COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 SEPTEMBRE 2022
N° RG 19/03783
N° Portalis DBV3-V-B7D-TQEU
AFFAIRE :
[K] [C]
C/
Société d'Economie Mixte d'Aménagement et de Gestion de la Ville de [Localité 4] - SEMNA
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre
N° Section : Activités Diverses
N° RG : 17/03228
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Julie MERGUY
Me Didier Guy SEBAN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, fixé initialement au 11 mai 2022, prorogé au 08 juin 2022, puis au 06 juillet 2022, puis au 14 septembre 2022 et différé au 15 septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [K] [C]
née le 23 Mars 1971 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Julie MERGUY de la SELARL LFMA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2451
APPELANTE
****************
Société d'Economie Mixte d'Aménagement et de Gestion de la Ville de [Localité 4] - SEMNA
N° SIRET : 333 502 391
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Didier Guy SEBAN de la SCP SEBAN ET ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0498 substitué par Me Benoît ROSEIRO, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,
Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,
EXPOSE DU LITIGE :
A compter du 3 avril 2006, Madame [K] [C] a été engagée en qualité d'assistante de direction chargée des services généraux et achats par la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de [Localité 4] (la SEMNA), dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
Son contrat de travail prévoyait son engagement au statut d'ETAM, position 2.1, coefficient 275 selon la classification établie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils applicable entre les parties. Au dernier état de la relation contractuelle, la salariée était assujettie à la position 3.3 et au coefficient 500 de la convention collective applicable.
Entre le 16 avril et le 7 août 2007 et entre le 24 août et le 13 décembre 2010, elle a été placée en congé maternité.
A compter du 21 février 2017, elle a été placée en arrêt de travail pour maladie.
A l'issue d'une visite de pré-reprise organisée le 19 octobre 2017, le médecin du travail recommandait d'envisager l'inaptitude de la salariée.
Par requête reçue au greffe le 30 octobre 2017, Madame [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin notamment de voir prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail et d'obtenir le paiement de diverses sommes.
Par avis du 3 novembre 2017, elle a été déclarée inapte à son poste de travail, le médecin du travail indiquant que l'employeur était dispensé de l'obligation de reclassement, le maintien dans l'emploi de la salariée était gravement préjudiciable à sa santé.
Par courrier du 7 novembre 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 17 novembre suivant, auquel elle ne s'est pas présentée.
Par courrier du 23 novembre 2017, elle s'est vue notifier son licenciement, motivé par son inaptitude et la dispense de procéder à son reclassement.
Par jugement du 30 juillet 2019, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre, section Activités diverses, a :
- débouté la salariée de l'intégralité de ses demandes ;
- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et du surplus de ses demandes ;
- condamné la salariée aux dépens.
Par déclaration au greffe du 15 octobre 2019, Madame [C] a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 30 septembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, elle expose notamment que :
- sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur est justifiée par les graves manquements de ce dernier à ses obligations, à savoir son sous-classement au regard du positionnement conventionnel et au vu ses fonctions qu'elle exerçait réellement (notamment en qualité de responsable du service 'Services généraux et achats'), de sa déqualification au vu des stipulations de la convention collective applicable et en comparaison avec sa collègue assistante de direction engagée sous statut cadre, des déclassements (caractérisant une discrimination) qu'elle a subis à l'issue de chacun de ses congés maternité, compte tenu notamment à son affectation au standard ;
- elle a subi des faits de harcèlement dans les mois suivant la rupture de son contrat de travail, au vu notamment de la détérioration de ses conditions de travail, de son déclassement, des injonctions contradictoires qui lui ont été adressées, de sa 'mise au placard' progressive, des remontrances injustifiées que lui a adressées son employeur, ce dernier s'étant abstenu d'agir alors qu'il avait connaissance de sa situation de souffrance ;
- son licenciement pour inaptitude résulte des actes de harcèlement moral qu'elle a subis et, à tout le moins, d'un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoqué, compte tenu de la dégradation de ses conditions de travail ;
- dans la mesure où son contrat de travail n'a pas été exécuté de bonne foi de sorte qu'elle n'a pu évoluer normalement, elle est fondée à être obtenir réparation notamment du préjudice économique de carrière qu'elle a subi ;
- elle est fondée à être indemnisée consécutivement à la reconnaissance de son statut cadre 3.1 de la convention collective applicable.
