COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 26H
DU 20 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/07470
N° Portalis DBV3-V-B7F-U4UP
AFFAIRE :
[F], [S] [A] veuve [X],
C/
[K] [B]-[X]
LE PROCUREUR GENERAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 20/04984
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Marie laure PLANTIE PIANA,
-Me Kazim KAYA,
- le Procureur Général
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [F], [S] [A] veuve [X]
représentée par M. [C] [G], ès qualités de tuteur, demeurant [Adresse 4] à [Localité 8]
née le 30 Novembre 1928 à [Localité 12]
de nationalité Française
EHPAD '[9]'
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Marie laure PLANTIE PIANA, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 297 - N° du dossier [X]
Me Sylvie DELHEURE, avocat - barreau de TOULOUSE, vestiaire : 120
APPELANTE
****************
Monsieur [K] [B]-[X]
né le 05 Novembre 1956 à [Localité 13] (LIBAN)
de nationalité Syrienne
Élisant domicile au cabinet de Me Gozlan
[Adresse 1]
[Localité 7]
représenté par Me Kazim KAYA, avocat postulant - barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574 - N° du dossier [B]
Me Gary GOZLAN, avocat - barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 310
INTIMÉ
****************
LE PROCUREUR GÉNÉRAL
COUR D'APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 3]
[Localité 6]
pris en la personne de Mme TRAPERO, Avocat général
PARTIE JOINTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil le 13 Juin 2022, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente, chargée du rapport et Madame Nathalie LAUER, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [N] [X] et Mme [A] se sont mariés le 11 octobre 1951.
Par jugement du 17 janvier 1990, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé l'adoption simple de M. [B], né le 5 novembre 1956 à [Localité 13] (Liban), par M. [N] [X] et Mme [A], son épouse, lesquels n'avaient pas d'enfant.
[N] [X] est décédé le 28 octobre 2015.
Par jugement du 12 janvier 2018, le tribunal d'instance de Muret a prononcé une mesure de curatelle renforcée à l'égard de Mme [X] et désigné M. [G] en qualité de curateur.
Par jugement du 6 avril 2018, le juge des tutelles de Muret a transformé la mesure de curatelle renforcée en mesure de tutelle pour une durée de 120 mois et désigné M. [G] en qualité de tuteur pour la représenter et administrer ses biens et sa personne.
Par acte du 29 juin 2020, Mme [X], représentée par son tuteur M. [G], a fait citer M. [B]-[X] devant le tribunal judiciaire de Nanterre afin d'obtenir la révocation pour motifs graves de l'adoption simple prononcée le 17 janvier 1990, dire que M. [B]-[X] reprendra son nom de naissance et le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Débouté M. [G], ès qualités, tuteur de Mme [X], de sa demande de révocation de l'adoption simple de M. [B]-[X] prononcée le 17 janvier 1990 par le tribunal de grande instance de Paris,
- Débouté M. [B]-[X] de sa demande de dommages-intérêts,
- Condamné M. [G], ès qualités de tuteur de Mme [X], à payer à M. [B]-[X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [G], ès qualités de tuteur de Mme [X], aux dépens,
- Dit que le présent jugement sera notifié aux parties conformément aux articles 675 et suivants du code de procédure civile.
Mme [X] a interjeté appel de ce jugement le 17 décembre 2021 à l'encontre de M. [B]-[X].
Le dossier a été communiqué à M. le Procureur Général près la cour d'appel de Versailles qui y a apposé son visa le 10 janvier 2022.
