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26/09/2022 | FRANCE | N°21/03221

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 26 septembre 2022, 21/03221


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58Z



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 SEPTEMBRE 2022



N° RG 21/03221 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UQME



AFFAIRE :



Société IMEFA TRENTE TROIS (IMEFA 33)



C/



[O] [F]



et autres parties



Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 18 Mars 2021 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : Y 20-13993>


Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Sophie PORCHEROT



Me Elodie DUMONT,



Me Christophe DEBRAY,



Me Anne-laure DUMEAU,



Me Sophie POULAIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58Z

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/03221 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UQME

AFFAIRE :

Société IMEFA TRENTE TROIS (IMEFA 33)

C/

[O] [F]

et autres parties

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 18 Mars 2021 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : Y 20-13993

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Sophie PORCHEROT

Me Elodie DUMONT,

Me Christophe DEBRAY,

Me Anne-laure DUMEAU,

Me Sophie POULAIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (troisème chambre civile) du 18/03/2021 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, le 11 décembre 2019

Société IMEFA TRENTE TROIS (IMEFA 33)

[Adresse 3]

[Localité 7]

assistée de Me Sophie PORCHEROT de la SELARL REYNAUD AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177 et Me Philippe RENAUD, aovat au barreau de PARIS, vestiaire : P 139

****************

DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI

Monsieur [O] [F]

[Adresse 5]

[Localité 11]

assisté de Me Elodie DUMONT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 490 et Me Gauthier MOREUIL,Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 047

Monsieur [R] [S]

[Adresse 1]

[Localité 8]

assisté de Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Guillaume CADIX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B.0667

SNC PINCHINATS

[Adresse 2]

[Localité 10]

assistée de Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Véronique MAZURU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 1983

SAS EIFFAGE CONSTRUCTION GRANDS PROJETS

[Adresse 6]

[Localité 10]

assistée de Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Evelyne NABA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P325

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF)

[Adresse 4]

[Localité 9]

assistée de Me Sophie POULAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180 et Me Antoine TIREL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J.073

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel ROBIN, Président, chargé du rapport et Madame Pascale CARIOU, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Séverine ROMI, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY,

*****

FAITS ET PROCÉDURE

La société Pinchinats a fait édifier un groupe d'immeubles qu'elle a vendu par lots, en l'état futur d'achèvement. Un contrat d'assurance dommages-ouvrage a été souscrit auprès de la Smabtp ; la maîtrise d''uvre a été confiée à M. [F] et à M. [S], assurés auprès de la Mutuelle des architectes français ; les travaux ont été confiés à la société Supae Île-de-France, aux droits de laquelle vient désormais la société Eiffage construction grands projets, laquelle a sous-traité le lot peinture à la société Sénéchal, assurée auprès de la Smabtp, et le lot plomberie à la société Remi, assurée successivement auprès de la société Gan puis auprès de la société Maaf. La réception a été prononcée le 12 juillet 1995.

La société Imefa 33, acquéreur de quatre-vingt-cinq lots principaux et de divers lots annexes qu'elle avait donnés en location, s'est plainte de désordres et a sollicité en référé l'organisation d'une expertise ; par ordonnances du 25 juin 1997, le juge des référés a ordonné deux expertises, l'une générale portant sur des décollements généralisés de peinture, sur des décollements du carrelage des balcons, sur des infiltrations à travers les balcons et dans les sous-sols et sur des nuisances sonores subies par les occupants, et l'autre spécifique à des désordres acoustiques provenant des installations d'une salle de sport située en rez-de-chaussée. Les rapports ont été déposés respectivement le 29 octobre 2004 et le 7 janvier 2005.

En septembre et octobre 2005, la société Imefa 33 a fait assigner l'ensemble des intervenants à l'opération de construction devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices ; cette assignation a été déclarée nulle par ordonnance du juge de la mise en état du 11 janvier 2008 et elle a été réitérée le 18 mai 2009.

