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29/09/2022 | FRANCE | N°20/00031

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 29 septembre 2022, 20/00031


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 29 SEPTEMBRE 2022





N° RG 20/00031



N° Portalis DBV3-V-B7E-TVQG





AFFAIRE :





S.A.S.U HANES CENTRAL SERVICES EUROPE



C/



[Z] [B]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre
>N° Section : Encadrement

N° RG : F18/01966



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



Me Florian SIMONEAU de la SELARL BUTHIAU SIMONEAU





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/00031

N° Portalis DBV3-V-B7E-TVQG

AFFAIRE :

S.A.S.U HANES CENTRAL SERVICES EUROPE

C/

[Z] [B]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Encadrement

N° RG : F18/01966

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Florian SIMONEAU de la SELARL BUTHIAU SIMONEAU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 06 avril 2022, puis au 18 mai 2022, puis au 15 juin 2022, puis au 14 septembre 2022, différé au 15 septembre 2022 puis prorogé au 21 septembre 2022, différé au 22 septembre 2022 puis prorogé au 29 septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

S.A.S.U HANES CENTRAL SERVICES EUROPE

N° SIRET : 484 263 538

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - Représentant : Me Marie-Caroline SEUVIC-CONROY, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

APPELANTE

****************

Madame [Z] [B]

née le 30 Novembre 1975 à [Localité 5] (91)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Florian SIMONEAU de la SELARL BUTHIAU SIMONEAU, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1048

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 février 2022, Madame Régine CAPRA, présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Z] [B] a été engagée à compter du 6 novembre 2007 par la société DBApparel, dite ci-après la société DBA en qualité de responsable reporting et consolidation, statut 'cadre de niveau IV', coefficient 750. Selon avenant du 11 mai 2012, elle a été promue au 1er octobre 2012 au poste de directrice finances holdings et consolidation groupe et a bénéficié à compter du 1er juillet 2012 du statut 'manager III', classe C, coefficient 950, avec un salaire annuel brut forfaitaire fixe de 92 000 euros versé en douze mensualités auquel s'ajoutait une rémunération variable. Son salaire mensuel brut fixe s'élevait en dernier lieu à 10 346,50 euros. Elle a perçu en outre en février 2016 une rémunération variable de 16 081 euros pour la période de juillet à décembre 2015 et en avril 2016 une prime de fidélité, dite prime exceptionnelle, de 31 040 euros. Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'est élevée à 16 164 euros au cours de la période du 1er mai 2015 au 30 avril 2016.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'industrie textile.

Le 29 août 2014, le groupe américain HBI, dont la société Hanes Brandt Inc., dite ci-après la société HBI, est la société mère, a acquis auprès du fonds d'investissement américain Sun Capital Partners, le groupe DBA, dont la société DBA, société holding de la société Dim, faisait partie.

La société Dim a établi un projet de réorganisation dans le cadre de l'intégration au sein du groupe HBI et un projet de licenciement collectif pour motif économique, soumis à compter du 19 mai 2015 pour information et consultation aux institutions représentatives du personnel. Un accord collectif majoritaire relatif au projet de licenciement collectif pour motif économique portant sur 226 suppressions de poste, 143 modifications de contrat de travail et 74 créations de postes et comportant une phase de départs volontaires et portant sur le plan de sauvegarde de l'emploi, a été signé le 16 septembre 2015, puis modifié par avenant du 8 octobre 2015, entre la direction de l'entreprise et les organisations syndicales représentatives, et validé par la Direccte le 8 octobre 2015.

La société DBA, qui comptait 18 postes au 31 mars 2015, dont 4 postes vacants, a également établi, le 24 septembre 2015, un projet de réorganisation dans le cadre de l'intégration au sein du groupe HBI, soumis pour information et consultation aux délégués du personnel. Ce projet entraînait la suppression de 10 postes, dont 3 étaient vacants, soit deux postes d'assistant de direction, sept postes au sein de la fonction finance, dont 2 vacants, et un poste de directeur marketing vacant ainsi que la modification du poste de directeur juridique groupe. Les postes de la fonction finance dont la suppression était envisagée étaient les suivants :

- un poste de directeur financier holding consolidation,

- un poste de comptable,

- un poste de responsable systèmes d'information financier siège,

- un poste de contrôleur de gestion groupe, vacant,

- un poste de directeur trésorerie groupe,

- un poste de responsable financier DBA marketing,

- un poste de directeur financier international, vacant.

Elle s'est engagée à faire bénéficier les salariés dont le licenciement ne pourrait être évité ainsi que les salariés volontaires au départ, des mesures d'accompagnement social négociées au niveau de la société Dim et prévues par l'accord relatif au plan de sauvegarde de l'emploi et aux mesures accompagnant le projet de réorganisation de l'activité de cette dernière.

La société DBA, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 484 263 538, a été dénommée courant 2016 la société Hanes Central Services Europe et l'exercice social, auparavant fixé du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante, a été fixée du 1er janvier au 31 décembre. La société Dim, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 488 727 298, a, quant à elle, été dénommée courant 2016 la société Hanes France.

Le 22 avril 2016, Mme [B] a fait acte de candidature à un départ volontaire.

