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15/09/2022 | FRANCE | N°19/04102

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 15 septembre 2022, 19/04102


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 15 SEPTEMBRE 2022





N° RG 19/04102



N° Portalis DBV3-V-B7D-TR7Q





AFFAIRE :





L'UNEDIC, DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST



C/



[U] [L]

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterrer>
N° Section : Activités Diverses

N° RG : 18/02394



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Laure SERFATI



Me Olivier BONGRAND de la SELARL O.B.P. Avocats



Me Aldjia BENKECHIDA





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° RG 19/04102

N° Portalis DBV3-V-B7D-TR7Q

AFFAIRE :

L'UNEDIC, DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

C/

[U] [L]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Activités Diverses

N° RG : 18/02394

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Laure SERFATI

Me Olivier BONGRAND de la SELARL O.B.P. Avocats

Me Aldjia BENKECHIDA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 05 janvier 2022, prorogé au 26 janvier 2022, puis au 02 mars 2022, puis au 06 avril 2022, puis au 18 mai 2022, puis au 15 juin 2022 et au 14 septembre 2022 et différé au 15 septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

L'UNEDIC, DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Laure SERFATI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2348 substitué par Me Capucine BOYER CHAMMARD, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [U] [L]

né le 30 Juillet 1966 à [Localité 7] (14)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Olivier BONGRAND de la SELARL O.B.P. Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0136

SELARL C.[D], prise en la personne de Me [K] [D] ès qualités de mandataire liquidateur de la société PLANIMA

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Aldjia BENKECHIDA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0556 substitué par Me Christel ROSSE, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 novembre 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL

EXPOSE DU LITIGE :

A compter du 1er juillet 2000, Monsieur [U] [L] a été engagé en qualité d'animateur commercial par la société Selling, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Consécutivement au rachat le 1er août 2013 de l'activité commerciale de la société Selling par la société Adhrena devenue Planima, son contrat de travail a été transféré auprès de cette dernière.

La relation de travail était régie par la convention nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Le 8 juin 2015, le salarié et son employeur ont conclu une transaction aux termes de laquelle ce dernier s'est engagé à lui verser une somme de 62.000 euros bruts 'après le 4 avril 2016 pour tenir compte de la trésorerie de l'entreprise', en contrepartie de la renonciation à l'exercice de toute procédure.

Par jugement du 29 octobre 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société et a désigné la Selarl C. [D] prise en la personne de Maître [K] [D] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 27 octobre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté un plan de cession de la société.

Le 22 novembre 2016, à la suite du licenciement pour motif économique dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle, le contrat de travail du salarié a été rompu.

Par jugement du 2 novembre 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société et désigné la Selarl C. [D] prise en la personne de Maître [K] [D] en qualité de liquidateur.

Par courrier du 5 juillet 2018, le mandataire liquidateur a informé le salarié que l'AGS considérait que sa créance afférente à l'indemnité transactionnelle d'un montant de 62.000 ne lui était pas opposable et qu'elle contestait cette dernière de manière définitive.

Par requête reçue au greffe le 17 septembre 2018, Monsieur [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de contester le refus de l'AGS de prendre en charge sa créance.

Par jugement du 20 septembre 2019, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- rejeté l'exception de prescription soulevée par l'AGS CGEA Ile de France Ouest ;

- déclaré le salarié recevable à agir ;

- condamné l'AGS CGEA Ile de France Ouest à garantir, dans les limites de la garantie légale, la créance du salarié à hauteur de 62.000 euros bruts ;

- condamné l'AGS CGEA Ile de France Ouest à payer au salarié une somme de 950 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté le salarié du surplus de ses demandes ;

- condamné l'AGS CGEA Ile de France Ouest aux entiers dépens ;

- dit que la décision est assortie de l'exécution provisoire de plein droit ;

- déclaré le jugement opposable à la Selarl C. [D], représentée par Maître [K] [D], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société.

