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08/09/2022 | FRANCE | N°19/04341

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 08 septembre 2022, 19/04341


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRÊT N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 08 SEPTEMBRE 2022



N° RG 19/04341



N° Portalis DBV3-V-B7D-TTK7





AFFAIRE :





[V] [S]



C/



SCP B.T.S.G. mission conduite par Me Marc SENECHAL

...







Décision déférée à la cour : Jugement de départage rendu le 25 Octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Nanterre>
N° Section : Encarement

N° RG : 15/01414



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Frédéric BENOIST



Me Sarah USUNIER



Me Franck LAFON



le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT SEPTEMBRE DEUX...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRÊT N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° RG 19/04341

N° Portalis DBV3-V-B7D-TTK7

AFFAIRE :

[V] [S]

C/

SCP B.T.S.G. mission conduite par Me Marc SENECHAL

...

Décision déférée à la cour : Jugement de départage rendu le 25 Octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Nanterre

N° Section : Encarement

N° RG : 15/01414

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Frédéric BENOIST

Me Sarah USUNIER

Me Franck LAFON

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, fixé au 1er Juin 2022, prorogé au 29 juin 2022, puis au 08 Septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [V] [S]

né le 04 Septembre 1958 à [Localité 9] (41)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me Frédéric BENOIST, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0001 substitué par Me Leïla PHILIPS, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SCP B.T.S.G. mission conduite par Me Marc SENECHAL ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS EVERIAL CRM

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Sarah USUNIER de la SELARL RACINE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0301 substitué par Me Camille CECE, avocat au barreau de PARIS

SAS EVERIAL HOLDING

N° SIRET : 799 106 190

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Franck LAFON, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - Représentant : Me Eric JEANTET de la SCP D'AVOCATS JURI-EUROP, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 692 substitué par Me Charlotte JENATET, avocat au barreau de LYON

SOCIÉTÉ DE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES (SPF)

N° SIRET : 344 209 911

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Franck LAFON, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - Représentant : Me Valérie PONCIN-AUGAGNEUR de la SELARL JURI SOCIAL, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 790

AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST

[Adresse 1]

[Localité 8]

Non comparant, non représenté,

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

****************

EXPOSE DU LITIGE

M. [V] [S], qui avait été engagé à compter du 2 mai 1989 par la société Inoval en qualité de responsable financier, est passé au service de la société Feel Europe, avec reprise de son ancienneté.

En exécution d'une convention tripartite de transfert, son contrat de travail a été transféré à compter du 1er mars 2011, avec reprise de son ancienneté au 2 mai 1989, à la société Hapyci, ultérieurement dénommée la société Everial CRM. Classé niveau IX, coefficient 450, il percevait avant la rupture de son contrat de travail un salaire mensuel brut de 9 538,76 euros composé d'un salaire forfaitaire de 9 351,73 euros et d'une prime d'ancienneté de 187,03 euros.

Les relations entre M. [S] et la société Everial CRM, étaient soumises à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999.

La société Everial CRM a procédé le 26 février 2014 à l'information-consultation des institutions représentatives du personnel sur son projet de restructuration de l'entreprise impliquant une diminution des effectifs, sur son projet de licenciement collectif pour motif économique, sur son projet d'accord majoritaire de plan de sauvegarde de l'emploi, sur la possibilité de mettre en oeuvre le reclassement de façon anticipée et sur la définition des critères d'ordre.

La société Everial CRM, invoquant des difficultés économiques, a proposé à M. [S], par lettre remise en main propre contre décharge le 28 février 2014, une modification de son contrat de travail pour motif économique portant sur son lieu de travail, transféré de [Localité 11] à [Localité 10]. Le salarié a refusé cette modification par lettre remise en main propre le 27 mars 2014.

Par lettre remise en main propre contre décharge le 15 avril 2014, la société Everial CRM a informé M. [S] que son licenciement pour motif économique était envisagé dans le cadre d'un projet de licenciement collectif pour motif économique incluant un plan de sauvegarde de l'emploi et lui a proposé un reclassement, qu'il a refusé.

