COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 58E
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/07172 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U3XF
AFFAIRE :
S.A. ALLIANZ IARD
C/
[X] [M]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu(e) le 18 Novembre 2021 par le Président du TGI de VERSAILLES
N° RG : 21/01321
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 15.09.2022
à :
Me Mathieu CENCIG, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Claire QUETAND-FINET, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. ALLIANZ IARD
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
N° SIRET : 542 110 291 (Rcs Nanterre)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Mathieu CENCIG, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 303
APPELANTE
****************
Monsieur [X] [M]
né le 21 Mai 1984 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Claire QUETAND-FINET, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 678
Assisté par Me Jonathan SAADA, avocat plaidant au barreau de Paris
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
M. [X] [M] a souscrit un contrat d'assurance habitation n°55895915 auprès de la société Allianz Iard, à effet du 4 décembre 2015, modifié par avenant du 23 août 2019.
Début mars 2020, M. [M] a déclaré avoir été victime d'un vol par effraction à son domicile.
Par acte d'huissier de justice délivré le 22 septembre 2021, M. [M] a fait assigner en référé la société Allianz aux fins d'obtenir principalement sa condamnation à lui verser :
- la somme de 27 531,70 euros, à valoir sur la réparation de son dommage matériel, après déduction de la franchise contractuelle, augmentée des intérêts légaux, à compter du 6 juillet 2020, date de la lettre valant mise en demeure,
- celle de 1 500 euros, à valoir sur les dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice moral ;
- et celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux dépens.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 18 novembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :
- condamné la société Allianz à verser à M. [M] la somme provisionnelle de 27 531,70 euros au titre de la réparation des dommages subis,
- condamné la société Allianz à verser à M. [M] la somme provisionnelle de 1 000 euros au titre de la résistance abusive,
- condamné la société Allianz à verser à M. [M] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Allianz au paiement des dépens,
- rappelé que l'ordonnance est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 2 décembre 2021, la société Allianz a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Sur saisine de la société Allianz Iard, le magistrat délégué par le premier président de cette cour, statuant en référé, a en substance, par ordonnance en date du 17 février 2022 :
- rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire,
- autorisé la société Allianz Iard à consigner la somme de 28 531,70 euros auprès de la Caisse des dépôts et consignations,
- rappelé à la société Allianz Iard qu'elle reste tenue de verser sans délai la somme de 2 000 euros à laquelle elle a été condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande reconventionnelle de M. [M] aux fins de radiation,
- condamné la société Allianz Iard aux dépens,
- rejeté les demandes de chacune des parties formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 4 mai 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Allianz demande à la cour, au visa des articles 514-1, 514-5, 519, 696, 700 et 835 du code de procédure civile, de :
à titre principal,
- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 18 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Versailles ;
statuant à nouveau,
- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formées à son encontre ;
- condamner M. [M] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction sera ordonnée au profit de Maître Mathieu Cencig conformément aux dispositions de l'article 699 du même code ;
à titre subsidiaire, en cas de confirmation partielle de la décision déférée,
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à verser à M. [M] une somme de 27 531,70 euros au titre de la réparation des dommages subis ;
- infirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a condamnée à verser à M. [M] une somme de 1 000 euros au titre de la résistance abusive ;
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à payer à M. [M] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens ;
statuant à nouveau,
- ramener la provision octroyée à M. [M] à la somme de 8 475,10 euros, en application de la limite de garantie stipulée au contrat d'assurance ;
- débouter M. [M] du surplus de ses demandes dirigées à son encontre ;
- condamner M. [M] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [M] aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 19 mai 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [M] demande à la cour, au visa des articles 700 et 835 alinéa 2 du code de procédure civile, 1103, 1104 et 1231-1 du code civil et L. 113-5 du code des assurances, de :
- juger établie de façon non sérieusement contestable l'existence d'une garantie vol souscrite auprès de la société Allianz ;
- juger que la réalité du sinistre, tout comme l'évaluation du préjudice réalisée par le cabinet d'expertise Elex, n'ont jamais été et ne sont pas contestées par la société Allianz ;
- juger que la société Allianz n'établit pas que son que son obligation à garantir est sérieusement contestable, en ce sens que le versement de l'indemnité d'assurance serait subordonné à la production des avis d'imposition de l'assuré, ni même à la démonstration de l'origine des fonds ;
en conséquence,
- juger que le droit à indemnisation de M. [M] n'est pas sérieusement contestable ;
- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 18 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Versailles, en toutes ses dispositions ;
y ajoutant
- condamner la société Allianz au paiement de la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La société Allianz Iard, appelante, sollicite en premier lieu l'infirmation de l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a accordé une provision de 27 531,70 euros à M. [M], faisant valoir que c'est par une appréciation erronée des faits, du rapport d'expertise et du contrat d'assurance que le premier juge a fait droit à la demande de provision de l'intimé.
