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08/09/2022 | FRANCE | N°20/00507

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 08 septembre 2022, 20/00507


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 08 SEPTEMBRE 2022



N° RG 20/00507



N° Portalis DBV3-V-B7E-TYPY





AFFAIRE :





S.A.S L'ISSEENNE exerçant sous l'enseigne La Moulinoise



C/



[O] [B]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogn

e-Billancourt

N° Section : Industrie

N° RG : F 19/00245



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Stéphanie QUATREMAIN



Me Oleg KOVALSKY





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT SEPTEMBRE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/00507

N° Portalis DBV3-V-B7E-TYPY

AFFAIRE :

S.A.S L'ISSEENNE exerçant sous l'enseigne La Moulinoise

C/

[O] [B]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° Section : Industrie

N° RG : F 19/00245

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Stéphanie QUATREMAIN

Me Oleg KOVALSKY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, fixé initialement au 1er juin 2022, puis prorogé au 29 juin 2022, puis au 08 septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

S.A.S L'ISSEENNE exerçant sous l'enseigne La Moulinoise

N° SIRET : 788 825 016

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Stéphanie QUATREMAIN de la SCP CHOURAQUI QUATREMAIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0170

APPELANTE

****************

Monsieur [O] [B]

né le 15 Mai 1974 à [Localité 5] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Oleg KOVALSKY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0679

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat de travail à durée indéterminée, M. [O] [B] a été engagé à compter du 15 mars 2013 en qualité de pâtissier par la société L'Isséenne, exerçant son activité sous l'enseigne 'La Moulinoise', à raison de 30 heures hebdomadaires, puis selon avenant du 1er octobre 2014 à raison de 35 heures hebdomadaires, selon l'horaire suivant : du lundi au vendredi de 2h00 à 8h00 et le samedi de 2h00 à 7h00, modifié par avenant du 1er janvier 2018, pour être fixé comme suit : le lundi de 00h00 à 6h00 et de 22h00 à 0h00, du mardi au jeudi de 0h00 à 4h00 et de 22h00 à 0h00, le vendredi de 0h00 à 4h00 et de 23h00 à 0h00 et le samedi de 0h00 à 4h00.

Classé ouvrier pâtissier, coefficient 160, il percevait en dernier lieu un salaire mensuel brut de base de 1 936,77 euros pour 151,67 heures de travail auquel s'ajoutaient les majorations pour 151,67 heures de nuit, qui représentaient un montant mensuel brut de 484,19 euros, soit un salaire mensuel brut d'un montant total de 2 420,96 euros, correspondant à une rémunération de 2 000 euros net.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie. La société employait moins de onze salariés.

M. [B], souffrant d'une tendinite de l'épaule gauche, a été en arrêt de travail pour maladie du 26 mars 2018 au 3 juin 2018.

A l'issue de la visite de reprise du salarié en date du 15 juin 2018, le médecin du travail a délivré un avis d'aptitude assorti du commentaire suivant: 'éviter le port de charges lourdes'.

Par lettre remise en main propre le 21 juin 2018, la société L'Isséenne a convoqué M. [B] à un entretien en vue d'une rupture conventionnelle fixé au 29 juin 2018.

M. [B] a été en arrêt de travail pour maladie du 21 au 22 juin 2018 et du 25 au 29 juin 2018.

A l'issue de l'entretien du 29 juin 2018, il a refusé la rupture conventionnelle de son contrat de travail.

La société L'Isséenne a soumis à M. [B] pour signature un avenant en date du 1er juillet 2018 prévoyant qu'à compter du 8 juillet 2018, son horaire de travail sera le suivant: du lundi au vendredi de 5h00 à 11h00 et le samedi de 5h00 à 10h00 et son salaire mensuel brut de 1 936,77 euros.

A l'issue d'une visite effectuée à la demande du salarié le 3 juillet 2018, le médecin du travail a délivré un avis d'aptitude assorti du commentaire suivant : 'éviter le port de charges lourdes' et a établi la fiche médicale de la procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé de l'intéressé.

Par courrier du 5 juillet 2018, M. [B] a écrit à la société L'Isséenne qu'il voulait bien travailler le matin mais seulement s'il gardait son salaire net de 2 000 euros et s'il bénéficiait d'une augmentation de salaire de 150 euros, pour compenser le prix du parking qu'il devra prendre s'il travaille en journée.

Selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 juillet 2018, l'employeur a tout d'abord répondu au salarié que son salaire de base restera inchangé, que son salaire total se verra amputé des majorations d'heures de nuit et que la mairie pourra le renseigner sur les abonnements de parking proposés aux salariés travaillant dans la commune, puis lui a infligé un avertissement.

