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15/09/2022 | FRANCE | N°19/03863

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 15 septembre 2022, 19/03863


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 15 SEPTEMBRE 2022





N° RG 19/03863



N° Portalis DBV3-V-B7D-TQUB





AFFAIRE :





[T] [N]



C/



S.A.S. TRANSPORTS CHAMPAGNAT





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Montmorency

N° Sec

tion : Commerce

N° RG : F17/00032



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Rachel SPIRE de la SELEURL CABINET RACHEL SPIRE



Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° RG 19/03863

N° Portalis DBV3-V-B7D-TQUB

AFFAIRE :

[T] [N]

C/

S.A.S. TRANSPORTS CHAMPAGNAT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Montmorency

N° Section : Commerce

N° RG : F17/00032

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Rachel SPIRE de la SELEURL CABINET RACHEL SPIRE

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 06 avril 2022, prorogé au 18 mai 2022, puis au 15 juin 2022 et au 14 septembre 2022 et différé au 15 septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [T] [N]

né le 10 Juillet 1962 à [Localité 7] (972)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Rachel SPIRE de la SELEURL CABINET RACHEL SPIRE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B335

APPELANT

****************

S.A.S. TRANSPORTS CHAMPAGNAT

N° SIRET : 309 979 144

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - Représentant : Me Félipe LLAMAS de la SELARL LLAMAS ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 70

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 février 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

Monsieur [T] [N] a été embauché par contrat à durée indéterminée du 20 mai 1997 avec reprise d'ancienneté au 3 avril 1996 par la société Transports Champagnat en qualité de chauffeur routier, groupe 6 coefficient 138 M de l'annexe ouvriers de la convention collective nationale des Transports routiers.

La société Transports Champagnat emploie au moins 11 salariés.

Monsieur [N] a fait l'objet de trois sanctions disciplinaires durant la relation de travail : une mise à pied disciplinaire de 5 jours du 28 novembre 2011 au 2 décembre 2011, une mise à pied disciplinaire de 3 jours du 14 au 16 mai 2013 et une mise à pied disciplinaire de deux jours du 22 au 23 décembre 2015.

Par courrier du 18 janvier 2016, la société a informé Monsieur [N] qu'à compter du 1er février 2016, il était affecté sur une nouvelle ligne et devait désormais prendre son service non plus à [Localité 4] mais à [Localité 9].

Par courrier du 26 janvier 2016, Monsieur [N], prenant acte de ce changement, a informé la société qu'il ne savait si il pourrait assurer cette mission au regard de ses problèmes de dos et de vertiges.

Le 1er février 2016, à l'issue de la visite médicale périodique, le médecin du travail l'a déclaré apte sans réserves.

Par courrier du 8 février 2016, la société Transport Champagnat l'a alors mis en demeure de prendre son poste au départ de [Localité 9] à compter du 15 février suivant.

Monsieur [N] a été placé en arrêt de travail à compter du 22 février 2016 prolongé jusqu'au 20 mars 2016.

Le 2 mars 2016, il a été établi que Monsieur [N] était atteint d'une hernie discale que celui-ci a déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie comme maladie professionnelle.

Lors de la visite de reprise le 22 mars 2016, le médecin du travail a déclaré Monsieur [N] apte à la conduite sans port de charge supérieure à 5 kg.

Par courrier du 30 mars 2016, la société Transport Champagnat a convoqué Monsieur [N] à un entretien préalable à un licenciement fixé au 11 avril 2016 avec mise à pied à titre conservatoire.

Monsieur [N] a été de nouveau en arrêt de travail à compter du 6 avril 2016.

Par courrier du 14 avril 2016, la société l'a licencié pour faute grave.

Par courrier du 10 août 2016, la CPAM a informé Monsieur [N] qu'elle acceptait de prendre en charge sa maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Par requête reçue au greffe le 18 janvier 2017, Monsieur [T] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin de contester l'exécution ainsi que la rupture de son contrat de travail et obtenir le versement de diverses sommes.

Par jugement du 16 septembre 2019, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Montmorency a :

- Dit que le licenciement de Monsieur [N] n'est pas constitutif d'une faute grave ;

- Dit que le licenciement de Monsieur [N] est intervenu pendant un arrêt de travail pour maladie professionnelle au mépris des articles L.1226-7 et L.1226-9 du Code du Travail ;

- Prononcé la nullité du licenciement de Monsieur [N] ;

- Dit que la Société Transports Champagnat devra verser les sommes suivantes à Monsieur [N] :

- 13 897,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la perte injustifiée d'emploi ;

- 936,00 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire ;

- 93,60 euros au titre des congés payés afférents;

- 4 632,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 460,18 euros au titre des congés payés afférents;

- 12 352,21 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 1 200,00 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- Dit que la Société Transports Champagnat devra remettre à Monsieur [N] les documents sociaux suivants:

- Bulletins de salaires conformes au présent jugement

- Une attestation Pôle Emploi conforme au présent jugement

- Un certificat de travail conforme au présent jugement

- Dit que ces documents devront être remis, sans astreinte, à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir ;

- Dit que la Société Transports Champagnat devra rembourser aux organismes compétents les indemnités éventuellement versées ( chômage, RSA et tout autre indemnité), à concurrence de 6 mois d'indemnités, à charge pour lesdits organismes de justifier des versements ;

- Fixe la moyenne des trois mois derniers de salaire ( de novembre 2015 à janvier 2016) à 2 316,04 euros bruts ;

- Ordonne l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du Code de Procédure

- Déboute Monsieur [N] du surplus de ses demandes ;

- Déboute la Société Transports Champagnat de sa demande reconventionnelle ;

- Laisse à la charge exclusive de la Société Transports Champagnat l'intégralité des dépens.

Monsieur [T] [N] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 22 octobre 2019.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 11 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, il demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Montmorency rendu le 25 juillet 2019 en ce qu'il a :

- Jugé que son licenciement n'est pas constitutif d'une faute grave ;

- Dit que son licenciement est intervenu pendant un arrêt de travail pour maladie professionnelle au mépris des articles L.1226-7 et L.1226-9 du Code du Travail ;

- Prononcé la nullité du licenciement son licenciement;

- Condamné la Société Transports Champagnat à lui verser les sommes suivantes :

- 936,00 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire;

- 93,60 euros au titre des congés payés afférents;

- 4 632,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 460,18 euros au titre des congés payés afférents;

- 12 352,21 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 1 200 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Statuant à nouveau sur le quantum des dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la perte injustifiée d'emploi,

- Porter à 83 400 euros nets (36 mois de salaire) la condamnation de la société Transports Champagnat à ce titre, sur le fondement de l'article L. 1235-3 du Code du travail dans sa version applicable à la cause;

- Condamné la Société Transports Champagnat à rembourser aux organismes compétents, les indemnités éventuellement versées (chômage, RSA et tout autre indemnité), à concurrence de 6 mois d'indemnités, à charge pour lesdits organismes de justifier des versements ;

- Fixé la moyenne des trois mois derniers de salaire (de novembre 2015 à janvier 2016) à 2 316,04 euros bruts ;

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Montmorency rendu le 25 juillet 2019 en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes ;

Y faisant droit et statuant à nouveau :

- Fixer la date de son ancienneté au 3 avril 1996 ;

- Annuler la mise à pied disciplinaire de 5 jours effectuées du 28 novembre au 2 décembre 2011 ;

En conséquence,

- Condamner la société Transports Champagnat à verser 377,33 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mis à pied, outre 37,73 euros au titre des congés payés afférents ;

- Annuler la mise à pied disciplinaire de 3 jours effectuées du 14 au 16 mai 2013 ;

En conséquence

- Condamner la société Transports Champagnat à verser 229,09 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mis à pied, outre 22,91 euros au titre des congés payés afférents ;

- Annuler la mise à pied disciplinaire de 2 jours effectuées les 22 et 23 décembre 2015 ;

En conséquence

- Condamner la société Transports Champagnat à verser 155,81 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mis à pied, outre 15,58 euros au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Transports Champagnat à verser la somme de 13 900 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail, tant en ce qui concerne le pouvoir de surveillance que le pouvoir disciplinaire de l'employeur;

- Condamner la société Transports Champagnat à lui payer la somme de 28 000 euros (12 mois de salaire), en réparation du préjudice subi par le salarié en raison des manquements de l'employeur à son obligation de santé et sécurité, sur le fondement des articles L.4121-1 et suivants du Code du travail ;

- Condamner la société Transports Champagnat à lui fournir les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant sa notification, le Conseil se réservant le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;

- Condamner la société Transports Champagnat à lui payer les intérêts sur les intérêts dus au taux légal (anatocisme) conformément à l'article 1343-2 du Code Civil ;

- Condamner la société Transports Champagnat à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et éventuels frais d'exécution.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 21 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Transports Champagnat demande à la cour de :

- Réformer le jugement prud'homal déféré en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Monsieur [N] [T] n'était pas constitutif d'une faute gave ;

- dit que le licenciement de Monsieur [N] [T] était intervenu pendant un arrêt de travail pour maladie professionnelle au mépris des articles L.1226-7 et L.1226-9 du Code du travail ;

- prononcé la nullité du licenciement de Monsieur [N] ;

- dit qu'elle devra verser les sommes suivantes à Monsieur [N] :

-13 897.00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la perte injustifiée d'emploi ;

- 936.00 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire ;

- 93.60 euros au titre des congés payés afférents ;

- 4 632.08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 460.18 euros au titre des congés payés afférents ;

