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22/09/2022 | FRANCE | N°19/03852

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 22 septembre 2022, 19/03852


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 22 SEPTEMBRE 2022





N° RG 19/03852



N° Portalis DBV3-V-B7D-TQSG





AFFAIRE :





[K] [M]



C/



Société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre
r>N° Section : Encadrement

N° RG : 15/02472



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Béatrice DE VIGNERAL



Me Anne-Bénédicte VOLOIR



Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE F...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° RG 19/03852

N° Portalis DBV3-V-B7D-TQSG

AFFAIRE :

[K] [M]

C/

Société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Encadrement

N° RG : 15/02472

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Béatrice DE VIGNERAL

Me Anne-Bénédicte VOLOIR

Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, fixé au 09 mars 2022, prorogé au 13 avril 2022, puis au 25 mai 2022, puis au 22 juin 2022, puis au 21 septembre 2022 et différé au 22 septembre 2022, les parties ayant été avisées dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [M]

né le 09 Avril 1959 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Béatrice DE VIGNERAL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1997

APPELANT

****************

Société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION

N° SIRET : 421 218 132

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne-Bénédicte VOLOIR de la SELARL CAPSTAN LMS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020 - Représentant : Me Elodie DARRICAU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sébastien LEBEAU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 janvier 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [K] [M] a été engagé à compter du 1er janvier 2005 par la société Alliance Santé, qui dépend du groupe Alliance Healthcare Répartition, avec une reprise d'ancienneté au 1er janvier 1990, en qualité de directeur des achats, statut cadre.

La convention collective applicable est celle de la répartition pharmaceutique.

Le 16 juillet 2015, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 24 juillet 2015 et a été mis à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 31 juillet 2015, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave.

M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre par requête reçue le 17 août 2015 afin de contester son licenciement et d'obtenir le versement de diverses sommes.

Par jugement du 04 octobre 2019, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- Déclaré que la démarche de M. [M] est recevable.

- Dit que M. [M] n'a pas été victime de harcèlement moral.

- Déclaré que le licenciement de M. [M] est avec cause réelle et sérieuse mais sans gravité extrême.

- Condamné la société Alliance Healthcare Répartition à payer à M. [M] :

- 29'739,39 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 973,93 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 104'376,83 euros au titre d'une indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonné à la société Alliance Healthcare la remise à M. [M] de documents sociaux conformes tels attestation Pôle Emploi, le solde de tout compte, le certificat de travail, tout cela sans astreinte.

- Condamné la société Alliance Healthcare aux entiers dépens

- Débouté M. [M] de l'ensemble de ses autres demandes.

- Débouté la société Alliance Healthcare de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration du 21 octobre 2019, M. [M] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 16 janvier 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [M], appelant, demande à la cour de :

- Déclarer M. [M] recevable en son appel et l'y dire bien fondé,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que M. [M] n'a pas été victime de harcèlement moral, que le licenciement de M. [M] est avec cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes formées au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, à titre de complément de prime sur objectifs et à titre de prime exceptionnelle,

Statuant de nouveau sur ces chefs,

- Condamner la société Alliance Healthcare Répartition au paiement des sommes suivantes, avec intérêts légaux :

- 237.915,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 50.000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- 13.000,00 euros à titre de complément de prime sur objectifs,

- 1.500,00 euros à titre de prime exceptionnelle,

En tout état de cause,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Alliance Healthcare Répartition au paiement des sommes suivantes :

- 29.739,39 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.973,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 104.376,83 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Alliance Healthcare Répartition au paiement de la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens d'instance.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 15 avril 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Alliance Healthcare Répartition, intimée, demande à la cour de :

Sur le harcèlement moral :

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a retenu que M. [M] n'a été victime d'aucun harcèlement moral dans le cadre de sa relation de travail avec la société Alliance Healthcare Répartition ;

En conséquence :

- Débouter M. [M] de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un harcèlement moral ;

Sur le licenciement et les primes :

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a débouté M. [M] de ses demandes formées au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de ses demandes au titre de complément de prime sur objectifs et à titre de prime exceptionnelle ;