M. [B] ayant répondu à son employeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 juillet 2018, qu'il avait bien compris que celui-ci cherchait à le licencier et fait valoir que sa tendinite avait été provoquée par le port de charges lourdes dans le cadre de son activité à son service, celui-ci a répliqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 juillet 2018 en contestant ses allégations, en confirmant les griefs énoncés à l'appui de l'avertissement et en faisant état de griefs supplémentaires à l'encontre du salarié.

M. [B] a été absent de l'entreprise du 25 juillet au 31 août 2018, pour avoir été en arrêt de travail pour maladie les 25 et 26 juillet 2018, en absence non rémunérée les 27 et 28 juillet 2018 et en congés payés du 30 juillet au 31 août 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 septembre 2018, la société L'Isséenne a notifié à M. [B] une mise à pied qu'elle qualifiait de conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 octobre 2018, elle l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui a eu lieu le 15 octobre suivant, puis par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 octobre 2018, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [B] a saisi le 1er mars 2019 le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, lequel, par jugement du 20 janvier 2020, a':

- jugé le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse';

- condamné la société L'Isséenne à verser au salarié les sommes suivantes':

*2 824,45 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre une somme de 282,44 euros au titre des congés payés afférents';

*8 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour rupture abusive';

*4 841,92 euros à titre d'indemnité de préavis,

*484,19 euros au titre des congés payés afférents';

*3 567,94 euros à titre d'indemnité de licenciement';

*950 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';

- dit que la condamnation prononcée emporte intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement pour les dommages-intérêts ;

- ordonné la remise par la société L'Isséenne au salarié' des bulletins de paie conformes et d'une attestation Pôle emploi rectifiée;

- débouté le salarié du surplus de ses demandes';

- débouté la société de sa demande reconventionnelle';

- condamné la société aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 21 février 2020, la société L'Isséenne a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 22 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société L'Isséenne demande à la cour :

¿ in limine litis, de déclarer Monsieur [B] irrecevable en sa constitution à défaut de justifier de son identité';

¿ au fond, à titre principal, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du travail dissimulé, des dommages-intérêts pour harcèlement moral, des dommages-intérêts pour irrespect de la visite médicale et de l'obligation de sécurité, des dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation, des dommages-intérêts pour avertissement injustifié';

- infirmer le jugement dans la limite des chefs de demandes visés dans la déclaration ;

- dire qu'elle n'a commis aucune discrimination liée à l'état de santé du salarié et n'a exercé aucun harcèlement moral';

- dire que les manquements du salarié sont constitutifs d'une faute grave';

- débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes ;

¿ à titre subsidiaire, si la cour estimait le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse:

- fixer le montant de l'indemnité de licenciement à 3 379,26 euros';

- fixer le montant du salaire sur la mise à pied conservatoire à la somme de 2 420,96 euros, outre une somme de 242,10 euros au titre des congés payés afférents';

- ramener le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions';

¿ dans tous les cas, de :

- condamner le salarié à lui rembourser la somme de 1 398,78 euros avec intérêts de droit à compter du 24 novembre 2018, date de réception de la lettre recommandée du 22 novembre 2018';

- condamner le salarié aux dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 24 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [B] demande à la cour de :

- confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a retenu l'absence de cause réelle'et l'infirmer en ce qu'il n'a pas retenu la nullité du licenciement, le harcèlement moral, les heures supplémentaires, la violation de l'obligation de sécurité et de formation, la nullité de l'avertissement';

- condamner la société à lui verser':

*2 824,45 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 282,44 euros au titre des congés payés afférents';

*29 051,52 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour rupture abusive';

*2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié';

*4 841,92 euros à titre d'indemnité de préavis,

*484,19 euros au titre des congés payés afférents';

*3 567,94 euros à titre d'indemnité de licenciement';

*8 815,18 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

*881,51 euros au titre des congés payés afférents';

*14 525,76 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 8223-1 du code du travail';

*5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral';

*5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale et violation de l'obligation de sécurité';

*5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation';

*3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';

- ordonner la remise de bulletins de paie conformes et d'une attestation Pôle emploi rectifiée, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard';

- dire qu'il sera fait application de l'article 1343-2 du code civil.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la constitution d'avocat de M. [B]'

Aux termes de l'article 960, alinéa 2 du code de procédure civile, la constitution d'avocat par l'intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d'instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats. S'agissant d'une partie personne physique, cet acte indique les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de celle-ci.

Par ailleurs, selon l'article 961 du code de procédure civile, les conclusions des parties ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article précédent n'ont pas été fournies. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le prénom du salarié a été orthographié de différentes manières aux différents stades de la procédure («'[L]'», «'[W]'» puis «'[O]'»).

Outre le caractère mineur des erreurs ainsi commises, il convient de relever qu'à aucun moment de la procédure, il n'a pu apparaître de doute sérieux sur l'identité réelle de l'intimé, que le dirigeant de la société connaissait, pour avoir été son employeur.