Le plan de sauvegarde de l'emploi, adopté par accord majoritaire le 2 juin 2014, a été validé par la Direccte le 13 juin 2014.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 juin 2014, la société Everial CRM a notifié à M. [S] son licenciement pour motif économique et lui a proposé un congé de reclassement, qu'il a accepté. Son contrat de travail a pris fin à l'expiration du congé de reclassement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, par requête reçue au greffe le 21 mai 2015, aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes. Cette procédure a été enregistrée sous le n°15/1414 du répertoire général du greffe.

Par jugement du 28 mai 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Everial CRM et désigné Me Francisque Gay en qualité d'administrateur judiciaire et la Scp BTSG, mission conduite par Me Marc Sénéchal ès qualités de mandataire judiciaire. Par jugement du 31 juillet 2015, il a arrêté le plan de cession. Par jugement du 26 août 2015, il a prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise, a maintenu Me Francisque Gay en qualité d'administrateur pour les seuls besoins de la régularisation des actes de cession et a nommé la SCP BTSG, mission conduite par Me Marc Sénéchal en qualité de liquidateur.

Par requête du 25 septembre 2015, notifiée le 6 novembre 2015, la société Everial CRM a demandé au conseil de prud'hommes de Nanterre d'appeler à la cause la société Everial Holding ainsi que la société dénommée Société de Participations Financières, dite ci-après SPF. Cette procédure a été enregistrée sous le n°15/2724 du répertoire général du greffe.

Par jugement de départage du 25 octobre 2019, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- ordonné la jonction des affaires portant les numéros 15/1414 et 15/2724 ;

- constaté la recevabilité de l'action du salarié à l'égard de la société Everial Holding et de la Société de Participations Financières ;

- mis hors de cause la société Everial Holding et la Société de Participations Financières ;

- fixé le salaire moyen brut du salarié à la somme de 8 403,40 euros ;

- fixé le montant des créances du salarié au passif de la liquidation de la société Everial CRM représentée par Me Sénéchal, mandataire liquidateur, à la somme de 120 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du dit jugement ;

- ordonné l'exécution provisoire du dit jugement à concurrence de la moitié des sommes allouées ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- dit que le jugement est opposable à l'AGS CGEA Idf Ouest, dans la limite du plafond légal ;

- dit que les dépens seraient inscrits au passif de la société Everial CRM, représentée par Me Sénéchal, mandataire liquidateur de la société.

Monsieur [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 5 décembre 2019.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 17 août 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, M. [S] demande à la cour de :

- débouter les sociétés Everial CRM, Everial Holding et SPF de l'ensemble de leurs demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé la mise en cause des sociétés Everial Holding et SPF recevable car non prescrite et a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- l'infirmer en ses autres dispositions ;

- constater l'existence d'un co-emploi entre les sociétés Everial CRM, Everial Holding et SPF à son bénéfice ;

- fixer sa créance au passif de la société Everial CRM et condamner solidairement les sociétés Everial CRM, Everial Holding et SPF à lui payer les sommes suivantes :

* 12 666,67 euros brut à titre de rappel de rémunération variable pour la période du 1er mars au 31 décembre 2011 ;

* 1 266,66 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 20 000 euros brut à titre de rappel de rémunération variable pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 ;

* 2 000 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 20 000 euros brut à titre de rappel de rémunération variable pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 ;

* 2 000 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 15 000 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable pour la période du 1er janvier au 28 septembre 2014 ;

* 1 500 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 79 994,44 euros au titre 'du solde du solde de tout compte' ;

* 280 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*9 750 euros à titre de complément de congé de reclassement ;

*34 440 euros au titre du différentiel entre les allocations chômage effectivement perçues et celles qui auraient dû l'être si la rémunération variable avait été servie ;

* 5109,15 euros au titre du solde de son congé de reclassement ;

* 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire que les sommes ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Nanterre,

- déclarer la décision à intervenir opposable à l'AGS.