Elle demande à la cour de :
- Infirmer le jugement dans sa totalité ;
Statuant à nouveau :
A titre principal,
- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat du travail aux torts exclusifs de l'employeur selon l'article 1184 du code civil ;
- Dire à titre principal que la résiliation judiciaire doit être assimilée à un licenciement nul ;
En conséquence :
- Condamner la société à lui payer à titre d'indemnisation pour licenciement illicite la somme de 62.500 euros nets ;
- Condamner la société à la réintégrer et à défaut au paiement d'une indemnité compensatrice de ses salaires jusqu'à sa réintégration à parfaire 47 909,40 euros nets ;
- Dire à titre subsidiaire que la résiliation judiciaire doit être assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
- Condamner la société à lui payer à titre d'indemnisation pour absence de cause réelle et sérieuse 49.500 euros nets ;
A titre subsidiaire,
- Requalifier à titre principal le licenciement pour inaptitude en le licenciement nul ;
En conséquence :
- Condamner la société à lui payer à titre d'indemnisation pour licenciement illicite la somme de 62.500 euros nets ;
- Condamner la société à la réintégrer et à défaut au paiement d'une indemnité compensatrice de ses salaires jusqu'à sa réintégration à parfaire 47.909,40 euros nets ;
- Requalifier à titre subsidiaire le licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
- Condamner la société à lui payer à titre d'indemnisation pour absence de cause réelle et sérieuse 49.500 euros nets ;
En tout état de cause,
- Condamner la société à lui payer des indemnités de rupture :
- Calculées à titre principal au regard de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir en qualité de cadre soit :
A un complément d'indemnité de licenciement de 4.407,15 euros nets ;
Indemnité compensatrice de préavis de 11.977,35 euros bruts ;
Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis de 1 197,73 euros bruts ;
- Calculée à titre subsidiaire au regard de la rémunération perçue, soit :
Indemnité compensatrice de préavis de 6.578,98 euros bruts ;
Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis de 657,89 euros bruts ;
- Condamner la société à lui payer à titre des dommages et intérêts :
- Pour préjudice moral et exécution déloyale du contrat de travail dans un contexte de harcèlement moral : 15.000,00 euros nets ;
- Pour discrimination : 20 000 euros nets ;
- Pour préjudice économique et de carrière 30.000 euros nets ;
- Condamner la société à lui payer :
- Au titre du rappel de salaires par rapport à la convention cadre 3.1 : 19.705,34 euros
bruts ;
- Au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire 1 .970,53
euros bruts ;
- Condamner la société à établir les bulletins de paie régularisant les rappels de salaires et l'attestation Pôle emploi régularisée ;
- Article 700 du code de procédure civile : 5 000,00 euros nets ;
- Intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 31 août 2021 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la SEMNA, intimée, soutient en substance que :
- la demande de résiliation judiciaire formée par la salariée n'est pas fondée, la réalité des prétendus manquements graves qui se seraient déroulés pendant plus de onze ans et demi n'étant pas établie ;
- la qualification et la classification professionnelle de la salariée étaient conformes aux fonctions d'assistante de direction non cadre qu'elle exerçait ou pour laquelle elle a été embauchée, celle-ci ne justifiant d'aucune expérience professionnelle ou formation lui permettant de revendiquer un poste de 'responsable d'un service achats' ;
- la salariée n'a subi aucune discrimination liée à sa maternité, celle-ci ne produisant aucun élément de nature à établir un lien entre sa maternité et la réorganisation de ses tâches ou démontrant une disparité de traitement avec d'autres salariés placés dans une situation comparable ;
- la salariée n'apporte aucune preuve des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement qu'elle allègue, la version des faits et des griefs dont elle fait état n'ayant cessé d'évoluer au gré des écritures et de la procédure ;
- plus généralement, aucun manquement à son obligation de sécurité ne saurait lui être reproché, l'absence d'attribution du statut cadre ou d'autres responsabilités à la salariée tenant compte de son diplôme de niveau bac + 5 étant justifiée en l'espèce, la salariée ne démontrant aucun abus qui aurait été commis dans l'exercice du pouvoir de direction, outre le fait qu'il ignorait la dégradation de son état de santé et qu'il s'est montré particulièrement attentif à ses sollicitations ;
- le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle de la salariée est justifiée, dès lors qu'elle a été déclarée inapte à son poste de travail et que, dans le cadre de l'article R. 4624-42 du code du travail, le médecin du travail a constaté que le maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à son état de santé, de sorte qu'il était dispensé de toute recherche de reclassement, aucun lien ne pouvant être établi entre son comportement et l'inaptitude de l'appelante.
Elle demande à la cour de :
A titre principal
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- Débouter l'appelante de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société ;
- Dire que le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle de l'appelante est parfaitement régulier et justifié ;
- Débouter l'appelante de l'intégralité de ses autres demandes ;
A titre subsidiaire,
- Débouter la salariée de sa demande de nullité de la rupture de son contrat de travail ;
- Ramener le quantum de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail à de plus justes proportions, compte tenu des indemnités déjà perçues par la demanderesse au titre de la rupture de son contrat de travail ;
- Débouter l'appelante du surplus de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire,
- Débouter l'appelante de sa demande de réintégration en ce que celle-ci est incompatible avec une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
- Débouter l'appelante de sa demande d'un montant de 47.909,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de salaire 'jusqu'à sa réintégration' en ce qu'elle ne résulte pas d'un préjudice distinct ;
- Ramener le quantum de sa demande au titre d'un licenciement illicite à de plus justes proportions, compte tenu des revenus de toute nature perçus par l'appelante depuis la rupture de son contrat de travail ;
- Constater que l'appelante ne rapporte pas la preuve du principe et de l'étendue des préjudices suivants qu'elle invoque :
préjudice lié à une discrimination ;
préjudice moral et exécution déloyale du contrat de travail dans un contexte de harcèlement moral ;
préjudice économique et de carrière ;
- Ramener en conséquence, le quantum de ses demandes formées à ce titre, à de plus justes proportions ;
- Débouter l'appelante du surplus de ses demandes ;
En tout état de cause :
- Débouter la salariée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Faire droit à la demande reconventionnelle de la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 5.000 euros.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 octobre 2021.