Par jugement du 17 mai 2013, le tribunal de grande instance de Paris a :

1) déclaré prescrite l'action de la société Imefa 33 contre la société Pinchinats, contre la société Eiffage construction sud francilien, venant aux droits de la société Supae Île-de-France et ensuite devenue la société Eiffage construction grands projets, contre M. [F] et M. [S], contre la Mutuelle des architectes français, et contre la Smabtp, tant en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage que d'assureur de la société Sénéchal,

2) rejeté les demandes à l'encontre de la société Remi,

3) condamné la société Sénéchal à payer à la société Imefa 33 les sommes de 316 793,72 euros et 200 000 euros en réparation des dommages consécutifs aux désordres affectant les peintures intérieures,

4) condamné la société Sénéchal aux dépens et au paiement d'une indemnité de 8 000 euros à la société Imefa 33, par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 30 janvier 2015, la cour d'appel de Paris, a confirmé le jugement ci-dessus, sauf en ce qui concerne les condamnations prononcées contre la société Sénéchal, l'a infirmé de ce chef, a déclaré irrecevables les demandes de la société Imefa 33 contre la société Véritas, contre la société MMA, contre la société Albuquerque, contre la société Maaf et contre la société Sénéchal, a débouté la société Imefa 33 de ses demandes contre la société Allianz et l'a condamnée aux dépens et au paiement d'indemnités par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Cependant, par arrêt en date du 16 juin 2016, la Cour de cassation a cassé l'arrêt ci-dessus en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de la société Imefa 33 contre M. [S], M. [F], la Mutuelle des architectes français, la Smabtp, la société Pinchinats, la société Sénéchal, la société Allianz, la société Maaf et la société Eiffage construction grands projets, aux motifs que, dans une instance de référé ayant abouti à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 mai 2000 ayant ordonné une extension de la mission générale d'expertise, la société Imefa 33 avait déposé des conclusions par lesquelles elle demandait qu'il lui soit donné acte qu'elle s'en rapportait sur les mérites de l'appel contre l'ordonnance ayant étendu la mission, que, la demande de donner acte étant dépourvue de toute portée juridique, la société Imefa 33 en s'en rapportant à justice avait entendu contester l'appel et demander la confirmation de l'ordonnance, et que la cour d'appel saisie du fond de l'affaire avait dès lors considéré à tort qu'il ne s'agissait pas d'une demande en justice susceptible d'interrompre la prescription.

Par arrêt du 11 décembre 2019, la cour d'appel de Paris a de nouveau confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris à l'exception des dispositions concernant la société Sénéchal, qu'elle a infirmées, et a déclaré irrecevables les demandes de la société Imefa 33 contre cette société.

Pour l'essentiel, la cour d'appel a considéré que l'action de la société Imefa 33 contre les constructeurs et leurs assureurs était soumise à un délai de prescription de dix ans ayant commencé à courir le 12 juillet 1995, date de la réception, mais que l'action contre l'assureur dommages-ouvrage était soumise au délai de deux ans prévu par le code des assurances et qu'en l'absence d'autres précisions il convenait de fixer à la date du dépôt des rapports d'expertise, soit les 29 octobre 2004 et le 7 janvier 2005, en fonction de la nature des dommages, le point de départ de la prescription ; elle a également considéré, au regard du droit applicable avant le 17 juin 2008, que, la première assignation au fond ayant été annulée, d'une part, un délai supérieur à deux ans s'était écoulé entre le point de départ de la prescription de l'action contre l'assureur dommages-ouvrage et l'introduction de l'instance devant le tribunal de grande instance de Paris par acte du 18 mai 2009 et, d'autre part, un délai supérieur à dix ans s'était écoulé depuis les décisions de référé intervenues à la suite des derniers actes interruptifs de prescription à l'égard des constructeurs ; pour dénier un effet interruptif de prescription aux conclusions déposées par la société Imefa 33 dans l'instance de référé ayant abouti, le 5 mai 2000, à une extension de la mesure d'expertise générale, la cour d'appel a considéré, d'une part, que ces conclusions d'intimée, qui se contentaient de répondre aux conclusions d'appel de l'assureur de l'entreprise de plomberie, ne pouvaient être considérées comme une demande en justice au sens de l'ancien article 2224 du code civil et, d'autre part, que l'arrêt du 5 mai 2000 avait fait courir un nouveau délai de prescription à l'égard des seules parties assignées, seulement en ce qui concerne les nouveaux désordres objets de l'extension de la mission de l'expert et uniquement au profit de la société Supae Île-de-France.

