La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2022 | FRANCE | N°20/04470

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 27 septembre 2022, 20/04470


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 79A





DU 27 SEPTEMBRE 2022





N° RG 20/04470

N° Portalis DBV3-V-B7E-UBQZ





AFFAIRE :



Association LES AMIS DU VIRAGE SUD

C/

[D] [G] [R]

S.A.R.L. LEGENDE GLOBAL







Décision déférée à la cour : Jugement rendule 09 Juillet 2020 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

Chambre :

N° Section :

N° RG : 16/05292



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Magali DURANT-GIZZI,



-Me Randy YALOZ





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 79A

DU 27 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/04470

N° Portalis DBV3-V-B7E-UBQZ

AFFAIRE :

Association LES AMIS DU VIRAGE SUD

C/

[D] [G] [R]

S.A.R.L. LEGENDE GLOBAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendule 09 Juillet 2020 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 16/05292

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Magali DURANT-GIZZI,

-Me Randy YALOZ

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 20 septembre 2022, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Association LES AMIS DU VIRAGE SUD

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 411 354 806

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Magali DURANT-GIZZI, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 671 - N° du dossier 200070

Me Fabrice TROLLIET, avocat - barreau de MARSEILLE

APPELANTE

****************

Madame [D] [G] [R]

née le 27 Décembre 1951 à [Localité 3] (CUBA)

de nationalité Cubaine

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3] (CUBA)

S.A.R.L. LEGENDE GLOBAL

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5] (CHYPRE)

représentées par Me Randy YALOZ, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : E0766

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Marie DE NAUROIS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [K] [I] [Z], dit Korda, est l'auteur d'une photographie d'[U] [N], dit Che [N], intitulée " Guerillero Heroico " mais également connue sous le titre " Che au Béret et à l'Etoile " captée le 5 mars 1960 à [Localité 3], à Cuba, lors des funérailles organisées en l'honneur des victimes de l'explosion du cargo français La Coubre.

Décédé le 25 mai 2001, Korda a institué, par testament authentique du 5 février 1999 homologué par jugement définitif du 29 mars 2002 rendu par le tribunal populaire de province de [Localité 3], sa fille, Mme [I] [O] , en qualité de légataire universelle.

Par acte sous seing privé du 26 mai 2008, Mme [I] [O] a cédé, à titre exclusif pour le monde à l'exception de Cuba et pour une durée de 10 ans renouvelable par tacite reconduction, à la société de droit chypriote Légende Global les droits d'exploitation, de reproduction et de diffusion de cette photographie sur tous supports.

L'association Les Amis du Virage Sud, constituée le 8 avril 1993 sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 et également dénommée South Winners, regroupe 5 550 adhérents supporters de l'équipe de football l'Olympique de [Localité 4] dont l'activité est consacrée au soutien apporté à cette dernière lors de ses matchs mais également au déploiement d'actions caritatives ponctuelles.

M [X] a réservé le 15 avril 1999 le nom de domaine ws87.com qui est exploité par l'association Les Amis du Virage Sud et héberge une boutique en ligne de produits dérivés.

La naissance du litige

Exposant avoir découvert l'utilisation par l'association Les Amis du Virage Sud de la photographie " Guerillero Heroico " sous forme de sérigraphies sur des vêtements et accessoires de mode (T-shirts, polos, sweats, vestes, écharpes, gants et casquettes) ainsi que sur des produits dérivés (autocollants, cartes d'abonnement et d'adhésion et banderoles) commercialisés sur le site internet accessible sous le nom de domaine sw87.com ainsi que dans ses locaux et dans l'enceinte du stade Vélodrome dans le cadre de ventes directes, et sa reproduction dénaturante à des fins promotionnelles dans différentes rubriques de ce site ainsi que sur ses pages Facebook, Twitter et YouTube, Mme [R] a :

- acquis en ligne le 21 octobre 2014 sur le site ws87.com divers vêtements et accessoires de mode aux prix unitaires s'échelonnant de 10 à 50 euros ;