Par déclaration au greffe du 14 novembre 2019, l'Association UNEDIC AGS CGEA d'Ile de France Ouest a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 décembre 2019 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, l'Association UNEDIC AGS CGEA Ile de France Ouest demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- dire que les demandes du salarié sont irrecevables et prescrites ;

- subsidiairement, dire que la transaction du 8 juin 2015 est nulle et de nul effet ;

Et en conséquence,

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire sur la garantie :

- dire que la garantie de l'AGS ne s'exercera qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles ;

- dire que la garantie de l'AGS n'est acquise qu'en présence d'une décision exécutoire, dans les conditions de l'article L. 3253-8 du code du travail ainsi que dans les limites des plafonds fixés par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail ;

- statuer ce que de droit, s'agissant des demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile, sans que les condamnations prononcées puissent être mises à la charge de l'AGS ni rendues opposables à celle-ci ;

- dire que la garantie due par l'AGS ne couvre pas les dommages et intérêts réclamés à raison des fautes délictuelles ou quasi-délictuelles commises par l'employeur.

Elle expose notamment :

- in limine litis, que les demandes visant à la condamnation de la société en liquidation judiciaire, des organes de la procédure et/ou de l'AGS CGEA sont irrecevables au regard des articles L. 622-21 et L. 625-6 du code de commerce, qui prévoient que les instances introduites ou en cours durant la procédure collective ne peuvent tendre qu'à la fixation des créances ;

- que la demande au titre de l'indemnité transactionnelle est irrecevable dès lors, d'une part, qu'il appartenait au salarié d'introduire sa réclamation en paiement de sa créance dans les deux mois suivant le relevé de créances (ce dernier n'ayant par ailleurs pas sollicité son relevé de forclusion) et, d'autre part, qu'en application de l'article L. 1471-1 du code du travail, son action portant sur l'exécution de la transaction était prescrite depuis le 15 juin 2017 ;

- que disposant d'un droit propre à contester sa garantie, elle démontre que la transaction du 8 juin 2015 est nulle, celle-ci ayant été conclue en période suspecte et n'étant fondée que sur des concessions fictives du salarié en contrepartie du versement de l'indemnité ;

- la renonciation, pendant plusieurs années, par le salarié au paiement de son indemnité s'analyse en une avance de trésorerie, de sorte qu'il a accepté la novation de sa créance, les facilités de trésorerie ne pouvant bénéficier de la garantie de l'AGS CGEA.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 mars 2020 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [L], demande à la cour de :

- rejeter la demande d'irrecevabilité formulée in limine litis pour la première fois en cause d'appel par l'appelante ;

- rejeter la demande d'irrecevabilité pour cause de forclusion formulée pour la première fois en cause d'appel par l'appelante ;

- confirmer le jugement en ce qu'il :

- a rejeté l'exception de prescription soulevée par l'appelante et le mandataire liquidateur;

- l'a déclaré recevable à agir ;

- a condamné l'AGS CGEA à garantir, dans les limites de sa garantie légale, sa créance 'à hauteur de 62.000 euros bruts. A défaut, Ordonner à l'AGS CGEA IDF Ouest de garantir [s]a créance (...) à hauteur de 62.000" euros (sic) ;

- a condamné l'AGS CGEA à lui payer une somme de 950 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

- a déclaré le jugement opposable à la Selarl C. [D], représentée par Maître [K] [D], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ;

- condamner l'appelante à lui verser une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il soutient en substance :

- in limine litis, qu'outre le fait que l'AGS CGEA est irrecevable à soulever pour la première fois en cause d'appel l'irrecevabilité de ses demandes, l'article L. 625-4 du code de commerce prévoit la possibilité de saisir le conseil des prud'hommes en cas de refus de règlement d'une créance par l'AGS ;

- qu'aucune forclusion n'est encourue dès lors que son action prud'homale est une action en contestation de refus de prise en charge par l'AGS fondée sur l'article L. 625-4 du code de commerce et non une action aux fins de demander une inscription de créance sur un relevé ;

- que les parties adverses ne sont pas fondées à soutenir que son action est prescrite au regard de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans la mesure où il n'a été informé du refus de garantie de l'AGS que le 5 juillet 2018 et a saisi le conseil des prud'hommes le 17 septembre suivant ;