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai rendu le 24 janvier 2022 en application des articles 905, 905-1 et 905-2 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 21 avril 2022, Mme [A] veuve [X], représentée par M. [G], ès qualités de tuteur de cette dernière, demande à la cour, au fondement des articles 370, 370-1 du code civil, de :
- Déclarer irrecevable la demande nouvelle de M. [B]-[X] de solliciter la condamnation de M. [G] en sa qualité de tuteur à autoriser M. [B]-[X] à contacter immédiatement sa mère adoptive Mme [X],
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de révocation de l'adoption simple de M. [B]-[X] prononcée le 17 janvier 1990 par le tribunal 'de grande instance de Paris' et l'a condamné à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau :
- Révoquer l'adoption simple de M. [B]-[X] par M. et Mme [X] prononcée le 17 janvier 1990 par le tribunal de grande instance de Paris,
- Ordonner la transcription du jugement de révocation à intervenir conformément à l'article 370-1 du code civil,
- Juger que M. [B]-[X] reprendra son nom de naissance à savoir [B],
- Confirmer le jugement sur le surplus en ce qu'il a débouté M. [B]-[X] de sa demande de dommages et intérêts,
- Condamner M. [B]-[X] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions notifiées le 3 mai 2022, M. [B]-[X] demande à la cour de :
- Le recevoir en sa défense,
Y faisant droit,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [G], ès qualités de tuteur de Mme [X] de sa demande de révocation de son adoption simple prononcée le 17 janvier 1990 par le tribunal de grande instance de Paris,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour réparation de son préjudice moral,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [G], ès qualités de tuteur de Mme [X] à lui payer la somme de 1 500 euros au lieu de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En conséquence,
- Constater l'absence de motifs graves susceptibles de révoquer son adoption simple, - Constater la stabilité et le maintien de l'adoption simple prononcée le 17 janvier 1990 et de toutes ses conséquences juridiques qui en découlent,
- Condamner M. [G] en sa qualité de tuteur à lui verser la somme symbolique de 1 euro au titre de réparation de son préjudice moral,
- Rejeter les demandes de M. [G] en sa qualité de tuteur visant à révoquer son adoption simple, transcrire le jugement de révocation à intervenir conformément à l'article 370-1 du code civil et à reprendre le nom de naissance de M. [B]-[X] à savoir [B],
- Condamner M. [G] en sa qualité de tuteur à l'autoriser à contacter immédiatement sa mère adoptive Mme [X],
En tout état de cause,
- Condamner M. [G] en sa qualité de tuteur à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [G] en sa qualité de tuteur aux entiers dépens.
Le ministère public a notifié son avis par la voie du réseau privé virtuel des avocats le 19 mai 2022 aux termes duquel il demande à la cour de :
- Confirmer la décision du tribunal judiciaire de Nanterre du 23 novembre 2021 déboutant Mme [X] de sa demande de révocation de l'adoption simple de M. [B]-[X].
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel et à titre liminaire,
Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.
La cour rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Par 'prétention', il faut entendre, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux. Par voie de conséquence, les 'constater' ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l'examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour ne répondra de ce fait à de tels 'constater' qu'à condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée au dispositif des dernières conclusions et, en tout état de cause, pas au dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.
Sur la recevabilité de la demande nouvelle de M. [B]-[X]
' Moyens des parties
Se fondant sur les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, Mme [A] veuve [X] demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de M. [B]-[X] tendant à la condamnation de son tuteur à l'autoriser à contacter immédiatement sa mère adoptive, soit l'appelante.
Au surplus, elle rappelle, au fondement des articles 459-2 et 458 du code civil, 4 de la charte des droits et des libertés de la personne majeure protégée, de la jurisprudence de la Cour de cassation, (en particulier, 1re Civ., 6 novembre 2013, pourvoi n° 12-23.766, Bull. 2013, I, n° 217) que l'accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée de sorte que le tuteur du majeur protégé n'a pas le pouvoir d'accorder cette autorisation.
M. [B]-[X] ne répond ni aux objections de forme ni aux objections de fond relativement à cette demande, mais fait valoir que les moyens développés par le tuteur de Mme [A] veuve [X] démontrent à l'évidence que la partie adverse cherche, par tous les moyens, à l'empêcher d'entrer en contact avec sa mère de sorte que la cour devra accueillir favorablement sa demande. Il soutient que l'entourage toulousain de sa mère n'a pas cessé de lui interdire ces contacts et produit le témoignage de son frère [Z] [B] qui le confirmerait (pièce 29).
Le ministère public souligne que cette demande est nouvelle en cause d'appel et apparaît dès lors irrecevable par application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile. Il ajoute que, conformément aux dispositions de l'article 459-2 du code civil, seul le juge des tutelles en charge de la mesure de protection est compétent pour statuer en cas de difficulté sur les relations personnelles et les droits de visite d'un majeur protégé avec les tiers, parents ou non.
' Appréciation de la cour
Selon l'article 64 du code de procédure civile, 'Constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.'
