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26/09/2022 | FRANCE | N°19/08918

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 26 septembre 2022, 19/08918


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54Z



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 SEPTEMBRE 2022



N° RG 19/08918 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TVIF



AFFAIRE :



SCI CRETE COTE VILLAGE



C/



SELARL ML CONSEILS





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES



N° RG : 18/04589



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :



à :



Me Dan ZERHAT



Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54Z

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 SEPTEMBRE 2022

N° RG 19/08918 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TVIF

AFFAIRE :

SCI CRETE COTE VILLAGE

C/

SELARL ML CONSEILS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° RG : 18/04589

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Dan ZERHAT

Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SCI CRETE COTE VILLAGE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, inscrit au avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731

APPELANTE

****************

SELARL ML CONSEILS, représentée par Maître [V] [O] prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société COMPAGNIE DES MAISONS DE BOIS (CMB)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, inscrit au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 80

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Juin 2022, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel ROBIN, Président, chargé du rapport et Madame Pascale CARIOU, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Séverine ROMI, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY,

****************

FAITS ET PROCÉDURE

Par deux marchés conclus le 10 juin 2010, la SCI Crête Côte village a commandé à la société Compagnie des maisons de bois (la société CMB) la fourniture et la pose de deux chalets en bois désignés comme E1 et E2 aux prix de 532 220 euros chacun. La société CMB a eu recours à un sous-traitant, la société High Castle. Le chalet E1 a été achevé, mais non le chalet E2.

Par acte d'huissier du 27 mai 2011, la SCI Crête Côte village a fait assigner la société CMB devant le tribunal de grande instance de Versailles en lui reprochant des retards dans l'exécution de ses obligations.

La société CMB a été placée en redressement judiciaire par jugement du 18 octobre 2011, puis en liquidation judiciaire par jugement du 14 février 2012.

Par jugement du 14 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Versailles a fixé la créance de la SCI Crête Côte village sur la liquidation judiciaire de la société CMB au titre des pénalités de retard dues pour les deux marchés de travaux, a débouté la société CMB de ses demandes en paiement des sommes de 80 411,24 et 79 833 euros et, avant dire droit sur le surplus, a ordonné la réouverture des débats afin que la SCI Crête Côte village démontre qu'elle s'est libérée de sa dette au titre du marché de travaux concernant le chalet E2.

Par jugement en date du 5 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Versailles, après avoir ordonné la disjonction de l'instance opposant la société High Castle à la SCI Crête Côte village de celle opposant la SCI Crête Côte village à la société CMB, a condamné la SCI Crête Côte village à payer au liquidateur judiciaire de la société CMB les sommes de 186 277 et 178 293,70 euros ainsi qu'une indemnité de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a considéré que les paiements que la SCI Crête Côte village prétendait avoir effectués entre les mains du sous-traitant ne respectaient pas les conditions posées par la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance et qu'ils ne pouvaient donc avoir d'effet libératoire.

Le 27 décembre 2019, la SCI Crête Côte village a interjeté appel de cette décision. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 15 juin 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience de la cour du 18 octobre 2021 ; lors de cette audience, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture et a renvoyé l'affaire à l'audience du 27 juin 2022, à l'issue de laquelle l'affaire a été mise en délibéré.

*

Par conclusions déposées le 25 janvier 2022, la SCI Crête Côte village demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de juger qu'elle s'est entièrement libérée de sa dette ; subsidiairement elle sollicite une compensation entre la créance éventuelle de la société CMB à son égard et celle qui lui a été reconnue ; en tout état de cause, elle réclame une indemnité de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Crête Côte village soutient avoir agréé tacitement le sous-traitant de la société CMB et invoque l'existence d'une action directe ouverte au sous-traitant ; elle fait notamment valoir qu'elle a eu connaissance de l'intervention de la société High Castle en novembre 2010, qu'elle a laissé cette société poursuivre ses travaux et qu'elle l'a payée. En février 2011, ce sous-traitant aurait réclamé le paiement de la somme de 97 761 euros. La SCI Crête Côte village affirme s'être libérée entre les mains de la société High Castle des sommes dues à la société CMB, en respectant les dispositions légales relatives à la sous-traitance, et après des mises en demeure adressées à l'entreprise principale.

La SCI Crête Côte village conteste par ailleurs la demande en paiement de la société CMB ; elle fait valoir que l'agrément donné au sous-traitant ne constitue pas une résiliation du contrat conclu avec l'entreprise principale ; elle ajoute qu'elle a payé la totalité des sommes dues au titre du chalet E2.

Subsidiairement, la SCI Crête Côte village invoque une compensation des créances réciproques.