En tout état de cause, dans le corps de l'ordonnance de clôture datée du 16 février 2022 comme dans les dernières écritures de l'intimé reçues par RVPA le 24 juillet 2020, l'orthographe du prénom du salarié («'[O]'») correspond à celle utilisée dans le contrat de travail signé entre les parties le 15 mars 2013 ainsi que dans l'ensemble des correspondances échangées par lui avec son employeur.

Si tant est qu'elles soient de nature à remettre en cause la validité de la constitution du salarié, les inexactitudes alléguées apparaissent ainsi avoir été régularisées avant le prononcé de la clôture.

Il y a donc lieu de dire la constitution d'avocat du salarié recevable.

Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires

M. [B], qui soutient qu'il travaillait 37,5 heures par semaine, effectuant ainsi 2,5 heures supplémentaires par semaine, soit 10,83 heures supplémentaires par mois, qui ne lui ont pas été rémunérées, sollicite un rappel de salaire calculé sur 51 mois.

L'article L. 3171-2 du code du travail dispose que lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

L'article L. 3171-3 du code du travail prévoit quant à lui que l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail (rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016), ou de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 (rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016), les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Par ailleurs, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Enfin, selon l'article L. 3121-36 du code du travail, à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article'L. 3121-27'ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour les huit premières heures supplémentaires hebdomadaires et de 50% pour les heures suivantes.

En l'espèce, le salarié soutient avoir accompli 2,5 heures supplémentaires par semaine, soit 10,83 heures par mois, qui ne lui ont pas été rémunérées, et produit en outre un tableau mentionnant les heures quotidiennes d'arrivée et de sortie qu'il déclare avoir été les siennes au cours du mois de juillet 2018, lequel a été signé par l'employeur pour les journées travaillées entre le 4 et le 8 juillet, et un relevé manuscrit des horaires de travail qu'il déclare avoir réalisés quotidiennement au cours du mois de septembre 2018, qui laissent apparaître un certain nombre de dépassements ponctuels de la durée légale du travail de 35 heures par semaine.

Les éléments apportés par M. [B] sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à la société L'Isséenne, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'employeur ne justifie pas des horaires effectivement réalisés par le salarié et se borne à remettre en cause la bonne foi de celui-ci.

Il s'en déduit que M. [B] a effectivement réalisé des heures supplémentaires dont il appartient à la cour d'évaluer l'importance.

Au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il convient de fixer le rappel de salaire dû à M. [B] pour les heures supplémentaires accomplies et non rémunérées à la somme de 2 211,42 euros. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner l'employeur à payer ladite somme au salarié ainsi que la somme de 221,14 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire ni de l'absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie, ni de l'absence d'établissement par l'employeur des documents nécessaires au décompte de la durée du travail, ni de son refus de co-signer les documents établis par le salarié.

Il n'est pas établi en l'espèce que la société L'Isséenne a, de manière intentionnelle, omis de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par M. [B]. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur l'avertissement

La lettre du 10 juillet 2018 notifiant un avertissement à M. [B], qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

«'La qualité de votre travail est inadmissible. En effet, celui-ci est irrégulier, la qualité est inégale d'un jour à l'autre. Lorsque je vous évoque la piètre qualité de votre production, vous n'avez pour seul argument que votre travail est 'fait', ce n'est pas ce que je vous demande, je vous demande d'effectuer un travail de qualité, comme vous l'effectuiez avant votre arrêt maladie du mois de mars 2018.

En plus d'une qualité désastreuse, votre rendement est également en baisse. Vous n'êtes pas en mesure d'assumer l'intégralité de la liste journalière de travail. Vos arguez encore et toujours que votre travail est 'fait'. La quantité de travail n'ayant pas augmenté ces derniers mois, votre réponse ne peut me convaincre.

Enfin, concernant l'hygiène, votre rotation des stocks est calamiteuse, nous jetons en permanence des matières premières, coûteuses, devenues périmées. Votre nettoyage de fin de travail est bâclé, le sol n'est pas nettoyé, les frigos également et le matériel est parfois 'laissé sur place sans avoir été nettoyé et rangé'.

Nous vous demandons de vous ressaisir dans les plus brefs délais, qualité de travail, propreté et écoute des consignes. Vous semblez, totalement démotivé. Cette attitude nuit gravement à la société, les clients se plaignent d'une baisse de qualité de la pâtisserie. Les choses ne peuvent demeure en l'état.

Je vous précise que cette correspondance tient lieu de première lettre d'avertissement'».

Aucun élément n'est produit par l'employeur à l'appui des griefs relatifs à la baisse de rendement du salarié, à la rotation des stocks.

Le manque de nettoyage allégué n'est corroboré par aucun élément objectif, ni même par une attestation précise et circonstanciée visant explicitement la période antérieure à l'avertissement.