MOTIFS :
Sur la demande de rappel de salaires :
Saisi d'une demande de classification conventionnelle et d'attribution du coefficient correspondant, il appartient au juge de rechercher les fonctions réellement exercées par le salarié.
Selon l'annexe I portant sur la classification des employés, techniciens et agents de maîtrise (ETAM) de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, les fonctions d'études ou de préparation d'ETAM (correspondant aux positions 2.1 à 2.3) répondent aux caractéristiques suivantes :
'L'activité de l'agent consiste, à partir d'un programme de travail, à le mettre en oeuvre, le concrétiser, le développer et, éventuellement, faire apparaître les difficultés d'ordre pratique de nature à le remettre en cause.
Modèles d'action
Pour conduire ce travail, l'agent se réfère aux méthodes et aux règles d'une technique.
Démarches intellectuelles
L'agent procède du particulier au particulier par analogie.
Définition globale
Contenu
Prise en charge d'activités pouvant, éventuellement, comporter un rôle d'assistance et de coordination des travaux de personnels de qualification moindre.
Tâches ou études fractionnées ou cycliques se présentant sous la forme de schémas ou de programmes qu'il s'agit de développer, de finaliser ou de concrétiser en vue de leur réalisation.
Caractéristiques communes
1. Aspect pluriforme du travail (pluralité des méthodes ou des tâches).
2. Choix, par l'intéressé, d'une méthode parmi des méthodes connues, détermination et mise en oeuvre des moyens nécessaires.
3. L'exercice de la fonction implique la connaissance d'un certain environnement (entreprise, département, matériels fabriqués, organisation, clientèle, etc.).'
S'agissant de la position 2.1, l'annexe I précitée indique que 'l'exercice de la fonction, généralement limité à un domaine particulier d'application d'une technique, implique la connaissance de méthodes, procédés et moyens habituels et l'aptitude à les mettre en oeuvre à partir de consignes générales'.
Par ailleurs, selon l'annexe 1 précitée, les fonctions d'ETAM de conception et de gestion élargie (correspondant aux positions 3.1 à 3.3) répondent aux caractéristiques suivantes :
'Le travail de l'agent consiste :
- à déterminer les schémas de principe qui sont susceptibles d'intégrer les éléments divers d'un problème complet et à les poser comme hypothèse de travail pour lui-même et pour autrui ;
- à élaborer et à coordonner un programme cadre en vue de sa réalisation par lui-même ou par autrui.
Modèles d'action
Pour conduire ce travail, l'agent se réfère aux principes de sa technique et aux lois les régissant.
Démarches intellectuelles
L'agent procède du général au particulier par déduction.
Définition globale
Contenu
Prise en charge de problèmes complets de caractère classique dans la technique considérée.
Caractéristiques communes
1. Avec l'assistance d'un supérieur hiérarchique, recherche de solutions par approches successives conduisant à l'élaboration de schémas de principe ou à la définition de programmes cadres incluant des considérations de coût et de délais.
2. Découpage du problème posé en problèmes secondaires à l'intention d'autres agents auprès desquels est exercée une action de commandement, de coordination, d'assistance, de conseil et de formation.
3. Comptes rendus d'actions sous une forme achevée (dossiers, rapports d'études).
4. Autonomie élargie, la qualité des travaux étant du domaine de l'appréciation plus que du contrôle de conformité'.
En outre, l'article 2 c de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils indique que les ingénieurs et cadres diplômés ou praticiens dont les fonctions nécessitent la mise en oeuvre de connaissances acquises par une formation supérieure sanctionnée par un diplôme reconnu par la loi, par une formation professionnelle ou par une pratique professionnelle reconnue équivalente dans la branche d'activité.
Selon l'annexe II portant sur la classification des cadres de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, la position 3.1 s'applique aux ' ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en 'uvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef'.
En l'espèce, il est constant que la salariée a été engagée en qualité d'ETAM position 2.1 au sens de la convention collective applicable, avant d'être promue à la position 3.3, tout en demeurant ETAM. Alors que la date de ce repositionnement n'est pas précisée par les parties, il convient de relever que la salariée ne formule pas de demande particulière s'agissant de la période au cours de laquelle la position 2.1 lui était appliquée en lieu et place de la position 3.3, ses revendications portant sur l'application du statut cadre.