Cependant, par arrêt du 18 mars 2021, la Cour de cassation a cassé l'arrêt ci-dessus en ce qu'il déclare irrecevable l'action de la société Imefa 33 contre la société Pinchinats, la société Eiffage construction grands projets, M. [F], M. [S] et la Mutuelle des architectes français, aux motifs que les demandes en justice formées par voie de conclusions interrompent la prescription ou la forclusion à l'égard des parties à l'instance auxquelles ces conclusions sont notifiées pour les droits concernés, et que la cour d'appel avait, à tort, refusé de reconnaître un effet interruptif de prescription aux conclusions prises par la société Imefa 33 contre les constructeurs et leurs assureurs et tendant à la confirmation de la mesure d'expertise ordonnée en référé.

Le 18 mai 2021, la société Imefa 33 a saisi la cour d'appel de Versailles et l'affaire a été fixée à l'audience de la cour du 27 juin 2022, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

*

Par conclusions déposées le 17 juin 2022, la société Imefa 33 demande à la cour de déclarer irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par M. [F], M. [S] et la Mutuelle des architectes français, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable son action contre la société Pinchinats, la société Eiffage construction grands projets, M. [F], M. [S] et la Mutuelle des architectes français et rejeté ses demandes d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile contre ceux-ci, de condamner in solidum la société Pinchinats, la société Eiffage construction grands projets, M. [F], M. [S] et la Mutuelle des architectes français à lui payer la somme de 565 549,74 euros au titre de la perte locative, celle de 88 336,41 euros au titre des indemnités versées aux locataires et celle de 316 793,72 euros, indexée sur l'évolution de l'indice BT01 depuis le dépôt du rapport d'expertise, au titre du coût des travaux de remise en état, de condamner la société Pinchinats à lui payer la somme de 25 506,92 euros au titre des conséquences des désordres phoniques, et de condamner in solidum ses adversaires aux dépens, y compris le coût des opérations d'expertise, et au paiement d'une indemnité de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Liminairement, la société Imefa 33 soutient que les intimés sont irrecevables à invoquer une caducité de la déclaration de saisine faute d'avoir saisi le président de la chambre de conclusions en ce sens ; elle ajoute que l'irrégularité de la déclaration de saisine serait sanctionnée par une nullité de forme et qu'en l'espèce les parties qui invoquent une telle irrégularité ne justifient d'aucun grief.

Par ailleurs, la société Imefa 33 fait valoir que ses actions contre les constructeurs et leurs assureurs sont recevables, qu'elles soient fondées sur l'article 1792 du code civil ou sur l'ancien article 1147 de ce code ; elle fait valoir notamment l'effet interruptif de prescription des actes accomplis à l'occasion des procédures de référé auxquelles elle était partie.

Quant au fond du litige, la société Imefa 33 invoque à titre principal la responsabilité de plein droit des constructeurs en raison de désordres qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination ou, à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle tant de son vendeur que des maîtres d''uvre et de l'entreprise générale. Pour l'indemnisation de son préjudice, elle se réfère aux coûts qu'elle doit supporter et aux conséquences pour elle-même des nuisances subies par ses locataires.

Par conclusions déposées le 29 octobre 2021, la société Pinchinats demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes de la société Imefa 33 à son encontre ou, subsidiairement, de l'en débouter, ou, dans l'hypothèse où elle serait condamnée, de condamner in solidum M. [F], M. [S], la Mutuelle des architectes français, la société Eiffage construction grands projets et la Smabtp, en sa qualité d'assureur de la société Sénéchal, à la garantir ; elle sollicite une indemnité de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Pinchinats soutient que les conclusions prises par la société Imefa 33 dans l'instance d'appel ayant donné lieu à l'arrêt du 5 mai 2000 étaient dépourvues de portée juridique en ce qu'il s'agissait seulement d'une demande de « donner acte » ; au surplus, ces demandes auraient visé uniquement certains désordres.