Par lettre remise en main propre contre décharge du 4 mai 2016, la société Hanes Central Services Europe a fait part à la salariée de son acceptation d'un départ volontaire et lui a proposé un poste de reclassement, que celle-ci a refusé.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 19 mai 2016, elle a notifié à Mme [B] son licenciement pour motif économique et lui a proposé d'adhérer au congé de reclassement en lui impartissant un délai de 8 jours calendaires pour se prononcer. Elle lui a versé la somme de 77 232 euros au titre de l'indemnité de licenciement, dont la somme de 48 134,69 euros au titre de l'indemnité supplémentaire de licenciement.

Mme [B] a accepté le congé de reclassement d'une durée de douze mois, puis l'a suspendu à compter du 22 juin 2016, ayant été engagée à compter de cette date comme directrice contrôle de gestion, consolidation et taxes par la société Fraikin. Son contrat de travail a pris fin le 1er novembre 2016.

Mme [B] a saisi, par requête du 2 mai 2017, le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir le versement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

L'affaire a été radiée par décision du 19 septembre 2018, puis réinscrite au rôle sur demande de Mme [B] du 23 juillet 2018, reçue au greffe le 25 juillet 2018.

Par jugement du 4 décembre 2019, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit que le licenciement de Mme [B] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Hanes Central Services Europe à verser à Madame [B] la somme de 100 000 euros à titre d'indemnité' pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit n'y avoir pas lieu à exécution provisoire de la créance indemnitaire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ou de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Hanes Central Services Europe à verser à Madame [B] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Hanes Central Services Europe aux dépens.

La société Hanes Central Services Europe a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 3 janvier 2020. Elle a remis au greffe et notifiées par Rpva des conclusions le 31 mars 2020, puis le 28 septembre 2020.

Aux termes des dernières conclusions au nom de la société Hanes Central Services Europe, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 484 263 538, remises au greffe et notifiées par Rpva le 28 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, l'appelante demande à la cour de :

- la déclarer bien fondée en son appel ;

- infirmer entrepris en ce qu'il :

*a dit que le licenciement de Mme [B] est sans cause réelle et sérieuse,

*l'a condamnée à verser à Mme [B] la somme de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles,

*l'a condamnée à verser à Mme [B] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

*l'a condamnée aux dépens ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

*débouté Mme [B] de sa demande d'indemnité au titre du licenciement irrégulier,

*débouté Mme [B] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauchage,

*débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [B] à lui rembourser l'indemnité supra-légale de 5 000 euros perçue lors de son départ volontaire ;

- condamner Mme [B] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 13 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [B] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures et en son appel incident ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

*dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*débouté la société Hanes Central Services Europe de ses demandes reconventionnelles,

*condamné la société Hanes Central Services Europe à lui verser la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

*condamné la société Hanes Central Services Europe aux dépens ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

*condamné la société Hanes Central Services Europe à lui verser la somme de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*l'a déboutée du surplus de ses demandes ou de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

Et statuant à nouveau :

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Hanes Central Services Europe à lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 161 640 euros correspondant à 10 mois du salaire de référence ;

- à titre subsidiaire, s'il était jugé que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, condamner la société Hanes Central Services Europe à lui verser une indemnité pour licenciement irrégulier d'un montant de 16 164 euros correspondant à 1 mois du salaire de référence ;

- condamner la société Hanes Central Services Europe à lui verser :

* 32 328 euros, correspondant à 2 mois du salaire de référence, pour non-respect de la priorité de réembauche par application de l'article L.1235-13 du code du travail ;

* 16 164 euros, correspondant à 1 mois du salaire de référence, à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail entre janvier 2015 et mai 2016 et violation du principe « à travail égal, salaire égal » ;

- condamner la société Hanes Central Services Europe à lui verser les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 2 mai 2017, sur l'ensemble des condamnations à intervenir, avec capitalisation des intérêts courus ;

- ordonner la remise du solde de tout compte, d'un certificat de travail, de bulletins de paie et d'une attestation pôle emploi dans le sens des termes de la décision à intervenir ;

- condamner la société Hanes Central Services Europe à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- débouter la société Hanes Central Services Europe de sa demande tendant à ce qu'elle soit condamnée à lui rembourser l'indemnité supra-légale de 5 000 euros versée lors de son départ volontaire ;

- débouter la société Hanes Central Services Europe de sa demande tendant à ce qu'elle soit condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 10 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Hanes France, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 488 727 298, demande à la cour de :

- déclarer la société Hanes Central Services Europe bien fondée en son appel ;

- infirmer entrepris en ce qu'il a:

*dit que le licenciement de Mme [B] est sans cause réelle et sérieuse,

*condamné la société Hanes Central Services Europe à verser à Mme [B] la somme de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*débouté la société Hanes Central Services Europe de ses demandes reconventionnelles,

*condamné la société Hanes Central Services Europe à verser à Mme [B] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

*condamné la société Hanes Central Services Europe aux dépens ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

*débouté Mme [B] de sa demande d'indemnité au titre du licenciement irrégulier,

*débouté Mme [B] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauchage,

*débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [B] au remboursement à la société Hanes Central Services Europe de l'indemnité supra-légale de 5 000 euros perçue lors de son départ volontaire ;

- condamner Mme [B] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 janvier 2022.