Il s'ensuit que, lorsque la prétention du défendeur n'a pour objet que de contredire le droit invoqué par le demandeur pour obtenir le rejet de sa demande, la 'demande' du défendeur constitue une défense au fond quand bien même il l'aurait qualifiée de demande reconventionnelle (par exemple Civ 3ème 3 mai 2001, Bull n° 57; Soc, 10 janvier 2001, n° 9844964 ; Assem. Plén. 22 avril 2011, n° 0916008, Bull AP n 4).
Aux termes de l'article 70 du même code, 'Les demandes reconventionnelles [...] ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.'
Enfin l'article 567 du code de procédure civile dispose que 'Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.'
La demande reconventionnelle se définit comme celle par laquelle le défendeur originaire c'est-à -dire le défendeur à la demande initiale - prétend obtenir un avantage autre que le rejet de la prétention adverse. Cette demande ne peut être formée que par le défendeur originaire contre le demandeur originaire.
La recevabilité de telles demandes en cause d'appel est uniquement subordonnée à la condition posée par l'article 70 du code de procédure civile, à savoir qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, et non aux conditions édictées par les articles 564 et suivants du même code (voir par exemple 3e Civ., 17 septembre 2013, pourvoi n° 12-19.004).
La demande de M. [B]-[X] s'analyse en une demande reconventionnelle, celui-ci étant défendeur et prétendant obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.
Or, en l'espèce, les demandes originaires de Mme [A] veuve [X], demanderesse à l'instance, tendaient à obtenir la révocation de l'adoption simple prononcée le 17 janvier 1990 pour motifs graves. La demande de M. [B]-[X], nouvelle en cause d'appel, a pour objet la condamnation du tuteur de sa mère à l'autoriser à contacter immédiatement sa mère adoptive Mme [X]. Il est ainsi manifeste que cette demande nouvelle de M. [B]-[X] en cause d'appel ne se rattache pas aux demandes originaires par un lien suffisant.
Cette demande sera dès lors déclarée irrecevable.
Au surplus, c'est avec raison que Mme [A] veuve [X] et le ministère public font valoir que, conformément aux dispositions de l'article 459-2 du code civil, seul le juge des tutelles en charge de la mesure de protection est compétent pour statuer en cas de difficulté sur les relations personnelles et les droits de visite d'un majeur protégé avec les tiers, parents ou non.
Il revient dès lors à M. [B]-[X], le cas échéant, de saisir le juge des tutelles de cette demande.
Sur la demande de révocation de l'adoption simple de M. [B]-[X]
' Moyens des parties
Se fondant sur les dispositions de l'article 370 du code civil et la jurisprudence tant des cours d'appel de Pau, Rouen, Paris que de la Cour de cassation (1re Civ., 20 mars 1978, pourvoi n° 76-13.415, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 1 N 114 p. 93), Mme [A] veuve [X] fait valoir que l'adoption simple peut être révoquée pour motifs graves et que les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour l'apprécier. Selon elle, il résulte de cette jurisprudence que les faits doivent révéler une altération irrémédiable des liens affectifs entre l'adoptant et l'adopté et être de nature à rendre moralement impossible le maintien des liens créés par l'adoptant ou, tout au moins éminemment souhaitable leur cessation. L'appelante observe qu'il résulte encore de cette jurisprudence que l'appréciation de l'altération irrémédiable des liens entre l'adopté et l'adoptant dépend de l'âge et de l'état de santé pour celui dont l'adoption est rendue insoutenable en tenant compte de l'attitude de l'autre à son égard. En d'autres termes, selon Mme [A] veuve [X], le caractère irrémédiable de l'altération du lien familial résultant d'une totale ignorance pendant plusieurs années de la part du fils adoptif envers sa mère constitue un motif grave justifiant que soit prononcée la révocation de l'adoption.
Mme [A] veuve [X] souligne que l'adoption, par les liens qu'elle crée dans la famille de substitution, suppose l'existence de liens affectifs réciproques de nature à permettre à chacun des protagonistes de favoriser l'épanouissement et le maintien.
Elle soutient que si elle et son époux ont entendu adopter M. [B]-[X] en 1990 c'était en raison de l'absence d'enfant biologique né dans leur couple et leur projet de construire une famille avec des liens affectifs pérennes. Selon elle, il n'en allait pas de même pour M. [B]-[X] puisque, adopté à l'âge de 32 ans, seulement deux années après sa rencontre avec le couple [A]-[X], c'est de manière erronée et inopérante qu'il dit avoir consacré toute sa jeunesse auprès de ses parents adoptifs et que leurs échanges étaient respectueux et cordiaux. Erronée car adopté à l'âge de 32 ans et ayant connu ses futurs parents adoptifs à l'âge de 30 ans, prétendre avoir consacré sa jeunesse à ceux-ci est largement exagérée. Inopérante car la relation entre des parents et leur enfant s'analyse en un lien affectif et pas en de simples échanges.