- que le refus de prise en charge de sa créance par l'AGS est infondé, celle-ci ne démontrant pas que l'accord transactionnel procède d'une fraude, de sorte qu'elle n'est pas recevable à le contester, alors que le relevé de créance que lui a soumis le mandataire et qui a été validé par le juge commissaire constitue une décision de justice revêtue de l'autorité de la chose jugée, dont la validité ne pouvait dès lors plus être contestée, alors qu'il justifie de la réalité de ses concessions ;

- qu'il n'a jamais envisagé de ne pas faire exécuter la transaction, de sorte que les parties adverses ne sauraient arguer d'une prétendue novation de la créance en créance de prêt.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 mars 2020, Maître [D], en sa qualité de mandataire liquidateur, demande à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

A titre principal,

- juger l'action prescrite en application des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail;

- juger que la cour n'est saisie d'aucune demande de fixation au passif de la liquidation de la société et qu'aucune demande ne saurait valablement prospérer ;

- débouter en conséquence le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- juger la transaction invoquée nulle en application des dispositions de l'article L. 632-1 du code de commerce ;

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire,

- juger la transaction invoquée nulle en l'absence de toute concession du salarié et pour rescision pour lésion ;

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

A titre exceptionnel,

- juger que la créance s'est novée en créance de prêt et qu'elle sera inscrite au passif de la société à titre chirographaire ;

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

En toute hypothèse,

- condamner le salarié à lui verser une somme de 2.500 en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- l'action formée par le salarié est prescrite depuis le 8 juin 2017 en application de l'article L. 1471-1 du code du travail, dès lors que la transaction a été régularisée le 8 juin 2015 ;

- en dépit des allégations du salarié, sa créance n'a nullement été inscrite au passif de la société, le seul visa porté au relevé de créance par le juge commissaire ne permettant pas de caractériser l'existence d'une décision judiciaire, ce dont il résulte qu'il ne peut y avoir de garantie sans fixation ;

- la transaction invoquée a été conclue en période suspecte, de sorte que sa nullité n'est pas subordonnée à la démonstration d'une fraude, en application de l'article L. 632-1 du code de commerce, et qu'il appartient au juge d'apprécier le déséquilibre entre les prestations des parties au vu des circonstances de l'espèce ;

- la transaction ne repose pas sur des concessions réciproques, l'engagement de versement d'une somme de 62.000 euros par la société étant une cause de rescision pour lésion ;

- la chronologie des faits démontre la commune intention du salarié et de son employeur de nover leurs créances salariales en un prêt consenti à la société.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 septembre 2021.

MOTIFS :

Sur l'irrecevabilité au regard des article L. 622-21 et L. 625-56 du code de commerce :

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du code de procédure civile prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Par ailleurs, l'article L. 625-4, alinéas 1 et 2 du code de commerce prévoit que lorsque les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail refusent pour quelque cause que ce soit de régler une créance figurant sur un relevé des créances résultant d'un contrat de travail, elles font connaître leur refus au mandataire judiciaire qui en informe immédiatement le représentant des salariés et le salarié concerné. Ce dernier peut saisir du litige le conseil de prud'hommes. Le mandataire judiciaire, le débiteur et l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance sont mis en cause.

En l'espèce, l'appelante soulève pour la première fois en cause d'appel l'irrecevabilité des demandes du salarié, en invoquant les articles L. 622-21 et L. 625-6 du code de commerce au soutien de son argumentation selon laquelle seule une fixation de créance au passif de la société peut intervenir, sans qu'aucune condamnation ne puisse intervenir à l'encontre de la société liquidée ou de l'AGS CGEA.

Il apparaît néanmoins qu'en première instance, l'appelante avait notamment soulevé la prescription de l'action du salarié au regard de l'article L. 1471-1 du code du travail.

Dès lors qu'elles tend également à ce que la demande du salarié soit déclarée irrecevable, l'irrecevabilité soulevée par l'appelant au regard des articles L. 622-21 et L. 625-56 du code de commerce tend aux mêmes fins que la demande qu'il a formulée en première instance.