Il expose notamment :

- qu'alors qu'il est éligible à une rémunération variable, aucun objectif ne lui a jamais été fixé, de sorte qu'il est fondé à obtenir un rappel de salaire à ce titre, outre différentes sommes résultant de la rupture de son contrat de travail ;

- que les sociétés Everial CRM, Everial Holding et SPF étaient ses co-employeurs, dans la mesure où il était lié à ces dernières par un lien de subordination et où une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre sociétés était caractérisée ;

- que son action contre les sociétés Everial Holding et SPF n'est pas prescrite, dès lors que sa saisine du conseil de prud'hommes le 21 mai 2015 a interrompu le délai de prescription prévu à l'article L. 1235-7 du code du travail, que les sociétés SPF et Everial Holding ne peuvent pas se prévaloir de ce texte en ce qu'elles n'ont pas respecté la procédure de licenciement qui s'imposait à elles en leur qualité de co-employeurs et que ce délai n'est pas applicable s'agissant d'une action portant sur la reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et de l'existence d'une situation de co-emploi ;

- que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de preuve des difficultés économiques alléguées par la société Everial CRM et de respect de l'obligation de reclassement.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 13 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Me Sénéchal, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Everial CRM, demande à la cour  :

¿ à titre principal, de :

- infirmer le jugement, en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et fixé le montant des créances du salarié au passif de sa liquidation à la somme de 120 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- confirmer le jugement dans l'ensemble de ses autres dispositions ;

¿ à titre subsidiaire, de limiter le montant des dommages-intérêts à la somme de 58 127 euros, fixé au passif de sa liquidation ;

¿ en tout état de cause, de condamner l'appelant à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient en substance :

- que la société Everial CRM était le seul employeur du salarié et que celui-ci ne démontre aucune situation de co-emploi caractérisée par une confusion anormale et totale des intérêts et des activités entre sociétés ;

- que le licenciement pour motif économique du salarié est fondé au vu des difficultés économiques rencontrées ;

- qu'elle a respecté son obligation en matière de reclassement ;

- que M. [S] n'apporte pas de preuve au soutien de ses demandes relatives à son solde de tout compte et à sa rémunération variable, ses demandes étant à titre subsidiaire excessives.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 15 juillet 2020 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Everial Holding demande à la cour de:

¿ in limine litis, sur la prescription de l'action, constater que sa mise en cause par le salarié a été faite par voie de conclusions en décembre 2017, soit plus d'un an après le licenciement pour motif économique dont il a fait l'objet et, infirmant le jugement, dire que l'action du salarié envers elle est prescrite ;

¿ Sur le fond :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause et débouter M. [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre contre elle,

- réformant pour le surplus le jugement, condamner le salarié à lui payer une somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- juger les demandes du salarié irrecevables et mal fondées ;

- juger que le licenciement du salarié était fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas lieu de lui allouer des dommages-intérêts pour licenciement abusif, ou subsidiairement, limiter les condamnations à ce titre à la somme de 58 127 euros ;

- juger qu'il n'y a pas lieu d'allouer au salarié un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- juger qu'il n'y a pas lieu d'allouer au salarié un complément de congé de reclassement ;

- juger qu'il n'y a pas lieu d'allouer au salarié un différentiel entre les allocations de chômage effectivement perçues et celles qui auraient dû l'être si la rémunération variable avait été servie ;

- juger qu'il n'y a pas lieu d'allouer au salarié un rappel de rémunération variable et congés payés afférents au titre des périodes du 1er mars au 31 décembre 2011, du 1er janvier au 31 décembre 2012, du 1er janvier au 31 décembre 2013 et du 1er janvier au 28 septembre 2014 ;

- juger qu'il n'y a pas lieu d'allouer au salarié une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'appelant à lui payer la somme de 3 000 euros à ce titre ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance que :

- l'action formée par l'appelant est prescrite au regard de l'article L. 1235-7 du code du travail, celui-ci ayant saisi la juridiction prud'homale d'une demande de reconnaissance de co-emploi à son encontre plus d'un an après son licenciement ;

- il convient de la mettre hors de cause, dans la mesure où elle n'a jamais été en lien avec le salarié, en ce qu'elle ne constitue qu'une SAS sans salarié et sans activité et ne peut ainsi être qualifiée de co-employeur ;

- elle n'a jamais fait partie de la branche d'activité de la société Everial CRM et les recherches de reclassement du salarié ont été régulièrement menées.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 15 juillet 2020 auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société SPF demande à la cour :

¿ in limine litis, de :

- infirmer le jugement sur la prescription de l'action et juger que l'action du salarié envers elle est prescrite ;

- confirmer le jugement sur l'incompétence partielle de la cour ;

¿ sur le fond,

-confirmer le jugement initial ;

- constater qu'il n'existe aucune situation de co-emploi entre la société Everial CRM et elle ;