L'appelante soutient qu'en dépit de son engagement au poste d'assistante de direction chargée des services généraux et achats au niveau d'ETAM, elle exerçait en réalité des fonctions de cadre et était identifiée comme 'responsable du service achats' au sein de la société.
Elle argue à ce titre de ce qu'elle a, dès son recrutement, oeuvré à la refonte du process achats et participé activement à la certification ISO 9001 de la société et à son renouvellement.
Bien qu'elle produise des documents intitulés 'Note process service achats' et'Note interne' (portant sur la réorganisation des achats) datés des 12 et 22 mai 2006 qu'elle indique avoir adressés aux dirigeants et au comité de direction de la société, ces documents ne sont pas de nature à démontrer qu'elle occupait un poste de cadre.
La cour relève notamment qu'outre le caractère isolé de ces réalisations, la salariée n'apporte aucun élément permettant de déterminer si ces travaux et leur contenu ont été réalisés à la demande de son employeur ou résultaient d'une initiative de sa part.
Alors qu'elle soutient qu'elle était 'justement identifiée comme Responsable du service achats' et qu'elle était l'interlocutrice récurrente et privilégiée du prestataire extérieur de la société dans le processus de certification, elle se borne à produire un échange de courriers électroniques avec Monsieur [U] [R]. La cour relève que cet échange de courriers électroniques a été initié par la salariée, laquelle interrogeait le prestataire sur l'opportunité de réserver une salle de réunion, ce dernier n'ayant évoqué la question du processus Achats qu'en réponse à une interrogation de l'appelante.
Dans le même sens, le document intitulé 'Processus Gestion des achats internes' daté du 30 janvier 2008 qui la mentionne en qualité de pilote de processus et la qualifie de 'responsable des achats généraux' n'est pas de nature à démontrer qu'elle n'occupait pas un poste correspondant aux niveaux de qualification et de classification qui lui étaient appliqués. Outre son origine indéterminée, ce document ne fournit aucune indication quant aux fonctions réellement exercées par le salarié.
En outre, les différentes interactions relatives au processus achats dont fait état la salariée, avec ce prestataire extérieur, au même titre que ses échanges avec les salariés de la société (dans lesquels sont par exemple évoquées la réalisation d'un bon de commande spécifique au gardiennage, la communication du processus de gestion ou la mise en ligne de formulaires), ne sont pas incompatibles avec l'exercice de ses attributions d'un ETAM. Il convient de rappeler que celles-ci peuvent concerner tant des fonctions d'études ou de préparation que des fonctions de conception et de gestion élargie, de sorte qu'elles sont susceptibles d'englober les différentes sollicitations relatives à la question des achats dont se prévaut, de façon au demeurant imprécise, l'appelante (participation à des réunions...).
La circonstance selon laquelle la salariée pouvait connaître d'autres sujets (informatique, assurance...) ne démontre aucunement qu'elle exerçait ses fonctions de cadre, au vu des tâches qui lui incombaient concrètement. A ce titre, le rôle d'interlocutrice qu'elle exerçait en matière informatique ne saurait, à lui seul, s'analyser comme caractérisant une activité de cadre, au regard des missions qui lui incombaient (en particulier, au vu du courrier électronique du 16 mai 2016 qu'elle verse aux débats, exercer l'interface entre les salariés de la société et le prestataire spécialisé). De même, s'ils démontrent qu'elle a pu oeuvrer sur le sujet (par la réalisation de courriers, d'historiques...), les courriers électroniques afférents à la gestion des sinistres qu'elle produit ne suffisent aucunement à prouver qu'elle était 'responsable des assurances' au sein de la société, en dépit de ses allégations.
De façon générale, au vu tant du niveau de connaissance exigé que du degré d'autonomie qu'elles reflètent, la cour relève que les diverses pièces versées aux débats par la salariée ne sont pas de nature à démontrer qu'elle occupait des fonctions justifiant l'application du statut cadre 3.1 au sens de la convention collective applicable.
En tout état de cause, outre le fait que les documents produits par la salariée sont excessivement imprécis ou n'apportent aucun élément permettant de démontrer qu'elle mettait en oeuvre des connaissances de cadre, la circonstance selon laquelle la salariée est titulaire d'un diplôme de niveau bac + 5 ne saurait suffire à justifier l'attribution du statut cadre sollicité. La cour relève que la spécialisation de sa formation (maîtrise en philosophie et DESS 'Conseil éditorial et gestion des connaissances') est étrangère aux missions qu'elle prétendait occuper.
Par ailleurs, il y a lieu de relever que l'appelante ne disposait pas de formation professionnelle correspondant aux fonctions de cadre auxquelles elle prétend (son CV fait état d'expériences précédentes en qualité d'assistant de direction et de gestion pendant une durée de trois ans et demi et de 'documentaliste, rédactrice' pendant six mois).
S'agissant de l'argument tiré du non-respect par l'employeur du principe 'à travail égal, salaire égal', la salariée soutient que sa collègue, Madame [D], exerçait les mêmes fonctions d'assistante de direction que les siennes, tout en bénéficiant du statut cadre.