Elle invoque l'existence d'une contestation sérieuse en ce qu'elle conteste l'application de sa garantie, en raison d'une suspicion de fraude pesant sur la réclamation de M. [M], suspicion non levée en l'absence de transmission des justificatifs et des explications demandés.
Elle fait valoir que l'expert du cabinet Elex, missionné par ses soins, l'a alertée à plusieurs reprises sur les irrégularités constatées et ses réserves sur l'application de la garantie.
Elle indique que l'analyse de l'état des pertes et de certains des justificatifs produits par l'intimé soulève des interrogations et des doutes, en raison de leur caractère inhabituel, à savoir que :
- des biens peu prisés des cambrioleurs ont été déclarés volés, à l'instar des aspirateurs, du linge de maison et d'un service en porcelaine ;
- certaines factures (Cartier, Redline) de montants élevés sont libellées au nom de Mlle [W] [M], décrite dans les conclusions d'intimé comme la 'jeune enfant de 7 mois' de M. [M], au jour du cambriolage le 3 mars 2020 ;
- lorsque plusieurs articles sont mentionnés sur une même facture ou un même ticket de caisse, la totalité desdits articles y est systématiquement déclarée volée ;
- le poste 45 de l'état des pertes, des vêtements d'enfant, est justifié par une facture papier apparaissant douteuse ;
- beaucoup d'articles, dont des objets de luxe, ont été achetés par des tierces personnes, en espèces ;
- de nombreux biens semblent avoir été achetés en espèces par M. [M] ou sa conjointe ;
- un bijou Cartier déclaré volé n'a été justifié que par sa boîte, alors qu'il est aisé d'obtenir un duplicata de facture chez Cartier ;
- des sacs de luxe (Dior, Louis Vuitton) ne sont justifiés que par des photos sur lesquels M. [M] et sa conjointe ne figurent pas, ce sans factures.
Elle souligne que les factures manquantes ont été vainement demandées par le cabinet Elex, lequel n'a pas proposé une somme de 27 531,70 euros à titre de règlement sans réserve, relevant au contraire des anomalies et des suspicions de fraude.
Elle relate qu'à la suite de ce signalement, elle a demandé à l'intimé des explications et des justificatifs liés à l'acquisition des biens assurés, demandes fondées sur les dispositions du contrat d'assurance relatives à la lutte contre le blanchiment.
Elle précise que M. [M] a refusé de lui fournir les copies des avis d'imposition sur les revenus 2018 et 2019 de la famille, la facture acquittée des travaux de remise en état de la porte d'entrée fracturée, les relevés de compte bancaire faisant apparaître les retraits d'espèce ayant permis d'acheter les biens dérobés.
Elle rappelle en outre qu'il est de jurisprudence constante que l'expertise amiable ne lie ni les parties ni le juge, et qu'elle a maintenu sa position comme suit :
- 'le chiffrage d'un expert ne donne pas obligatoirement garantie ; ce dernier est là pour chiffrer les dommages mais la compagnie reste décisionnaire de l'application de la garantie;
- de nombreux biens de plus de 1 000 euros ont été payés en espèces sans aucun justificatif bancaire, d'où notre demande'.
Elle invoque en conséquence justifier d'une contestation sérieuse s'opposant à l'octroi d'une provision.
A titre subsidiaire, si la cour devait considérer le principe de la garantie acquis, elle sollicite que son montant soit ramené à de plus justes proportions en application des termes du contrat d'assurance selon lesquels la garantie des collections est limitée à la somme de 10 % de 84 751 euros, soit 8 475,10 euros.
Elle soutient à ce titre que M. [M] a déclaré avoir acheté, entre décembre 2017 et mars 2020, pas moins de 15 paires de chaussures, 10 sacs et pochettes de luxe, ainsi que d'autres articles (bijoux Cartier, portefeuille valises et châle Louis Vuiton, etc), achats coûteux sans corrélation avec ses revenus, ne pouvant répondre à des besoins vestimentaires ordinaires, mais à une passion de collectionner les beaux objets.
