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15/09/2022 | FRANCE | N°19/00851

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 15 septembre 2022, 19/00851


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 15 SEPTEMBRE 2022





N° RG 19/00851



N° Portalis DBV3-V-B7D-S76X





AFFAIRE :





L'UNEDIC, DELEGATION AGS CGEA IDFO



C/



[G] [P]

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Décembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre
>N° Section : Encadrement

N° RG : 17/00933



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés



Me Anne-Laure DUMEAU



Me Antoine PASQUET de la SCP LEURENT & PASQUET





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° RG 19/00851

N° Portalis DBV3-V-B7D-S76X

AFFAIRE :

L'UNEDIC, DELEGATION AGS CGEA IDFO

C/

[G] [P]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Décembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Encadrement

N° RG : 17/00933

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés

Me Anne-Laure DUMEAU

Me Antoine PASQUET de la SCP LEURENT & PASQUET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, fixé initialement au 11 mai 2022, puis prorogé au 08 juin 2022, puis au 06 juillet 2022, puis au 14 septembre 2022 et différé au 15 septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

L'UNEDIC, DELEGATION AGS CGEA IDFO

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substitué par Me François GREGOIRE, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [G] [P]

né le 12 Avril 1963 à [Localité 7] (92)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Anne-Laure DUMEAU, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - Représentant : Me Julien GUEGAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Maître [Y] [O] [X] ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société NEXT TEXTILES ASSOCIATION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Antoine PASQUET de la SCP LEURENT & PASQUET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K117

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 février 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

Monsieur [G] [P] a été engagé par contrat à durée indéterminée du 9 novembre 2015 par la société Next Textiles Association (ci-après société Nta) appartenant au groupe Soex Tvg, en qualité de directeur général, statut cadre dirigeant, niveau VII échelon D pour un salaire annuel brut de 140 000 euros porté à 155 000 euros à compter du 1er janvier 2016 outre une rémunération variable.

Par décision du même jour, l'Assemblée générale de la société a confié à Monsieur [P] le mandat de directeur général de la société.

La convention collective applicable à la relation de travail était celle des industries et du commerce de la récupération. La société emploie au moins 11 salariés.

Par jugement du 14 septembre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Nta et désigné Me [O] [X] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier du 16 septembre 2016, Me [O] [X] a convoqué Monsieur [P] à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé au 26 septembre suivant et par courrier du 28 septembre 2016, il l'a licencié.

Monsieur [P] a contesté son licenciement par courrier du 8 octobre 2016.

Par requête reçue au greffe le 13 avril 2017, Monsieur [G] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le versement de diverses sommes.

Par jugement du 21 décembre 2018, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- pris acte du désistement de Monsieur [G] [P] à l'égard de la société Soex Tvg dans cette affaire.

- Dit que Monsieur [G] [P] n'avait pas la qualité de salarié de la société Next Textiles Association,

- Débouté Monsieur [G] [P] de la totalité de ses demandes,

- Débouté l'AGS CGEA Ile De France Ouest au remboursement par Monsieur [P] de la somme de 65 492 euros.

- Mis les dépens à la charge de Monsieur [G] [P].

L'association Unedic AGS CGEA d'Ile de France Ouest a interjeté appel limité de cette décision par déclaration au greffe du 26 février 2019.

Par ordonnance du 27 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a rejeté le moyen d'incompétence du magistrat de la mise en état soulevé par l'Ags, rejeté le moyen d'irrecevabilité de l'appel invoqué par Monsieur [P], rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Monsieur [P], condamné Monsieur [P] aux éventuels dépens de l'incident et dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 27 mai 2019, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, l'Ags demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en date du 21 décembre 2018 rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a retenu que Monsieur [P] n'avait pas la qualité de salarié de la société Nta,

- Infirmer le jugement en date du 21 décembre 2018 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de remboursement par Monsieur [P] de la somme de 63 492,45 euros.

- Condamner Monsieur [P] à rembourser entre les mains du liquidateur la somme de 63 492,45 euros qu'il a indûment perçue à charge ensuite pour ce dernier de la lui reverser,

En tout état de cause,

- la mettre hors de cause s'agissant des frais irrépétibles de la procédure,

- Dire et juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L 622-28 du code du Commerce,

- Fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la Société.

- Dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du Code du Travail,

- Dire et juger que l'obligation dans laquelle elle se trouve de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le Mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 18 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur [G] [P] demande à la cour de :

In limine litis

- Constater que la demande de remboursement de l'AGS est nouvelle en cause d'appel ; - Déclarer la demande de remboursement de l'AGS irrecevable car nouvelle en cause d'appel ;

Au fond

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté l'AGS de sa demande de remboursement de la somme de 65 492 euros ;

- Réformer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a débouté de la totalité de ses demandes ;

- Dire qu'il avait la qualité de salarié de la société NTA ;

- Fixer sa créance à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société NTA aux sommes suivantes:

- 38 750 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement de la société NTA à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail;

- 12 916,65 euros au regard des irrégularités constatées dans le cadre de la procédure de licenciement;

- 89 050,03 euros au regard du caractère abusif de son licenciement,

- Condamner solidairement les défenderesses à l'appel incident à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont les frais de traduction.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 2 août 2019, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Maître [Y] [O] [X] demande à la cour de :

A titre principal :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nanterre en date du 21 décembre 2018 ;

- Dire et juger que Monsieur [G] [P] n'avait pas la qualité de salarié de la société Nta ;

Subsidiairement :

- Dire et juger que le licenciement pour motif économique de Monsieur [G] [P] était justifié ;

En toute hypothèse :

- Débouter Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes ;

- Le condamner aux entiers dépens de l'instance.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité de salarié de Monsieur [P]

Monsieur [P] indique qu'il était salarié de la société Nta, qu'il avait un contrat de travail écrit signé le 9 novembre 2015 mais ayant pris effet le 5 octobre 2015 préalablement à sa nomination en qualité de Directeur Général par l'Assemblée générale, que sa qualité de salarié a été reconnue par Pôle Emploi, qu'il bénéficie ainsi d'une présomption de salariat, que Me [O] [X] et l'Ags qui contestent la réalité du cumul de son contrat de travail et de son mandat social n'apportent pas la preuve que son contrat était fictif, que selon son contrat de travail ses pouvoirs en qualité de Directeur général ont été limités par les statuts de la société, qu'il exerçait ses attributions sous le contrôle et les directives de la Présidente de la société, que son mandat social ne lui offrait pas des pouvoirs d'administration et de gestion étendus permettant de diriger la société en toute indépendance, qu'il avait en qualité de salarié des fonctions techniques strictement distinctes, qu'il était dans un lien de subordination à l'égard du Président de la société mais également de la société mère du groupe, la société Soex Tvg à l'égard de laquelle la société Nta se trouvait dans une situation de dépendance financière et juridique, que son mandat social était fictif.

Me [O] [X], liquidateur judiciaire de la société Nta et l'Ags soutiennent que Monsieur [P] n'exerçait pas en qualité de salarié de fonctions techniquement distinctes de celle lui étant dévolues par son mandat social, que le contrat de travail signé le jour même où il a été désigné Directeur général par l'Assemblée générale est fictif, que Monsieur [P] ne démontre pas qu'il était soumis à un lien de subordination envers la société Nta, qu'il dirigeait l'entreprise en toute indépendance.

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre, en contrepartie d'une rémunération, dans le cadre d'un lien de subordination caractérisé par l'exécution du travail sous l'autorité de l'employeur, lequel a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle.

Un mandat social n'est pas incompatible avec un contrat de travail. Toutefois, pour que le cumul soit possible, il faut que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif s'entendant de fonctions techniques distinctes de celles de direction, donnant lieu en principe à rémunération distincte, exercées dans le cadre d'un lien de subordination vis à vis de la société et dans des conditions exclusives de toute fraude à la loi.

S'il appartient au mandataire social qui se prévaut d'un contrat de travail d'en apporter la preuve, en revanche, en présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, c'est à celui qui entend en contester l'existence de démontrer son caractère fictif.

Le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social se trouve, en l'absence de convention contraire, suspendu pendant le temps d'exercice du mandat.

Il est établi que Monsieur [P] a été engagé en qualité de Directeur général salarié par la société Nta par contrat de travail écrit daté du 9 novembre 2015. Si ce contrat mentionne de manière contradictoire dans un premier temps un engagement effectif à compter du 10 novembre 2015 puis dans un second temps à compter du 5 octobre 2015, Monsieur [P] produit également ses bulletins de paie qui mentionnent s'agissant des bulletins de paie des mois de novembre et décembre 2015, une ancienneté au 5 octobre 2015, le bulletin de paie du mois de novembre 2015 mentionnant en outre le versement d'une prime d'engagement pour le mois d'octobre 2015 et une prime d'engagement pour le mois de novembre 2015.