Les attestations établies par les vendeuses de l'établissement versées aux débats par l'employeur concernant la qualité de la pâtisserie produite par le salarié ne visent pas explicitement la période antérieure à l'avertissement et ne sont pas suffisamment circonstanciées pour emporter la conviction de la cour.

Enfin, si une cliente atteste que dans le courant du mois de juin 2018, elle est venue acheter des gâteaux, qu'elle a été très déçue de leur qualité et en a fait part au patron du magasin, qui s'est excusé et lui a dit qu'il avait un problème avec son pâtissier, qui faisait n'importe quoi dans le laboratoire, il n'en résulte pas que M. [B] était effectivement responsable de l'insatisfaction de cette cliente, qui ne fait que rapporter les déclarations de l'employeur à cet égard.

La matérialité des griefs motivant l'avertissement n'est pas établie.

Cet avertissement, qui est injustifié, a causé au salarié un préjudice moral que la cour fixe à la somme de 800 euros.

Il convient donc d'infirmer le jugement, de constater la nullité de l'avertissement du 10 juillet 2018 et de condamner la société L'Isséenne à payer à M. [B] la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Sur le licenciement

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 juillet 2018, la société L'Isséenne, a maintenu chacun des griefs faits au salarié à l'appui de l'avertissement du 10 juillet 2018, dont elle soulignait qu'ils étaient sans rapport avec un quelconque port de charges lourdes, en ironisant à ce sujet, et a ajouté :

'Votre comportement et vos propos discourtois (par exemple : 'faites ce que vous voulez; moi je fais ce que je veux.' etc.) à mon égard sont constitutifs d'un manque de respect à un supérieur hiérarchique; là encore, c'est vrai vous allez me parler des charges lourdes qui sont la cause de votre attitude.

Ah j'oubliais, votre consommation de stupéfiants sur le lieu de travail, constatée à plusieurs reprises par témoin, n'est ni acceptable, ni légal ; là encore, vous me répondrez que les charges lourdes sont responsables de votre usage.

Enfin, la tardiveté de la remise de la date de vos congés d'été désorganise notre société ; là encore, les charges lourdes ont certainement eu une influence majeure.'

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 septembre 2018, la société L'Isséenne a ensuite notifié à M. [B] une mise à pied en ces termes:

'...La situation n'a pas évolué depuis votre retour de congés, vous continuez à porter atteinte à mon autorité d'employeur, en refusant d'appliquer mes consignes et de tenir compte de mes observations.

C'est pourquoi j'ai pris la décision de vous mettre à pied à titre conservatoire à compter de la réception de ce courrier.

Vous serez informé prochainement des suites que nous donnerons à cette procédure.'

Enfin, après avoir convoqué le salarié le 4 octobre 2018, à un entretien préalable à une mesure de licenciement envisagée qui s'est tenu le 15 octobre 2018, la société L'Isséenne a notifié à M. [B] son licenciement aux termes d'une lettre en date du 31 octobre 2018, fixant les limites du litige, qui est rédigée comme suit':

«'A plusieurs reprises, nous avons eu à déplorer votre comportement et la qualité de votre travail ce qui nous a amené à vous notifier, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 juillet 2018 un premier avertissement.

Cette lettre a été complétée le 23 juillet 2018 par des explications complémentaires'; à cette occasion, nous vous avons demandé de vous reprendre en main à votre retour de congés tant sur votre comportement que sur la qualité de vos prestations.

Force est de constater que vous n'avez pas pris la mesure de nos observations ce qui nous a amené à vous notifier une mise à pied conservatoire le 26 septembre 2018 et une convocation à un entretien préalable par lettre en date du 4 octobre 2018.

Lors de l'entretien du 15 octobre 2018, nous avons entendu vos griefs à notre encontre, griefs que nous contestons fermement.

Nous avons constaté que les stocks de marchandises périssables de pâtisserie ne sont pas correctement tenus'; vous ne prêtez pas attention aux dates limites de péremption, ce qui constitue un manquement particulièrement grave au regard de la responsabilité de notre société en matière d'hygiène, de sécurité alimentaire et de contrôle vétérinaire.

Nous sommes dans l'obligation de jeter des marchandises car certains produits sont achetés en trop grande quantité, avec une utilité limitée.

Par ailleurs, vous ne contrôlez pas votre stock de matière première indispensable de pâtisserie de telle sorte que certaines marchandises sont manquantes ce qui vous conduit à supprimer la fabrication de produits classiques réclamés quotidiennement par la clientèle tels que meringues, brownies, palmiers, cakes, tartelettes, voire en modifier la recette.

De plus vos produisez une pâtisserie de piètre qualité, alors qu'il vous a été demandé de produire des pâtisseries classiques, dans l'attente d'une clientèle essentiellement familiale et de personnes âgées.