- fait dresser le 31 octobre 2014 par huissier de Justice un procès-verbal de constat en ligne sur le site ws87.com et les pages Facebook, Twitter et YouTube de l'association ;

- par courriers de son conseil du 19 janvier 2015, mis en demeure l'association Les Amis du Virage Sud et M [X] , en sa qualité de réservataire du nom de domaine sw87.com et d'administrateur du site, de cesser toute reproduction et toute exploitation commerciale ou promotionnelle de la photographie " Guerillero Heroico " et de lui communiquer des documents comptables et financiers établissant l'ampleur des utilisations querellées.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 9 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- Rejeté les demandes de la société Legende Global et de Mme [I] [O] tendant à l'irrecevabilité des pièces 1 à 3 et 6 à 9 communiquées par l'association Les Amis du Virage Sud ;

- Condamné l'association Les Amis du Virage Sud à payer conjointement à Mme [I] [O] et à la société Legende Global la somme de mille euros (1 000 euros) au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre dans son ordonnance du 17 mai 2018 ;

- Rejeté la fin de non-recevoir requalifiée tirée du défaut d'originalité de l''uvre opposée par l'association Les Amis du Virage Sud ;

- Dit qu'en communiquant au public et en commercialisant des produits reproduisant les caractéristiques originales de l''uvre photographique " Guerillero Heroico " dont Korda est l'auteur sans mention de son nom et en la modifiant, l'association Les Amis du Virage Sud et M [X] ont concurremment porté atteinte au droit moral dont est titulaire Mme [I] [O] et aux droits patrimoniaux dont est titulaire la société Legende Global ;

- Condamné en conséquence in solidum M [X] et l'association Les Amis du Virage Sud à payer :

- à Mme [I] [O] la somme de trois mille euros (3 000 euros) en réparation du préjudice causé par la violation de son droit moral caractérisée par une atteinte à l'intégrité de l''uvre et au droit à la paternité ;

- à la société Legende Global, la somme de cinq mille euros (5 000 euros) en réparation du préjudice moral requalifié en préjudice économique causé par la violation de ses droits patrimoniaux ;

- Rejeté les autres demandes indemnitaires de la société Legende Global au titre de l'atteinte à ses droits patrimoniaux ;

- Interdit en outre à l'association Les Amis du Virage Sud et à M. [X] toute présentation, toute reproduction et toute exploitation directe ou indirecte de l''uvre photographique " Guerillero Heroico " ou de toute 'uvre identique ou seconde l'incorporant ;

- Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte à ce titre ;

- Rejeté les demandes de publications judiciaires présentées par Mme [I] [O] et la société Legende Global ;

- Rejeté les demandes de Mme [I] [O] et de la société Legende Global au titre du rappel des circuits commerciaux des produits et supports commerciaux contrefaisants ainsi que de leur destruction et de leur confiscation ;

- Rejeté les demandes de la société Legende Global au titre du parasitisme ;

- Rejeté la demande de l'association Les Amis du Virage Sud au titre des frais irrépétibles ;

- Condamné in solidum l'association Les Amis du Virage Sud et M. [X] à payer à Mme [I] [O] et à la société Legende Global la somme de trois mille euros (3 000 euros) chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à leur rembourser, chacune pour la part qu'elle a effectivement supportée, les frais afférents aux procès-verbaux de constat d'huissier de justice des 31 octobre 2014 et 12 février 2015 ;

- Condamné in solidum l'association Les Amis du Virage Sud et M. [X] à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par la SELARL Randy Yaloz conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.

L'association Les amis du virage sud a interjeté appel de ce jugement le 15 septembre 2020 à l'encontre de Mme [I] [O] et de la société Legende global.

Les intimés ont constitué avocat le 25 septembre 2020.

Par ordonnance rendue le 17 juin 2020, le conseiller de la mise en état a :

- Déclaré irrecevables toutes les conclusions que pourraient déposer les intimés postérieurement au 17 mai 2021.