Quant au fond, la société Pinchinats conteste que les désordres relèvent de la responsabilité de plein droit des constructeurs et ajoute qu'elle-même n'a commis aucune faute ; elle s'oppose à une éventuelle condamnation in solidum avec d'autres parties ainsi qu'aux appels en garantie de M. [F], de M. [S] et de la Mutuelle des architectes français à son encontre. En revanche, elle-même fait valoir qu'elle serait fondée à appeler en garantie les constructeurs responsables des désordres. Enfin, elle critique l'évaluation du préjudice faite par la société Imefa 33.

Par conclusions déposées le 29 octobre 2021, la société Eiffage construction grands projets demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de la mettre hors de cause ; subsidiairement elle demande de débouter la société Imefa 33 de ses demandes, ainsi que toute autre partie ; le cas échéant, elle sollicite la condamnation de M. [F], de M. [S], de la Mutuelle des architectes français, de la Smabtp et de la société Maaf à la garantir ; elle réclame une indemnité de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription, la société Eiffage construction grands projets expose que la société Imefa 33 n'a accompli aucun acte interruptif de prescription à son égard entre l'ordonnance de référé du 25 janvier 1997 et l'assignation au fond du 18 mai 2009 ; les ordonnances étendant les opérations d'expertise à d'autres constructeurs n'auraient pas eu d'effet interruptif de prescription à l'égard de ceux qui étaient parties seulement à l'ordonnance initiale.

Quant au fond, la société Eiffage construction grands projets conteste que les désordres litigieux relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs et conteste avoir commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles ; elle conteste également le montant de l'indemnisation réclamée par la société Imefa 33.

Au soutien de ses appels en garantie, elle invoque des fautes qu'auraient commises ses sous-traitants et les maîtres d''uvre.

Par conclusions déposées le 15 septembre 2021, M. [F] demande à la cour de constater la caducité de la déclaration de saisine de la société Imefa 33 et de la déclarer nulle ; il sollicite la confirmation du jugement déféré, au moins pour ce qui concerne les autres sinistres que la « reprise des peintures en 1996 » ; subsidiairement il s'oppose aux demandes de la société Imefa 33 et, à défaut, sollicite la garantie de la Mutuelle des architectes français et de la société Eiffage construction grands projets ; il réclame une indemnité de 50 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] soutient que la société Imefa 33 ne lui a pas fait signifier la déclaration de saisine ou que celle-ci est nulle faute de préciser les chefs de jugement critiqués.

En ce qui concerne la prescription, il fait valoir que la société Imefa 33 n'a accompli à son égard aucun acte interruptif de prescription avant l'assignation au fond du 22 mai 2009, sauf, éventuellement, en ce qui concerne une partie des désordres.

Quant au fond du litige, M. [F] soutient que l'expertise retient sa responsabilité seulement en ce qui concerne les peintures, que les désordres sur ce point ne relèvent pas de la responsabilité décennale des constructeurs et qu'au surplus ils ne lui sont pas imputables ; il conteste tout manquement à ses obligations.

Dans ses rapports avec son propre assureur, M. [F] conteste la réduction proportionnelle qui lui est opposée en affirmant que si une erreur a été commise dans le calcul de sa cotisation celle-ci a cependant été rectifiée ; il ajoute que la Mutuelle des architectes français ne justifie pas de la réduction qu'elle prétend appliquer.

Par conclusions déposées le 13 juin 2022, M. [S] demande à la cour de déclarer caduque ou irrecevable sa saisine par la société Imefa 33, de déclarer prescrite l'action de cette société et de confirmer le jugement déféré ; il sollicite également le rejet de toutes les demandes à son encontre ou, subsidiairement, une limitation des sommes allouées à la société Imefa 33 ; il sollicite la garantie de la société Pinchinats, de la société Eiffage construction grands projets, de M. [F] et de la Mutuelle des architectes français ; enfin il réclame une indemnité de 8 400 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant de la saisine de la cour, M. [S] se réfère aux arguments développés par M. [F].

S'agissant de la prescription, M. [S] conteste l'existence de diligences à son encontre que la société Imefa 33 aurait accomplies dans le cadre de la procédure d'appel ayant donné lieu à l'arrêt du 5 mai 2000 ; il ajoute que les demandes des autres intervenants sont également irrecevables.

