavis
Au soutien de sa demande de 410,50 euros de complément salarial, Mme [V] explique que l'indemnité compensatrice de préavis aurait dû être calculée sur les conditions salariales antérieures. Elle précise n'avoir perçu que la somme de 1 389,50 euros alors qu'elle aurait dû percevoir 1 800 euros, soit un différentiel de 410,50 euros.
Les intimés affirment que le conseil de prud'hommes a rejeté cette demande à bon droit puisque le préavis a été réglé conformément aux statuts de la salariée du 1er juin 2016 au 31 mai 2017, soit sur le contrat du 26 octobre 2016.
Il suit de ce qui précède que l'employeur ne justifiant pas de l'accord exprès de la salariée quant à la réduction de son taux horaire, la demande de rappel d'indemnité de préavis est bien fondée. La réclamation de la salariée sera accueillie dans les termes détaillés de ses conclusions.
Sur les dommages et intérêts pour le préjudice moral tiré des conditions brutales et humiliantes de la rupture
Mme [V] reproche à l'employeur d'avoir rompu brutalement le contrat de travail, en rompant l'exécution du délai congé sous le prétexte injuste d'avoir déstabilisé les enfants du couple, alors qu'elle s'est contentée d'informer ces derniers, avec lesquels elle avait noué, indique-t-elle, une relation affective, de son départ, que cette rupture lui a été signifiée pour faute grave et qu'elle a dû quitter son emploi sur le champ, ce qui a été brutal et traumatisant pour elle.
Elle rappelle qu'elle a été dévouée pendant plus de 10 ans et que les époux [I] se sont rendus compte qu'ils avaient réagi de façon excessive en lui réglant son préavis. Mme [V] explique avoir été en dépression pendant de nombreux mois et qu'elle est toujours très affectée par la situation.
Il ressort des éléments de la cause que Mme [V], convoquée régulièrement par lettre recommandée avec avis de réception en date du 9 mai 2017, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 mai suivant, a été licenciée par lettre du 20 mai pour cause réelle et sérieuse, motivée par des soucis considérables de budget liés à la baisse de revenus professionnels de mme [I] et de l'accroissement des charges du couple (scolarité de leurs trois enfants, travaux sur leur maison d'habitation) et le manque de nécessité, Mme [I], pouvant désormais assurer elle-même l'entretien de la maison et du linge, cause non utilement discutée par la salariée.
Il est constant que les employeurs ont mis un terme à l'exécution du préavis en reprochant à la salariée d'avoir déstabilisée leurs enfants en évoquant la rupture de leurs relations contractuelles.
Mme [V] concède s'être entretenu avec les enfants de la prochaine rupture de son contrat de travail.
Observation faite que Mme [V] concède avoir été remplie de ses droits au titre du préavis, il ne résulte pas de ces éléments la preuve de circonstances brutales ou vexatoires imputables à l'employeur justifiant l'allocation de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Mme [V] a été à juste titre débouté de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de rappel de trop-perçu
Les intimés soutiennent avoir été contraints, sous la pression de Mme [V], de régler notamment dans le cadre du solde de tout compte, des sommes qui n'étaient pas dues. Ils s'estiment fondés à solliciter le remboursement du trop perçu à hauteur de 750,72 euros, ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes.
Mme [V] s'y oppose et objecte que ces sommes ont été calculées en tenant compte de son ancienneté réelle qui remontait à septembre 2007 et non juin 2010.
La somme litigieuse a été versée par référence à l'ancienneté réelle de la salariée en considération de la date de prise d'effet du contrat de travail improprement qualifié de contrat de prestation de services, ainsi qu'il ressort de la note manuscrite rédigée par Mme [I] le 16 mai 2017 (pièce n° 18 de l'appelant). Tenant compte de la requalification de la relation de travail, cette somme, parfaitement causée était due par les employeurs de sorte que ces derniers seront déboutés de leur demande en paiement de l'indu qui n'est pas fondée.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts des époux [I] :
Les époux [I] sollicitent la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en faisant valoir que les demandes insatiables sans fondements de Mme [V], ses attaques ainsi que celles de son conjoint, les insinuations mensongères et infâmes de Mme [V], surtout envers leur fille adoptive, ont gravement nui à la santé de Mme [I] qui affirme que travailler normalement et régulièrement lui est devenu difficile et que compte tenu de la dégradation de son état de santé, elle a passé en février 2018 un séjour de trois semaines dans une clinique en Allemagne.
Il suit de ce qui précède que les demandes de Mme [V] sont partiellement fondées. Aucun élément probant n'est communiqué au titre d'insinuations mensongères et infâmes que la salariée aurait tenu envers leur fille, ni de lien entre l'hospitalisation alléguée de Mme [I] et de l'action engagée par Mme [V].
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les intimés de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Vu les articles 564 et 565 du code de procédure civile, déclare irrecevable les demandes nouvelles an cause d'appel tendant à voir juger l'existence d'un abus de droit, et à condamner les époux [I] à verser à Mme [V] la somme complémentaire de 15 000 euros au titre du préjudice subi distinct du fait de l'abus de droit commis dans l'exercice de mauvaise foi du droit du licenciement, à l'effet de masquer les fautes commises pendant près de 10 années (travail dissimulé), mais recevable la demande en requalification de la relation contractuelle en contrat de travail,
Ecarte la fin de non recevoir visant la demande de requalification des relations contractuelles en contrat de travail,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et d'un rappel de salaire portant sur la période de septembre 2015 à août 2016, et les époux [I] de leurs demandes de dommages-intérêts,
L'infirme pour le surplus,
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Requalifie la relation contractuelle nouée par convention en date du 7 septembre 2007 en contrat de travail,
Rejette l'exception d'incompétence,
Condamne les époux [I] à verser à Mme [V] les sommes suivantes :
- 6 016 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 1 944 euros à titre de rappel de salaires pour la période de septembre 2016 à mai 2017,
- 410,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
Déboute les époux [I] de leurs demande en paiement de la somme de 750,72 euros à titre de remboursement d'indu,
Condamne les époux [I] à verser à Mme [V] la somme de 1 500 euros de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,