Or, vos pâtisseries son inesthétiques, au goût totalement irrégulier, et surtout indéfinissable par rapport à des productions classiques connues de la clientèle.

Il en résulte une perte importante du chiffre d'affaires de pâtisserie, une dégradation de l'image de notre Société aux yeux de la clientèle qui achète sa pâtisserie auprès des concurrents.

Vous vous limitez à répéter 'le travail est fait', ce qui ne constitue aucunement la réponse appropriée.

En outre, vos adoptez un comportement irrespectueux à l'égard de la direction, refusant les remarques constructives qui vous sont faites.

Ainsi, il vous a été demandé, à plusieurs reprises, de nettoyer le sol du laboratoire, pour des raisons d'hygiène et de sécurité, le sol pouvant être rendu glissant par les matières grasses et la farine.

Il vous a été demandé de ne jamais laisser de la pâtisserie sur les plans de travail mais de la placer systématiquement en frigo tous les soirs.

Là encore, votre réponse est 'faites ce que vous voulez, moi je fais ce que je veux'.

Ces faits sont intolérables dès lors qu'ils nuisent à la bonne marche de la société, et constituent des manquements graves aux règles d'hygiène et de sécurité, y compris à l'égard de vos collègues de travail.

Enfin, vous avez été vu, à plusieurs reprises, en train de fumer du cannabis sur votre lieu de travail, ce qui est totalement inacceptable.

Aussi, votre conduite générale met en cause la bonne marche de la société.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 15 octobre 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet'; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.

Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 26 septembre au 31 octobre 2018 nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée'».

M. [B] fait valoir que son licenciement est nul comme constituant une mesure discriminatoire liée à son état de santé.

Il résulte des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail qu'est nul le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié en raison de son état de santé.

L'article L. 1134-1 du code du travail précise que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions précitées, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la'loi n° 2008-496'du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, au soutien de ses allégations selon lesquelles il a fait l'objet d'un licenciement discriminatoire, le salarié se prévaut de différents éléments':

- le refus de l'employeur de prendre en compte les préconisations du médecin du travail'et le grief de se réfugier derrière ces préconisations qu'il lui a fait tant dans la lettre d'avertissement que dans la lettre de licenciement'ou dans la lettre qu'il lui a adressée le 23 juillet 2018 ;

- la proposition de rupture conventionnelle, puis l'engagement de la procédure de licenciement peu après son retour d'arrêt maladie ;

- les motifs fallacieux allégués pour justifier le licenciement peu après son retour ';

L'employeur fait valoir que':

- la lettre de licenciement n'est pas motivée par l'état de santé du salarié';

- l'affection dont souffrait le salarié n'avait aucun lien avec son activité professionnelle';

- le médecin du travail a déclaré le salarié apte à la reprise du travail, en se bornant à énoncer «'éviter le port de charges lourdes'» et sans mentionner d'aménagement de poste';

- il n'a jamais évoqué la question de l'état de santé du salarié, tant à l'occasion de la procédure de licenciement qu'au cours de l'année 2018';

- dans son courrier du 16 avril 2018 par lequel il accusait réception de chèques de régularisation de salaire et de cotisations de mutuelle, le salarié lui a écrit «'je tiens par là même à vous dire que je ne vous reproche rien'»';

- les prétendus problèmes de santé du salarié ne l'ont pas empêché de reprendre une activité professionnelle dès l'année 2019.

Il ressort des pièces produites qu'après son arrêt maladie du 26 mars 2018 au 3 juin 2018, M. [B] a travaillé au sein de l'entreprise du 4 juin au 20 juin (2 semaines et 3 jours), le 23 juin, du 30 juin au 24 juillet (3 semaines et 2 jours), que durant cette période son employeur lui a notifié un avertissement le 10 juillet 2018 et lui a fait de nouveaux reproches par lettre du 23 juillet 2018 et qu'il a travaillé également au cours du mois de septembre 2018 (environ un mois).

Il est établi également que la société L'Isséenne, qui se borne à affirmer que le salarié n'avait pas à porter de charges lourdes, ne justifie pas que tel était effectivement le cas. Elle ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'elle a respecté l'avis délivré par le médecin du travail le 15 juin 2018 préconisant d'éviter le port de charges lourdes à M. [B].

Il est établi que le 21 juin 2018, moins de trois semaines après le retour de M. [B] dans l'entreprise, et quelques jours seulement après l'avis d'aptitude du médecin du travail du 15 juin 2018 préconisant d'éviter le port de charges lourdes au salarié, la société L'Isséenne a pris l'initiative de convoquer l'intéresssé à un entretien en vue d'une rupture conventionnelle fixé au 29 juin 2018.

Il est établi enfin que moins de cinq semaines seulement après le retour de congés de l'intéressé, la société L'Isséenne a pris la décision le 25 septembre 2018 de lui notifier une mise à pied qu'elle qualifiait de conservatoire en lui indiquant qu'il sera prochainement informé des suites qu'elle donnera à cette procédure et a engagé ensuite, le 4 octobre 2018, la procédure de licenciement.

Ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination fondée sur l'état de santé du salarié.

Il incombe dès lors à la société L'Isséenne d'établir que la décision de licencier M. [B] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La mise à pied notifiée à un salarié sans que soit engagée immédiatement la procédure de licenciement, présente un caractère disciplinaire nonobstant sa qualification de mise à pied conservatoire par l'employeur. Il s'ensuit que celui-ci ne peut sanctionner une nouvelle fois le salarié pour les mêmes faits en prononçant ultérieurement son licenciement, ainsi que le fait remarquer M. [B].

En l'espèce la société L'Isséenne a informé M. [B], par lettre du mercredi 26 septembre 2018, qu'il a décidé de le mettre à pied à titre conservatoire à compter de la réception de ce courrier et qu'il l'informera prochainement des suites données à cette procédure. C'est toutefois seulement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du jeudi 4 octobre 2018 qu'il a engagé la procédure de licenciement en convoquant le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement. L'employeur ne fournit aucune justification à ce délai de sept jours entre la notification de la mise à pied qualifiée par lui de conservatoire et la convocation du salarié à un entretien préalable à licenciement. Il en résulte que la mise à pied prononcée constitue en réalité une sanction disciplinaire.

L'employeur, qui a sanctionné le salarié par une mise à pied disciplinaire le 26 septembre 2018, a épuisé son pouvoir disciplinaire pour tous les faits dont il avait connaissance à cette date. Seuls des faits révélés postérieurement peuvent dès lors fonder le licenciement.

Or la société L'Isséenne ne rapporte pas la preuve qu'une ou plusieurs des fautes imputées au salarié dans la lettre de licenciement ne lui ont été révélées que postérieurement à la mise à pied du 26 septembre 2018.

Au surplus, la cour relève qu'aucun élément n'est produit par l'employeur à l'appui des griefs faits au salarié concernant la gestion des stocks de marchandises périssables de pâtisserie et la gestion du stock de matière première indispensable de pâtisserie et son refus des remarques qui lui sont faites, spécialement en matière d'hygiéne et de sécurité, de sorte que le bien fondé de ces griefs n'est pas démontré.

Le comportement irrespectueux du salarié à l'égard de la direction n'est pas non plus établi. En effet, si une vendeuse indique qu'au retour de son arrêt de travail pour maladie, le salarié ne respectait plus les ordres de son supérieur, elle ne fournit aucune précision, ni aucun exemple permettant d'accréditer cette affirmation.

Aucun élément objectif n'est produit concernant le goût ou l'aspect de la pâtisserie produite par M. [B] et la société L'Isséenne ne justifie pas de la perte importante de chiffre d'affaires de pâtisserie qu'elle allègue. Les attestations des vendeuses ne sont pas suffisamment précises et circonstanciées. Les attestations de clientes de la boulangerie faisant état de leur insatisfaction concernant des achats de pâtisserie effectués dans l'établissement le 21 juillet 2018, le 3 septembre 2018, 7 septembre 2018, 10 septembre 2018 et le 12 septembre 2018 ne permettent pas d'établir que M. [B] en était à l'origine.

Enfin s'agissant de la consommation de cannabis sur le lieu de travail, si la société L'Isséenne produit de nombreuses attestations sur ce point, notamment l'attestation d'un boulanger ayant travaillé dans l'entreprise de février 2014 à septembre 2017, il n'est pas établi toutefois qu'il s'agissait effectivement de cannabis plutôt que de tabac à rouler comme l'a écrit M. [B], qui produit les résultats d'une analyse biologique du mois de juillet 2018 montrant l'absence de toute trace de produits stupéfiants dans son sang et ses urines. Les faits rapportés, à les supposer établis, ce qui n'est pas démontré, étaient en tout état de cause tolérés jusqu'alors par l'employeur qui en avait connaissance depuis longtemps.

Le licenciement prononcé n'est pas justifiée dès lors par un élément objectif étranger à toute discrimination. Il est en conséquence nul.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul

M. [B] est bien fondé à prétendre, en application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, 44 ans, de son ancienneté de cinq ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération à laquelle il avait droit et de son aptitude à retrouver un emploi, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi, la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué au salarié une somme de 8 500 euros pour «'licenciement nul et subsidiairement rupture abusive'».

Sur la demande de rappel de salaire pour la période de mise à pied

Ainsi qu'il a été exposé précédemment, la mise à pied notifiée au salarié le 26 septembre 2018, qui s'est poursuivie jusqu'au 6 novembre 2018, date à laquelle le contrat de travail a pris fin selon les documents établis par l'employeur lui-même, constitue une sanction disciplinaire. L'employeur a motivé sa décision par l'atteinte à son autorité d'employeur, par le refus du salarié d'appliquer ses consignes et de tenir compte de ses observations. Les pièces produites ne permettant pas cependant de justifier de la réalité des faits imputés au salarié à l'appui de la mise à pied prononcée, M. [B] est bien fondé à prétendre au salaire dont il a été privé durant cette période.