- juger qu'il convient de la mettre purement et simplement hors de cause et débouter le salarié de toutes ses demandes dirigées contre elle ;

- infirmer le jugement ;

- constater que les demandes du salarié sont irrecevables et mal fondées ;

En conséquence :

- sur le licenciement, juger que celui-ci est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas lieu d'allouer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement abusif, ou, subsidiairement, limiter les condamnations à ce titre à la somme de 58 127 euros, soit 6 mois de salaire ;

- sur les autres demandes infondées du salarié, confirmer le jugement ;

- dans l'hypothèse où la cour considérerait que les demandes de dommages-intérêts formulées par le salarié sont fondées, dire que les dommages-intérêts alloués à ce titre s'entendent comme des sommes brutes avant CSG et CRDS,

- dans l'hypothèse où la cour ferait droit aux demandes de caractère salarial formulées par le salarié, dire que ces sommes s'entendent de sommes brutes avant précompte de charges sociales,

- dire que l'AGS garantira le paiement de ces sommes,

- condamner le salarié aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance que :

- l'action exercée par le salarié à son encontre est prescrite en ce qu'il l'a mise en cause plus d'un an après son licenciement pour motif économique ;

- la cour est incompétente pour examiner la validité du plan de sauvegarde de l'emploi, sa compétence se limitant à la mise en oeuvre des mesures prévues par celui-ci ;

- elle doit être mise hors de cause, dans la mesure où elle n'était pas co-employeur du salarié aux côtés de la société Everial CRM ;

- à titre subsidiaire, le licenciement du salarié est parfaitement fondé, compte tenu de la réalité du motif économique invoqué et de sa validité, ainsi que des mesures prises pour reclasser le salarié ;

- en cas de situation de co-emploi, les sociétés ne sont solidaires que pour les conséquences de la rupture intervenue, de sorte que l'appelant ne peut lui reprocher de ne pas avoir procédé à son licenciement.

L'AGS CGEA Ile de France Ouest, à qui M. [S] a signifié sa déclaration d'appel le 4 février 2020, ses premières conclusions le 6 mars 2020 et ses dernières conclusions le 7 septembre 2020, n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 février 2022.

Par ordonnance du 16 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état, saisi le 22 février 2022 par la société Everial Holding de conclusions aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture et par M. [S] le 25 février 2022 de conclusions aux fins de rejet de cette demande, a dit qu'il n'y avait pas lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, en l'absence de cause grave la justifiant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action :

Il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L. 1471-1 alinéa 1 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, que l'action par laquelle une partie demande la reconnaissance d'un contrat de travail, dont l'existence est contestée, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de l'article 2224 du code civil.

La qualification dépendant des conditions dans lesquelles s'exerce l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation de travail dont la qualification est contestée a cessé. C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant de l'exercer.

Il est établi que M. [S] a saisi le 25 septembre 2015 le conseil de prud'hommes de Nanterre d'une requête aux fins de voir constater l'existence d'un co-emploi entre les sociétés Everial CRM, Everial Holding et SPF, de voir condamner solidairement les sociétés Everial CRM, Everial Holding et SPF à lui payer un rappel de rémunération variable pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014 et des congés payés afférents et de voir fixer sa rémunération mensuelle brute moyenne (fixe+ variable). La relation contractuelle revendiquée, à la supposer établie, ayant pris fin le 17 juin 2014, par le licenciement de M. [S] par la société Everial CRM, l'action en reconnaissance du co-emploi par les sociétés Everial Holding et SPF n'était pas prescrite à la date de la saisine du conseil de prud'hommes. Cette action est donc recevable.

Sur l'existence d'un co-emploi :

L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans laquelle s'est exercée l'activité. Le contrat de travail se caractérise par l'existence d'un lien de subordination dont il résulte que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

En l'absence d'un contrat de travail apparent le liant à la société Everial holding ou à la société SPF, il incombe à M. [S] de rapporter la preuve de l'existence du contrat de travail qu'il revendique à leur égard.

M. [S] ne produit aucun élément à l'appui de l'existence d'un lien de subordination vis-à-vis de la société Everial Holding, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 13 décembre 2013 sous le numéro 799 106 190, qui a commencé son activité le 9 décembre 2013.