Par conclusions déposées le 27 décembre 2021, le liquidateur de la société CMB demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter la SCI Crête Côte village de ses demandes et de la condamner au paiement d'une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le liquidateur de la société CMB approuve les motifs du jugement ; il affirme que la SCI Crête Côte village a traité directement avec le sous-traitant et que la société CMB s'est ainsi trouvée contrainte de résilier le marché concernant le chalet E2. Les paiements que le maître de l'ouvrage prétend avoir faits au sous-traitant ne seraient pas démontrés et ne pourraient avoir d'effet libératoire à l'égard de l'entreprise principale.

Le liquidateur de la société CMB s'oppose également à une compensation entre les créances réciproques en invoquant une absence de connexité entre elles.

MOTIFS

Sur le fond

Les paiements à la société High Castle

Nonobstant l'affirmation de la SCI Crête Côte village selon laquelle elle aurait agréé le sous-traitant de la société CMB, celle-ci n'a, en tout état de cause, consentie aucune délégation de paiement au profit de la société High Castle.

Par ailleurs, si la SCI Crête Côte village invoque l'action directe ouverte au sous-traitant et soutient que des mises en demeure avaient été adressées à l'entreprise principale, aucune pièce ne démontre l'envoi effectif des lettres qu'elle verse aux débats ; la production d'un courriel sibyllin daté du 9 février 2011, portant la seule mention « ci-joint lettre RAR confirmée par courrier ce jour » sans aucune autre indication faisant référence à une quelconque mise en demeure, est dépourvue de toute force probante.

En outre, les seuls paiements effectifs dont la SCI Crête Côte village justifie par une lettre du Crédit foncier sont, d'une part, un virement de 10 000 euros effectué le 3 février 2011, correspondant à une facture d'acompte « for the stage without air ' without water » de la société High Castle, datée du 31 janvier 2011 et adressée directement au maître de l'ouvrage, et, d'autre part, un virement de 10 751,27 euros effectué le 24 mars 2011, correspondant à une facture de « interior works chalet E2 ».

Or, le premier paiement est antérieur d'une semaine à la première mise en demeure que la société High Castle aurait adressée à la société CMB et il est concomitant à la résiliation du marché conclu avec cette société puisque, par lettre recommandée du 17 janvier 2011, l'entreprise principale avait mis le maître d'ouvrage de lui payer le « hors eau hors air » conformément à une facture du mois de décembre précédent et que, par lettre recommandée du 11 février 2011, elle dénonçait le retour sur le chantier, à la demande du maître d''uvre, des ouvriers de la société High Castle qui avaient cessé le travail depuis le 24 décembre 2010.

Ainsi, outre que la SCI Crête Côte village ne démontre pas avoir payé à la société High Castle les sommes réclamées par la société CMB, il résulte au contraire de ses propres pièces que le versement d'une somme forfaitaire de 10 000 euros correspond à un engagement pris par le maître de l'ouvrage directement avec le sous-traitant, en janvier 2011, afin d'évincer l'entreprise principale, et que le versement ultérieur de 10 751,27 euros correspond à des prestations convenues avec la société High Castle, autres que celles réalisées avant la résiliation du marché conclu avec la société CMB.

Dès lors, la SCI Crête Côte village est mal fondée à opposer au liquidateur de la société CMB des paiements faits à la société High Castle.

La compensation

Conformément à l'article L. 622-17 I du code de commerce, le jugement ouvrant une procédure collective n'interdit pas le paiement par compensation de créances connexes.

En l'espèce, la créance de la société CMB concernant le solde du prix du marché pour la construction du chalet E2 est connexe à la créance de la SCI Crête Côte village au titre des pénalités pour le retard dans la réalisation de ce même chalet, d'un montant de 63 000 euros ; il convient donc d'en ordonner la compensation.

En revanche, il n'y a pas lieu d'ordonner une telle compensation en ce qui concerne les pénalités de retard afférentes à la construction du chalet E1, d'un montant de 69 000 euros.

Sur les dépens et les autres frais

La SCI Crête Côte village, qui succombe, a été à juste titre condamnée aux dépens de première instance. Elle sera également condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; les circonstances de l'espèce justifient de condamner la SCI Crête Côte village à payer au liquidateur judiciaire de la société CMB une indemnité de 5 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel ; elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré ;

Ajoutant au jugement déféré,

ORDONNE la compensation entre les créances de la société CMB au titre des deux factures litigieuses et la créance de pénalités de retard de la SCI Crête Côte village au titre de la construction du chalet E2, d'un montant de 63 000 euros ;

DÉBOUTE la SCI Crête Côte village de sa demande de compensation avec les pénalités de retard pour la construction du chalet E1 ;

CONDAMNE la SCI Crête Côte village aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer au liquidateur judiciaire de la société CMB une indemnité de 5 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 19/08918
Date de la décision : 26/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-26;19.08918 ?
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