Il est ainsi justifié d'un contrat de travail apparent à compter du 5 octobre 2015 antérieur à la nomination de Monsieur [P] par l'Assemblée générale le 9 novembre 2015 en qualité de directeur général.

Cependant ce mandat social de directeur général confié par la société au salarié ce 9 novembre 2015 a suspendu son contrat de travail en l'absence de preuve d'une convention contraire conclue entre ces derniers.

Il appartient en conséquence à Monsieur [P] qui soutient que son contrat de travail a continué de produire effet parallèlement à l'exercice de son mandat social, d'en apporter la preuve.

Or, il ne justifie pas à compter du 9 novembre 2015 avoir en qualité de directeur général salarié exercé des fonctions techniques distinctes de celles impliquées par son mandat de directeur général et sous un lien de subordination vis-à-vis de la société.

La circonstance selon laquelle il a été décidé le 1er avril 2016 par l'associé unique de limiter ses pouvoirs de directeur général ou celle selon laquelle son contrat de travail précisait qu'il exerçerait ses fonctions de directeur général salarié sous le contrôle et les directives de la présidente de la société Nta et lui rendrait compte de ses fonctions régulièrement en lui remettant des rapports d'activité ne permettent pas d'en apporter la preuve.

De même les échanges de mails entre Monsieur [P] et le Président de la société, entre Monsieur [P] et le directeur général ou le directeur financier de la maison mère du groupe, la société Soex Tvg, produits aux débats et qui ne sont que la manifestation de la collaboration nécessaire devant exister entre un directeur général et son Président et entre une société et la maison mère du groupe auquel elle appartient, n'illustrent pas, contrairement à ce que soutient Monsieur [P], l'existence d'un lien de subordination de celui-ci vis-à-vis de ces derniers.

En revanche, il est établi que lors de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Nta le 14 septembre 2016 et de la désignation à cette même date par le Tribunal de commerce de Nanterre de Me [O] [X] en qualité de liquidateur judiciaire, le mandat social de Directeur général de monsieur [P] a pris fin et son contrat de travail a repris effet, le liquidateur et l'Ags ne rapportant pas la preuve du caractère fictif de ce dernier.

Sur la rémunération variable

Monsieur [P] sollicite dans le dispositif de ses écritures une somme de 38 750 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement de la société à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail et explique dans les motifs de ses conclusions que cette somme est réclamée en paiement de sa rémunération variable pour l'année 2016.

Monsieur [P] soutient ainsi que la société lui est redevable de cette rémunération variable, que ses objectifs lui ont été communiqués par un document entièrement rédigé en anglais, en cours d'exercice, au mois de juin 2016, qu'ils ont été fixés sans son accord et qu'ils étaient irréalisables.

Néanmoins, il a été démontré précédemment que le contrat de travail de Monsieur [P] en ce inclus la clause prévoyant le versement à son profit d'une rémunération variable en fonction d'objectifs atteints, avait été suspendu dès le 9 novembre 2015 et jusqu'au 14 septembre 2016, date à laquelle il n'a repris effet que pour une durée de 15 jours, soit le temps nécessaire au liquidateur pour procéder à son licenciement. Il n'est pas établi qu'alors que la société avait été liquidée, Monsieur [P] s'est tenu à sa disposition.

Dès lors, Monsieur [P] ne peut prétendre au paiement d'une rémunération variable. Il ne justifie en outre à ce titre d'aucune mauvaise foi de la société dans l'exécution du contrat de travail.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

Sur le licenciement

Par courrier du 28 septembre 2016, Me [O] [X] a licencié Monsieur [P] en ces termes :

"(...) Compte tenu de ce qui précède vous avez été convoqué(e) en mon étude le 26 septembre 2016 à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique au cours duquel je vous ai fait part:

- du motif économique des licenciements envisagés dans le cadre d'un licenciement collectif en raison de la cessation totale de l'activité et de la suppression des postes qui en découle dont le vôtre.

- des recherches de reclassement qui sont infructueuses à ce jour :

. En interne, du fait de la liquidation judiciaire et de la cessation totale et définitive de l'activité, il n'existe pas de solution de reclassement.

. en externe, aucune offre de société du même secteur d'activité n'a pu être recueillie.

Dans ces conditions, je me vois dans l'obligation de mettre fin à l'éventuel contrat de travail pouvant vous lier à cette société en émettant toutes réserves quant à la prise en charge par l'Ags des sommes qui pourraient vous être dues, compte tenu de votre mandat social, débuté en novembre 2015 concomitamment à votre contrat de travail (...)".