L'existence d'un lien de subordination vis-à-vis de la société SPF, société mère du groupe, associé unique de la société Everial (immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 350 553 863), dont elle est le président, et qui est elle-même l'associé unique et le président de la société Everial CRM (immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 530 885 102), n'est pas rapportée par l'organigramme produit par M. [S]. En effet, si M. [H], directeur général adjoint et directeur administratif et financier groupe de la société SPF y figure comme assurant la direction administrative et financière du groupe Everial, ce document, qui présente l'organisation fonctionnelle de ce dernier n'implique pas l'existence d'un pouvoir hiérarchique de la société SPF sur M. [S].

La société SPF verse aux débats :

- la convention d'assistance technique qu'elle a conclue avec la société Hapyci, ultérieurement dénommée la société Everial CRM, aux termes de laquelle elle assistera cette dernière dans l'ensemble des tâches administratives et comptables, notamment en matière de consolidation comptable, d'harmonisation de la procédure achats et mise en place d'accords-cadres, intervention dans le domaine des ressources humaines et de l'informatique ;

- la convention de prestations conclue par la société Everial avec la société Everial CRM, aux termes de laquelle la première fournit des prestations de service à la seconde notamment en ce qui concerne la gestion des moyens généraux et la gestion des ressources humaines ;

- la convention de prestations conclue par la société Everial avec la société Everial CRM, aux termes de laquelle la seconde s'engage à fournir à la première des prestations de gestion en matière de finances et l'annexe à cette convention mentionnant que le poste finance de la société Everial CRM est affecté à 50% à la réalisation de prestations au profit de la société Everial ;

- la justification de la refacturation par la société Everial CRM des services fournis à la société Everial, dont les prestations dont M. [S] avait la charge.

M. [S] exerçait, en qualité de responsable finances de la société Everial CRM, une fonction qui l'amenait à travailler en lien avec les différentes sociétés du groupe dominé par la société Everial dont la société SPF était la société mère. Ses responsabilités l'amenaient à travailler de concert avec des salariés appartenant aux autres sociétés du groupe Everial ainsi qu'avec la société mère de celle-ci et à se déplacer dans les différentes entités du groupe. S'il a pu transmettre des données financières en vue des Codir ou présenter à des Codir du groupe Everial les résultats du groupe et des éléments sur des sujets financiers se rapportant à l'activité des sociétés de ce groupe, il n'en était pas membre. Les interventions de M. [S] et les courriers électroniques qu'il produit, qui sont relatifs à des données financières et comptables, s'inscrivent dans le cadre des prestations fournies par la société Everial CRM à la société Everial et dans le cadre des prestations fournies par la société SPF à la société Everial CRM et se justifient par la nécessaire coordination entre sociétés appartenant à un même groupe.

Si M. [S] produit un compte-rendu d'entretien annuel en date du 9 août 2012 établi sur papier à en-tête de la société Everial CRM signé de M. [H], un courrier électronique du 4 décembre 2013 informant M. [H] de son absence le 13 décembre 2013, un courrier électronique de M. [H] du 11 février 2014 lui adressant ainsi qu'à d'autres personnes de la société Everial CRM, dont Mme [X], responsable comptable, une note de la direction des ressources humaines concernant les congés en leur demandant de la faire suivre à leurs équipes, une demande de congés adressée à M. [H] et validée par celui-ci le 24 mars 2014 et une demande de validation de note de frais adressée à M. [H] le 14 mai 2014, il n'est pas établi que M. [H] ait agi hors des contrats de prestation de service liant la société SPF à la société Everial CRM dans le domaine des ressources humaines.

Les courriers électroniques adressés à M. [S] par Mme [C] et Mme [F], contrôleuses de gestion, relatifs à leurs absences ou congés ne permettent pas de caractériser l'existence d'un lien de subordination entre M. [S] et la société SPF.

La preuve n'est pas rapportée que la société SPF et/ou la société Everial holding ont donné des ordres et des directives à M. [S], en ait contrôlé l'exécution et ait eu le pouvoir de sanctionner d'éventuels manquements. L'existence d'un lien de subordination juridique entre M. [S] et les sociétés Everial Holding et/ou SPF n'est pas démontrée.