Par conclusions d'incident remises au greffe et notifiées par Rpva le 12 janvier 2022, la société Hanes France, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 488 727 298, a demandé à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture.

Sa demande a été rejetée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle est fondée à écarter comme élément de preuve les documents écrits en langue étrangère, faute de production d'une traduction en langue française.

Sur le licenciement

- sur la raison économique

Si la lettre de licenciement doit énoncer la cause économique du licenciement telle que prévue par l'article L. 1233-3 du code du travail et l'incidence matérielle de cette cause économique sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, l'appréciation de l'existence du motif invoqué relève de la discussion devant le juge en cas de litige.

La lettre de licenciement notifiée le 19 mai 2016 par la société Hanes Central Services Europe à Mme [B], qui mentionne que le licenciement a pour motifs économiques la suppression de l'emploi de la salariée consécutive à la réorganisation de l'entreprise justifiée par la nécessité de la sauvegarde de sa compétitivité, répond aux exigences légales, sans qu'il soit nécessaire qu'elle précise le niveau d'appréciation de la cause économique quand l'entreprise appartient à un groupe.

Il appartient à la cour de vérifier le caractère réel et sérieux du motif économique tel qu'invoqué dans la lettre de licenciement au regard du périmètre pertinent pour son appréciation.

Il résulte de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou à une cessation d'activité.

Pour que la réorganisation d'une entreprise soit une cause légitime de licenciement économique, elle doit être justifiée, soit par des difficultés économiques ou des mutations technologiques, soit par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

La réorganisation motivée par la sauvegarde de la compétitivité n'est pas subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement. Elle constitue un motif de licenciement si elle est indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi.

Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la réorganisation invoquée par l'employeur dans la lettre de licenciement n'est de nature à justifier un licenciement pour motif économique que si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. Le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.

La réalité de la cause économique doit être appréciée à la date de la rupture du contrat de travail mais il peut être tenu compte d'éléments postérieurs.

La société HBI, qui réalisait près de 85% de son chiffre d'affaires aux Etats-Unis en 2014, fabrique et commercialise deux catégories de produits correspondants à des marchés distincts :

- les sous-vêtements ('Innerwear') : lingerie féminine, chaussant (bas, collants et chaussettes), sous-vêtements homme et enfants;

- les vêtements de sport ('Activewear') : T-shirts, maillots de sport, shorts, soutien-gorges de sport, polaires.

Elle exerce ses activités à travers 4 segments opérationnels correspondant aux segments de reporting du groupe : sous-vêtements ('Innerwear'), qui se rapporte à des produits commercialisés aux Etats-Unis, vêtements de sport ('Activewear'), qui se rapporte à des produits commercialisés aux Etats-Unis, ventes directes aux consommateurs ('Direct to Consumer' : ventes dans les magasins d'usine et ventes à distance, sur catalogue ou en ligne) et International. Le segment International couvre les deux catégories de produits, celle des sous-vêtements et celle des vêtements de sport, commercialisées en dehors des Etats-Unis. Ses marchés les plus importants sont l'Europe, l'Australie, le Japon, le Canada, le Mexique, le Brésil et la Chine.

Après avoir acquis, dans le secteur des sous-vêtements, Maidenform en octobre 2013 et DBA le 29 août 2014, elle a acquis, dans le secteur des vêtements de sport, Knights Apparel en 2015 et Champion Europe en 2016.

Les résultats de DBA sont intégrés dans les comptes consolidés du groupe depuis septembre 2014 et comptabilisés dans le segment 'International'.

Il est constant en l'espèce que la cause économique du licenciement s'apprécie au niveau du secteur d'activité lingerie, chaussants et sous-vêtements masculins du groupe HBI dans lequel la société Hanes Central Services Europe intervient.

Celle-ci a fait valoir dans le projet de réorganisation soumis pour information et consultation aux délégués du personnel :

-que le secteur mondial des sous-vêtements est pénalisé par une faible croissance dans les pays matures confrontés à des tensions économiques ;

-que l'industrie mondiale des sous-vêtements doit désormais gérer l'inflation des coûts dans un contexte de faible croissance, alors que l'euro faible aggrave cette situation ;

-que les canaux de distribution traditionnels sont négativement affectés ;

-que la concurrence se renforce avec l'arrivée d'acteurs mondiaux et de nouveaux entrants.

Il est établi par les pièces produites et notamment au vu du projet de réorganisation pages 78 et 81, de l'annonce des résultats financier 2015 et des rapports financiers annuels du groupe HBI qu'exprimé en milliers de dollars US :

- le chiffre d'affaires du groupe a évolué comme suit pour les secteurs Innerweare et International :

¿ Etats-Unis, secteur Innerweare :

*2011 : 2,26 ;

*2012 : 2,33 ;

*2013 : 2,444, 935 (pièce 60);

*2014 : 2,707,474 soit (+10,7%) ;

*2015 : 2,680,981 (soit environ -1%) ;

*2016 : 2,609,754 (soit -2,7%), (rapport annuel 2016), ou 2,543,717 (soit - 5,1%), (rapport annuel 2017);

*2017 : 2,462,876 (soit -3,2%) ;

*2018 : 2,379,675 (soit -3,4%) ;