En second lieu, la société d'assurance sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamnée pour résistance abusive, exposant que sa résistance est liée au refus de l'assuré de fournir les justificatifs demandés de ses revenus et de l'origine des fonds ayant permis l'acquisition de nombreux articles de luxes déclarés volés.
M. [M], intimé, sollicite au contraire la confirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la société Allianz Iard à lui verser la somme de 27 531,70 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de son préjudice.
Il souligne que la société Allianz Iard, qui n'a jamais excipé d'une déchéance de garantie avant l'introduction de la présente procédure, communique désormais des éléments (rapport d'expertise de reconnaissance du 17 avril 2020, fiche de relevé d'anomalies du 31 mars 2020 et échanges de courriels avec son expert du 26 août 2020) qu'elle n'avait pas cru devoir produire avant d'interjeter appel et qui ne ressortent absolument pas du rapport définitif de son expert
Il argue d'une jurisprudence selon laquelle « l'assureur doit établir la mauvaise foi de l'assuré pour prétendre à l'application d'une clause prévoyant la déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre » et fait valoir que la société Allianz Iard ne procède en l'espèce que par voie d'affirmations et surtout, par « touches » de dénigrement, soutenant, non sans contradiction, qu'il aurait « une situation financière opaque au regard de ses revenus présumés et de ses dépenses onéreuses ».
Il expose que l'expert a établi dans son rapport définitif tant les circonstances que les conséquences du sinistre subi, qu'il a procédé à un état des pertes détaillées, accompagné de factures justificatives d'acquisition et d'attestations circonstanciées s'agissant des cadeaux, mentionnant « biens justifiés en existence et en valeur », et que l'assureur n'avait jamais contesté le projet de règlement établi par l'expert.
Il soutient ne pas avoir à justifier de ses revenus auprès de son assureur, aucune disposition contractuelle ne subordonnant le versement de l'indemnité d'assurance à ces productions, alors qu'en outre, il ressort des dispositions de l'article L. 561-10-2 du code monétaire et financier que le renseignement concernant l'origine des fonds n'est prévu que s'agissant d'une opération particulièrement complexe ou d'un montant inhabituellement élevé, ce qui n'est pas le cas ici, et qu'il est également constant que l'assureur ne peut refuser sa garantie sur le fondement de la législation relative au blanchiment d'argent sans même avoir régulariser une déclaration de soupçon.
Il reprend la motivation du magistrat délégué par le premier président ayant statué sur l'exécution provisoire, qui a dit que « le seul fait que les biens déclarés volés soient pour la plupart des objets de valeur n'établit pas en soi qu'ils auraient été acquis avec des fonds illicites ou qu'ils n'auraient jamais existé ».
Il critique ensuite :
- le fait que l'appelante lui reproche de ne pas justifier de la réparation de la porte fracturée, alors qu'elle sait pertinemment que l'artisan ne disposant pas des pièces détachées, il n'a pu procéder aux travaux ;
- la mise en avant par la société Allianz Iard, contradictoire avec le reste de ses allégations, quant aux choix des voleurs s'agissant notamment d'un aspirateur, rappelant qu'il n'est pas « décisionnaire du choix des voleurs » ;
- le grief de l'assureur tiré des factures établies au nom de l'enfant alors qu'il s'agit d'un bracelet pour leur fille ;
- le grief tiré de ce que lorsque plusieurs articles sont mentionnés sur une même facture ou un même ticket de caisse, la totalité des articles est systématiquement volée, simples allégations alors qu'il peut paraître logique que plusieurs articles mentionnés sur une même facture, du fait de leur valeur, aient pu être dérobés par les voleurs.
Il argue donc d'une contestation de l'assureur tardive et mal fondée.
Sur sa demande tendant à titre subsidiaire à voir limiter le montant de la provision, il relève que l'expert n'a jamais répertorié les objets volés comme des 'collections' et qu'ils ne ressortent pas de la définition contractuelle visant « la réunion de plusieurs objets de même nature ayant un rapport entre eux et dont la valeur provient de leur rareté ou de leur ancienneté ».