-12 352.21 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

-1 200.00 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- dit qu'elle devra remettre à Monsieur [N] [T] les documents sociaux suivants :

- Bulletins de salaires conformes au présent jugement ;

- Une attestation Pôle Emploi conforme au présent jugement ;

- Un certificat de travail conforme au présent jugement ;

- dit qu'elle devra rembourser aux organismes compétents les indemnités éventuellement versées (chômage, RSA et toute autre indemnité)à concurrence de 6 mois d'indemnités, à charge pour lesdits organismes de justifier des versements ;

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire (de novembre 2015 à janvier 2016) à 2 316.04 euros bruts;

- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du Code de Procédure ;

- débouté la société Transports Champagnat de sa demande reconventionnelle ;

- laissé à sa charge exclusive l'intégralité des dépens.

- Le confirmer pour le surplus.

- Juger que les demandes d'annulation des sanctions disciplinaires de 2011 et 2013 sont prescrites,

- Juger que la mise à pied disciplinaire des 22 et 23 décembre 2015 est motivée et justifiée,

- Juger qu'elle a exécuté loyalement le contrat de travail de Monsieur [N],

- Juger le licenciement de Monsieur [N] fondé sur une faute grave dûment établie.

- Débouter Monsieur [N] de l'intégralité de ses demandes et prétentions à savoir :

- 377,33 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied disciplinaire

- 37,73 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 229,09 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied disciplinaire

- 22,91 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 155,81 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied disciplinaire

- 15,58 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 13.900,00 euros à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'exécution déloyale de son contrat de travail

- 28.000,00 euros à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice subi en raison des manquements de l'employeur à son obligation de santé et sécurité

- 936,00 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire

- 93,60 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 12.352,31 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 4.632,08 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 460,18 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 83.400,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la perte d'emploi

- 6.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile - Débouter Monsieur [N] de sa demande de fourniture des bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 300 euros par jour de retard et par document,

-Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire de Monsieur [N] à la somme de 2 106,79 euros bruts.

- Débouter Monsieur [N] de sa demande d'intérêts sur les intérêts dus au taux légal (anatocisme).

- Condamner Monsieur [T] [N] à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner Monsieur [T] [N] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les sanctions disciplinaires

Monsieur [N] indique que le règlement intérieur de la société qui établit la nature et l'échelle des sanctions pouvant être prononcées dans l'entreprise lui est inopposable, que les trois sanctions disciplinaires prononcées à son encontre sont injustifiées, qu'elles doivent être annulées.

La société Transports Champagnat soutient qu'elle a respecté la procédure permettant d'établir le règlement intérieur, que les demandes d'annulation des mises à pied disciplinaires prononcées à l'encontre du salarié en 2011 et 2013 sont prescrites, que s'agissant de la mise à pied disciplinaire du mois de décembre 2015, elle est fondée sur le non respect par le salarié des consignes sur le site de Kuehne et son comportement irrespectueux.

Les demandes d'annulation des sanctions disciplinaires sont soumises à la prescription édictée par l'article L.1471-1 du code du travail qui dispose que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Ce texte s'applique aux prescriptions en cours à la date du 17 juin 2013, date de promulgation de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.

En conséquence, les demandes en annulation des mises à pied disciplinaires prononcées à l'encontre de Monsieur [N] par courriers des 18 novembre 2011 et 3 mai 2013 portées par le salarié devant le conseil de prud'hommes par requête du 18 janvier 2017 sont prescrites.

S'agissant de la sanction disciplinaire notifiée au salarié par courrier du 16 décembre 2015, il résulte de l'article L.1333-2 du code du travail que peut être annulée une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant, comme tel est le cas de la société Transport Champagnat, habituellement au moins 20 salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l'article L. 1311-2 du Code du travail dans sa version applicable au présent litige.

Un tel règlement ne peut produire effet que si l'employeur a accompli les diligences prévues à l'article L.1321-4 du code du travail qui dispose que le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité. En même temps qu'il fait l'objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, est communiqué à l'inspecteur du travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur.

Monsieur [N] indique que les institutions représentatives du personnel n'ont été consultés que sur la mise à jour du règlement intérieur relative à la vidéosurveillance et non sur la nature et l'échelle des sanctions.

Le règlement intérieur du 13 février 2008 a été soumis à l'avis des délégués du personnel et comité d'entreprise lors de sa réunion du 21 décembre 2007, ainsi qu'il résulte du procès verbal établi à cette occasion, peu important qu'il mentionne seulement " concernant la signature du règlement intérieur par le CHSCT, les délégués ont souligné l'obligation d'ajouter au règlement intérieur l'article précisant l'usage et la finalité de la vidéosurveillance ainsi que l'information des salariés sur cet équipement".