Les éléments ainsi avancés par la salariée, non contestés par l'employeur, sont susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.
En réplique, l'employeur fait valoir que Madame [D] disposait de responsabilités 'bien plus étendues et importantes que celles de la demanderesse', eu égard notamment aux éléments suivants :
- elle encadrait les assistantes de la société ;
- elle réalisait l'interface entre la direction générale de la société et les différents services, les représentants du personnel et les acteurs externes (notamment la mairie de [Localité 4]) ;
- elle réalisait un suivi des conseils d'administration, assemblées générales les formalités y afférentes (convocations, comptes-rendus) ;
- elle était chargée des actions de communication externes et internes de la société.
Au soutien de son argumentation, la société se borne à verser aux débats :
- une fiche de poste correspondant aux fonctions d'assistance du directeur général ;
- un bulletin de paie de Madame [D], qui indique notamment qu'elle avait été engagée le 15 octobre 1987 et disposait du statut cadre position 2.1 au sens de la convention collective applicable ainsi que du coefficient 115 ;
- un document intitulé 'Manuel de management Qualité et Environnement' qui mentionne notamment la présence d'une assistante de direction auprès de la direction générale ;
- un courrier électronique daté du 26 janvier 2016 par lequel une salariée fait état d'un incident qui l'a opposée à l'appelante et demande à ce que '[A] [[D]] responsable des assistantes (...) gère dorénavant les points jm bruneau' ;
- un compte rendu du Conseil d'administration de la société daté du 25 juin 2018, qui mentionne la présence de Madame [D] et indique que celle-ci exerçait les fonctions de secrétaire dudit conseil ;
- un courrier électronique daté du 29 janvier 2018 intitulé 'Réunion DUP - ordre du jour' envoyé par Madame [D].
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de rappeler que la différence d'ancienneté entre les salariés ne saurait en l'espèce justifier une différence de traitement, Madame [D] bénéficiant d'une prime au titre de son ancienneté.
Par ailleurs, un certain nombre d'éléments versés aux débats par l'employeur (bulletin de paie, document intitulé 'Manuel de management Qualité et Environnement') n'apparaissent pas pertinents pour apprécier les fonctions concrètement exercées par Madame [D], en ce qu'ils ne fournissent d'informations se rapportant qu'à sa seule situation administrative.
L'unique courrier électronique envoyé par une salariée qualifiant Madame [D] de 'responsable des assistantes' ne saurait par ailleurs suffire à apprécier la consistance et l'étendue de ses fonctions d'encadrement des assistantes telles qu'elles sont alléguées par l'employeur.
D'une façon générale, outre le caractère excessivement général des documents précités, il apparaît qu'au vu de leurs dates récentes de réalisation, les documents produits par l'employeur ne sont pas de nature à justifier la différence de traitement entre Madame [D] et l'appelante, lesquelles exerçaient toutes deux des fonctions d'assistante de direction, tout en se voyant appliquer des statuts différents depuis plusieurs années.
Par conséquent, si les fonctions exercées par l'appelante ne sont pas de nature à justifier la reconnaissance du statut cadre position 3.1, il convient de constater qu'il appartenait à l'employeur de lui faire bénéficier d'un statut (cadre position 2.1) et d'une rémunération identiques à ceux appliqués à Madame [D], en application du principe d'égalité de traitement.
Au vu du salaire mensuel de base alloué à Mme [D] (2.903,18 euros, selon le bulletin de paie produit par l'employeur) et des rémunérations qu'elle allègue sans être contestée par l'employeur, la salariée sera justement indemnisée par le versement d'une somme de 2.614,20 euros à titre de rappel de salaires, outre une somme de 261,42 euros au titre des congés payés y afférents.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de rappel des salaires.
Sur la discrimination alléguée :
Selon l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance du principe de non-discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, la salariée soutient qu'elle a fait l'objet de déclassement consécutivement à chacun de ses congés maternité.