Quant au fond, M. [S] conteste sa responsabilité.

Par conclusions déposées le 15 juin 2022, la Mutuelle des architectes français demande à la cour de déclarer caduque ou irrecevable sa saisine par la société Imefa 33 ; elle sollicite la confirmation du jugement déféré ou le débouté de toute demande à son encontre ; subsidiairement, elle entend opposer à M. [F] et M. [S] une réduction proportionnelle de ses garanties à concurrence de 33,68 % du montant de leurs condamnations et invoque ses limites de garantie ; elle s'oppose à une condamnation in solidum ; reconventionnellement, elle sollicite la garantie de la société Eiffage construction grands projets et de la société Pinchinats ; enfin, elle réclame une indemnité de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Mutuelle des architectes français soutient que la société Imefa 33 n'a accompli aucun acte interruptif de prescription à son égard avant l'assignation du 18 mai 2009.

Quant au fond, elle s'associe aux contestations des autres défendeurs à l'action de la société Imefa 33 et, pour solliciter une réduction proportionnelle de l'indemnité d'assurance, invoque l'article L. 113-9 du code des assurances en reprochant à ses deux assurés de ne pas s'être acquittés de l'intégralité de la cotisation afférente à l'opération litigieuse.

MOTIFS

Sur la saisine de la cour

La caducité de la déclaration de saisine

Conformément à l'article 1037-1 alinéa 2 du code de procédure civile, la déclaration de saisine prévue par l'article 1032 de ce code doit être signifiée aux autres parties dans les dix jours de la notification de l'avis de fixation de l'affaire, à peine de caducité de cette déclaration.

La faculté offerte au président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée de relever d'office la caducité de la déclaration d'appel n'interdit pas aux parties de la soulever et aucune disposition n'attribue au seul président de la chambre le pouvoir de constater cette caducité. Dès lors, la société Imefa 33 soutient à tort que la demande de constatation de la caducité de la déclaration de saisine serait irrecevable.

En revanche, la déclaration de saisine a, en l'espèce, été signifiée à M. [F] le 7 juillet 2021, soit moins de dix jours après la notification, le 30 juin 2021, de l'avis de fixation. La régularité de cette signification n'est pas contestée et il importe peu, pour l'exécution des prescriptions rappelées ci-dessus, que la déclaration de saisine soit elle-même affectée d'une irrégularité.

En conséquence, il n'y a pas lieu de déclarer caduque la déclaration de saisine.

La nullité de la déclaration de saisine

Selon l'article 1033 du code de procédure civile, la déclaration de saisine doit contenir les mentions exigées pour l'acte introductif d'instance devant la juridiction de renvoi et une copie de l'arrêt de cassation doit y être annexée.

Il se déduit de ce texte que la déclaration de saisine déposée par la société Imefa 33 devait comporter les mentions prévues par l'article 901 du code de procédure civile, notamment l'énoncé des chefs du jugement expressément critiqués.

Cependant, conformément à l'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile, la nullité d'un acte pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public, et, en l'espèce, M. [F], qui seul sollicite le prononcé de la nullité de la déclaration de saisine, n'invoque aucun grief que lui causerait l'omission alléguée.

Dès lors, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la déclaration de saisine.

La recevabilité de la saisine

M. [S] et la Mutuelle des architectes français demandent à la cour de déclarer « caduque ou irrecevable » la saisine de la cour en se référant au moyen développé par M. [F] sur le fondement de l'article 1037-1 du code civil.

Cependant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la déclaration de saisine qui a été signifiée dans le délai prescrit par ce texte ne peut être déclarée caduque.

Par ailleurs, la demande tendant à ce qu'elle soit déclarée « irrecevable » ne repose elle-même sur aucun argument de fait ou de droit. Il convient donc de la rejeter.

Enfin, il convient de relever que la déclaration de saisine n'est pas une déclaration d'appel et que, conformément aux articles 624 et 625 de ce code, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et cette cassation replace les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la décision cassée ; dès lors, la saisine de la cour d'appel de renvoi, devant laquelle se poursuit l'instance d'appel introduite précédemment, n'est pas déterminée par les mentions de la déclaration de saisine. Il ne peut donc être considéré que la cour n'est pas saisie des chefs de jugement critiqués qui n'ont pas été mentionnés dans la déclaration de saisine.