- Infirmer le jugement rendu le 4 octobre 2019 par le Conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a condamné la société Alliance Healthcare Répartition à verser à Monsieur [M] :

- 29.739,39 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.973.93 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 104.376,83 euros au titre d'une indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a ordonné la remise à M. [M] de documents sociaux conformes tels que l'attestation Pôle emploi, le solde de tout compte, le certificat de travail,

En conséquence:

- Débouter M. [M] de sa demande en reconnaissance de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Débouter M. [M] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Débouter M. [M] de sa demande de complément de prime sur objectifs ;

- Débouter M. [M] de sa demande de prime exceptionnelle ;

- Débouter M. [M] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Reconventionnellement :

- Condamner M. [M] à verser à la société Alliance Healthcare Répartition la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er décembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur l'ancienneté du salarié

La société Alliance Healthcare Repartition soutient que l'ancienneté de M. [M] remonte au 1er janvier 2005, date du contrat conclu avec la société qui est son dernier employeur.

Elle fait valoir que l'ancienneté reprise de 15 ans ne concerne cependant que le calcul de la rémunération à l'embauche, la clause la prévoyant devant s'interpréter strictement.

Il est rappelé que toute reprise d'ancienneté doit résulter d'une disposition contractuelle.

Il résulte d'un examen des pièces produites que :

Le contrat de travail de M. [M] conclu le 31 décembre 2004 dispose que " la rémunération annuelle brute de Monsieur [M] est fixée à la somme de 92.740 euros, ce montant incluant une reprise d'ancienneté de 15 ans correspondant à 15% de la rémunération de base ".

La lettre de licenciement adressée à M. [M] mentionne :"vous avez été embauché le 1er janvier 2005, avec une reprise d'ancienneté au 1er janvier 1990 .

Les différents bulletins de salaire mentionnent pour chacun d'entre eux : " date d'entrée : 01/01/2005 - date d'ancienneté : 01/01/1990 ".

Une attestation remise par la société Alliance Healthcare Repartition au salarié le 1er juillet 2010 énonce que " Monsieur [M] (') travaille pour le compte de notre Société depuis le 1er janvier 1990 en contrat à durée indéterminée en qualité de Directeur des Achats .

Il se déduit de l'ensemble de ces pièces que la société Alliance Healthcare Repartition a bien effectué une reprise d'ancienneté du salarié à la date du 1er janvier 1990.

Le jugement déféré est confirmé.

- Sur le harcèlement moral

En application des articles L.1152-1, L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En l'espèce, M. [M] expose que les relations de travail se sont dégradées, qu'il a été retrogradé et indique avoir été victime de faits de harcèlement moral dans le cadre de ses fonctions.

Il verse aux débats, au titre du harcèlement qu'il invoque :

- un arrêt maladie pour syndrome " anxio-dépressif caractérisé " du 11 au 22 septembre 2015 ;

- une fiche récapitulative d'un premier examen médical du médecin du travail illisible reprenant l'absence d'arrêt de travail et l'arrêt maladie précité ;

- un bulletin de sortie du CHSA (pour un séjour du 21 au 29 septembre 2014) ;

- une fiche d'aptitude médicale en date du 1er juin 2015 où il a été jugé apte.

Il soutient avoir été oublié de la partie Relations Laboratoires. M. [M] n'apporte toutefois sur ce point aucun élément permettant de justifier en quoi notamment la volonté par son employeur de créer des 'Key Amount Manager' (KAM), pour présenter de façon transverse des opportunités, aurait eu pour conséquence de l'oublier de la partie relation laboratoires et ainsi de dégrader ses conditions de travail. Ce grief n'est pas retenu.

M. [M] se plaint en outre d'avoir du signer son entretien annuel d'évaluation au lendemain du décès de sa mère. Ce dernier n'apporte toutefois pas la preuve de la communication de cette information à ses responsables et il est au surplus établi qu'il a refusé de signer cet entretien d'évaluation de sorte que ce grief ne peut davantage être retenu.