Par conséquent, il y a lieu de dire la fin de non-recevoir fondée sur les articles L. 622-21 et L. 625-56 du code de commerce opposée en cause d'appel par l'AGS CGEA recevable.

Sur le fond, l'action formée par le salarié vise à contester le refus de garantie de l'AGS.

Si l'appelante soutient à juste titre que 'seule une fixation de créance au passif de la société en (...) liquidation judiciaire peut être ordonnée, sans qu'aucune condamnation ne puisse intervenir à l'encontre de la société liquidée' ou d'elle-même, cet argument, qui porte spécifiquement sur le cas d'une condamnation au paiement de sommes résultant de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail, ne saurait exclure une action fondée sur l'exercice de la garantie de l'AGS CGEA sur la créance dont dispose le salarié sur la société liquidée.

Il convient en effet de souligner que l'article L. 625-4 du code du travail autorise la saisine de la juridiction prud'homale par le salarié en cas de refus de règlement de la créance figurant sur un relevé des créances résultant d'un contrat de travail.

L'action du salarié sera donc dite recevable au regard de l'article L. 625-4 du code de commerce.

Sur l'absence d'irrecevabilité pour forclusion :

Selon l'article L. 621-125 du code de commerce, après vérification, le représentant des créanciers établit, dans les délais prévus à l'article L. 143-11-7 du code du travail, les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, le débiteur entendu ou dûment appelé. Les relevés des créances sont soumis au représentant des salariés dans les conditions prévues à l'article L. 621-36. Ils sont visés par le juge-commissaire, déposés au greffe du tribunal et font l'objet d'une mesure de publicité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur un relevé peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité mentionnée à l'alinéa précédent. Il peut demander au représentant des salariés de l'assister ou de le représenter devant la juridiction prud'homale. Le représentant des créanciers cité devant le conseil de prud'hommes ou, à défaut, le demandeur appelle devant cette juridiction les institutions visées à l'article L. 143-11-4 du code du travail. Le débiteur ou l'administrateur lorsqu'il a pour mission d'assurer l'administration est mis en cause.

En l'espèce, l'appelante soulève pour la première fois en cause d'appel l'irrecevabilité des demandes du salarié aux motifs d'une forclusion de sa demande au regard des dispositions de l'article L. 621-125 du code de commerce.

Comme il a été exposé précédemment, dès lors qu'elle tend également à ce que la demande du salarié soit déclarée irrecevable, l'irrecevabilité soulevée par l'appelant au regard de l'article L. 621-125 du code de commerce tend aux mêmes fins que la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée en première instance.

Par conséquent, il y a lieu de dire la fin de non-recevoir fondée sur l'article L. 621-125 du code de commerce opposée en cause d'appel par l'AGS CGEA recevable.

Sur le fond, il apparaît que l'action formée par le salarié vise à contester le refus de prise en charge de sa créance par l'AGS CGEA.

Ainsi, dès lors qu'elle ne vise pas à contester l'absence de sa créance, en tout ou en partie, sur un relevé de créances, son action n'est pas soumise au délai de forclusion prévu à l'article L. 621-25 du code de commerce.

Il convient donc de dire l'action du salarié non forclose.

Sur l'absence d'irrecevabilité pour prescription :

L'article L. 1471-1 du code du travail prévoit que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

En l'espèce, l'action du salarié est fondée sur le refus de l'AGS de garantir sa créance, laquelle a été portée à sa connaissance par courrier du 5 juillet 2018.

Dès lors que l'action du salarié porte sur la mise en oeuvre de la garantie de l'AGS afférente à cette créance, le point de départ du délai de prescription ne saurait être fixée à une date antérieure à celle à laquelle il a eu connaissance du refus de garantie de l'appelante.

Dans la mesure où le salarié a saisi le conseil des prud'hommes dès le 17 septembre 2018, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il dit son action non prescrite.