Elle fait valoir que M. [B]-[X] ne s'est plus investi dans le lien familial depuis de nombreuses années et a laissé sa mère adoptive dans l'indifférence en vivant à plus de 10 000 kilomètres et surtout au regard de son état de santé. Elle souligne qu'alors qu'elle sombrait dans une profonde dépression à la suite du décès de [N] [X], il a disparu et est parti vivre à l'étranger. Selon elle, ce comportement s'analyse en un abandon indigne d'un fils adoptif qui rend insupportable pour sa mère adoptive le maintien des liens créés par l'adoption.
Elle conteste que la qualification retenue par les premiers juges de 'mésentente actuelle' entre mère et fils expliquant un important relâchement des contacts entre eux depuis plusieurs années car, selon elle, il ne s'agit pas d'une mésentente mais davantage d'un comportement et d'une attitude d'indifférence et d'abandon de la part d'un fils pour sa mère revêtant un caractère indigne rendant insupportable pour l'adoptante le maintien des liens créés par l'adoption.
Elle indique qu'à la suite du décès de son mari, avec lequel elle avait vécu 64 années, âgée de 87 ans, alors qu'elle vivait à [Localité 11], son fils qui vivait depuis une vingtaine d'années au Canada dans l'état de l'Ontario est venu vivre à [Localité 11] auprès de sa mère, mais la cohabitation s'est avérée dramatique pour elle. Elle ajoute qu'elle s'est ensuite rendue au Canada fin 2015-début 2016, mais a été totalement délaissée par son fils et, après un court séjour au Maroc, elle est revenue vivre à [Localité 11]. Elle souligne avoir dû intégrer contre son gré une résidence destinée à l'accueil des seniors et cette expérience fut catastrophique car, non seulement M. [B]-[X] s'était débarrassée de sa mère dans cet établissement, mais en outre, il n'est jamais allé l'y trouver.
Déstabilisée, vivant dans un climat d'insécurité affective, après de multiples appels au secours auprès de son entourage, elle dit avoir été recueillie à [Localité 8] par sa cousine Mme [J].
Elle fait valoir qu'elle a été placée dans une situation d'isolement et de détresse totale, comme en témoigne Mme [P] (pièce 6) laquelle décrit son désarroi, la peur que lui inspirait son fils (pièce 7) qu' 'elle ne reconnaissait plus' (pièce 8). Elle souligne que Mme [P] a reçu ses confidences sur le séjour passé auprès de son fils au Canada ; qu'elle précise dans son témoignage que M. [B]-[X] lui a confisqué son téléphone ; qu'elle y indique également qu'elle ne reconnaissait plus la personnalité de son amie (pièce 9) ; qu'il apparaît, selon Mme [A] veuve [X], que M. [B]-[X] a profité du séjour au Canada pour la conditionner afin de parvenir à ses fins.
Mme [A] veuve [X] indique que le différend avec son fils a atteint son paroxysme au début de l'année 2016 à l'occasion de la vente de son appartement de [Localité 11] où elle a pu se rendre compte que son fils a tenté d'optimiser la future succession en décidant de mettre en vente le bien à 740 000 euros et ce contrairement aux avis de professionnels de l'immobilier qui l'évaluaient à une fourchette de 620 000 euros à 650 000 euros hors droits. M. [O] a témoigné des manigances de M. [B]-[X] (pièce 10) et lui a conseillé de déposer plainte au commissariat pour abus de faiblesse contre son fils adoptif, ce qu'elle a fait (pièce 11). Elle soutient donc que le but de M. [B]-[X] depuis son adoption a été celui de s'enrichir à l'insu de ses parents adoptifs.
Elle rappelle que depuis 2016, elle n'a plus de nouvelle de son fils adoptif  ; que depuis qu'elle se trouve dans un établissement adapté et confortable, elle a repris goût à la vie comme en témoigne la directrice de l'EHPAD où elle séjourne (pièce 15).