M. [M] indique que la réorganisation du groupe a également eu pour effet de modifier certaines de ses conditions de travail et de les dégrader. Il fait ainsi valoir que plusieurs collaborateurs ont perdu en 2010 le statut de cadre dirigeant, dont lui-même. Il indique avoir subi notamment une perte de sa sur-retraite de 8% en 2011

Il verse sur ce point un courriel lui ayant été adressé le 17 septembre 2013 par Mme [Z] [E], Responsable de Gamme "Dispositifs Médicaux" et à son équipe et rédigé comme suit :

De : [E] [Z]

Envoyé : mardi 17 septembre 2013 14:09

" Bonjour à tous,

Suite au désaveu de [D] hier vis-à-vis d'[K] et de notre Direction dans la mise en place de l'organisation KAM /RG, je vous soumets une proposition de courrier à l'attention d'[R] [I] / Copie [U] [D] [F] faisant un état factuel de nos activités, revenus et compétences, et demandant à ce qu'un audit interne soit organisé.

Une réunion entre nous me paraît indispensable et urgente si nous souhaitons conserver nos postes et recadrer l'organisation pour le bon développement de notre Société. Ce courrier est signé en nos noms, étant partie sur la solidarité d'une équipe unie et soudée. Toutefois, vous restez bien entendu maître de votre implication ou non.

Je vous propose que nous en reparlions très sérieusement au plus vite tous ensemble. Restant à votre écoute. Bien sincèrement, [Z] ".

- Dans le cadre d'une meilleure collaboration avec les 'Key Amount Manager' nouvellement créées, il soutient que la société a privilégié les open-spaces en supprimant les bureaux individuels, dont le sien.

Il affirme que les changements de ses supérieurs hiérarchiques ont ainsi affecté ses conditions de travail en les dégradant, ainsi que son état de santé.

Il résulte des pièces produites que M. [M] établit une dégradation de son état santé.

Il établit en outre un changement de contenu de son poste de travail par lequel il a perdu son statut de cadre dirigeant au motif d'une réorganisation de l'entreprise, constituant une réduction de ses fonctions et de ses avantages, la suppression de son poste de cadre dirigeant sur l'organigramme à la suite des changements opérés par l'employeur, la perte de son bureau individuel au profit d'open-spaces et enfin, l'altération de son état de santé.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer des agissements de harcèlement moral et il incombe à l'employeur de démontrer qu'ils sont étrangers à des faits de harcèlement.

L'employeur conteste ces états de faits :

- S'agissant du changement de contenu de son poste de travail par la perte du statut de cadre dirigeant au motif d'une réorganisation de l'entreprise ainsi que de la suppression de son poste de cadre dirigeant sur l'organigramme, l'employeur soutient qu'elles sont fondées en raison de son pouvoir de direction et de la nécessité de réorganiser le fonctionnement de l'entreprise et que M. [M] ne s'en est en outre jamais plaint après une période de cinq années consécutives;

L'employeur ne justifie ce faisant pas de l'absence de toute rétrogradation de M. [M] qui figurait dans un précédant organigramme en tant que cadre dirigeant en 2008; et ne justifie nullement de la pertinence de ce changement de statut dont son seul pouvoir de direction ne saurait à lui seul l'exonérer.

- S'agissant de la rétrogradation, par suppression du bureau individuel du salarié au profit d'open-spaces, la société soutient que dans le cadre d'une meilleure collaboration avec les 'Key Amount Manager' nouvellement créées, elle a privilégié les open-spaces en supprimant les bureaux individuels, et qu'il s'agit là encore d'une décision prise dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur n'ayant aucune vocation à harceler un salarié en particulier.

Ces affirmations de l'employeur ne sont pas de nature à priver d'effets les agissements constitutifs de harcèlement moral établis à l'égard du salarié qui non seulement s'est vu rétrograder dans ses fonctions en perdant son statut de cadre dirigeant, mais a perdu le bénéfice d'un bureau individuel qui constitue en soi une dégradation de ses conditions de travail sans qu'il ne soit établi par l'employeur en quoi une meilleure collaboration avec les 'Key Amount Manager' nécessitait le passage d'un bureau individuel à des open-spaces

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Alliance Healthcare Repartition ne justifie pas par des raisons objectives les différentes mesures prises à l'égard de M. [M] consistant notamment à le rétrograder, à supprimer une partie de ses tâches, et a dégrader ses conditions de travail.