Au soutien de ses allégations, elle fait état de différents éléments :
- elle s'est vu retirer ses missions informatiques le 11 octobre 2007, à l'issue de son premier congé maternité (ainsi qu'il résulte du courrier électronique du 16 octobre 2007 et du compte-rendu d'entretien annuel pour l'année 2008 qu'elle verse aux débats) ;
- à l'issue de son congé parental en 2011, elle a été contrainte de quitter son bureau personnel situé au deuxième étage pour rejoindre un espace d'accueil standard localisé dans un espace ouvert, afin de consacrer une partie substantielle de son temps à exercer des fonctions de standardiste (l'employeur reconnaît avoir confié des fonctions d'accueil à la salariée) ;
De façon générale, les tâches ainsi confiées ou ôtées à la salariée, laissent supposer l'existence d'une discrimination fondée sur sa maternité. Par conséquent, il appartient à l'employeur de prouver que l'ensemble des décisions contestées est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En réplique, pour soutenir que l'évolution de la salariée est étrangère à toute discrimination, l'employeur soutient essentiellement que :
- les missions de la salariée dans le domaine informatique ne constituaient qu'un aspect accessoire de ses fonctions (au vu de sa fiche de poste) ;
- la réorganisation en matière informatique faisait notamment suite à la mise en place d'un nouveau logiciel de gestion (GESPROJECT) au sein de la société, dans un contexte nécessitant un accroissement des compétences en matière informatique et comptable et justifiant le recours à des salariés disposant d'une expertise en la matière ;
- l'appelante a conservé des missions dans le domaine informatique à l'issue de son congé maternité (recueil de demandes d'informations et de conseil auprès du prestataire, passation de commandes...), ainsi qu'il résulte du courrier électronique du 9 juillet 2015 qu'elle verse aux débats ;
- à compter du début de l'année 2011, face aux sollicitations accrues des deux assistantes, il a décidé de confier les missions d'accueil aux trois assistantes, selon une organisation par roulement (le planning pour la période comprise entre le 21 novembre et le 9 décembre 2016 qu'il verse aux débats laisse apparaître une répartition équitable entre les trois salariées) ;
- la salariée bénéficiait d'une classification conventionnelle et d'une rémunération supérieure à celle de ses collègues affectées à l'accueil (comme il résulte des bulletins de paie qu'il produit) ;
- les missions d'accueil exercées par la salariée étaient conformes à sa qualification professionnelle, les tâches ainsi confiées s'inscrivant dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de direction.
S'agissant du retrait d'attributions à la salariée dans le domaine informatique, la salariée justifie objectivement sa décision compte tenu de l'évolution des besoins de la société en la matière de l'absence de spécialisation de l'appelante dans ce domaine et du caractère accessoire de cette activité dans les missions de la salariée.
En revanche, s'agissant de l'affectation de la salariée à des fonctions d'accueil, il convient de relever que celle-ci était, de fait, seule concernée par cette décision de l'employeur : bien que ce dernier se prévale d'une répartition 'parfaitement équitable', il est constant que cette mission incombait initialement uniquement aux deux collègues de l'appelante.
Alors que l'employeur reconnaît que les salariées par ailleurs affectées aux fonctions d'accueil disposaient d'un niveau de classification moindre que celui occupé par l'appelante, il y a lieu de relever que les missions d'accueil confiées à celle-ci s'analysent en une rétrogradation en comparaison avec les fonctions de conception et de gestion élargie correspondant à la qualification d'ETAM position 3.3 appliquée à la salariée et dont se prévaut lui-même l'employeur.
Alors que cette rétrogradation de fait est intervenue à l'issue du retour de la salariée de son deuxième congé maternité, l'employeur ne fournit aucun élément probant pour justifier cette chronologie, ce dernier se bornant à affirmer que cette réorganisation était justifiée par les 'sollicitations accrues des deux seules assistantes'.
Par conséquent, il convient de dire établis les faits de discrimination allégués par la salariée.
Celle-ci sera justement indemnisée par le versement d'une somme de 10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour discrimination.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il la déboute de ce chef.
Sur le harcèlement et le manquement à l'obligation de sécurité allégués :
Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1154-1 du code du travail mentionne que, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, au soutien de ses allégations selon lesquelles elle aurait fait l'objet d'un harcèlement moral au travail et l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité, la salariée fait valoir que :
- elle a été sous-qualifiée dès son embauche de sorte qu'elle n'a pas bénéficié de l'autorité utile pour accomplir sa mission de responsable des services généraux ;
- elle a été déclassée à l'issue de ses deux congés maternité ;
- l'employeur lui a adressé des injonctions contradictoires afin qu'elle accomplisse ses missions ;
- elle n'a bénéficié d'aucun avancement significatif tout au long de la relation contractuelle ;
- l'employeur lui a refusé les formations aux procédures de marché qu'elle réclamait et qui constituaient un prérequis, selon lui, à son évolution dans ses fonctions ;
- elle a fait l'objet d'une 'mise au placard', ainsi qu'en ont attesté plusieurs collègues, selon elle ;
- elle a reçu des remontrances injustifiées dans des conditions manifestement vexatoire, en raison de prétendus retards ou pour avoir pris une initiative concernant l'entretien des locaux ;
- elle a alerté les délégués du personnel dès 2014 sur la dégradation de ses conditions de travail et la souffrance qu'elle endurait ;
- elle a fait part de son mal-être à sa direction au cours de différents entretiens, notamment à l'occasion de ses entretiens d'évaluation annuelle.