¿International, tous secteurs confondus, dont le secteur Innerweare :

*2014 : 798,208 ;

*2015 : 1,132637 (soit +41,9%) ;

*2016 : 1,531,913 (soit +35,3%) ;

*2017 : 2,054,664 (soit +34,1%) ;

*2018 : 2,344,115 (soit +14,1%);

- le résultat d'exploitation du groupe a évolué comme suit comme suit pour les secteurs Innerweare et International :

¿ Etats-Unis, secteur Innerweare :

*2012 : 407 ;

*2013 : 466 ;

*2014 : 520 ;

*2015 : 623,412 ;

*2016 : 588,265 (soit -5,6%), (rapport annuel 2016) ou 563,905 (rapport annuel 2017) ;

*2017 : 580 879 (soit -0,3%) ;

*2018 : 526,831 soit (-9,3%) ;

¿International, tous secteurs confondus, dont le secteur Innerweare:

*2014 : 89,479 ;

*2015 : 105,515 ;

*2016 : 179,917 (soit +70,5%), (rapport annuel 2016) ou 188,966 (rapport annuel 2018) ;

*2017 : 261,411 (soit +45,3%), (rapport annuel 2017) ou 268,367 (rapport annuel 2018) ;

*2018 : 351,769 (soit +31,1%).

Il résulte de la comparaison entre la pièce communiquée sous les numéros 24 et 60 et les rapports annuels de HBI que si 'HBI Innerwear (global)', y a été traduit par 'sous-vêtements HBI (au niveau mondial)', les chiffres mentionnés se rapportent en réalité au chiffre d'affaires de HBI Innerwear, hors International et hors ventes directes aux consommateurs.

La société Hanes Central Services Europe ne produit pas d'éléments financiers permettant à la cour d'apprécier objectivement la part du secteur Innerweare dans le chiffre d'affaires et le bénéfice d'exploitation réalisés par le groupe HBI à l'international. La faible marge d'exploitation du secteur Innerweare qu'elle allègue n'est pas démontrée.

En dehors d'une analyse générale sur l'évolution du marché des sous-vêtements dans les pays dits matures, caractérisée par une croissance du marché des sous-vêtements faible ou négative, une hausse des coûts (matières premières, travail, emballage), aggravée par la chute du cours de l'euro par rapport au dollar, la part déclinante du textile dans la grande distribution et la concentration des distributeurs, qui limite la hausse des prix, et sur l'intensification de la concurrence, la société Hanes Central Services Europe ne justifie pas d'éléments objectifs précis démontrant l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de ce secteur d'activité du groupe.

En l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour, l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel la société Hanes Central Services Europe appartient n'est pas caractérisée.

Décidée en l'espèce non en raison de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, qui n'était pas menacée, mais pour améliorer la rentabilité de ce secteur d'activité, dont la situation était saine, la réorganisation décidée par la société Hanes Central Services Europe constitue un choix de gestion mais ne constitue pas une cause économique justifiant le licenciement, à défaut d'être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

La suppression du contrat de travail de Mme [B], qui s'inscrivait dans une réorganisation interne décidée pour permettre une meilleure intégration de la fonction finance au sein du groupe et réduire les charges par des économies d'échelle, n'étant pas justifiée par une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel la société Hanes Central Services Europe appartient, la rupture du contrat de travail de Mme [B] s'analyse, pour ce motif, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- sur l'obligation de reclassement

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou dans les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie, sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente, ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

La recherche de reclassement constitue une obligation de l'employeur préalable à tout licenciement pour motif économique, dont le non-respect prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, sauf pour l'employeur à démontrer qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié.

Il appartient à l'employeur, même quand un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans le plan de sauvegarde de l'emploi, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé, des emplois disponibles.

L'obligation de reclassement s'impose aussi en cas de plan de départs volontaires prévu dans un plan de sauvegarde de l'emploi, sans engagement de ne pas licencier si l'objectif de réduction des effectifs n'est pas atteint au moyen des ruptures amiables.

La recherche doit être sérieuse et loyale. Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non au même secteur d'activité. L'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure, sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser.

L'employeur peut démontrer qu'il a satisfait à son obligation de reclassement soit en établissant qu'à l'époque du licenciement, il n'existait pas de poste disponible relevant de la même catégorie que celui occupé par le salarié ou équivalent, ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, d'une catégorie inférieure, en rapport avec les compétences et les aptitudes de l'intéressé, soit en établissant que les salariés ont refusé les propositions personnalisées, précises et concrètes de reclassement correspondant à leur qualification qui leur ont été faites.

Les possibilités de reclassement s'apprécient à compter du moment où le licenciement est envisagé et, sauf fraude, au plus tard à la date de celui-ci.