Il est par ailleurs démontré que ces faits ont eu un retentissement néfaste sur l'état de santé du salarié démontré par les nombreux documents médicaux produits aux débats.

Le jugement déféré sera dès lors infirmé, le harcèlement moral de l'employeur à l'égard de M. [M] demeurant établi.

- Sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi

M. [M] a été, dans le cadre de ses fonctions, victime de faits de harcèlement moral et ce dernier justifie d'un préjudice qu'il convient d'indemniser.

La décision déférée sera dès lors infirmée et la société Alliance Healthcare Repartition condamnée au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de son harcèlement moral.

- Sur le complément de prime sur objectifs

M. [M] bénéficiait d'une rémunération variable dans les termes suivants :

" Un bonus annuel sera versé en avril de chaque année, selon des modalités de calculs qui vous seront précisées rapidement. Il pourra atteindre, annuellement, 15.000 euros'.

Exceptionnellement les premiers versements de bonus s'effectueront de la manière suivante 5000 euros en juillet 2005 et 5000 euros en janvier 2006 (solde éventuel en avril 2006)'.

Il est établi que M. [M] n'a pas perçu de rémunération variable au titre de l'année 2014/2015 et cela sans explication, ni justification de la part de son employeur.

Or, il appartient à l'employeur d'adresser chaque année au salarié les objectifs lui étant assignés, ce qui n'a pas été fait au titre de l'année 2014-2015, de sorte que l'employeur n'est pas fondé à soutenir que le bonus annuel constituant une prime sur objectifs, seule la réalisation de l'objectif déclenche le versement de la somme due et qu'en l'absence de la réalisation d'objectifs, M. [M] ne peut percevoir cette prime.

En l'absence des objectifs assignés au salarié au titre de l'exercice 2014-2015, il convient de se référer à la prime sur objectifs perçue par le salarié l'année 2013 précédente.

La Cour infirme le jugement déféré et condamne la société Alliance Healtcare Repartition à payer à ce titre à M. [M] la somme de 13.000,00 euros.

- Sur la prime exceptionnelle

M. [M] sollicite au titre du paiement d'une prime exceptionnelle, la somme de 1.500 euros.

Le salarié ne justifie cependant d'aucun élement permettant d'établir que l'employeur lui serait redevable d'une telle prime exceptionnelle.

Le jugement ayant débouté le salarié de cette demande de paiement sera dès lors confirmé

- Sur le licenciement pour faute grave

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la société Alliance Healtcare Repartition reproche au salarié son comportement agressif et menaçant, à de multiples reprises et un manquement préjudiciable à l'entreprise de son devoir de confidentialité.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. La faute grave s'entend d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave.

La lettre de licenciement du 31 juillet 2015 reproche au salarié les faits suivants :

- Il est tout d'abord reproché au salarié d'avoir, le 9 juillet 2015, invectivé, dans le cadre d'une réunion interne, le contrôleur de gestion, Monsieur [C] [G].

Il est relevé que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, ne précise pas dans quelles conditions ce dernier aurait été " pris à parti "et les faits reprochés au salarié ne sont corroborés par aucune pièce, ni même par l'interessé M. [G] qui ne verse aux débats aucune attestation.

Aucune parole violente ou injurieuse ne peut dès lors être établie pour la journée du 31 juillet 2015.

Ce grief ne peut être retenu.

- La société Alliance Healtcare soutient ensuite qu'un tel comportement ne serait pas isolé.

Elle fait état de trois incidents précédents n'ayant donné lieu à aucune observation, ni sanction, ni rappel à l'ordre.

- la société Alliance Healtcare fait ainsi valoir que, le 30 octobre 2014, M. [M] se serait emporté et serait allé dans le bureau du Directeur des Ressources Humaines France en hurlant qu'il aurait un dossier contre l'entreprise et que cela coûterait cher de le virer.