Monsieur [P] soutient que son licenciement est abusif, la société prise en la personne de son liquidateur judiciaire n'ayant pas satisfait à l'obligation de reclassement à laquelle elle était tenue en application des articles L.1233-4, L.1233-4-1 et D1233-2-1 du code du travail dans leur version applicable au présent litige.

L'article L.1233-4 dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

L'article L.1233-4-1 ajoute que lorsque l'entreprise ou le groupe dont l'entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l'employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L'employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt. Ces offres sont écrites et précises.

Les modalités d'application du présent article, en particulier celles relatives à l'information du salarié sur la possibilité dont il bénéficie de demander des offres de reclassement hors du territoire national, sont précisées par décret.

L'article D1233-2-1 précise notamment que :

I.-pour l'application de l'article L. 1233-4-1, l'employeur informe individuellement le salarié, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine, de la possibilité de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national.

II.-A compter de la réception de l'information de l'employeur, le salarié dispose de sept jours ouvrables pour formuler par écrit sa demande de recevoir ces offres. Il précise, le cas échéant, les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation ainsi que toute autre information de nature à favoriser son reclassement.

III.-Le cas échéant, l'employeur adresse au salarié les offres écrites et précises correspondant à sa demande en précisant le délai de réflexion dont il dispose pour accepter ou refuser ces offres ou l'informe de l'absence d'offres correspondant à sa demande. L'absence de réponse à l'employeur à l'issue du délai de réflexion vaut refus.

Si Me [O] [X] soutient qu'il n'existait aucune possibilité de reclassement du salarié notamment au sein du groupe Soex Tvg auquel appartenait la société Nta, il ne justifie d'aucune démarche faite à ce titre et démontrant l'absence de tout poste disponible dans l'une des sociétés de ce groupe relevant de sa catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent au sien. Il ne démontre pas plus avoir informé le salarié de la possibilité de recevoir des offres en dehors du territoire national, notamment en Allemagne, siège de la société mère du groupe.

La société Nta a, en conséquence, manqué à son obligation de reclassement et le licenciement de Monsieur [P] est pour ce seul motif dénué de cause réelle et sérieuse.

Monsieur [P] qui comptait au moment de son licenciement le 28 septembre 2016 et du fait de la suspension de son contrat de travail le 9 novembre 2015 moins de deux ans d'ancienneté peut sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail alors applicable prétendre à une indemnité pour licenciement abusif correspondant au préjudice subi.

Compte tenu de son âge, au moment de son licenciement, de son ancienneté au sein de la société, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi et des justificatifs produits sur sa situation professionnelle postérieure au licenciement, la cour fixe le préjudice matériel et moral qu'il a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi à la somme de 5 000 euros.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé et cette somme fixée au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Nta.

Sur l'indemnité pour procédure irrégulière

Il résulte de l'article L.1233-58 du code du travail dans sa version applicable au présent litige que le liquidateur judiciaire devait avant de procéder au licenciement pour motif économique des 24 salariés que comptait la société Nta réunir et consulter selon les modalités définies à cet article les délégués du personnel.

L'article L.1235-15 précise qu'est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité d'entreprise ou les délégués du personnel n'ont pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi.

Le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis.

En application de ces textes, l'employeur ou le liquidateur qui met en oeuvre une procédure de licenciement économique, alors qu'il n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel et sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

Me [O] [X] ne justifie pas avoir mis en place les institutions représentatives du personnel conformément aux dispositions susvisées préalablement au licenciement des 24 salariés de l'entreprise dont Monsieur [P].

Celui-ci a en conséquence subi un préjudice qui sera évalué à la somme réclamée de 12 916,65 euros.

Le jugement sera infirmé et cette somme fixée au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Nta.

Sur la garantie de l'Ags

L'Unedic, Délégation Ags Cgea d'Ile de France Ouest devra sa garantie dans les limites légalement fixées.

Sur la demande reconventionnelle de l'Ags

1. Sur la recevabilité de la demande

Monsieur [P] indique que la demande formée par l'Ags à son encontre en remboursement des sommes que celle-ci lui a déjà versées au titre de sa garantie est irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel.

L'Ags affirme que sa demande n'est pas nouvelle et qu'elle en avait saisi le conseil de prud'hommes.