M. [M] sollicite également la confirmation de l'ordonnance entreprise ayant condamné la société Allianz Iard à lui verser la somme provisionnelle de 1 000 euros pour résistance abusive, faisant valoir qu'elle n'a pas respecté les délais légaux en matière d'indemnisation, qu'elle omet de dire qu'il lui a apporté des réponses circonstanciées à ses demandes intrusives, qu'elle ne lui a jamais opposé un refus de garantie et qu'elle n'apporte pas le moindre commencement de preuve quant à la réalité de la fraude qu'elle allègue.
Sur ce,
L'article 835 alinéa 2 du code de procédure prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
En application de ce texte, le montant de la provision qui peut être allouée en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Aux termes de l'article du 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d'appliquer les clauses claires du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n'en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Au cas présent, il ressort de la police d'assurance souscrite par M. [M] à effet du 4 décembre 2015, modifiée par avenant du 23 août 2019, que la garantie est due en cas de vol et qu'il est précisé dans les conditions particulières que l'assuré bénéficie « d'office d'une indemnisation en « valeur à neuf » dans les limites définies aux dispositions générales « Allianz Habitation » ».
Par ailleurs, il ressort des pièces versées par les parties que M. [M] a porté plainte le 4 mars 2020 auprès de la brigade territoriale de gendarmerie de [Localité 3] suite au cambriolage dont il a été victime à son domicile au [Adresse 2] à une date située entre la veille à 17 heures 30 et le jour même à 8 heures, alors que les occupants de la maison étaient absents.
Concernant les objets dérobés, il dressait déjà une liste de bijoux, accessoires et vêtements de marques, tandis qu'il déclarait par ailleurs que sa compagne, Mme [D] [P], et lui, étaient sans emploi, précisant qu'il venait de déposer le bilan de son ancienne « boîte » [X], spécialisée dans l'e-conseil et qu'il prévoyait de monter une nouvelle entreprise.
Il appert qu'ensuite, M. [M] a transmis en date du 18 mars 2020 à son assureur habitation, la société Allianz Iard, un état des pertes déclarées.
La société d'assurance a alors mandaté M. [U] [L], expert de la société Elex France, lequel a rendu le 16 juin 2020, après une visite effectuée sur place le 31 mars 2020, un rapport comportant un « projet de règlement établi avec réserve » « sur garanties au regard des dommages », après imputation de la franchise applicable, d'une indemnité immédiate de 20 841, 30 euros et d'une indemnité différée de 6 690, 40 euros.
Il ressort par ailleurs du détail des dommages subis tels que listés par l'expert que la somme retenue après franchise correspond aux « biens justifiés en valeur et en existence », les lignes concernant les « biens justifiés en existence » ou les « biens non justifiés » mentionnant un chiffrage égal à zéro.
L'expert conclut ensuite, s'agissant de la « suite à donner » :
« 12/06 : suite à la réception de l'état des pertes en bonne et due forme, des attestations de cadeaux, nous vous adressons notre chiffrage des biens dérobés. Nous vous laissons le soin de prendre position sur les biens non justifiés chiffrés à titre informatif », lesquels sont effectivement présents dans l'annexe à ce rapport (pièce intimé numéro 7), ce dont il se déduit qu'il s'agit de la 'réserve' qu'il a précédemment indiquée, aucune mention ne pouvant y être relative.
Il n'est pas contesté par l'appelante que M. [M] a accepté la proposition d'indemnisation ainsi établie par l'expert de l'assureur.
Toutefois, celui-ci, qui n'allègue ni que les conditions de la garantie ne seraient pas réunies, ni l'existence d'une cause d'exclusion de garantie, conteste la devoir « en raison de la suspicion de fraude persistante pesant sur la réclamation de M. [X] [M], suspicion non levée en l'absence de transmission des justificatifs et des explications demandés » (page 7 des conclusions de l'appelante), sans au demeurant viser la stipulation contractuelle qui la déchargerait de son obligation d'indemnisation dans un tel cas.
M. [M], qui soutient que l'assureur ne démontre aucune fraude commise de sa part, admet qu'il ne lui a pas communiqué les éléments sollicités aux termes de son courriel du 15 décembre 2020, à savoir la copie des avis d'imposition sur les revenus de 2018 et 2019 pour lui-même et sa conjointe, la copie de la facture acquittée des travaux réalisés pour la remise en état de l'effraction subie sur la porte d'entrée et les copies des relevés de comptes où apparaissent les différents retraits d'espèces ayant permis l'achat des biens dérobés (pièce appelante numéro 7), mais considère qu'il n'a pas à justifier de ses revenus, que la société Allianz Iard ne justifie pas d'une disposition contractuelle qui lui serait opposable et subordonnerait le versement de son indemnité à la production de ses avis d'imposition ou relevés bancaires, ajoutant que la législation en matière de lutte contre le blanchiment d'argent serait inapplicable, en l'absence d' « opération particulièrement complexe ou d'un montant inhabituellement élevé ».