A supposer qu'ils soient établis, ces faits qui n'ont donné lieu à aucune sanction et remontant à plus de deux mois avant le licenciement, sont prescrits et ne peuvent dès lors venir constituer un grief du licenciement

La société Alliance Healtcare énonce ensuite, dans la lettre de licenciement, que le 2 juillet 2015 'lors d'une réunion où les départements marketing et communication, en association avec les différentes divisions du groupe exposaient leur travail sur une nouvelle présentation de notre société aux laboratoires, vous avez émis un avis extrêmement cynique selon vos propres termes : 'avant nous ne savions pas travailler, maintenant grâce à vous nous allons pouvoir être professionnels'. Ce type de commentaire venant d'un manager de votre niveau est inadmissible d'autant plus que vous l'avez exprimé devant vos collaborateurs et en présence de collègues qui ont réalisé le travail : vous décrédibilisez le travail d'autres départements ".

Ces propos ne sont pas de nature à établir une faute ou un manquement du salarié et sont en outre

justifié par la réalisatrice de la présentation au Marketing Communication, Madame [A] [B], qui a adressé, le courriel suivant au salarié :

"From: [A] Charbit

Sent: Saturday, July 25, 2015 10:21 AM To: [Courriel 5] Subject: Hello!

[K]

Je tenais à te témoigner mon soutien dans ces moments difficiles .j'ai été particulièrement choquée et c'est le juste mot par la démarche brutale de l'entreprise à ton égard au regard de ton investissement .Je sais que tu es quelqu'un avec plein de ressources et de résistance et que tu sauras rebondir au mieux de tes intérêts ...

La place vide à ton bureau en cette période de vacances et de départ se fait moins ressentir mais ton équipe et tous ceux qui ont travaillé avec toi prendront conscience dès septembre du manque... Et je suis sûre que nous regretterons tous tes coups de gueule et ta réactivité sur tous les sujets.

Bien à toi

[A] - 06 67359103 - Envoyé de mon iPhone "

Ce grief ne sera dès lors pas non plus retenu.

La société Alliance Healtcare reproche ensuite, le 15 juillet 2015, à M. [M] les faits suivants:

" Dernièrement, le 15 juillet 2015, une réunion sur le " pipeline " a dû être interrompue à cause de votre comportement accusateur et véhément.

Votre responsable direct a essayé à maintes reprises de vous faire prendre conscience de ces problèmes. En effet, vous n'écoutez personne, vous menacez régulièrement l'entreprise et son management, vous hurlez, vous vous emportez avec une telle véhémence que vous effrayez les personnes présentes.

Cette attitude est d'autant plus inacceptable que vous occupez un poste élevé au sein de notre hiérarchie. De part vos fonctions vous représentez l'entreprise et nous ne pouvons plus admettre que l'un de nos dirigeants ait des réactions disproportionnées et inquiétantes pour ses interlocuteurs.

Un tel comportement rend difficile la poursuite normale de toute conversation et a fortiori le partage d'informations stratégiques concernant l'entreprise ".

Il est établi que cette réunion portait sur l'organisation de la permanence de la période de vacances et au cours de laquelle il n'est établi par aucune pièce de l'employeur que le salarié a eu un comportement accusateur ou véhément, alors que la charge de la preuve repose sur l'employeur.

Si la lettre de licenciement fait grief à M. [M] d'avoir fait preuve d'un comportement menaçant, accusateur, véhément, agressif ou encore irrespectueux, l'employeur ne caractérise pas ce comportement qu'aucune pièce du dossier ne vient étayer.

Ce grief n'est dès lors pas établi.

La lettre de licenciement reproche en dernier lieu à M. [M] un manquement à son obligation de confidentialité.

La société Alliance Healtcare soutient que le salarié aurait, à plusieurs reprises, violé son obligation de confidentialité.

Elle fait valoir que ces manquements auraient fragilisé ses rapports commerciaux avec ses clients.