Il est relevé toutefois que si l'employeur a bien transmis le règlement mis à jour à l'inspection du travail par courrier du 13 février 2008, il ne justifie pas y avoir joint l'avis des institutions représentatives du personnel comme exigé par les dispositions précitées.

Dès lors les dispositions du règlement intérieur relatives aux sanctions sont sans effet et la sanction disciplinaire, une mise à pied disciplinaire de deux jours les 22 et 23 décembre 2015, prononcée par la société à l'encontre de Monsieur [N] le 16 décembre 2015 est, pour ce seul motif, nulle.

Il sera fait en conséquence fait droit à la demande formée par le salarié en paiement du rappel de salaire dont il a été privé au cours de cette mise à pied à hauteur de 155, 81 euros outre 15,58 euros au titre des congés payés.

Le jugement sera infirmé et la société condamnée à payer ces sommes à M. [N].

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Monsieur [N] affirme que la société lui a abusivement infligé des sanctions disciplinaires, qu'elle a surveillé son activité de manière illicite par le biais d'un dispositif de géolocalisation en violation de son droit au respect de sa vie privée, qu'elle a manqué à son obligation de formation le privant ainsi d'occuper un autre emploi que celui de chauffeur routier afin de prévenir sa sciatique par hernie discale.

La société soutient quant à elle que les sanctions disciplinaires infligées à Monsieur [N] étaient justifiées, qu'elle a respecté la procédure concernant la mise en place d'un système de géolocalisation et en a dûment informé le salarié, que Monsieur [N] a suivi deux formations en 2010 et 2015.

Il a été établi que la sanction disciplinaire prononcée par la société à l'encontre de Monsieur [N] le 16 décembre 2015 était nulle.

La société justifie par ailleurs que Monsieur [N] a suivi en 20 ans d'exercice professionnel au sein de l'entreprise seulement deux formations de 5 jours chacune en 2010 et 2015, des formations de remise à niveau des connaissances et acquis pour les conducteurs de véhicule de transports de marchandises. Ce faisant, elle ne démontre pas avoir satisfait à son obligation qui lui impose d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Concernant enfin le dispositif de géolocalisation, la mise en place d'un tel dispositif, susceptible de porter atteinte à la vie privée du salarié et à ses libertés, n'est licite que si ce procédé a fait l'objet d'une déclaration préalable à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), a été soumis à une consultation des représentants du personnel et a fait l'objet d'une information individuelle préalable auprès des salariés.

De surcroît, selon l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Enfin, un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés.

En l'espèce, la société ne justifie pas avoir informé Monsieur [N] de l'utilisation d'un système de géolocalisation sur ses camions et des finalités de ce dernier préalablement à sa mise en place. Le document dactylographié daté du 2 mars 2012 ayant pour objet "système de géo-localisation ( Dynafleet) à bord des véhicules" et portant la mention " A l'attention de tout le personnel" ne permet pas de s'assurer qu'il a été portée effectivement à la connaissance personnelle de Monsieur [N] avant l'installation du dispositif litigieux.

Dès lors, ce dispositif qui fonctionnait en permanence pendant l'exercice professionnel du salarié y compris pendant ses temps de pause a porté une atteinte à sa vie privée.

Du fait des manquements précités de la société à ses obligations professionnelles, Monsieur [N] a subi un préjudice qui sera évalué à la somme de 4 000 euros, somme que la société sera condamnée à lui payer.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l'origine professionnelle de la maladie de Monsieur [N]

Selon l'article L. 1226-7 du contrat de travail, le contrat de travail du salarié victime d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par cette maladie.

Selon l'article L. 1226-9, au cours des périodes de suspension du contrat de travail pour maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la maladie.

Les règles protectrices édictées par l'article L. 1226-9 du code du travail s'appliquent dès lors que la suspension du contrat de travail a pour origine, au moins partiellement, un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Le juge doit constater à la fois l'origine professionnelle de l'arrêt de travail du salarié et la connaissance par l'employeur de cette origine, cette seconde condition étant remplie dès lors que l'employeur était informé au jour du licenciement de la volonté du salarié de faire reconnaître l'origine professionnelle de l'arrêt de travail.

En raison de l'autonomie du droit du travail par rapport au droit de la sécurité sociale, la décision de la juridiction de sécurité sociale est sans incidence sur l'application des dispositions des articles L. 1226-6 et suivants du code du travail.

Il appartient à la cour d'apprécier elle-même l'origine professionnelle ou non de l'arrêt de travail. Elle doit rechercher elle-même l'existence d'un lien de causalité entre la suspension du contrat de travail ou l'inaptitude et l'accident du travail ou la maladie professionnelle.

Il incombe au salarié d'établir que son arrêt de travail est en relation avec un accident du travail survenu antérieurement, le fait que ledit arrêt ait été pris en charge par la sécurité sociale au titre de la législation sur les accidents du travail n'étant pas de nature à constituer à lui seul une telle preuve.