Les pièces produites n'établissent pas non plus qu'il existait, au-delà de la nécessaire coordination des actions entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance pouvait engendrer, une immixtion permanente de la société SPF dans la gestion économique et sociale de la société Everial CRM conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de reconnaître la qualité de coemployeurs des sociétés Everial Holding et SPF et a mis ces dernières hors de cause.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société Everial Holding et par la société SPF aux demandes relatives au licenciement pour motif économique formées par M. [S] à leur encontre en cours de procédure est dès lors sans objet, ces demandes supposant préalablement établie l'existence d'un co-emploi, que la cour a ci-dessus écarté.

Sur l'indemnité de congé de reclassement pour le mois de juin 2015

M. [S], dont le congé de reclassement d'une durée de 12 mois, période de préavis incluse, a commencé le 27 juin 2014 et se terminait le 26 juin 2015, soutient ne pas avoir perçu l'indemnité de reclassement correspondant au mois de juin 2015.

Le salarié avait droit, selon le plan de sauvegarde de l'emploi, pendant la durée du congé de reclassement excédant la durée normale du préavis, à une indemnité de congé de reclassement égale à 65% de son salaire moyen des douze derniers mois. Il établit par les bulletins de paie qu'il produit que l'indemnité de congé reclassement qui lui était versée s'élevait à 6 995,10 euros brut par mois.

Me Sénéchal ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Everial CRM, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, l'indemnité de congé de reclassement due au salarié pour la période du 1er au 26 juin 2015 lui a été effectivement payée.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et d'allouer à M. [S] la somme de 5109,15 euros, qu'il revendique, à titre d'indemnité de reclassement pour la période du 1er au 26 juin 2015, indépendamment d'un éventuel rappel au titre de la rémunération variable, qui sera examiné ci-après.

Sur le rappel de rémunération variable :

L'avenant au contrat de travail conclu par la société Hapyci, ultérieurement dénommée la société Everial CRM, avec M. [S] à effet au 1er mars 2011 mentionne qu'outre son salaire fixe, le salarié bénéficiera d'une partie variable d'un montant de 20 000 euros à objectifs atteints.

Il incombe à Me Sénéchal en sa qualité de liquidateur de la société Everial CRM de rapporter la preuve qu'elle a payé au salarié la rémunération convenue, ce qu'il ne fait pas.

En l'absence d'objectifs fixés par l'employeur au salarié, ce dernier est fondé à prétendre au paiement de la partie variable due à objectifs atteints en totalité, soit :

* 12 666,67 euros pour la période du 1er mars au 31 décembre 2011 ;

* 20 000 euros pour l'année 2012 ;

* 20 000 euros pour l'année 2013 ;

* 14 848,48 euros pour la période du 1er janvier au 26 septembre 2014, incluant les trois mois du préavis.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et d'allouer à M. [S] la somme de 67 515,15 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable ainsi que la somme 6 751,52 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur le 'solde du solde de tout compte'

M. [S] revendique le paiement d'un 'solde du solde de tout compte' d'un montant de 79 994,44 euros. A l'appui de cette demande, il fait valoir d'une part, que le rappel de rémunération variable induit un rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement de 25 525 euros, selon le calcul qu'il produit en pièce 57, et invoque, d'autre part, un courrier adressé à Me Sénéchal le 28 août 2015 produit en pièce 59, dans lequel il indique avoir perçu la somme de 72 602,75 euros correspondant à partie de son solde de tout compte et s'interroge sur l'affectation du solde, soit 79 994,44 euros sur la liste des créances privilégiées.

Le salarié ne justifie pas de l'existence d'une créance de solde de tout compte non déjà inscrite au passif de la société Everial CRM.

Eu égard au rappel de rémunération variable qui lui est dû et compte tenu de son ancienneté, il est en revanche fondé à prétendre, en application de l'article 3.1 de l'avenant cadres à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999, à un salaire mensuel brut de référence supérieur de 1 666,67 euros à celui qui a été pris en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement, ce qui induit un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement de 25 525 euros, dont le salarié justifie du calcul en pièce 57.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris, d'allouer à M. [S] la somme de 25 525 euros, à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement et de débouter l'intéressé du surplus de sa demande au titre du ' du solde du solde de tout compte'.

Sur le rappel d'indemnité de congé de reclassement

M. [S] fait valoir que son indemnité de congé de reclassement a été minorée de 9 750 euros, à défaut d'avoir pris en compte la rémunération variable qui lui était due.