La société Alliance Healtcare énonce que le 21 mai 2015 lors d'un rendez-vous en présence de Monsieur [X] [D] [F] et Monsieur [H] [V], au sein de la société Novartis, M. [M] aurait " divulgué des informations et des chiffres extrêmement sensibles à savoir le poids que ce laboratoire représente dans le total de notre escompte ", l'affaiblissant ainsi dans le cadre des négociations en cours.

Or, il est établi par les pièces du dossier que la société Alliance Healtcare, dans le cadre d'une réunion qui s'est tenue le 23 décembre 2014 en présence de Monsieur [D] [F], Monsieur [T], Madame [Y] [W] et Monsieur [P] [O], Directeur National Relations Institutionnelles et Economiques au sein de la société Novartis, avait déjà elle même annoncé une baisse future de l'escompte de 0.70% accordé à tous les répartiteurs dans leurs Conditions Générales de Vente en leur présentant une étude comparative avec les autres laboratoires.

Monsieur [O] faisait alors notamment état de ce que la société Novartis représentait 20 à 25 % des remises effectuées par les répartiteurs en France.

La société Alliance Healtcare n'est dès lors pas fondée à venir reprocher par la suite à son salarié d'avoir divulgué des informations et des chiffres sensibles liés au poids représenté par le laboratoire Novartis dans le total d'un escompte lui étant consenti, qui l'aurait affaiblie dans ses négociations en cours, alors qu'elle est elle-même à l'origine de la divulgation de ces informations à ce laboratoire dès le 23 décembre 2014.

L'absence d'éléments tangibles de la part de société Alliance Healtcare conduit à rejeter cet autre grief comme non établi.

Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi de faits justifiant la mesure de licenciement qui sera donc jugé sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant également infirmé sur ce point.

- Sur les demandes indemnitaires

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et sur l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

L'article L 1234-5 du Code du travail dispose que " Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice ".

Le licenciement prononcé à l'encontre de M. [M] est sans cause réelle et sérieuse.

Il convient d'allouer à M. [M] la somme de 29.739,39 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 2.973,93 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, sommes que la société Alliance Healtcare sera condamnée à payer à M. [M].

Le jugement est confirmé.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

L'article L 1234-9 du Code du travail dispose que " le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement ".

Ce dernier bénéficiait, lors de son embauche, d'une reprise d'ancienneté depuis le 1er janvier 1990, soit une ancienneté totale, au moment du licenciement, de vingt-cinq ans et dix mois incluant la durée du préavis).

Le calcul de cette indemnité court à compter du 1er janvier 1990.

En conséquence, il convient de condamner la société Alliance Healtcare à payer à M. [M] la somme de 104.376,83 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et de confirmer le jugement.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L 1235-3 du Code du travail, dans sa version applicable, dispose que " si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9".

Le licenciement de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le licenciement a causé à M. [M] un préjudice professionnel, moral et financier.

Il n'a pas retrouvé de travail et a été contraint d'envisager une reconversion professionnelle.

Il convient de condamner la société Alliance Healthcare Repartition à payer à M. [M] une somme de 118. 957 euros, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Alliance Healthcare Repartition à Pôle emploi, partie au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'il a versées le cas échéant à M. [M] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La société Alliance Healthcare Repartition qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de la condamner à payer à M. [M] la somme de 2.800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité allouée à ce titre par le Conseil des Prud'hommes.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 04 octobre 2029 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés:

Dit que le licenciement de M. [M] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Alliance Healthcare Repartition à payer à M. [K] [M] les sommes suivantes :

- 118. 957 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 13.000 euros à titre de primes sur objectifs pour l'exercice 2014-2015,

Ordonne le remboursement par la société Alliance Healthcare Repartition des indemnités de chômage qu'elle a versées le cas échéant à M. [K] [M] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois d'indemnités,

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Condamne la société Alliance Healthcare Repartition à payer à M. [K] [M] la somme de 2.800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Déboute la société Alliance Healthcare Repartition de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la société Alliance Healthcare Repartition aux dépens de première instance et d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03852
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;19.03852 ?
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