Les demandes formées contre des tiers

Dans le dispositif de leurs conclusions, la société Pinchinats et la société Eiffage construction grands projets sollicitent la condamnation de la Smabtp et à les garantir et, pour la seconde, également celle de la société Maaf.

Cependant ces sociétés d'assurance ne sont plus parties au litige et les demandes formées contre elles par de simples conclusions sont irrecevables.

Sur les fins de non-recevoir

Conformément à l'ancien article 2270 du code civil et dont les dispositions sont désormais reprises par l'article 1792-4-1 de ce code, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du même code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux.

En l'espèce, la réception des travaux a été prononcée le 12 juillet 1995. La prescription de l'action en responsabilité contre les constructeurs a donc commencé de courir à cette date.

Selon l'ancien article 2244 du code civil, applicable avant l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, une citation en justice, même en référé, signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir.

Il se déduit de la disposition ci-dessus, d'une part, que seul l'auteur de la demande en justice est fondé à se prévaloir de l'interruption de la prescription résultant de cette demande et, d'autre part, qu'une demande en justice interrompt le délai de garantie décennale seulement en ce qui concerne les désordres qui y sont expressément mentionnés.

En l'espèce, le 12 juin 1997, la société Imefa 33 a fait assigner la société Pinchinats et la société Supae Île-de-France, aux droits de laquelle vient la société Eiffage construction grands projets, devant le juge des référés afin d'obtenir la désignation d'un expert chargé d'examiner, notamment, les décollements généralisés de peinture et les désordres acoustiques résultant de l'activité d'une salle de sport ; cette assignation a interrompu la prescription, à l'égard des sociétés défenderesses et pour ces deux désordres, jusqu'aux ordonnances rendues le 25 juin 1997 faisant droit à la demande et désignant deux experts distincts, Mme [G] pour la mission d'expertise générale incluant les décollements généralisés de peinture et M. [K] pour les seuls désordres acoustiques.

Par une ordonnance du 19 février 1998, le juge des référés a également fait droit à une demande de la société Imefa 33 contre la société Pinchinats et la société Supae Île-de-France et tendant à l'extension de la mission de Mme [G] à l'examen des désordres de type décollements de peinture ou fissures affectant les murs des appartements ; en ce qui concerne ces désordres, la prescription a donc de nouveau été interrompue à compter de la nouvelle assignation délivrée le 4 février 1998 et jusqu'à la date de l'ordonnance étendant la mission.

Enfin, à la demande de la société Supae Île-de-France, par ordonnance du 23 juillet 1999, le juge des référés a étendu la mission de Mme [G] à l'examen des dommages ayant affecté, durant les années 1995 et 1996, les « nourrices » installées par la société Remi, entreprise titulaire du lot plomberie ; sur l'appel de la société Gan, assureur de cette entreprise, la cour d'appel de Paris a annulé l'ordonnance qui lui était déférée et, statuant à nouveau, a néanmoins étendu la mission de l'expert à l'examen des dommages ayant affecté, durant les années 1995 et 1996, les « nourrices » installées par la société Remi. La société Imefa 33, défaillante en première instance, avait déposé en appel des conclusions tendant à ce qu'il lui soit donné acte qu'elle s'en rapportait à justice.

Par la suite, la société Imefa 33 a agi au fond devant le tribunal de grande instance de Paris par assignation des 22, 23, 26, 30 septembre et 1er octobre 2005 ; cependant, ces assignations ayant été annulées pour défaut de forme par ordonnance du juge de la mise en état du 11 janvier 2008, l'interruption de prescription qui en résultait doit être considérée comme non avenue, conformément aux dispositions de l'ancien article 2247 du code civil alors applicable.

La société Imefa 33 a réitéré son assignation au fond le 18 mai 2009.