Au soutien de son refus de garantie, la société Allianz Iard vise en effet les dispositions du contrat d'assurance relatives à la lutte contre le blanchiment, aucune autre stipulation du contrat n'exigeant la production des justificatifs sollicités pour déclencher l'indemnisation au titre de la garantie.
Si les conditions générales versées respectivement par les deux parties diffèrent, les 2 versions contiennent en tout état cause la même clause intitulée « lutte contre le blanchiment », ainsi rédigée :
« Les contrôles que nous sommes légalement tenus d'effectuer au titre de la lutte contre le blanchiment d'argent et contre le financement du terrorisme, notamment sur les mouvements de capitaux transfrontaliers, peuvent nous conduire à tout moment à vous demander des explications ou des justificatifs, y compris sur l'acquisition des biens assurés » (page 58 de l'extrait des conditions générales versées en pièce numéro 14 par l'appelante), les conditions générales versées par l'intimé ajoutant « ou sur les sommes versées au contrat » (page 49, pièce intimé numéro 11).
Or, si l'article L. 561-10-2 du code monétaire et financier soumet en effet les compagnies d'assurances à une obligation d'examen renforcé « de toute opération particulièrement complexe ou d'un montant particulièrement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d'objet licite », force est de constater qu'en l'espèce, la société Allianz Iard qui fait seulement état de soupçons, ne démontre aucunement que les biens dérobés à M. [M], qui sont certes pour nombre d'entre eux des biens de grandes marques, seraient issus d'une telle opération complexe ou seraient dépourvus de justification économique laissant suspecter l'existence d'actes de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.
Par ailleurs, aucun élément de la procédure ne permet de contredire l'assertion de l'intimé selon laquelle la société Allianz Iard ne lui a jamais fait part d'une suspicion de fraude relevée par son expert (pièces numéros 4 et 5 de l'appelante) et si le rapport de M. [L], daté du 17 avril 2020 et intitulé 'Rapport d'expertise de reconnaissance' mentionne en effet une 'garantie sous réserve' au motif d'une 'suspicion de fraude', il fait également état de ce que l'expert est en attente des attestations de cadeaux, précisant 'de nombreux articles ont été offerts par différentes personnes', ainsi que les photos des dommages', ces éléments ne sont nullement repris dans le rapport définitif daté du 16 juin 2020, ce dont il infère qu'après avoir réceptionné lesdits justificatifs, il n'a pas estimé opportun de conclure in fine à une suspicion de fraude.
Au demeurant, aucune disposition contractuelle ne prévoit de déchéance du droit à garantie en cas d'achats en espèces des biens assurés.
Dans ces conditions et en l'absence de contestation sérieuse élevée par la société Allianz Iard, le droit à indemnisation de M. [M] s'impose avec l'évidence requise en référé.
La société Allianz Iard, qui allègue sans le démontrer, que les biens litigieux correspondent à des 'achats coûteux, sans corrélation aucun avec [les] revenus de [M. [M]] [qui] ne répondent pas à des besoins vestimentaires ordinaires, mais à une passion de collectionner les beaux objets', ne justifie pas de l'applicabilité en l'espèce de la clause contractuelle relative à la limitation de la garantie des collections.
C'est donc à juste titre que le premier juge a fait droit à la demande de provision de M. [M], à hauteur de la somme établie par l'expert de l'assureur, comme résultant du préjudice correspondant aux biens dérobés, suffisamment justifiés en existence et en valeur.
Au vu des faits de l'espèce, la réticence dont l'assureur a fait preuve n'apparaît cependant pas suffisamment excessive pour justifier la réparation du préjudice moral allégué par M. [M].
L'ordonnance déférée sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a alloué à l'intimé la somme de 1 000 euros à ce titre.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu de ce qui précède, l'ordonnance querellée sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, la société Allianz Iard ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d'appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à M. [M] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme l'ordonnance du 18 novembre 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a fait droit à la demande de M. [X] [M] au titre du préjudice moral,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts,
Condamne la société Allianz Iard à verser à M. [X] [M] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que la société Allianz Iard supportera les dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,