Si la société L'Isséenne a versé à l'intéressé l'intégralité de son salaire pour le mois de septembre 2018, elle ne lui a versé aucun salaire pour la période du 1er octobre 2018 au 6 novembre 2018, alors que le salarié aurait perçu, s'il n'avait pas été mis à pied une rémunération brute, majorations pour travail de nuit inclues, de 2 420,90 euros pour le mois d'octobre 2018 et de 403,55 euros pour la période du 1er au 6 novembre 2018.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société L'Isséenne à payer à M. [B] la somme de 2 824,45 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied, improprement qualifiée par l'employeur de conservatoire, ainsi que la somme de 282,44 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les indemnités de rupture

Le salarié dont le licenciement est nul a droit aux indemnités de rupture.

L'indemnité de préavis correspond aux salaires et avantages qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant cette période de deux mois, soit, selon les bulletins de paie produits, la somme de 2 420,96 euros par mois. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société L'Isséenne à payer à M. [B] la somme de 4  841,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 484,19 euros au titre des congés payés afférents.

En outre, en application des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail, le salarié est fondé à revendiquer une indemnité de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté, étant précisé qu'en cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets. Le salarié qui comptait une ancienneté de 5 ans et 9 mois complets à la fin du préavis est bien fondé à prétendre, sur la base du salaire de référence de 2 420,96 euros, à une indemnité de licenciement de 3 480,13 euros. Il convient en conséquence d'infimer le jugement entrepris en ce qui concerne le montant de l'indemnité de licenciement et de condamner la société L'Isséenne à payer de ce chef à M. [B] la somme de 3 480,13 euros.

Sur le harcèlement moral'

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du code du travail mentionne que, lorsque survient un litige relatif à l'application des'articles L. 1152-1 à L. 1152-3'et'L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, au soutien de ses allégations selon lesquelles il aurait fait l'objet d'un harcèlement moral au travail, le salarié fait valoir que':

- son salaire ne lui a pas été payé en temps utile';

- il n'a pas bénéficié du versement de cotisations de mutuelle indûment perçues';

- l'employeur a refusé de respecter les préconisations du médecin du travail';

- il a fait l'objet de dénonciations calomnieuses.

Il est établi par les bulletins de paie produits et les courriers échangés entre les parties les 9 et 11 avril 2018, que la société L'Isséenne a prélevé sur la rémunération du salarié de mars 2013 à mars 2018 des cotisations de mutuelle AG2R pour un montant total de 1 364,88 euros, sans avoir fait procéder à son affiliation auprès d'une quelconque mutuelle et que la société L'Isséenne lui ayant versé une somme nette de 1 500 euros à valoir sur son salaire pour les mois de mai 2016, juin 2016, août 2016, octobre 2016, mai 2017 et août 2017, quand le salaire net qui lui était dû était supérieur, restait lui devoir à ce titre la somme totale de 191,32 euros au total.

Alors qu'il ressort de l'avis d'aptitude établi le 15 juin 2018, comme de celui établi le 3 juillet 2018, que le médecin du travail a préconisé d' «'éviter le port de charges lourdes'», l'employeur ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'il a respecté l'avis du médecin du travail.

Enfin le salarié a été l'objet de reproches réitérés, aux termes d'un courrier d'avertissement du 10 juillet 2018, d'un courrier du 23 juillet 2018 et d'un courrier de mise à pied du 26 septembre 2018.

Ces éléments de fait, pris en leur ensemble, laissent supposer l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de M. [B] susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il incombe dès lors à la société L'Isséenne de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est établi que les manquements au paiement du salaire résultaient d'erreurs de la société L'Isséenne, qui a régularisé le paiement des sommes dues au salarié dès que celui-ci en a fait la demande. Ces erreurs constituent un élément objectif étranger à tout harcèlement moral.

La société L'Isséenne ne justifie en revanche par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement moral, l'absence de prise en compte de la préconisation du médecin du travail visant à éviter au salarié le port de charges lourdes, l'avertissement du 10 juillet 2018, dont il a été jugé ci-dessus qu'il était injustifié, et les nouveaux reproches écrits adressés au salarié le 23 juillet 2018 et notamment la commission d'infractions à la législation sur les stupéfiants, qui à la supposer réelle, ce qui n'est pas établi ainsi qu'il a été ci-dessus exposé, était à tout le moins tolérée par l'employeur depuis plusieurs années au vu des attestations produites.