Elle fait également état du témoignage de sa filleule, Mme [L] qui rapporte l'influence négative de M. [B]-[X] sur sa santé mentale et sa lucidité actuelle face à son analyse sur le lien filial et son devenir (pièce 16).
Selon elle, les événements qui se sont produits après le décès de son époux, le comportement de son fils adoptif, qui ne fut pas un soutien, mais au contraire qui a fait preuve de dénigrement et de mauvais traitement à son égard, prouvent qu'il ne s'agit pas d'un simple mésentente, mais bien d'un conflit relationnel profond, de l'attitude de son fils envers elle, à l'origine de la dégradation de son état de santé.
Elle en déduit avoir démontré par ses écritures et ses productions que les conditions d'application des dispositions de l'article 370 du code civil sont réunies et que l'adoption simple sera nécessairement révoquée par la cour, infirmant en cela le jugement et contredisant le ministère public en son avis.
M. [B]-[X] poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il rejette la demande de révocation.
Il fait valoir que ses relations avec ses parents adoptifs ont été chaleureuses jusqu'au décès de son père adoptif ; qu'auparavant, ses parents adoptifs ont été accueillis par ses parents biologiques au Liban, en Tunisie ; que leurs échanges étaient très cordiaux ; qu'il les a introduits dans sa vie, sa famille biologique, son entourage amical et religieux ; qu'en 1993, il est revenu en France chez ses parents adoptifs, y a séjourné 5 mois avant de s'installer définitivement au Canada, sans aucune opposition de leur part de sorte qu'il est très curieux d'avoir attendu plus de 32 années pour lui reprocher cette 'fuite au Canada' en délaissant sa mère. Il souligne que même en étant éloigné géographiquement de ses parents adoptifs, ils se téléphonaient régulièrement et qu'il passait au moins six semaines par an auprès de ceux-ci. Il insiste sur le fait qu'ils s'écrivaient régulièrement également et précise avoir gardé toute cette correspondance, les photos, les cartes postales témoignant du lien affectif et filial qui existait entre eux. Il indique avoir démissionné de ses engagements religieux au Canada fin décembre 2014, pour être présent auprès de ses parents qui devenaient plus âgés ; que son père adoptif souffrant et dans le coma, il a rejoint sa mère fin septembre 2015, soit un mois avant le décès de son père, pour l'aider et l'épauler ; qu'il était présent lors des obsèques de son père comme en témoignent de nombreux amis proches de ses parents (pièces 12, 13, 1).
Pour lui, en raison de cet événement bouleversant, qui est le décès de son père, sa mère adoptive, âgée de 87 ans, est tombée en grave dépression et, sous l'influence pernicieuse de son entourage, s'est éloignée de lui.
Il indique avoir tout fait pour la réconforter, lui changer les idées. Il a, à cette fin, emmené sa mère au Maroc, auprès de sa soeur [T] [B], qui tenait un restaurant à [Localité 10], mais même ses intentions louables sont salies par l'entourage de sa mère adoptive.
Il dit également s'être chargé de toutes les démarches administratives pour sa mère ; puis l'a emmenée au Canada dans sa maison, où il a fait des travaux pour faciliter son séjour (pièce 16). Il précise qu'elle se sentait bien au Canada où elle a rencontré sa famille, ses proches, au point qu'elle voulait s'y installer définitivement (pièces 12, 1, 16).
De retour en France, elle a de nouveau replongé dans la dépression et a décidé de vendre son appartement de [Localité 11]. Il admet qu'un différend a surgi entre eux au sujet du prix de vente de cet appartement qu'il ne trouvait pas assez élevé. Il indique ne pas avoir demandé d'argent à ses parents adoptifs et que, face aux fausses accusations contre lui au sujet de l'argent, il a décidé de mettre fin au compte joint qu'il détenait avec sa mère.
Il estime incompréhensible la dégradation de la situation entre lui et sa mère après 32 années de relations stables et affectueuses avec sa famille adoptive qu'il visitait tous les étés et avec laquelle il s'est toujours bien entendu.
Il prétend que Mme [A] veuve [X] subit l'influence négative de son entourage qui, en outre fait barrage à ses tentatives de la revoir et d'entrer en contact avec elle.
Selon lui, Mme [A] veuve [X] ne démontre pas l'existence de faits graves, au sens de l'article 370 du code civil, de nature à justifier la révocation de l'adoption simple sollicitée.