Par dernières conclusions notifiées le 12 avril 2022, l'association Les amis du virage sud demande à la cour de :

Vu le jugement du 9 juillet 2020 de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Nanterre,

Vu les livres I & III du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 46 et 503 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence précitée,

Vu les pièces versées au débat,

Vu les motifs précités,

- Déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- Infirmer le jugement du 9 juillet 2020 en toute ses dispositions,

- Débouter les intimées de toutes leurs demandes fins et conclusions,

- Réformer le jugement en ce qu'il juge que le personnage du " Che " qui apparaît sur les produits litigieux, est la reproduction de l''uvre de [A] [T], non celle de Korda,

- Dire et juger qu'il s'agit en fait de l''uvre Irsih Che de [A] [T],

- Réformer le jugement dans la mesure où, les intimées ne rapportent pas la preuve que le personnage du Che qui apparaît sur les produits incriminés est la reproduction de la photo de Korda et non pas celle de [A] [T],

- Dire et juger qu'il s'agit en fait de l''uvre Irsih Che de [A] [T]

- Réformer le jugement en ce qu'il met en exergue la revendication de droit de [A] [T] sur son 'uvre, alors même que celle-ci ne saurait se présumer,

- Réformer le jugement en ce qu'il consacre l'originalité de la photographie prise à la volée par Korda, alors même qu'elle répond plus à des impératifs de cadrage qu'à des impératifs d'originalité de l''uvre,

- Réformer le jugement en ce qu'il fait de l'utilisation de techniques photographiques élémentaires destinées à l'amendement de la prise de vue photographique, au titre desquelles le recadrage, une démonstration de l'originalité d'une 'uvre,

- Réformer le jugement en ce qu'il constate la violation du droit moral de l'auteur,

- Réformer le jugement en ce qu'il fonde la responsabilité de l'Association " Les amis du virage sud " quant à l'exploitation commerciale sur internet des produits litigieux,

- Réformer le jugement en ce qu'il constate que l'appelante n'est pas étrangère aux ventes de produits litigieux sur le site ebay.fr,

En conséquence,

- Débouter les intimées de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- Condamner les intimées à payer à l'Association " Les amis du virage sud " 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner les intimées aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 14 avril 2022.

- Moyens de l'appelante

Au soutien de son appel, l'association Les amis du virage sud fait valoir que l'artiste n'a jamais querellé de son vivant l'utilisation depuis au moins 1987 de ce qu'aujourd'hui les intimés pensent être l''uvre de Korda. Elle conteste l'existence d'une contrefaçon en affirmant que l''uvre utilisée n'est pas celle de Korda mais celle de [A] [T], libre de droits contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, et parfaitement autonome. Elle prétend que cette 'uvre n'est pas attaquée parce qu'elle est originale et non une version contrefaite de l''uvre de Korda ; que les intimés ne rapportent pas la preuve que le personnage de Che [N] qui apparaît sur les produits incriminés est la reproduction de la photographie de Korda ; que celle-ci n'est pas originale et que les intimés ne rapportent pas la preuve de son succès international.

À titre subsidiaire, elle soutient que le droit moral de M. [I] [O] n'a pas été violé puisque le portrait de Che [N] est devenu un phénomène capitaliste au détriment des idées de ce dernier et de Korda lui-même alors qu'elle-même incarne de tels idéaux puisque l'épouse d'[U] [N] lui a dédicacé une photographie.

Elle affirme que la reproduction de produits dérivés dont le support est l''uvre de [A] [T] est prudente et de bonne foi et qu'à ce jour ces produits ne sont plus en vente sur son site ; que les intimés ne rapportent pas la preuve qu'elle serait à l'origine de l'exploitation commerciale sur le site eBay.

Quant aux préjudices, elle soutient qu'aucune preuve n'est rapportée d'une grave dénaturation de la photographie et que la société Légende global ne démontre ni son préjudice d'exploitation ni son préjudice moral commercial distinct.

Pour l'exposé détaillé des moyens et conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux écritures susvisées.