Sur la fixation au passif de la demande :

L'article L. 3253-8 du code du travail prévoit notamment que l'assurance contre le risque de non-paiement couvre notamment les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Par ailleurs, selon l'article L. 3253-19, alinéas 1 à 5 du code du travail, le mandataire judiciaire établit les relevés des créances dans les conditions suivantes :

1° Pour les créances mentionnées aux articles L. 3253-2 et L. 3253-4, dans les dix jours suivant le prononcé du jugement d'ouverture de la procédure ;

2° Pour les autres créances également exigibles à la date du jugement d'ouverture de la procédure, dans les trois mois suivant le prononcé du jugement ;

3° Pour les salaires et les indemnités de congés payés couvertes en application du 3° de l'article L. 3253-8 et les salaires couverts en application du dernier alinéa de ce même article, dans les dix jours suivant l'expiration des périodes de garantie prévues à ce 3° et ce, jusqu'à concurrence du plafond mentionné aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 ;

4° Pour les autres créances, dans les trois mois suivant l'expiration de la période de garantie.

L'article L. 3253-21, du code du travail prévoit en outre que les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 versent au mandataire judiciaire les sommes figurant sur les relevés et restées impayées :

1° Dans les cinq jours suivant la réception des relevés mentionnés aux 1° et 3° de l'article L. 3253-19 ;

2° Dans les huit jours suivant la réception des relevés mentionnés aux 2° et 4° du même article.

Par dérogation, l'avance des contributions de l'employeur au financement de la convention de reclassement personnalisé est versée directement aux organismes chargés du recouvrement mentionnés à l'article L. 5427-1.

Le mandataire judiciaire reverse immédiatement les sommes qu'il a reçues aux salariés et organismes créanciers, à l'exclusion des créanciers subrogés, et en informe le représentant des salariés.

En l'espèce, s'il relève que la copie du relevé de créances produite par le salarié n'est pas signée et argue de ce que le visa du juge commissaire qui y figure n'emporte pas décision juridictionnelle, le mandataire liquidateur ne conteste pas avoir eu connaissance de l'existence de la créance du salarié résultant de la transaction, lorsqu'il a établi le relevé de créance de la société liquidée.

Ainsi, alors qu'aucun défaut de déclaration ne saurait être reproché au salarié, il convient de relever que le mandataire se borne à affirmer qu'aucune inscription de la créance litigieuse n'est intervenue au passif de la société liquidée. Pour autant, il ne fournit aucun élément probant au soutien de ses allégations.

Au vu de ces éléments, et particulièrement du relevé de créances salariales produit par le salarié, il convient de constater l'inscription de la créance au passif de la société.

Sur la transaction :

Il résulte de l'article L. 632-1 du code de commerce qu'est nul, lorsqu'il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie.

Par ailleurs, selon l'article 2052 du code civil en sa rédaction en vigueur jusqu'au 20 novembre 2016, les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion.

En l'espèce, le mandataire liquidateur et l'AGS CGEA et n'apportent aucun élément démontrant que la transaction conclue entre le salarié et la société liquidée résultait d'une fraude.

Le fait que la transaction litigieuse a été conclue postérieurement à la date de cessation de paiement de la société fixée au 1er avril 2015 ne saurait suffire à remettre en cause la validité de la convention ainsi conclue.

La lecture du protocole transactionnel daté du 8 juin 2015 laisse apparaître qu'en contrepartie de la somme de 62.000 euros bruts, le salarié s'est notamment engagé à renoncer à 'toute contestation de quelque nature que ce soit' ainsi qu' 'à toute réclamation, instance et action que quelque nature que ce soit à l'encontre de la société', du groupe, de ses dirigeants et de ses clients, notamment.

Le protocole transactionnel fait état d'un certain nombre de griefs du salarié à l'égard de son employeur, formulés consécutivement au transfert de son contrat de travail le 1er août 2013, à savoir, notamment : la perte de ses mandats de délégué syndical, membre du comité d'entreprise, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de délégué du personnel au moment du transfert, sans consultation de l'inspection du travail ; une discrimination en raison de ses anciens mandats de représentation ; le non-paiement de sommes afférentes à des frais de déplacement, à des heures de délégation et à des heures supplémentaire ; l'irrégularité des modalités opérationnelles de réalisation des prestations de service par les clients qui étaient contraires aux règles applicables en matière de sous-traitance et de fourniture de main d'oeuvre et le privait du bénéfice du statut social en vigueur en leur sein ; la commission de multiples entraves au fonctionnement des institutions représentatives du personnel par la société ; une rémunération inférieure aux minima conventionnels au vu des fonctions de cadre qu'il exerçait réellement.