Il demande donc la confirmation du jugement sur ce point.
Le ministère public est d'avis qu'il convient de confirmer le rejet de la demande de Mme [A] veuve [X]. Selon lui, c'est exactement que les premiers juges ont retenu l'absence d'élément probant pour démontrer un mobile purement financier chez l'adopté, la plainte pour abus de faiblesse ayant été classée sans suite.
Il souligne que jusqu'en 2017, soit pendant 27 années après l'adoption, l'adopté et les adoptants ont entretenu des rapports filiaux cohérent compte tenu de l'éloignement géographique de l'adopté. Il indique que s'il est effectivement démontré une dégradation des relations après les obsèques de [N] [X] entre Mme [A] veuve [X] et M. [B]-[X], une cohabitation difficile entre les parties en 2016, un désaccord sur le prix de l'appartement de Mme [A] veuve [X], une lassitude de M. [B]-[X] dans la prise en charge de cette dernière, ces éléments ne caractérisent pas une conduite indigne rendant intolérable le maintien du lien de filiation.
' Appréciation de la cour
Aux termes de l'article 370 du code civil, dans sa dernière rédaction issue de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, 'S'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de ce dernier ou de l'adoptant.
Lorsque l'adopté est mineur, la révocation de l'adoption ne peut être demandée que par le ministère public.'
Si, à la différence de l'adoption plénière, l'adoption simple, institution qui crée un véritable lien de filiation et que le législateur a voulu le plus proche possible du lien biologique auquel on ne peut pas renoncer, peut être révoquée, elle ne peut l'être que dans des circonstances exceptionnelles. La loi pose l'exigence de 'motifs graves'. Cette notion n'a cependant pas été définie par le législateur. La Cour de cassation a estimé que par 'motifs graves' il fallait entendre 'un comportement gravement répréhensible de la part de l'adopté à l'égard de l'adoptant' (1re Civ., 10 mai 2006, pourvoi n° 04-16.557). Elle a en outre précisé que la preuve de ces motifs graves résidait dans une cause survenue postérieurement au jugement d'adoption (1re Civ., 13 mai 2020, pourvoi n° 19-13.419).
Dans un arrêt du 10 juillet 1973 (1re Civ., 10 juillet 1973, pourvoi n° 72-12.289, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 1 N 243 P216) et du 20 mars 1978 (1re Civ., 20 mars 1978, pourvoi n° 76-13.415, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 1 N 114 p. 93), la Cour de cassation a considéré que constituait un motif suffisamment grave autorisant la révocation de l'adoption, le comportement de l'adopté qui avait proféré à l'adresse de son père adoptif les injures les plus grossières, avait commis des voies de fait sur sa personne et avait confié qu'il se refusait à porter son nom estimé par lui déshonorant.
De même, selon la Cour de cassation, les habitudes d'intempérance contractées par une adoptée, les scandales ainsi provoqués par celle-ci au cours de ses crises d'intoxication éthylique ainsi que la production en justice de lettres de tiers injurieuses à l'égard de son père justifiaient la révocation de l'adoption quand bien même l'adoptée se serait montrée tempérante depuis l'assignation (1re Civ., 12 janvier 1966, pourvoi n° , N 30).
En revanche, la Cour de cassation a estimé que ne pouvaient pas constituer des motifs suffisamment graves pour justifier la révocation de l'adoption :
* les tensions actuelles entre l'adopté et une mère adoptive, suite à des différents d'ordre patrimonial, apparaissant après plusieurs années d'entente parfaite (1re Civ., 5 mars 2008, pourvoi n° 07-10.989),
* l'existence d'une simple querelle familiale ayant précédé le départ de l'adopté du domicile de son père adoptif,
* un comportement regrettable de l'adopté provoqué par l'adoptant (1re Civ., 10 juillet 1973, pourvoi n° 72-12.289, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 1 N 243 P216),
* la cessation de la correspondance entre les protagonistes à la suite de difficultés familiales nées entre elles (1re Civ., 19 janvier 1966, pourvoi n° , N 40).
Ainsi, d'une manière générale, les défauts de l'adopté, les imperfections de son comportement, les négligences et les oublis, en l'absence de toute autre circonstance, ne sont pas suffisants pour justifier une révocation dans la mesure où ils ne peuvent être assimilés à une méconnaissance consciente des devoirs qu'implique la parenté.