Il est établi que :

- par mail adressé à M. [W] le 11 février 2015, Mme [B] a indiqué souhaiter mieux comprendre quel pourrait être son rôle potentiel dans l'équipe Finance et que M. [W] lui a répondu le 12 février 2015, qu'il n'a pas encore réfléchi à ce que sera exactement son rôle ;

- par mail du 12 mars 2015, Mme [B] a demandé à ce que sa situation au sein du groupe soit clarifiée, compte-tenu du fait que le groupe étant désormais consolidé aux Etats-Unis, son poste de directrice finance holdings et consolidation allait progressivement être vidé de sa substance (fin de la gestion des relations groupe avec les actuaires et auditeurs financiers, fin de la consolidation statutaire au Luxembourg, etc...) et qu'elle reste dans le flou quant à son avenir professionnel ;

- le 25 mars 2015, le groupe HBI a créé le poste de membre de l'équipe d'intégration Finance, responsable de la gestion de tous les aspects de la conception, du développement et de la mise en oeuvre de projets complexes ;

- le 30 avril 2015 le groupe HBI a créé le poste de directeur comptable-sous vêtements Europe (IWE), localisé en région parisienne, destiné à assurer la veille comptable et financière des activités IWE de l'entreprise ;

- par mail du 28 mai 2015, Mme [B] a demandé des précisions sur ce poste et les perspectives de carrière ouvertes après deux ans à ce poste ;

- par mail du 31 mai 2015, Mme [B] a indiqué que M. [V] l'a informé le 24 avril 2015 de ce que son poste serait supprimé pour motif économique à compter de juin 2016, que le 6 mai, il lui a remis le descriptif du poste d'Accounting Director IWE et qu'à ce jour, elle n'a pas pu avoir de discussion/précisions concernant ce poste et qu'une entrevue téléphonique est planifiée avec [P] [I] à ce sujet le 2 juin ;

- par mail du 25 juillet 2015, [P] [I], vice-président de HBI, a fait le point avec la vice-présidente Finance Intégration de HBI, le directeur financier groupe DBA et le directeur des ressources humaines groupe DBA sur ses discussions avec Mme [B] à propos de ce poste après plusieurs échanges téléphoniques avec elle et une conversation en face à face fin juin 2015, en leur indiquant qu'elle n'a manifesté aucun intérêt pour ce poste et exprimé le désir d'un rôle plus large et plus opérationnel qui s'apparente davantage à un poste de directeur de la comptabilité ;

- le poste d'Accounting Director IWE a été finalement confié à M. [L] ;

- le 25 septembre 2015, la note d'information et de consultation des délégués du personnel sur le projet de réorganisation de la société DBA a prévu la suppression du poste de Mme [B] au 30 juin 2016 ;

- par mail du 20 novembre 2015, Mme [B] a fait part de son intérêt pour participer au travail d'intégration de la fonction finance;

- par mail du 18 décembre 2015, M. [V] a informé Mme [B] que le contrat avec Albert Domus ayant été rompu,'First Name' sera responsable à partir de janvier 2016, de toutes les entités luxembourgeoises holdings sous périmètre de consolidation HBI, que celle-ci remplira directement HFM pour les exigences du rapport mensuel et qu'ils ne seront plus impliqués dans le suivi de ces holdings ;

- par mail du 21 décembre 2015, Mme [B] a pris acte de la décision de la société de lui ôter à compter du 31 décembre 2015, la responsabilité des 4 sociétés luxembourgeoises dont elle assurait la direction financière, soulignant qu'après avoir transféré une large part de ses fonctions liées à la consolidation du groupe au niveau d'HBI, il s'agit aujourd'hui de transférer à un tiers 4 des 6 sociétés holdings dont elle assure la direction financière et estimant cette annonce brutale par mail 10 jours avant la date décidée humiliante et vexante;

- par mail du 8 mars 2016, il a été indiqué aux délégués du personnel de la société DBA que les dates prévues des suppressions de poste était le 31 mars 2016 pour les uns et le 30 juin 2016 pour les cinq autres, dont le poste de directrice finance holding conso occupé par Mme [B];

- le 22 avril 2016, Mme [B] a fait acte de candidature à un départ volontaire, ce dont elle a informé par mail du 27 avril 2016 Mme [M], VP Finance Intégration de HBI, en lui indiquant souhaiter partir en mai ;

- le 4 mai 2016, la société Hanes Central Services Europe a accepté la demande de Mme [B] et lui a proposé au titre du reclassement le poste de responsable de contrôle de gestion Wholesale au sein de la société Hanes France, cadre, coefficient 750, placé sous la subordination du directeur financier Europe Ouest, assorti d'un salaire annuel brut de 43 428 euros en lui impartissant un délai de 15 jours à compter de la réception de cette proposition pour lui faire part de sa réponse ;

- le 11 mai 2016, Mme [B] a refusé cette proposition ;

- le 19 mai 2016, la société Hanes Central Services Europe a notifié à Mme [B] son licenciement pour motif économique.

La société Hanes Central Services Europe ne justifie pas de ses recherches de reclassement au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Le seul poste de reclassement proposé à Mme [B], le poste de responsable de contrôle de gestion Wholesale au sein de la société Hanes France proposé le 4 mai 2016, était d'une catégorie inférieure à celle du poste qu'elle occupait au sein de la société Hanes Central Services Europe et était assortie d'une rémunération annuelle fixe de près de 35% inférieure à la sienne, avec une garantie de rémunération limitée à celle prévue par l'article 21 de l'annexe IV, ingénieurs et cadres de la convention collective nationale de l'industrie textile.

