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07/07/2022 | FRANCE | N°20/01346

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 07 juillet 2022, 20/01346


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES







21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 JUILLET 2022



N° RG 20/01346 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T5QH



AFFAIRE :



[Z] [X]





C/

S.A.S. EXTESIO









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mars 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 18/00307



Copies exécut

oires et certifiées conformes délivrées à :



Me Dominique DOLSA



Me Alexandra JONGIS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivan...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUILLET 2022

N° RG 20/01346 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T5QH

AFFAIRE :

[Z] [X]

C/

S.A.S. EXTESIO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mars 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 18/00307

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Dominique DOLSA

Me Alexandra JONGIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Z] [X]

née le 20 Février 1966 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Dominique DOLSA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 444

APPELANTE

****************

S.A.S. EXTESIO

N° SIRET : 511 062 945

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Alexandra JONGIS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0802

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,

FAITS ET PROCEDURE

Mme [X], née le 20 février 1966, a été engagée à compter du 1er septembre 2014 en qualité d'assistante administrative et commerciale, par la société Harmonie Capital, selon contrat de travail à durée indéterminée.

Suivant convention tripartite en date du 31 août 2016, le contrat de travail a été transféré au profit de la société Extesio avec reprise d'ancienneté, Mme [X] étant engagée par cette dernière société en qualité de chargée de développement commercial.

L'entreprise, qui exerce une activité de conseil en relations publiques et communication, emploie moins de onze salariés et relève de la convention collective des prestataires de services.

Entre le mois d'août 2017 et le mois de juin 2018, Mme [X] a été régulièrement absente pour maladie.

Mme [X] a été reconnue travailleur handicapé selon décision du 1er juin 2017 pour une période allant du 1er mai 2017 au 30 avril 2019.

Convoquée le 4 juin 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 12 juin suivant, Mme [X] a été licenciée par lettre datée du 9 juillet 2018 énonçant un trouble objectif au fonctionnement de l'entreprise nécessitant son remplacement.

Contestant son licenciement, Mme [X] a saisi, le 7 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Poissy aux fins d'entendre juger le licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société a soulevé l'irrecevabilité des demandes additionnelles formées par la requérante aux termes de ses dernières conclusions et s'est opposée à ses prétentions initiales, sollicitant sa condamnation au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir écarté l'exception d'irrecevabilité visant les demandes additionnelles formées par la requérante en paiement de la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts 'au vu du caractère vexatoire du licenciement et des multiples manquements de l'employeur', de 20 000 euros de dommages-intérêts 'du fait de la dégradation de l'état de santé et l'absence du respect des règles de sécurité et d'hygiène occasionnés par des manquements graves et réitérés' et de 18 000 euros 'au titre de la perte de chance d'évolution de sa carrière', le conseil a, par jugement rendu le 10 mars 2020, notifié le 12 mars 2020, statué comme suit :

Dit que le licenciement est un licenciement avec cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [X] de l'intégralité de ses demandes,

Déboute la société de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [X] aux éventuels dépens.

Le 3 juillet 2020, Mme [X] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 29 mars 2021, le conseiller chargé de la mise en état a rejeté l'incident soulevé par la société Extesio tendant à la nullité de la déclaration d'appel de Mme [X], qui faisait valoir qu'elle ne contenait aucune précision sur les chefs de débouté critiqués, qu'elle comporterait en outre une contradiction avec ses conclusions d'appel et qu'aucune régularisation n'est intervenue dans le délai imparti.

Par ordonnance rendue le 11 mai 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 17 mai 2022.

' Selon ses dernières conclusions notifiées le 8 avril 2022, Mme [X] demande à la cour de :

La déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes

Infirmer en conséquence le jugement en toutes ses dispositions

A titre principal, constater que le licenciement est nul puisque discriminatoire comme justifié par son état de santé et condamné en conséquence la société à lui payer les sommes suivantes :

- 9 000 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L 1235-3-1 du code du travail (6 mois x 1500 euros)

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au vu du caractère vexatoire de la procédure de licenciement et des multiples manquements de l'employeur

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la dégradation de l'état de santé et absence du respect des règles de sécurité et d'hygiène occasionnés par des manquements graves et réitérés

- 18 000 euros au titre de la perte de chance d'évolution de sa carrière

A titre subsidiaire, constater que le licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence la société à lui payer sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail les sommes suivantes :

- 6 000 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L 1235-3 du code du travail (4 mois x 1500 euros),

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au vu du caractère vexatoire de la procédure de licenciement et des multiples manquements de l'employeur,

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la dégradation de l'état de santé et absences du respect des règles de sécurité et d'hygiène occasionnés par des manquements graves et réitérés,

- 18 000 euros au titre de la perte de chance d'évolution de sa carrière.

En tout état de cause, condamner la société au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel et 3 000 euros en première instance ainsi qu'aux entiers dépens.

' Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 10 mai 2022, la société Extesio demande à la cour de :

In limine litis, déclarer irrecevables les demandes formées par Mme [X] au titre des dommages et intérêts pour dégradation de l'état de santé et absence des règles de sécurité et d'hygiène ainsi qu'au titre de la perte de chance,

En tout état de cause, débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et condamner Mme [X] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

I - Sur la recevabilité des demandes additionnelles formées en première instance :

Ainsi que le plaide justement la société intimée, les règles spécifiques à la matière prud'homale de l'unicité de l'instance prévue à l'article R.1452- 6 du contrat de travail ont été abrogées par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016, entré en vigueur le 1er août 2016, de sorte que Mme [X] qui a saisi la juridiction prud'homale en décembre 2018 ne peut plus se prévaloir de ce principe.