En l'espèce, c'est par d'exacts motifs, pertinents et circonstanciés, adoptés par cette cour que le premier juge a retenu l'absence d'éléments probants de nature à caractériser l'existence d'un comportement gravement répréhensible de la part de l'adopté à l'égard de l'adoptant de nature à justifier la révocation de l'adoption simple prononcée le 17 janvier 1990 par le tribunal de grande instance de Paris de M. [B], né le 5 novembre 1956 à [Localité 13] (Liban), par M. [N] [X] et Mme [A], son épouse.
Ainsi, les accusations d'intention purement intéressée financièrement de la part de M. [B]-[X] ne sont étayées par aucun élément probant et le fait d'avoir souhaité que le prix de vente de l'appartement de sa mère soit plus élevé ne suffit pas à le démontrer. Il n'est rapporté aucune preuve du fait que l'adopté ait voulu s'enrichir au détriment de ses parents adoptifs. Les accusations de mauvais traitement et de ce que la santé mentale et physique se soit dégradée par sa faute ne sont pas plus corroborées par des éléments objectifs sérieux. Il sera encore observé, à l'instar des premiers juges, que de 1990 jusqu'en 2017, M. [B]-[X] s'est comporté en accord avec le lien de filiation établi entre les protagonistes et les différends qui ont surgi entre eux postérieurement au décès de [N] [X], apparaissent plus comme une mésentente, certes sérieuse puisque les échanges entre eux se sont rompus depuis lors, mais non comme un comportement indigne de la part de M. [B]-[X] justifiant que le lien de filiation soit révoqué pour 'motifs graves'.
Force est en outre de relever qu'à hauteur d'appel, Mme [A] veuve [X] ne rapporte pas d'éléments de preuve supplémentaires, de moyens de fait ou de droit sérieux de nature à revenir sur l'appréciation des premiers juges. A cet égard, les attestations qu'elle verse aux débats ne rapportent aucun témoignage direct de faits commis par M. [B]-[X] au préjudice de sa mère adoptive et, en tout état de cause, les faits rapportés ne caractérisent pas l'existence de 'motifs graves', de 'comportement gravement répréhensible de la part de l'adopté à l'égard de l'adoptant' de sorte que les dispositions de l'article 370 du code civil ne trouvent pas à s'appliquer.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [B]-[X]
' Moyens des parties
M. [B]-[X], se fondant sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, poursuit l'infirmation du jugement qui a rejeté sa demande de dommages et intérêts en raison d'un abus de droit reproché à son adversaire qui, selon lui, en multipliant de façon infondée les plaintes pénales, les actions judiciaires à son encontre, en l'empêchant de renouer les contacts avec sa mère, lui auraient causé un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation d'un euro.
Mme [A] veuve [X] sollicite la confirmation du jugement de ce chef.
' Appréciation de la cour
C'est par d'exacts motifs adoptés par cette cour que le premier juge a rejeté cette demande.
Il sera ajouté qu'il ne peut être fait grief au tuteur d'avoir empêché M. [B]-[X] de renouer les contacts avec sa mère alors que cette affirmation n'est étayée par aucun élément probant, ni lui demander l'autorisation de lui permettre de contacter immédiatement sa mère adoptive Mme [X], cette dernière ne pouvant être efficacement demandée qu'au juge des tutelles en charge de la mesure de protection.
Le jugement qui rejette cette demande sera dès lors confirmé.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [G], ès qualités de tuteur de Mme [A] veuve [X], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel. Sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera, par voie de conséquence, rejetée.
Il apparaît équitable d'allouer la somme de 3 000 euros à M. [B]-[X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, cette condamnation sera mise à la charge de M. [G], ès qualités de tuteur de Mme [A] veuve [X].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, par arrêt contradictoire et mis à disposition,
DÉCLARE irrecevable la demande de M. [B]-[X] tendant à la condamnation de M. [G], en sa qualité de tuteur de Mme [A] veuve [X], à l'autoriser à contacter immédiatement sa mère adoptive Mme [X] ;
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [G], ès qualités de tuteur de Mme [A] veuve [X], aux dépens d'appel ;
REJETTE la demande de M. [G], ès qualités de tuteur de Mme [A] veuve [X], fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [G], ès qualités de tuteur de Mme [A] veuve [X], à verser la somme de 3 000 euros à M. [B]-[X].
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,