Le harcèlement moral est dès lors établi. Il a causé au salarié un préjudice que la cour fixe à 2 000 euros. Il convient en conséquence d'infirmer de ce chef le jugement entrepris et de condamner la société L'Isséenne à payer ladite somme à M. [B] à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale et violation de l'obligation de sécurité'

L'article L. 4624-1 en sa rédaction applicable au litige que tout travailleur de nuit bénéficie d'un suivi individuel régulier de son état de santé.'A ce titre, l'article R. 3122-19 du code du travail prévoit notamment qu'un travailleur ne peut être affecté à un poste de nuit que s'il a fait l'objet d'un examen préalable par le médecin du travail et si la fiche d'aptitude atteste que son état de santé est compatible avec une telle affectation. Cette fiche indique la date de l'étude du poste de travail et celle de la dernière mise à jour de la fiche d'entreprise lorsqu'elle est exigible. Elle est renouvelée tous les six mois, après examen du travailleur par le médecin du travail.

En l'espèce, alors qu'il n'est pas contesté que le salarié était travailleur de nuit au sens des articles L. 3122-1 et suivants du code du travail, il n'est pas démontré qu'il a bénéficié d'un suivi médical approprié.

Cela étant, l'intimé n'apporte aucun élément permettant de démontrer le préjudice que lui aurait causé le manquement de son employeur en la matière. En particulier, il ne fournit aucun élément de nature à établir un lien entre l'affection dont il a été atteint et les défaillances de la société en matière de suivi médical.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'absence de visite médicale et de la violation de l'obligation de sécurité.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation'

L'article L. 6321-1 du code du travail impose une obligation de formation à l'employeur.

En l'espèce, si le manquement de la société L'Isséenne à cette obligation est établi, le salarié n'ayant bénéficié d'aucune formation durant la relation contractuelle, M. [B], qui se borne à faire état d'un préjudice lié à son salaire ou à son évolution de carrière, qu'il ne caractérise pas, ne justifie pas d'un préjudice effectivement subi de fait de ce manquement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation.

Sur la demande en remboursement d'un trop-perçu sur salaire formée par la société

Aux termes de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

En l'espèce, le bulletin de salaire du salarié de novembre 2018 mentionne un salaire net de 879,64 euros dont l'employeur déduit un acompte de 1 500 euros et une somme de 24,69 euros correspondant aux cotisations Retraite/ Prévoyance/Frais de santé du mois d'octobre 2018, qui n'ont pas été prélevées au cours de ce mois, en l'absence de salaire versé au salarié du fait de la mise à pied, et mentionne en conséquence un net à payer négatif de 699,39 euros.

Toutefois, la société L'Isséenne, qui soutient avoir payé à M. [B] la somme de 699,39 euros lors de son solde de tout compte, alors que c'était M. [B] qui lui était redevable d'une somme de 699,39 euros, ne produit aucun élément justifiant du paiement effectif d'un acompte de 1 500 euros à M. [B], du paiement effectif des cotisations Retraite/ Prévoyance/Frais de santé du mois d'octobre 2018 et du paiement d'une somme de 699,39 euros à M. [B] lors du solde de tout compte.

La preuve d'un paiement indu n'étant pas rapportée, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande en répétition de la somme de 699,39 euros et de débouter ce dernier de sa demande additionnelle portant sa demande à la somme de 1 398,78 euros.

Sur les autres demandes'

Les'intérêts au taux légal'sur les sommes allouées seront dus dans les conditions précisées au dispositif et la capitalisation ordonnée sur le fondement de l'article'1343-2'du code civil.

La remise de l'attestation Pôle emploi et d'un bulletin de paie rectificatif conformes au présent arrêt s'impose, sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Il y a lieu d'allouer à M. [B] en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité de 1500 euros en cause d'appel, en sus de l'indemnité de 950 euros qui lui a été allouée sur ce fondement par le conseil de prud'hommes'en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Déclare Monsieur [O] [B] recevable en sa constitution';

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 20 janvier 2020, et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Dit que le licenciement de M. [O] [B] est nul ;

Condamne la société L'Isséenne à payer à M. [O] [B] les sommes suivantes':

*2 211,42 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

*221,14 euros au titre des congés payés afférents';

*800 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié';

*2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

*15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul';

*3 480,13 euros à titre d'indemnité de licenciement';

Ordonne à la société L'Isséenne de remettre à M. [O] [B] une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie rectificatif conformes au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

Dit que les'créances salariales et l'indemnité de licenciement produisent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par la société L'Isséenne de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation ;

Dit que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article'1343-2'du code civil;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Déboute la société L'Isséenne de sa demande additionnelle en répétition d'indû ;

Condamne la société L'Isséenne à payer à M. [B] une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles que celui-ci a exposés en cause d'appel.

Condamne la société par action simplifiée L'Isséeenne aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00507
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;20.00507 ?
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