D'une façon générale, les griefs ainsi énoncés par le protocole transactionnel démontrent la portée de la renonciation du salarié à agir en justice contre son employeur, au vu notamment des enjeux financiers des actions pouvant potentiellement être exercées en justice.

Par ailleurs, l'AGS CGEA ne saurait valablement faire valoir que les griefs ne concernaient nullement la société liquidée, alors que celle-ci était devenue employeur du salarié au moment de la survenance des faits litigieux et que ce dernier était susceptible d'exercer une action en justice à son encontre.

Concernant particulièrement la question de la perte des mandats du salarié consécutivement au transfert de son contrat de travail entre les sociétés et l'absence d'autorisation de l'inspecteur du travail, il convient de souligner qu'il aurait appartenu au juge saisi de statuer sur les responsabilités respectives entre les sociétés cédante et cessionnaire, de sorte que la responsabilité de la société liquidée était susceptible d'être engagée.

Dès lors, cet élément suffit à démontrer que les obligations de la société liquidée n'excédaient pas notablement celles du salarié.

En outre, en application de l'article 2052 du code civil en sa rédaction applicable au litige, la rescision pour lésion de la transaction litigieuse ne saurait être sollicitée, l'existence de concessions réciproques entre les parties ayant au surplus été démontrée.

Par conséquent, il convient de constater la validité de la transaction conclue entre le salarié et la société liquidée.

Sur la novation en créance de prêt :

La chronologie des faits ne suffit pas à démontrer la volonté des parties de modifier la nature de la créance du salarié et à caractériser une novation de cette dernière en un prêt consenti à la société.

La circonstance selon laquelle, d'une part, les parties ont convenu d'un paiement différé de l'indemnité transactionnelle après le 1er avril 2016 et, d'autre part, le salarié n'a pas agi antérieurement au placement en liquidation judiciaire de la société pour obtenir le paiement de sa créance ne saurait en effet d'analyser comme démontrant qu'il avait consenti des avances de trésorerie et qu'il avait accepté la novation de sa créance.

Il convient donc de débouter le mandataire liquidateur de sa demande tendant à ce que la créance du salarié soit inscrite au passif de la société à titre chirographaire en tant que créance de prêt.

Sur garantie de l'AGS :

La rupture du contrat de travail de l'appelante étant intervenue avant le prononcé de la liquidation judiciaire, la garantie de l'AGS CGEA Ile de France Ouest est due pour l'ensemble de sa créance telle qu'elle résulte de la présente décision, dans les limites légales et réglementaires.

Sur les autres demandes :

L'Association UNEDIC AGS CGEA d'Ile de France Ouest qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné l'Association UNEDIC AGS CGEA d'Ile de France Ouest à payer à Monsieur [L] la somme de 950 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance.

Il y a lieu de débouter Monsieur [L] et la Selarl C. [D], prise en la personne de Maître [K] [D], en qualité de mandataire judiciaire, de leurs demandes d'indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 20 septembre 2019 ;

Y ajoutant :

Rappelle que la garantie de l'Association UNEDIC AGS CGEA d'Ile de France Ouest s'applique dans les conditions, limites et plafonds légaux et réglementaires de la garantie prévue aux articles L. 3253-6, L. 3253-8, L. 1253-17 et D. 3253-5 du code du travail ;

Rappelle que l'obligation de l'Association UNEDIC AGS CGEA d'Ile de France Ouest de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement en vertu de les articles L 3253-19 à L. 3253-21 du même code ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne l'Association UNEDIC AGS CGEA d'Ile de France Ouest aux dépens.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 19/04102
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;19.04102 ?
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