Au soutien de ses allégations, elle verse différentes pièces :
- une attestation établie par Madame [F] [V], ancienne salariée au sein de la société, laquelle indique notamment avoir été 'très étonnée' de voir que l'appelante avait été affectée à l'accueil, avoir constaté la détresse de cette dernière, avoir relevé qu'une plante avait été placée à côté de l'écran de la salariée et conduisait à son isolement, que la direction restreignait l'évolution de la salariée dans la société que le directeur des affaires financières de la société lui 'a[urait] laissé entendre que [s]on rapprochement' avec la salariée lui serait défavorable si elle souhaitait devenir chef comptable ;
- une attestation établie par Monsieur [Y] [M], conjoint de la salariée, qui fait notamment, en substance, état, des difficultés psychologiques qu'elle a rencontrées lorsqu'elle travaillait pour le compte de l'intimée ;
- une attestation établie par Monsieur [H] [W], ancien salarié de la société, qui indique que, durant les trois années qu'il a passées au sein de la société, il a été témoin d'un conflit entre l'appelante et la direction générale et notamment Madame [G] [S], qu'il a vu cette dernière reprocher de manière vexatoire à la salariée un retard de trois minutes, que la salariée est venue à plusieurs reprises en pleurant dans son bureau et que Madame [G] [S] lui aurait demandé de noter les heures d'arrivée et de départ de la salariée à son poste de travail ;
- une lettre remise en mai propre le 14 avril 2014 aux termes duquel la société lui reprochait d'être arrivée entre retard de plus de 10 minutes le 7 avril 2014 (alors qu'elle devait assurer l'accueil) et de plus de 15 minutes le 14 avril suivant ;
- différentes photographies qui montrent qu'elle avait pris l'habitude de photographier l'heure affichée sur le cadran de son téléphone lorsqu'elle arrivait le matin ;
- un document intitulé 'Note entretien des locaux' manifestement rédigé par la salariée, aux termes duquel elle indique des consignes qu'elles a adressées à la personne chargée de l'entretien et formule différentes suggestions, auquel il a été répondu en ces termes : 'Mais de quoi vous mêlez-vous ' Qui vous a demandé de faire 1 point, et quel point avec [E] ' Vous ne faites Rien du Tout de tout cela. Je ne suis pas d'accord sur ce type de méthode. Nous nous verrons quand j'aurai du temps pour le faire. Pour le reste : faites votre travail' ;
- un courrier électronique daté du 11 avril 2016 intitulé 'Rappel des règles et des comportements à adopter' que lui a adressé sa hiérarchie après avoir constaté des dysfonctionnements, auquel la salariée a répondu deux jours plus tard ;
- un courrier électronique qu'elle a adressé le 12 mai 2014 aux délégués du personnel de la société, en faisant état de la dégradation de ses conditions de travail ;
- les comptes-rendus de ses entretiens d'évaluation annuels, qui font état de difficultés qu'elle a rencontrées avec sa hiérarchie ;
- un certificat médical établi le 29 avril 2019 par le docteur [J] [Z], qui indique que l'état de santé de la salariée a nécessité de nombreuses consultations entre 2015 et 2017, celles-ci était liées à un contexte professionnel, les symptômes ayant disparu en 2018.
Ces éléments de fait, pris dans leur ensemble, démontrent l'existence d'agissements répétés qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et avoir eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée.
En réplique, l'intimée fait essentiellement valoir que :
- le refus de formation ('Entités adjudicatrices...') notifiée à l'appelante le 25 janvier 2011 est justifié par le fait qu'elle a déjà bénéficié d'une formation similaire en 2009 (comme il est mentionné sur la fiche de demande formation remise à la salariée) ;
- outre le caractère infondé des accusations qu'elle contient, l'attestation produite par Monsieur [W] est dépourvue de force probante, celle-ci s'inscrivant dans un échange de bons procédés dans la mesure où la salariée a elle-même établi une attestation en sa faveur dans le cadre du contentieux qui opposait ce dernier à la société ;
- l'attestation établie par Madame [V] est dépourvue de force probante, celle-ci n'étant pas, en l'absence de lien fonctionnel entre elles, en mesure d'apprécier l'autonomie de l'appelante ou la complexité des dossiers qu'elle traitait, aucune conclusion ne pouvant être tirée de la disposition de la plante posée à côté du bureau de la salariée qui ne relevait pas de la responsabilité de la société ;
- l'attestation de Monsieur [M] est sujette à caution, celui-ci se bornant à retranscrire les affirmations de l'appelante ;
- la salariée produit un certain nombre de documents présentés comme des comptes-rendus d'entretiens qui ne sont pas signés et qui sont dépourvus de force probante ;
- le rappel à l'ordre de la salariée sur des retards est justifié, celle-ci ayant en ce sens adressé une réclamation aux délégués du personnel pour qu'une tolérance de quinze minutes soit admise pour chaque salarié (ainsi qu'il résulte du courrier électronique du 23 décembre 2013 qu'elle verse aux débats) ;
- elle démontre qu'elle a pu faire preuve de souplesse sur les horaires de travail de la salariée, lorsque celle-ci a été confrontée à des problèmes personnels (comme il résulte des courriers électroniques des 25 et 26 août 2016 qu'elle produit).
Au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, un certain nombre de faits allégués par la salariée au titre du harcèlement apparaissent justifiés par les circonstances (rappels à l'ordre consécutivement à des retards, à des erreurs ou à une initiative ne relevant pas de ses attributions) ou non établis (placement d'une plante à proximité du bureau de la salariée, allégations non datées et imprécises contenues dans les attestations).