Il ressort des pièces produites et des conclusions des parties que :

- le 26 janvier 2016, en réponse à l'employeur qui lui indiquait l'affecter sur une nouvelle ligne, Monsieur [N] lui a adressé le courrier suivant : "j'ai bien pris en compte votre courrier pour la nouvelle ligne montsoult 95, le havre 76 et en plus des 7 livraisons. Je vous remercie pour l'attention que vous me portez pour la nouvelle ligne souffrant du dos je ne sais pas si je pourrai assurer cette mission, en plus j'ai souvent des vertiges ce qui est déjà risqué pour mon activité. Je vous rappelle avoir déjà refusé le trajet pour lequel j'ai eu cinq jours de mise à pied",

- le 1er février 2016, Monsieur [N] a bénéficié d'une visite médicale périodique à l'issue de laquelle le médecin a émis un avis d'aptitude sans réserve,

- Monsieur [N] a été placé en arrêt de travail à compter du 22 février 2016, prolongé une première fois le 25 février 2016 jusqu'au 5 mars 2016 puis une seconde fois le 4 mars 2016 jusqu'au 20 mars 2016,

- le 2 mars 2016, selon les déclarations de Monsieur [N] dans ses écritures, il a eu une soudaine sensation de déchirure dans la colonne vertébrale diagnostiquée comme une hernie discale L4-L5 et a adressé à cette occasion à la cpam une feuille d'accident du travail ou de maladie professionnelle,

- le 22 mars 2016, à l'issue de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré Monsieur [N] "apte à la conduite sans port de charge supérieur à 5kg",

- Monsieur [N] a repris son travail et la société lui a confié une livraison de [Localité 8] (92) à [Localité 6] (Belgique) le 29 mars 2016

- Monsieur [N] a été placé à compter du 6 avril 2016 en arrêt de travail pour maladie professionnelle au motif d'une sciatique par hernie discale,

- le 10 août 2016, la cpam a informé Monsieur [N] qu'elle prenait en charge la sciatique par hernie discale survenue le 2 mars 2016 au titre de la législation relative aux risques professionnels,

- le 23 mai 2017, elle l'informait que son état de santé en lien avec sa maladie professionnelle était consolidée.

Ces éléments sont insuffisants à démontrer un lien entre l'arrêt de travail prescrit à Monsieur [N] à compter du 6 avril 2016 et une maladie professionnelle alors que Monsieur [N] a été déclaré apte sans réserves par le médecin du travail le 1er février 2016, que le salarié a été en arrêt de travail du 22 février 2016 au 20 mars 2016, que la hernie discale ayant donné lieu à la déclaration de maladie professionnelle à la cpam est survenue le 2 mars 2016 pendant cet arrêt de travail, que le 22 mars 2016 le salarié a été déclaré apte par le médecin du travail avec pour seule réserve, l'interdiction de port de charges supérieur à 5 kg, que la société indique sans être contredite qu'elle l'a affectée en considération de cet avis sur une ligne ne comportant pas de manutention venant contrarier les préconisations du médecin du travail, que contrairement à ce que Monsieur [N] soutient aucune pièce ne démontre que le médecin du travail aurait en outre préconisé des pauses fréquentes du salarié sur les trajets professionnels qu'il était amené à effectuer, qu'il ne peut dès lors reprocher à la société d'avoir manqué à son obligation de sécurité en l'affectant lors de sa reprise du travail au mois de mars 2016 sur un trajet de 400 kilomètres et de ne pas lui avoir accorder des pauses supplémentaires.

En conséquence, Monsieur [N] ne démontre pas que ses arrêts de travail auraient au moins pour partie pour origine une maladie professionnelle.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

L'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017 et de l'article L. 4121-2 du même code impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Manque à cette obligation l'employeur qui ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et 4121-2 du code du travail.

A l'appui de sa demande en indemnisation de son préjudice pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, Monsieur [N] soutient que la société n'a pas pris toutes les mesures pour prévenir et faire cesser les affections du dos dont il s'est trouvé atteint. Néanmoins, il n'a pas été établi que la sciatique par hernie discale dont souffre Monsieur [N] avait un lien avec son activité professionnelle et il est en revanche démontré que moins d'une semaine après avoir informé la société de ses souffrances au dos, Monsieur [N] a passé une visite médicale à l'issue de laquelle il a été déclaré apte sans réserves, que la société a respecté le second avis rendu par le médecin du travail le 22 mars 2016 mentionnant la seule réserve de l'interdiction d'un port de charge.

En conséquence, il n'est pas démontré de manquement de la société à son obligation de sécurité ayant causé un préjudice au salarié.

Monsieur [N] sera débouté de cette demande.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit :

" (...) Le vendredi 25 mars 2016 à votre retour de tournée à 15h30, le service d'exploitation vous a demandé d'effectuer un remplacement sur la ligne [Localité 8]-[Localité 6]-[Localité 8] pendant deux jours, les mardi 29 mars et mercredi 30 mars 2016.