Il est établi que la société HBI en la personne de la vice-présidente Finance Intégration de HBI a annoncé le 2 mai 2016 la nomination de M. [Y] à effet au 1er mai 2016 pour exercer les fonctions de directeur financier Hanes Europe Innerwear, M. [V], qui exerçait ces fonctions, devant quitter le 31 juillet 2016, en raison de son départ à la retraite, la société Hanes France qui l'employait. M. [V], N+1 de Mme [B], atteste avoir convenu avec sa hiérarchie que M. [Y] était le plus qualifié pour lui succéder au regard de ses compétences et de son expérience au sein de l'entreprise et que Mme [B] n'avait pas à l'époque l'expérience en management nécessaire pour occuper ce poste, qui représentait un écart trop important par rapport aux fonctions qu'elle occupait, qui étaient celles d'un responsable financier de holding. L'obligation de reclassement à laquelle l'employeur est tenu ne lui faisant pas obligation de proposer au salarié un poste disponible d'une qualification supérieure à la sienne, cette nomination ne caractérise aucun manquement de la société Hanes Central Services Europe à l'obligation de reclasser Mme [B].

Il est établi que M. [H] a été nommé à compter du 1er mars 2016 senior manager finance intégration Europe. Si Mme [M], VP Finance Intégration de HBI, atteste que que deux personnes ont fait acte de candidature, Mme [S] et M. [H], que la candidature de ce dernier a été retenue, que Mme [B] n'a pas postulé pour ce poste, et que, quoiqu'il en soit, elle n'était pas apte à occuper ce poste car elle possédait moins d'expérience en matière de gestion et moins d'expérience dans le domaine des finances opérationnelles, il n'en est pas moins établi que ce poste, dont la localisation était fonction des candidats, qui correspondait à la qualification de l'intéressée et dont il n'est pas établi qu'il requérait une expérience managériale développée, devait lui être proposé dans le cadre du reclassement et ne l'a pas été.

Il est établi que M. [N] a été nommé directeur financier Hanes Europe Innewear Ouest (HEIW) selon avenant conclu avec la société Hanes France à effet au 1er octobre 2016. Si M. [R], directeur des ressources humaines Hanes Europe Innewear Ouest (HEIW) atteste que le poste de directeur financier HEIW, basé à [Localité 6], a été ouvert en juillet 2016, si M. [Y], directeur financier Hanes Europe, atteste avoir organisé pour ce poste un processus de recrutement au sein de la société Hanes France à l'été 2016 qui a donné lieu à trois candidatures tandis que M. [G], VP Marketing HEI, atteste avoir eu des entretiens avec trois candidats au poste de directeur financier Hanes Europe Innewear Ouest au troisième trimestre 2016, et si le candidat choisi a pris ses fonctions le 1er octobre 2016, il est établi que si la société Hanes France n'a diffusé le poste que le 1er juillet 2016, elle a commencé dès mai 2015 à rechercher un salarié pour occuper le poste de directeur financier HEIW, menant des entretiens de recrutement pour ce poste avec M. [N], le 2 mai et le 31 mai 2016, avec Mme [S] le 30 mai 2016, puis avec M. [D], qui a fait acte de candidature à ce poste le 2 juin 2016.

Il est établi que Mme [K] a été nommée Senior financial planning et analys manager selon avenant conclu avec la société Hanes France à effet au 1er novembre 2016. Si la société Hanes Central Services Europe indique qu'un appel à candidature a été lancé en juillet 2016 pour ce poste et si M. [Y], directeur financier Europe, atteste avoir organisé un processus de recrutement au sein de la société Hanes France à l'été 2016 pour ce poste, qui a donné lieu à deux candidatures, il n'est pas justifié de la date à laquelle la décision de créer ce poste a été prise, qui seule permettrait d'établir que ce poste n'existait pas à la date du licenciement de Mme [B].

La société Hanes Central Services Europe ne justifie pas avoir remis ou adressé à Mme [B] de proposition écrite portant sur ces trois postes, disponibles et compatibles avec sa qualification, relevant de la même catégorie ou d'une catégorie inférieure au poste qu'elle occupait, peu important que la salariée ait été éventuellement informée de ce processus de recrutement interne et n'ait pas manifesté spontanément d'intérêt pour ce poste.

Elle ne justifie, en tous cas, ni d'une recherche effective, loyale et sérieuse d'un poste de reclassement, ni de l'absence, au sein des entreprises du groupe de reclassement, de poste disponible à l'époque du licenciement permettant de reclasser Mme [B].

La rupture du contrat de travail de Mme [B] s'analyse, pour ce motif également, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au moment du licenciement, Mme [B] avait au moins deux années d'ancienneté et la société Hanes Central Services Europe n'établit pas qu'elle employait alors habituellement moins de onze salariés, comme elle l'allègue.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, Mme [B] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement.

En raison de l'âge de la salariée au moment de son licenciement, 40 ans, de son ancienneté de plus de 8 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de ce que l'intéressée a retrouvé un emploi dès le 22 juin 2016, c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le conseil de prud'hommes a alloué à Mme [B], en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle a subi, la somme de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la priorité de réembauche

Selon l'article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de la rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai. Dans ce cas l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

La demande de priorité de réembauche n'est soumise à aucune condition de forme et peut valablement être présentée par le conseil d'un salarié au nom de celui-ci. L'avocat de Mme [B] ayant fait savoir de manière explicite à la société Hanes Central Services Europe, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 septembre 2016, que la salariée souhaitait bénéficier de la priorité de réembauche par l'article L. 1233-45 du code du travail et demandait en conséquence à être informée de tout emploi devenu disponible au sein de la société, l'employeur est mal fondé à prétendre que seule la demande postérieure faite directement par la salariée elle-même, qu'elle a expressément sollicitée à cette fin, est opérante.