Cependant, depuis l'ordonnance du 25 juin 1997 ayant désigné M. [K] en qualité d'expert et jusqu'à l'assignation ci-dessus intervenue plus de dix ans plus tard, la société Imefa 33 n'invoque aucune demande en justice relative aux désordres acoustiques provenant de la salle de sport exploitée au rez-de-chaussée de l'immeuble. Son action en responsabilité contre les constructeurs du chef de ce désordre était donc prescrite, qu'elle soit fondée sur la responsabilité de plein droit prévue par l'article 1792 du code civil ou sur la responsabilité de droit commun découlant de l'ancien article 1147 de ce code.

Au cours des dix années ayant précédé l'assignation du 18 mai 2009, la société Imefa 33 n'a pas davantage présenté de demandes relatives au désordre généralisé affectant les peintures des appartements. En effet, si elle a déposé en appel des conclusions pour s'opposer à l'infirmation de l'ordonnance du 23 juillet 1999 ayant étendu la mission de Mme [G], cette instance concernait exclusivement l'examen de dommages ayant affecté, au cours des années 1995 et 1996, des « nourrices » installées par l'entreprise titulaire du lot plomberie et dont il était soutenu que les conséquences avaient été réparées aux frais de la société Supae Île-de-France au cours de l'année 1996 ; en revanche, la mission de l'expert n'a pas été étendue en ce qui concerne les décollements généralisés de peinture, qu'il s'agisse d'investigations complémentaires ou de l'intervention de tiers aux opérations d'expertise. Ainsi, les conclusions de la société Imefa 33 déposées devant la cour d'appel de Paris sont susceptibles de constituer des demandes mais seulement pour ce qui concerne ses droits au titre des désordres affectant les « nourrices » installées par la société Remi, et elles n'ont pu avoir d'effet interruptif de prescription en ce qui concerne ses droits au titre du désordre distinct que constituent les décollements de peinture généralisés.

Le rapport d'expertise confirme notamment qu'il s'agit de deux désordres distincts en identifiant, d'une part, un désordre découlant des applications de peintures, qui affecte aussi bien les murs que les plafonds, les pièces sèches que les pièces humides, et à effet évolutif amenant à un sinistre généralisé à l'ensemble des appartements, et, d'autre part, un désordre consécutif à la défectuosité des nourrices qui est venu s'ajouter au sinistre général de décollements en provoquant des dégâts des eaux localisés ayant affecté un tiers des logements et auquel il a été remédié en janvier 1996 par un remplacement de tous les raccords défectueux.

Or, les demandes de la société Imefa 33 ne concernent pas les conséquences des fuites d'eau en provenance des nourrices, lesquelles ont été constatées, selon le recensement effectué par l'expert, dans une trentaine d'appartement, mais seulement les décollements généralisés de peinture ayant affecté l'ensemble des logements et résultant d'une application précipitée de la peinture sur un support béton encore humide, d'une application de la peinture en couche trop épaisse et d'une absence générale d'impression en violation des prescriptions du document technique unifié applicable.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société Pinchinats, la société Eiffage construction grands projets, M. [F], M. [S] et la Mutuelle des architectes français étaient fondés à se prévaloir de la prescription et en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Imefa 33 à l'encontre de ces défendeurs.

Sur les dépens et les autres frais

La société Imefa 33, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société Imefa 33 à payer à la société Pinchinats, à la société Eiffage construction grands projets, à M. [F], à M. [S] et à la Mutuelle des architectes français une indemnité de 3 000 euros chacun au titre des frais exclus des dépens ; elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

DIT n'y avoir lieu de déclarer caduque la déclaration de saisine ;

REJETTE l'exception de nullité de la déclaration de saisine soulevée par M. [F] ;

DIT n'y avoir lieu de déclarer irrecevable la déclaration de saisine ;

DÉCLARE irrecevable la demande de la société Pinchinats contre la Smabtp ;

DÉCLARE irrecevables les demandes de la société Eiffage construction grands projets contre la Smabtp et la société Maaf ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société Pinchinats, la société Eiffage construction grands projets, M. [F], M. [S] et la Mutuelle des architectes français étaient fondés à se prévaloir de la prescription et en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Imefa 33 à leur encontre ;

CONDAMNE la société Imefa 33 aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à chacun des défendeurs une indemnité de 3 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03221
Date de la décision : 26/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-26;21.03221 ?
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