Vous avez répondu que vous vous arrêteriez plusieurs fois sur l'itinéraire à cause de votre mal de dos.

Le service d'exploitation vous a indiqué qu'il n'avait connaissance de que votre impossibilité de porter des charges supérieures à 5 kilos, vous précisant que la ligne [Localité 8]-[Localité 6] ne comportait pas de manutention de charges.

(...) Le service exploitation a ensuite essayé de vous expliquer le montage de la ligne ainsi que l'itinéraire.

Vous n'avez pas voulu les écouter.

Un ancien chauffeur de service mécanique, Monsieur [K] [J], qui avait déjà effectué cette ligne, présent à ce moment-là au service exploitation, a voulu vous expliquer avec eux le montage de cette ligne mais vous n'avez pas non plus daigné l'écouter.

Vous êtes parti avec le montage et l'itinéraire papier sans avoir voulu entendre leurs explications.

Un peu plus tard dans l'après-midi, vous avez envoyé un SMS au responsable d'exploitation, Monsieur [P] [R] lui indiquant que vous vous arrêteriez plusieurs fois sur le trajet.

En arrivant le mardi 29 mars 2016 sur votre lieu de prise de service à [Localité 4] pour récupérer une voiture de la société afin de vous rendre à [Localité 8], vous avez de nouveau refusé d'entendre les indications du service exploitation, notamment sur la prise de l'euro vignette.

Vous avez pris les clés du véhicule et vous êtes ressorti aussitôt.

Vous avez alors rappelé le service exploitation 3heures 45 plus tard leur demandant comment prendre l'euro vignette...

Le service exploitation a suivi votre trajet sur le logiciel Transic ( suivi des trajets en temps réel).

Vous vous êtes arrêté une première fois à 12h25 pendant 10 minutes sans raison en lien avec la ligne.

Vous vous êtes ensuite trompé trois fois sur l'itinéraire. Le service exploitation a tenté de vous joindre à dix reprises sur le téléphone du camion mais vous n'avez jamais daigné décrocher ( sonnerie puis basculement sur répondeur).

Le service exploitation vous a laissé trois ou quatre messages vous demandant de les rappeler, ce que vous n'avez jamais fait.

A 16h15, en raison de vos erreurs d'itinéraire, vous devez vous arrêter pour faire une coupure de 45 minutes. Il vous reste encore environ 75 kilomètres à parcourir. Vous repartez à 17heures et arrivez à 18h46 chez Toyota à [Localité 6] en vous trompant à nouveau à deux reprises sur l'itinéraire.

A 19h20, vous repartez de chez Toyota et une nouvelle fois, vous vous trompez d'itinéraire et repassez par le nord de Bruxelles en faisant le tour du ring de Bruxelles.

Parallèlement, le service exploitation fait partir un de vos collègues de travail, Monsieur [L], avec un véhicule de la société pour qu'il vous rejoigne sur l'itinéraire.

En effet, en raison de vos erreurs répétées sur le trajet, vous ne pouvez pas finir la ligne, votre temps maximum de conduite étant atteint.

A 20h30, l'exploitant de nuit, Monsieur [I] vous appelle à son tour dans le camion et vous décidez, cette fois-ci de décrocher. Ce dernier vous rappelle une deuxième fois une demi-heure plus tard pour vous indiquer à quel endroit faire le relais avec Monsieur [L].

A 21h50, l'échange de véhicule entre Monsieur [L] et vous-même se fait à hauteur de [Localité 5]. Il restait encore 175 kilomètres à parcourir pour arriver à [Localité 8].

Vous êtes rentré directement au dépôt avec la voiture de la société et Monsieur [L] a terminé votre tournée en arrivant à minuit avec plus d'une heure de retard.

Votre attitude est totalement inacceptable. Vous avez fait preuve d'une désinvolture manifeste en refusant d'écouter les consignes de votre hiérarchie, et ce, à plusieurs reprises, et vous avez délibérément enfreint votre ordre de mission en empruntant notamment des sorties d'autoroute de façon aléatoire et en commettant d'autres erreurs incontestablement de façon délibérée. Votre attitude désinvolte et provocante est préjudiciable à l'entreprise, étant précisé que nous avons dû faire appel à un de vos collègues de travail pour qu'il vous rejoigne avec un véhicule de la société sur votre ligne afin de la terminer. (...)

Vos explications non plausibles ne sont pas de nature à justifier votre attitude désinvolte qui n'est malheureusement pas isolée.

Suite à votre visite de reprise du 22 mars dernier à 14h15, vous ne vous êtes pas présenté à la société l'après-midi. Vous n'avez repris votre travail que le lendemain matin.

Vos antécédents disciplinaire témoignent également de la persistance de votre comportement fautif.