Il appartient à l'employeur, tenu d'informer le salarié licencié pour motif économique, ayant manifesté le désir d'user de la priorité de réembauche, de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification, d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant soit qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes.

Si en présence de plusieurs candidatures sur un même poste, l'employeur n'est pas tenu de suivre un ordre déterminé pour le choix du salarié réembauché, il lui incombe toutefois, en application de l'article L. 1233-45 du code du travail, d'informer préalablement tous les salariés licenciés pour motif économique qui ont manifesté le désir d'user de la priorité de réembauche, de tous les postes disponibles et compatibles avec leur qualification.

Il convient de relever que la priorité de réembauche s'exerce dans le cadre de l'entreprise. En l'espèce, la société Hanes Central Services Europe n'a procédé à aucun recrutement sur un poste compatible avec la qualification de Mme [B]. La société Hanes Central Services Europe est bien fondée à faire valoir que les embauches effectuées par une autre société du groupe, la société Hanes France, ne sont pas susceptibles de caractériser une violation par la société Hanes Central Services Europe de la priorité de réembauche de Mme [B].

Il convient de relever au surplus que le délai d'un an pendant lequel le salarié bénéficie de la priorité de réembauche court à compter de la date à laquelle prend fin le préavis qu'il soit exécuté ou non. Selon l'article L. 1233-72 du code du travail, le congé de reclassement est pris pendant le préavis, que le salarié est dispensé d'exécuter et, lorsque le congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement.

Le congé de reclassement de Mme [B] a commencé à courir le 29 mai 2016, à l'issue du délai de réponse de huit jours suivant la présentation de la lettre de licenciement, le 21 mai 2016. Il a été suspendu durant la période d'essai de Mme [B] chez son nouvel employeur, du 22 juin au 21 août 2016. Le délai de préavis de Mme [B], qui était de trois mois, a pris fin en conséquence le 1er novembre 2016, comme mentionné sur le bulletin de paie de l'intéressée, versé aux débats et non contesté. La date de rupture du contrat de travail au sens de l'article L. 1233-45 doit dès lors être fixée au 1er novembre 2016, peu important que le licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse. Le droit à priorité de réembauche ayant pris naissance à cette date, la cour ne peut se fonder sur des éléments antérieurs pour apprécier si la priorité de réembauche a été respectée.

La société Hanes Central Services Europe n'ayant procédé à aucun recrutement sur un poste compatible avec la qualification de Mme [B] et la preuve d'une fraude pour éluder les droits de Mme [B] n'étant pas rapportée, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation du principe « à travail égal, salaire égal »

A l'appui de sa demande de dommages-intérêts, Mme [B] fait valoir :

- sa mise à l'écart des sujets et réunions stratégiques de son périmètre d'activité ;

- l'absence d'avenant reconnaissant son éligibilité au plan de rémunération variable HBI pour l'exercice 2016, alors que sa rémunération variable n'avait pas été intégrée dans sa rémunération fixe;

- l'inégalité de traitement résultant de l'inégibilité au plan de rémunération variable HBI des salariés dont le poste est supprimé.

Si dans un courriel adressé le 12 mars 2015 à M. [V], Mme [B], indiquant qu'elle reste dans le flou concernant son avenir professionnel et que son inquiétude, légitime dans le contexte actuel de restructuration annoncée du groupe, est renforcée par le fait qu'elle n'a pas été conviée aux réunions du management des 24 et 25 février 2015 relatives à l'intégration de DBA dans le groupe Hanes et que son nom n'apparaît pas dans la lettre de [E] [C], chief operating officer, du 4 mars 2015 décrivant la nouvelle organisation du management, et s'il est effectivement établi que son rôle dans la nouvelle organisation restait à définir à cettte date, il est démontré que Mme [B] a continué à participer aux réunions stratégiques et n'a pas été mise à l'écart des sujets relevant de son périmètre d'activité. Si elle n'a plus eu à assurer la consolidation des sociétés luxembourgeoises, elle a continué à établir les écritures de consolidation pour l'Europe, ainsi qu'il ressort de son mail du 4 mai 2016. La mise à l'écart alléguée n'est pas établie.

Mme [B], dont la rémunération variable n'avait pas été intégrée dans la rémunération fixe, dans la mesure où elle était normalement éligible au plan de rémunération variable HBI, ne s'est pas vue proposer d'avenant à son contrat de travail relatif au plan de rémunération variable de l'exercice fiscal 2016, contrairement aux autres salariés, à qui il était demandé par mail du 27 janvier 2016 de retourner leur avenant signé.