Cela étant, il apparaît que l'employeur ne justifie nullement la rétrogradation imposée de fait à la salariée à l'issue de son retour de congé maternité en 2011, ces faits caractérisant par ailleurs une discrimination.
Par ailleurs, il est établi que la salariée a fait l'objet d'un sous-classement persistant, en comparaison avec sa collègue assistante de direction Madame [D], qui bénéficiait du statut cadre et percevait une rémunération supérieure à la sienne.
Bien que l'employeur soutienne qu'il ignorait la dégradation de l'état de santé de la salariée, il n'en demeure pas moins que l'état de santé de la salariée s'est dégradé au cours des années, ainsi qu'il résulte des documents médicaux qu'elle verse aux débats.
L'employeur n'apporte pas d'élément permettant de justifier objectivement ces agissements.
Il convient donc de dire les faits de harcèlement moral et de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité établis et d'allouer à la salariée une somme de 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts.
Sur la demande de résiliation judiciaire :
Il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des obligations résultant d'un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.
En l'espèce, il est établi que la société a manqué aux obligations résultant de l'exécution du contrat de travail à différentes occasions, en manquant au principe d'égalité de traitement (ce qui a privé la salariée d'une partie de la rémunération de son travail) et en rétrogradant de fait l'appelante à l'issue de son congé maternité au début de l'année 2011, ces agissements caractérisant des faits de discrimination et harcèlement moral au travail.
La gravité de ces manquements résulte principalement de ce qu'ils ont eu pour effet d'entraîner une dégradation de l'état de santé de la salariée. Elle est par ailleurs caractérisée par le fait qu'elle se rapportait à des éléments essentiels du contrat de travail, à savoir la rémunération et le travail fourni.
Il y a donc lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée.
Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail :
La résiliation judiciaire du contrat de travail, liée notamment à des faits de discrimination et de harcèlement moral, produit les effets d'un licenciement nul à la date d'envoi de la lettre de licenciement de la salariée.
La salariée, qui demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail, ne peut prétendre à réintégration.
Dans la mesure où la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul, l'appelante, qui disposait d'une ancienneté de onze ans et sept mois au moment de la rupture et était fondée à percevoir un salaire mensuel brut de 2.903,18 euros, est fondée à percevoir des dommages-intérêts pour licenciement nul et des indemnités de rupture.
La salariée a droit à une indemnité de préavis correspondant au préavis de trois mois prévu par l'article 15 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, soit un montant de 8.709,54 euros, outre une somme de 870,95 euros au titre des congés payés afférents.
En l'absence d'élément produit par l'employeur justifiant du montant de la somme versée à la salariée à titre d'indemnité de licenciement, il sera fait droit à la demande de la salariée tendant au versement d'une indemnité conventionnelle complémentaire d'un montant de 4.407,15 euros, en application de l'article 19 de la convention collective applicable.
Compte tenu des circonstances de la rupture, la salariée sera dûment indemnisée par le versement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il déboute la salariée de l'ensemble de ses demandes de ces chefs.
En revanche, le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de réintégration et de sa demande d'indemnité compensatrice des salaires jusqu'à la réintégration.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique et de carrière :
La salariée demeure excessivement générale quant au préjudice économique et de carrière qu'elle allègue et n'apporte aucun élément suffisant à démontrer que les sommes qui lui sont par ailleurs allouées à titre d'indemnités ne réparent pas l'intégralité de son préjudice.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il la déboute de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique et de carrière.
Sur les autres demandes :
La remise de l'attestation Pôle emploi et d'un bulletin de paie rectificatif conformes au présent arrêt s'impose.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre une somme de 4.000 euros à la salariée.
Les intérêts au taux légal avec capitalisation sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil sur les sommes susvisées seront dus dans les conditions précisées au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement rendu le 30 juillet 2019 par le conseil de prud'hommes de Nanterre, sauf en ce qu'il déboute Madame [K] [C] de ses demandes à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique et de carrière et d'indemnité compensatrice des salaires dus jusqu'à la réintégration ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [K] [C] à la date d'envoi de sa lettre de licenciement ;
Condamne la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion de la ville de [Localité 4] à verser à Madame [K] [C] les sommes suivantes :
- 2.614,20 euros bruts à titre de rappel de salaires ;
- 261,42 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de salaires ;
- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
- 8.709,54 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 870,95 euros bruts au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 4.407,15 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
- 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne la remise par la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion de la ville de [Localité 4] à Madame [K] [C] de l'attestation Pôle emploi et d'un bulletin de paie rectificatif conformes au présent arrêt ;
Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l'article 1343-2 du code civil sont dus sur la créance salariale à compter du 2 novembre 2017, date de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et à compter du présent arrêt pour les autres sommes ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion de la ville de [Localité 4] aux dépens de première instance et d'appel
- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,