Encore tout récemment, le 16 décembre 2015, nous vous avions notifié une mise à pied disciplinaire suite à votre désinvolture chez notre client [V] [B] qui vous a interdit de site.

Nous avons ensuite été contraints de vous réaffecter sur une nouvelle ligne et nous avons dû vous adresser une lettre de mise en demeure pour que vous assuriez cette nouvelle tournée.

Force est de constater que vous n'avez pas changé votre comportement suite à votre dernière sanction notifiée le 16 décembre 2015 dernier, bien au contraire.

La persistance de votre comportement fautif est fortement préjudiciable à la société.

En conséquence, nous n'avons d'autres choix que de vous notifier votre licenciement pour faute grave, à effet immédiat (...)"

Monsieur [N] explique que les relevés de trajet issus du dispositif de géolocalisation produits par la société sont irrecevables comme étant illicites, que la société n'apporte en tout état de cause pas la preuve des fautes qu'elle lui reproche, qu'il ne savait pas utiliser le téléphone du camion, qu'il a appelé l'entreprise une fois arrivé chez le client, qu'il n'a pris qu'une seule pause de 10 minutes en plus de la pause obligatoire de 45 minutes, qu'il ne s'est trompé qu'une seule fois d'itinéraire ce qui lui a fait perdre 15 minutes, que la carte routière fournie par la société était imprécise, que cela n'a eu aucune incidence négative sur la livraison au garage Toyota à [Localité 6], qu'il n'était pas absent de l'entreprise le 22 mars 2016 après-midi, que son licenciement n'est pas justifié.

La société soutient que Monsieur [N] a fait preuve d'insubordination et d'irrespect à l'égard de ses collègues de travail les 25 et 29 mars 2016, qu'il a refusé de prendre connaissance des consignes de travail pour la journée du 29 mars suivant, que le mail du service exploitation produit sur ce point est authentique, que les erreurs d'itinéraires commises par Monsieur [N] sont la conséquence de son insubordination, qu'elles ont entraîné une désorganisation du service, qu'elle a été contrainte en urgence de solliciter un autre chauffeur routier afin qu'il termine la tournée en lieu et place de Monsieur [N], que Monsieur [N] n'a pas répondu aux appels téléphoniques répétés de son employeur pendant son temps de travail, qu'il fait preuve de mauvaise foi en indiquant qu'il ne savait pas se servir de ce téléphone, qu'il avait déjà été sanctionné en 2015, que le licenciement pour faute grave est fondé.

Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

Lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

En application des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail, le doute doit profiter au salarié.

- Sur la recevabilité du moyen de preuve illicite

En application des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'illicéité d'un moyen de preuve, au regard des dispositions susvisées, n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

La production des relevés du trajet effectué par Monsieur [N] le 29 mars 2016 issu du dispositif de géolocalisation illicite est indispensable à l'exercice du droit à la preuve de la société Transports Champagnat et ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de la vie personnelle du salarié. Ces relevés constituent en conséquence un moyen de preuve recevable.

- Sur le bien-fondé des griefs faits au salarié

La société reproche à Monsieur [N] de ne pas avoir voulu entendre les explications données par le service exploitation sur l'itinéraire qu'il devait emprunter le 29 mars 2016, d'avoir pris une pause de 10 minutes sur le trajet, de ne pas avoir répondu aux appels téléphoniques du service exploitation, de s'être trompé à trois reprises de trajet, de l'avoir contraint à faire appel à un salarié pour terminer le trajet, de ne pas s'être présenté à son travail l'après-midi du 22 mars 2016 suite à sa visite de reprise.

Il n'est pas établi que Monsieur [N] qui le conteste ne se soit pas présenté à son travail l'après-midi du 22 mars 2016 après sa visite de reprise auprès du Médecin du travail.

Concernant le trajet du 29 mars 2016, le seul mail du 30 mars 2016 produit par la société émanant du service exploitation et qui relate les faits tels qu'ils ont été repris dans la lettre de licenciement, ne permet pas de justifier des griefs qui sont imputés au salarié et de son attitude désinvolte et notamment ne prouve pas qu'il aurait refusé d'entendre les conseils du service exploitation pour réaliser ce trajet de près de 400 kilomètres.

Si Monsieur [N] admet avoir pris une pause de 10 minutes en plus de la pause de 45 minutes à laquelle il peut prétendre en raison de ses douleurs au dos, si le relevé de son trajet effectué ce jour là montre qu'il a pu se tromper d'itinéraire et si il reconnaît ne pas avoir répondu aux appels téléphoniques du service exploitation sur le téléphone du camion, cela ne traduit pas de sa part un comportement volontairement négligent et ne constitue pas une faute de nature à justifier son licenciement.