La société Hanes Central Services Europe soutient qu'il résulte des stipulations contractuelles que le versement de la rémunération variable est subordonnée à une condition de présence effective dans l'entreprise à la fin de l'exercice considéré et que le départ de Mme [B] des effectifs avant la clôture de l'exercice fiscal 2016 la rendait inéligible au bonus au titre de l'exercice 2016. Elle produit un courrier adressé le 26 mai 2016 par la société Hanes France (antérieurement dénommée la société Dim) à Mme [A] [T], salariée ayant quitté cette entreprise le 12 juin 2016 dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, adoptant la même position.

La société Hanes Central Services Europe ne pouvait s'abstenir, sans porter atteinte au principe d'égalité de traitement entre ses salariés, de proposer à Mme [B] comme elle le faisait aux autres salariés normalement éligibles au plan AIV 2016, dont le poste n'était pas supprimé et dont le licenciement n'était pas envisagé, un avenant déterminant sa rémunération variable pour l'exercice fiscal 2016, en préjugeant dès le mois de janvier 2016 de son départ de l'entreprise au cours de cet exercice.

De plus, si le contrat de travail de Mme [B] stipule à propos du bonus catégorie manager IV, comme l'avenant du 11 mai 2012 à propos du bonus catégorie manager III, que ce bonus est payable sous réserve de la présence de la salariée à la conclusion de l'exercice fiscal considéré, l'avenant au contrat de travail signé par Mme [B] le 27 mai 2015, qui stipule que ses dispositions annulent et remplacent toute autre disposition relative à la rémunération variable, ne mentionne pas cette condition de présence.

La partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité s'acquérant au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice, le salarié peut normalement prétendre à son paiement prorata temporis en cas de départ en cours d'année.

Il y a lieu de relever au surplus que la condition de présence est en tout état de cause réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement, en licenciant par exemple le salarié sans cause réelle et sérieuse avant la fin de l'exercice fiscal.

La cours fixe le préjudice subi par la salariée du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail et de la violation du principe « à travail égal, salaire égal » à la somme de 15 000 euros. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Hanes Central Services Europe à payer ladite somme à Mme [B].

Sur la demande reconventionnelle de la société Hanes Central Services Europe

La société Hanes Central Services Europe demande que Mme [B] soit condamnée à lui rembourser l'indemnité supra-légale de 5 000 euros perçue lors de son départ volontaire, étant précisé que cette somme correspond à l'indemnité incitative de volontariat d'un montant forfaitaire brut de 5 000 euros prévue par l'article 3.1.3.5. de l'accord relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la société Dim, dont elle s'est engagée à faire bénéficier ses salariés.

Mme [B] fait valoir que cette demande est irrecevable comme constituant une demande nouvelle en cause d'appel et comme portant sur une créance prescrite.

Selon l'article 567, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail. L'effet interruptif attaché à la demande du salarié relative à l'exécution du contrat de travail ou à sa rupture s'étend à la demande reconventionnelle de l'employeur en répétition d'indu.

La prescription ayant été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes par Mme [B] le 2 mai 2017, la demande reconventionnelle présentée par la société Hanes Central Services Europe devant la cour d'appel est recevable.

Si le salarié, dont le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, n'est pas tenu de restituer les sommes perçues au titre des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi destinées à faciliter son reclassement et à compenser la perte de son emploi, telle l'indemnité supra-légale de licenciement, il est en revanche tenu de restituer l'indemnité incitative de volontariat, qui devient sans cause.

Mme [B] ne conteste pas avoir perçu l'indemnité incitative de volontariat de 5 000 euros prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Dim appliqué volontairement par la société Hanes Central Services Europe.

Il convient en conséquence de condamner Mme [B] à rembourser à la société Hanes Central Services Europe la somme de 5 000 euros perçue au titre de l'indemnité incitative de volontariat.

Sur les intérêts

L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produit intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2019, date du jugement qui l'a allouée, confirmé de ce chef par le présent arrêt.

Les autres créances indemnitaires déterminées par le présent arrêt produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de celui-ci.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en a été faite.

Sur les documents sociaux

Il y a lieu d'ordonner la remise d'un solde de tout compte, d'un bulletin de paie et d'une attestation pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La société Hanes Central Services Europe, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Il est équitable de la condamner à payer à Mme [B], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 300 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme de 1 200 euros allouée à celle-ci par le conseil de prud'hommes pour les frais irrépétibles exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 4 décembre 2019 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne la société Hanes Central Services Europe à payer à Mme [Z] [B] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation du principe « à travail égal, salaire égal » ;

Dit que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produit intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2019, date du jugement ;

Dit que les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation du principe « à travail égal, salaire égal » produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en été faite ;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Déclare la demande reconventionnelle de la société Hanes Central Services Europe recevable ;

Condamne Mme [Z] [B] à rembourser à la société Hanes Central Services Europe l'indemnité de 5 000 euros perçue au titre de l'indemnité incitative de volontariat ;

Ordonne la remise d'un solde de tout compte, d'un bulletin de paie et d'une attestation pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt ;

Condamne la société Hanes Central Services Europe à payer à Mme [Z] [B] la somme de 2 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme de 1 200 euros allouée par le conseil de prud'hommes à Mme [Z] [B] pour les frais irrépétibles exposés en première instance ;

Déboute la société Hanes Central Services Europe de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Hanes Central Services Europe aux dépens d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame [Z] RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00031
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;20.00031 ?
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