Il devait percevoir, pendant la durée du congé de reclassement excédant la durée normale du préavis, une indemnité de congé de reclassement égale à 65% de son salaire moyen des douze derniers mois. Compte tenu du rappel de rémunération variable qui lui est dû, qui induisait un salaire mensuel brut de référence de 1 666,67 euros supérieur, il convient de lui allouer à titre de complément d'indemnité de congé de reclassement pour la période du 27 septembre 2014 au 26 juin 2015, soit 9 mois, la somme de 9 750 euros à titre de rappel d'indemnité de congé de reclassement.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et d'allouer à M. [S] la somme de 9 750 euros, à titre de complément d'indemnité de congé de reclassement.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre du différentiel entre les allocations chômage perçues et les allocations servies en cas de paiement de la rémunération variable :

M. [S], qui sollicite la somme de 34 440 euros à titre de dommages-intérêts au titre du différentiel entre les allocations chômage perçues et les allocations servies en cas de paiement de la rémunération variable, produit, à l'appui de cette demande :

- en pièce 57 une feuille de calcul établie unilatéralement par ses soins, indiquant que si sa rémunération variable avait été prise en compte, le salaire journalier de référence retenu par Pôle emploi aurait été de 368,40 euros ce qui lui aurait ouvert droit à une indemnité journalière d'aide au retour à l'emploi de 211,46 euros, alors que le salaire journalier de référence hors rémunération variable retenu par Pôle emploi a été de 313,60 euros ce qui lui a ouvert droit à une indemnité journalière d'aide au retour à l'emploi de 180,01 euros, et qu'il a donc perdu 956,67 euros par mois, soit 34 440 euros sur 36 mois, de juillet 2015 à juin 2018 ;

- en pièce 64, un relevé de situation établi par Pôle emploi mentionnant qu'au 31 janvier 2019, il a perçu 350 allocations journalières, que l'allocation brute est d'un montant journalier de 185,20 euros en tenant compte d'un salaire journalier de référence de 322,65 euros et que sur le montant de l'allocation brute sont retenus la retraite complémentaire (3% du salaire journalier de référence), la CSG (6,20% de 98,25% de l'allocation) et la CRDS (0,50 % de 95,25 % de l'allocation).

Le salaire de référence permettant de déterminer l'allocation journalière d'aide au retour à l'emploi est défini, pour les salariés âgés de 53 ans et plus, à partir du total des rémunérations brutes des 36 derniers mois.

M. [S] ne justifie cependant ni du montant des allocations chômage qu'il a effectivement perçues au titre de la période de juillet 2015 à juin 2018, ni de celui qu'il aurait dû percevoir si la rémunération variable lui avait été versée, ni de la différence de revenu en résultant après impôts. Il ne justifie pas en tout état de cause que la rémunération variable qui lui est allouée au titre des 36 derniers mois n'est pas susceptible de donner lieu à la régularisation rétroactive du montant de ses allocations de retour à l'emploi par Pôle emploi.

A défaut pour M. [S] de rapporter la preuve d'un préjudice certain, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement :

La lettre de licenciement notifiée à M. [S] est motivée par le refus par le salarié de la modification de son contrat de travail justifiée par des difficultés économiques.

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente, ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non au même secteur d'activité.

Il appartient à l'employeur, même quand un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans le plan de sauvegarde de l'emploi, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé, des emplois disponibles.

La recherche de reclassement doit être sérieuse et loyale.

Les possibilités de reclassement s'apprécient à compter du moment où le licenciement est envisagé et au plus tard à la date de celui-ci.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il a satisfait à son obligation de reclassement.

La seule proposition individuelle de reclassement faite par la société Everial CRM à M. [S] est la proposition faite par lettre remise en main propre contre décharge le 15 avril 2014 du poste de responsable de contrôle de gestion à [Localité 12], niveau VIII, coefficient 390, moyennant un salaire forfaitaire annuel brut de 50 000 euros et une prime d'ancienneté, que l'intéressé a refusée.

Cette proposition d'un poste d'une catégorie inférieure à celle du poste que le salarié occupait et qui entraînait pour lui une baisse de rémunération de plus de 50% ne suffit pas à démontrer que l'employeur a satisfait à son obligation individuelle de reclassement.