Il est rappelé au surplus qu'il avait au moment des faits 20 ans d'expérience professionnelle au sein de cette société, que la sanction prononcée à son encontre en 2015, déclarée nulle par le présent arrêt, ne pouvait être prise en compte pour soutenir les faits qui lui étaient reprochés pas plus que les deux autres sanctions lui ayant été infligées au cours de la relation de travail qui étaient anciennes, l'une ayant été prononcée plus de trois ans et l'autre près de trois ans avant la rupture du contrat de travail.

En conséquence, le licenciement de Monsieur [N] est, non pas nul, l'arrêt de travail au cours duquel il a été prononcé n'étant pas d'origine professionnelle, mais dénué de cause réelle et sérieuse.

Monsieur [N] peut dès lors prétendre aux indemnités de rupture.

Il sollicite que celles-ci soient fixées sur la base d'un salaire de référence calculé en tenant compte des trois derniers mois de salaire précédant ses arrêts de travail soit les mois de janvier 2016, décembre et novembre 2015. Au vu des pièces produites, et étant établi que la prime de non d'accident versée au salarié au mois de novembre 2015 est une prime annuelle qui doit en conséquence être prise en compte à due proportion, ce salaire est fixé à la somme de 2 158, 73  euros.

Monsieur [N] est bien-fondé tout d'abord à réclamer une indemnité de licenciement sur le fondement des articles L.1234-9, R1234-1 et R1234-2 du code du travail dans leur version applicable au présent litige et qui s'élève au vu de son ancienneté à l'issue du préavis à la somme de 11 597, 16 euros.

Il peut également prétendre à une indemnité compensatrice de préavis correspondant aux salaires et avantages qu'il aurait perçus si il avait travaillé pendant cette période à la somme de 4 317, 46 euros brut outre celle de 431, 74 euros au titre des congés payés afférents.

Monsieur [N] peut également bénéficier en application de l'article L.1235-3 dans sa version applicable au moment du licenciement, la société Transports Champagnat comptant au moins onze salariés et le salarié d'au moins deux ans d'ancienneté, d'une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires bruts des 6 derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail.

En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, de son ancienneté au sein de la société, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi et des justificatifs produits sur sa situation professionnelle postérieure au licenciement, la cour fixe le préjudice matériel et moral qu'il a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi à la somme de 30 000 euros.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé et la société condamnée à payer ces sommes à Monsieur [N].

Sur le rappel de salaire sur mise à pied

Le licenciement de Monsieur [N] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est bien fondé à réclamer le salaire dont il a été privé durant sa mise à pied conservatoire du 30 mars 2016 au 14 avril 2016 à hauteur de 936 euros.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société à lui payer cette somme outre celle de 93, 6 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la remise des documents sociaux

Eu égard aux sommes allouées à Monsieur [N], la société sera condamnée à lui remettre un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur le remboursement par l'employeur à l'organisme des indemnités de chômage

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à Monsieur [N] du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les intérêts

Les créances salariales et assimilées produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La société Transports Champagnat qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît en outre équitable de la condamner à verser à Monsieur [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel en sus de l'indemnité lui ayant déjà été allouée à ce titre par le conseil de prud'hommes.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency du 16 septembre 2019,

Déclare la sanction disciplinaire prononcée à l'encontre de Monsieur [T] [N] le 16 décembre 2015 nulle,

Dit que l'arrêt de travail de Monsieur [N] durant lequel son licenciement est intervenu n'a pas, même pour partie, pour origine une maladie professionnelle ou un accident du travail,

Dit que le licenciement de Monsieur [T] [N] n'est pas nul mais est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Transports Champagnat à payer à Monsieur [T] [N] les sommes suivantes :

- 155, 81 euros brut à titre de rappel de salaire du fait de la nullité de la sanction du 16 décembre 2015,

- 15, 58 euros au titre des congés payés afférents,

- 4 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- 11 597, 16 à titre d'indemnité pour licenciement,

- 4 317, 46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 431, 74 euros au titre des congés payés afférents,

- 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déclare les demandes de Monsieur [T] [N] en annulation des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre les 18 novembre 2011 et 3 mai 2013 prescrites,

Déboute Monsieur [T] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

Ordonne le remboursement par la société Transports Champagnat à Pôle emploi des indemnités de chômage qu'elle a versées à Monsieur [T] [N] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d'indemnités,

Ordonne à la société Transports Champagnat de remettre à Monsieur [N] un bulletin récapitulatif et les documents de fin de contrat conformes à la présente décision,

Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte,

Rappelle que les créances salariales et assimilées produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation,

Rappelle que les créances indemnitaires produisent intérêts à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Condamne la société Transports Champagnat à payer à Monsieur [T] [N] la somme de 2 500 euros pour les frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité lui ayant été allouée à ce titre par le conseil de prud'hommes,

Condamne la société Transports Champagnat aux dépens de première instance et d'appel,

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03863
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;19.03863 ?
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