SUR CE, LA COUR,

À titre liminaire et sur les limites de l'appel

Le dispositif des conclusions de l'appelante est rédigé de la manière suivante :

" - Déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- Infirmer le jugement du 9 juillet 2020 en toute ses dispositions,

- Débouter les intimées de toutes leurs demandes fins et conclusions,

- Réformer le jugement en ce qu'il juge que le personnage du " Che " qui apparaît sur les produits litigieux, est la reproduction de l''uvre de [A] [T], non celle de Korda,

- Dire et juger qu'il s'agit en fait de l''uvre Irsih Che de [A] [T],

- Réformer le jugement dans la mesure où, les intimées ne rapportent pas la preuve que le personnage du Che qui apparaît sur les produits incriminés est la reproduction de la photo de Korda et non pas celle de [A] [T],

- Dire et juger qu'il s'agit en fait de l''uvre Irsih Che de [A] [T],

- Réformer le jugement en ce qu'il met en exergue la revendication de droits de [A] [T] sur son 'uvre, alors même que celle-ci ne saurait se présumer,

- Réformer le jugement en ce qu'il consacre l'originalité de la photographie prise à la volée par Korda, alors même qu'elle répond plus à des impératifs de cadrage qu'à des impératifs d'originalité de l''uvre,

- Réformer le jugement en ce qu'il fait de l'utilisation de techniques photographiques élémentaires destinées à l'amendement de la prise de vue photographique, au titre desquelles le recadrage, une démonstration de l'originalité d'une 'uvre,

- Réformer le jugement en ce qu'il constate la violation du droit moral de l'auteur,

- Réformer le jugement en ce qu'il fonde la responsabilité de l'Association " Les amis du virage sud " quant à l'exploitation commerciale sur internet des produits litigieux,

- Réformer le jugement en ce qu'il constate que l'appelante n'est pas étrangère aux ventes de produits litigieux sur le site ebay.fr,

En conséquence,

- Débouter les intimées de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- Condamner les intimées à payer à l'Association " Les amis du virage sud " 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile

- Condamner les intimées aux entiers dépens "

Conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Par "prétention", il faut entendre, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux. Par voie de conséquence, les demandes de réformation ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l'examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour n'y répondra donc qu'à condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée au dispositif des dernières conclusions et, en tout état de cause, pas au dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.

En outre, l'article 954 oblige les parties à formuler expressément leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions, la cour ne statuant que sur celles-ci. L'adverbe "expressément" qualifie sans aucun doute possible une volonté clairement exprimée.

Il découle de ce texte que le dispositif des conclusions doit récapituler les prétentions des parties de manière claire et distincte. Un dispositif qui ne répondrait pas à cet impératif interdirait à la cour d'identifier aisément l'objet et la portée de chacune des prétentions, comporterait en soi le risque d'une interprétation par la cour de ces demandes, possiblement éloignée de l'intention de son auteur, et surtout contreviendrait tant à l'esprit qu'à la lettre des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile dont le respect participe assurément au bon déroulement d'un procès équitable.

Il s'infère de ce qui précède que la cour ne statuera pas sur une demande non expressément formulée.

Force est de constater, ainsi que le montrent les termes du dispositif ci-dessus rappelés, que les seules demandes de l'appelante consistent en l'infirmation du jugement déféré, le débouté des intimés de toutes leurs demandes outre leur condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Le reste du dispositif se borne à remettre en cause les motifs retenus par les premiers juges. Il s'agit donc de moyens qui ne trouvent leur place que dans la discussion. Les demandes en appel de l'appelante seront donc analysées en miroir des demandes de Mme [R] et de la société Légende global en première instance puisque leurs conclusions d'intimées ont été définitivement jugées irrecevables.

La demande d'astreinte

C'est aux termes d'exacts motifs adoptés par la cour que le jugement déféré a condamné l'association Les amis du virage sud à payer conjointement à Mme [R] et à la société Légende global la somme de 1000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre dans son ordonnance du 17 mai 2018.

Force est de constater que si, au dispositif de ses écritures, l'association Les amis du virage sud demande le débouté de cette demande, dans la discussion, elle n'articule strictement aucun moyen qui justifierait d'infirmer la décision entreprise sur ce point de sorte que celle-ci ne peut qu'être confirmée.