Le registre d'entrées et sorties du personnel de la société Everial CRM n'est pas produit. L'argument selon lequel la société Everial CRM 'n'était pas en mesure de conserver l'intégralité des dossiers du personnel' dans la mesure où elle avait été placée en liquidation judiciaire est inopérant. Il convient de relever au surplus que le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement le 21 mai 2015, avant la liquidation judiciaire de l'entreprise, la société ne pouvait ignorer à la date de celle-ci, qu'il convenait de conserver tous documents permettant de justifier qu'elle avait satisfait à son obligation de reclassement.

L'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure, sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser. Il n'est pas établi en l'espèce que, dans le cadre de son obligation de reclassement, la société Everial CRM ait proposé à M. [S], comme elle y était tenue, le poste de responsable financier localisé à [Localité 10] ou, le cas échéant, dans la région de [Localité 10] , qu'il avait refusé le 27 mars 2014, dans le cadre de la proposition de modification pour motif économique de son contrat de travail et qui était disponible.

Il n'est justifié d'aucune recherche individuelle de reclassement effectuée par la société Everial CRM et le caractère exhaustif du tableau présenté sous l'intitulé 'entrées et sorties de personnel sur le Groupe en 2014 et 2015, hors Everial CRM', produit par la société SPF en pièce 17, n'est pas démontré.

A défaut pour l'employeur de rapporter la preuve qu'à l'époque du licenciement de M. [S], il n'existait pas, que ce soit au sein de la société Everial CRM ou au sein des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existaient entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, d'autre poste disponible en rapport avec les compétences et les aptitudes de l'intéressé que celui de responsable de contrôle de gestion à [Localité 12] refusé par le salarié, il n'est pas établi qu'il a satisfait à son obligation de reclassement. Il s'ensuit que le licenciement pour motif économique de M. [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il convient en conséquence de confirmer de ce chef le jugement entrepris.

Au moment de la rupture de son contrat de travail, M. [S] avait au moins deux années d'ancienneté et la société Everial CRM employait habituellement au moins onze salariés. En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, l'intéressé peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts des six derniers mois.

En raison de l'âge de M. [S] au moment de son licenciement, 55 ans, de son ancienneté de 25 ans environ dans l'entreprise, du montant de la rémunération à laquelle il pouvait prétendre et de son aptitude à retrouver un emploi, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi, la somme de 120 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur les intérêts

En application des dispositions combinées des articles L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 28 mai 2015, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Everial CRM, a arrêté le cours des intérêts légaux. Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la créance de 120 000 euros reconnue à M. [S] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée au passif de la liquidation de la société Everial CRM porte intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur la garantie de l'AGS

Le présent arrêt sera opposable à l'AGS- CGEA d'Ile-de-France Ouest dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail, lesquelles excluent en particulier l'indemnité de procédure. Cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur la moyenne des salaires

L'article R. 1454-28 du code du travail qui impose au juge de fixer la moyenne des salaires n'étant pas applicable en cause d'appel, dès lors que le pourvoi en cassation n'a pas d'effet suspensif, la fixation de la moyenne des salaires est devenue sans objet.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

La société Everial Holding sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de M. [S] à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive.

La société Everial Holding se borne à solliciter des dommages-intérêts sans préciser en quoi M. [S] aurait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Il convient de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Everial CRM en liquidation judiciaire.

Il y a lieu de débouter les parties de leurs demandes d'indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 25 octobre 2019 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Fixe ainsi qu'il suit la créance de M. [V] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société Everial CRM :

* 5109,15 euros à titre d'indemnité de reclassement pour la période du 1er au 26 juin 2015,

* 67 515,15 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable pour la période du 1er mars 2011 au 26 septembre 2014,

* 6 751,52 euros au titre des congés payés afférents,

* 25 525 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 9 750 euros, à titre de complément d'indemnité de congé de reclassement pour la période du 27 septembre 2014 au 26 juin 2015 ;

Constate que le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 28 mai 201, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Everial CRM, a arrêté le cours des intérêts légaux ;

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS (CGEA d'Ile-de-France Ouest) dans les limites de sa garantie légale, laquelle ne comprend pas l'indemnité de procédure, et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le liquidateur judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement ;

Dit n'y avoir lieu de fixer la moyenne des salaires ;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Met les dépens à la charge de la société Everial CRM en liquidation judiciaire.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 19/04341
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;19.04341 ?
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