Dans son jugement du 21 décembre 2018, les premiers juges ont évoqué la demande en remboursement faite par l'Ags à l'encontre de Monsieur [P] à quatre reprises, dans le rappel des faits, dans les prétentions et moyens des parties, dans les motifs et enfin dans le dispositif au terme duquel ils ont rejeté cette demande.

Dès lors, il est établi que Monsieur [P] avait saisi le conseil de prud'hommes de cette demande. Il est sans incidence qu'il n'en ait pas été fait mention sur le rôle d'audience tenu par le greffier ou que l'Ags ne l'ait pas mentionné dans ses conclusions écrites déposées quelques jours avant l'audience, étant rappelé sur ce dernier point que la procédure devant la juridiction prud'homale de première instance est orale.

En conséquence, sa demande n'est pas nouvelle en cause d'appel et est donc recevable.

2. Sur le bien-fondé de la demande

L'Ags sollicite de Monsieur [P] qu'il lui rembourse les sommes qu'elle a avancées au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail au regard du caractère fictif de ce-dernier.

Il est établi que l'Ags a versé au salarié suite à la liquidation judiciaire de la société Nta les sommes suivantes :

- 11 766, 60 euros au titre des salaires et assimilés pour la période du 1er septembre au 28 septembre 2016,

- 14 271, 32 euros au titre de l'indemnité de congés payés pour la période du 9 novembre 2015 au 28 décembre 2016,

- 37 454, 53 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Il a été démontré que le contrat de travail de Monsieur [P] à effet au 5 octobre 2015 avait été suspendu du 9 novembre 2015 au 14 septembre 2016 date à laquelle il avait repris effet jusqu'au licenciement du salarié le 28 septembre 2016.

Monsieur [P] est dès lors bien-fondé à réclamer le paiement de ses salaires du 14 septembre 2016 au 28 septembre 2016 soit une somme de 6 555, 48 euros.

Il peut également prétendre à une indemnité au titre des congés payés acquis lorsque son contrat de travail n'était pas suspendu et dont le liquidateur et l'Ags ne démontrent pas qu'il a été mis en mesure de les prendre. Cette indemnité sera évaluée à la somme de 2 383,81 euros.

Il a enfin été établi que le licenciement de Monsieur [P] était sans cause réelle et sérieuse. Il peut ainsi prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis qui en application de l'article 78 de la convention collective applicable correspond pour un salarié ayant moins de 6 mois d'ancienneté à une semaine de préavis soit la somme de 2 979,76 euros.

L'Ags ayant versé de ces chefs à Monsieur [P] la somme totale de 63 492,45 euros, Monsieur [P] sera condamné à verser à Me [O] [X], liquidateur judiciaire de la société, la somme de 51 573, 40 euros à charge pour lui de la reverser ensuite à l'Ags, sans préjudice néanmoins de la garantie due par l'Ags au titre des créances relatives à l'indemnité pour licenciement abusif et à l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière

Le jugement sera infirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il apparaît équitable de laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles qu'elle a engagés dans la présente instance. Les parties seront en conséquence déboutées de leurs demandes faites à ce titre.

Les dépens seront mis à la charge de la société Nta en liquidation judiciaire en ce compris les frais de traduction engagés par Monsieur [P] conformément à l'article 695 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre du 21 décembre 2018 dans les limites de l'appel et de l'appel incident,

Et statuant sur les chefs infirmés,

Dit que Monsieur [G] [P] et la société Nta étaient liés par un contrat de travail dont les effets ont été suspendus du 9 novembre 2015 au 14 septembre 2016,

Dit que le licenciement de Monsieur [G] [P] le 28 septembre 2016 est dénué de cause réelle et sérieuse,

Fixe la créance de Monsieur [G] [P] au passif de la société Nta comme suit :

- 5 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,

- 12 916,60 euros à titre d'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière,

Condamne Monsieur [G] [P] à payer à Me [O] [X] ès-qualités de liquidateur de la société Nta la somme de 51 573, 40 euros à charge pour celui-ci de reverser ensuite ladite somme à l'Ags Cgea d'Ile de France Ouest,

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déclare le présent arrêt opposable à Ags Cgea d'Ile de France Ouest dans les limites de sa garantie légale, laquelle ne comprend pas l'indemnité de procédure, et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

Dit la demande en remboursement de Ags Cgea d'Ile de France Ouest recevable,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Met les dépens en ce compris les frais de traduction engagés conformément à l'article 695 du code de procédure civile à la charge de la société Nta en liquidation judiciaire,

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 19/00851
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;19.00851 ?
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