L'atteinte au droit moral de Mme [R] et aux droits patrimoniaux de la société Légende global et les mesures réparatrices

C'est aux termes d'une motivation aussi exhaustive en fait que rigoureuse en droit que les premiers juges ont retenu que la demande de Mme [I] [O] et de la société Legende global étaient recevables, l''uvre de Korda qu'ils prétendaient contrefaite étant protégeable au titre du droit d'auteur en raison de son originalité ; que les actes matériels étaient démontrés sur la période s'écoulant de l'année 2012 au 12 février 2015 ; qu'ils revêtaient le caractère d'actes de contrefaçon dès lors que [A] [T] avait reconnu avoir utilisé la photo de Korda pour réaliser sa propre toile ; qu'il s'agissait donc d'une 'uvre composite dont la reproduction ou la représentation n'était pas libre de droits mais soumise au respect des droits de [A] [T] mais également de Korda conformément aux articles L 113-2 et L 113-4 du code de la propriété intellectuelle.

En outre, le jugement a rejeté les demandes indemnitaires de la société Légende global mais a requalifié sa demande au titre du préjudice moral en préjudice économique qu'il a évalué à 5 000 euros. Il a par ailleurs retenu la violation du droit moral de Mme [I] [O] au regard de l'importance de l'atteinte à l'intégrité de l''uvre de Korda et évalué le préjudice en découlant à 3 000 euros.

Dans l'évaluation de ce préjudice, il a précisément tenu compte du caractère associatif du premier défendeur, à savoir l'association Les amis du virage sud.

Or, l'association Les amis du virage sud conteste devant la cour les demandes indemnitaires qui avaient été formées en première instance par Mme [R] et la société Légende global sans néanmoins critiquer leur évaluation par le premier juge.

De plus, elle n'articule aucune critique sérieuse du jugement. En effet, si elle conteste les actes de contrefaçon à titre principal en soutenant que l''uvre reproduite n'est pas celle de Korda mais celle de [A] [T] et, à titre subsidiaire, en ce que l''uvre de Korda ne serait pas originale, elle ne développe aucune argumentation relative à la recevabilité de la demande de Mme [I] [O] et de la société Légende global, alors que l'originalité de l''uvre est une condition de recevabilité de la demande, comme l'a précisément rappelé le tribunal, et non une condition de fond de l'action en contrefaçon.

Surtout, elle martèle que l''uvre reproduite est celle de [A] [T], ce que le tribunal a parfaitement retenu tout en soulignant qu'il s'agissait d'une 'uvre composite, motivation qui une fois encore n'est pas discutée par l'appelante.

Enfin, la date du 12 février 2015 est précisément celle du procès-verbal de constat d'huissier de justice sur le site ebay.fr. Or, c'est la date à laquelle le premier juge a retenu que les actes de contrefaçon imputables à l'association Les amis du virage sud n'étaient plus démontrés. Il est donc totalement inopérant pour cette dernière de faire valoir qu'elle n'est pas responsable de la commercialisation des objets contrefaisant sur ce site puisque le jugement n'en disconvient pas.

Faute de tout moyen sérieux permettant d'infirmer la décision entreprise, celle-ci ne peut qu'être confirmée en toutes ses dispositions.

Sur l'amende civile

En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros.

Selon l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

En l'espèce, l'absence de toute discussion sérieuse des motifs du jugement déféré, dont il n'est au demeurant strictement tenu aucun compte entache d'un grave abus l'appel interjeté par l'association Les amis du virage sud, lequel se trouve privé de tout caractère sérieux.

En conséquence, celle-ci sera condamnée à une amende civile de 2 000 euros, précisément minorée pour tenir compte de son caractère associatif.

Les dispositions accessoires

Compte tenu du sens du présent arrêt, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

En tant que partie perdante tenue aux dépens, l'association Les amis du virage sud ne peut qu'être déboutée de sa demande sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre,

Et, statuant à nouveau et y ajoutant,

Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'association Les amis du virage sud à une amende civile de 2 000 euros,

CONDAMNE l'association Les amis du virage sud aux dépens d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 20/04470
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;20.04470 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award