La suppression du principe de l'unicité de l'instance emporte pour première conséquence la possibilité pour les parties, et en particulier pour le salarié, d'engager, à tout moment, de nouvelles actions en justice, sous réserve toutefois des règles relatives à l'intérêt à agir ou encore des règles relatives à la prescription.

Cet assouplissement a néanmoins pour corollaire un encadrement des demandes nouvelles introduites au cours d'une même instance, autrement dit des demandes incidentes qui sont définies par l'article 63 du code de procédure civile, et au nombre desquelles figure la demande additionnelle définie par l'article 65 comme étant une demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures, dont le juge devra apprécier la recevabilité par rapport à la demande initiale telle que contenue dans la requête introductive d'instance prévue à l'article R 1452-1 du code du travail.

Conformément à l'article 70 du code de procédure civile, les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, l'appréciation du lien suffisant relevant du pouvoir souverain du juge du fond.

En l'espèce, il ressort de la requête aux fins de saisine du conseil de prud'hommes datée du 4 octobre 2018 que Mme [X] n'a saisi le conseil que d'une contestation visant son licenciement sollicitant la condamnation de la société au paiement de la somme de 9 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul et de dommages-intérêts non chiffrés pour procédure vexatoire, un article 700, l'exécution provisoire et les intérêts au taux légal, l'exposé sommaire des motifs étant ainsi libellé : 'licenciement nul : discrimination envers une salariée travailleur handicapée en raison de son état de santé. Procédure à caractère vexatoire'.

Il s'ensuit que la saisine portait exclusivement sur la rupture du contrat de travail.

Suivant ses dernières conclusions, Mme [X] a chiffré sa demande indemnitaire visant le caractère vexatoire de la procédure de licenciement, à hauteur de 10 000 euros de dommages-intérêts en précisant que cette indemnité visait également la réparation des 'multiples manquements de l'employeur', et présenté les demandes additionnelles suivantes :

- 20 000 euros de dommages-intérêts 'du fait de la dégradation de l'état de santé et l'absence du respect des règles de sécurité et d'hygiène occasionnés par des manquements graves et réitérés',

- 18 000 euros 'au titre de la perte de chance d'évolution de sa carrière'.

La seule existence d'un contrat de travail ne constitue pas un lien suffisant pour justifier des demandes financières portant non plus sur la rupture du contrat de travail mais sur son exécution.

Par suite, si la demande indemnitaire formée par Mme [X] au titre d'un préjudice lié à la rupture caractérisé par une perte de chance de bénéficier d'une évolution professionnelle, qui se présente comme une demande d'indemnisation complémentaire des suites du licenciement injustifié, se rattache par un lien suffisant à la demande d'indemnisation du licenciement qu'elle qualifie de nul ou de dépourvu de cause réelle et sérieuse, tel n'est pas le cas des demandes indemnitaires visant le préjudice allégué au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité et des 'multiples manquements de l'employeur' lesquelles se rapportent à l'exécution du contrat de travail et ne se rattachent pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Le jugement sera réformé en ce sens.

II - Sur la cause du licenciement :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

« Vous avez été embauchée le 1er septembre 2016 en qualité de chargée de développement commercial.

Nous vous avons reçue le 12 juin dernier pour vous exposer les raisons qui nous ont amenés à envisager votre licenciement.

En effet, depuis plusieurs mois, vos absences fréquentes et répétées désorganisent l'entreprise. Les absences auxquelles nous faisons référence sont les suivantes :

(Suit un tableau détaillant les absences sur la période d'août 2017 à juin 2018)

Cela fait plus de 6 mois d'absence, en jours ouvrés, au cours des 12 derniers mois.

Depuis le 12 juin, nous avons cherché des solutions pour adapter votre situation personnelle aux besoins de l'entreprise sans en trouver.

C'est dans ce contexte qu'une visite de reprise a été organisée le 2 juillet 2018, à la suite de laquelle le médecin du travail, le docteur [E], a émis 'une contre-indication médicale temporaire à la poursuite du poste'.

De ce fait vous n'êtes pas dans la capacité de reprendre le travail.

Dans ces conditions et compte tenu de vos fonctions, nous ne pouvons maintenir votre contrat de travail sans mettre en péril le chiffre d'affaires de l'entreprise.

C'est la raison pour laquelle nous vous notifions votre licenciement pour absences fréquentes et répétées désorganisant l'entreprise comme le prévoit la convention collective des prestataires de services qui nous est applicable.

Vous restez néanmoins tenue d'effectuer votre préavis d'une durée de 2 mois, qui débutera à la date de première présentation de cette lettre.

À l'expiration de votre contrat de travail, votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle emploi vous seront adressés par courrier.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de cette demande par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement ».

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Si l'article L. 1132-1 du code du travail ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif.

À titre liminaire, la lettre de licenciement visant outre les absences répétées de la salariée, la désorganisation - laquelle s'assimile à la 'perturbation objective' - que ces absences entraînent pour l'entreprise, Mme [X] qui n'a pas exercé la faculté qui lui est offerte par la loi de demander à l'employeur d'apporter des précisions aux motifs de son licenciement, n'est pas fondée à invoquer l'imprécision de la désorganisation de l'entreprise alléguée que ses arrêts auraient entraînée, cette absence étant sans incidence sur le caractère réel et sérieux ou non du licenciement.

Mme [X] critique la décision entreprise en ce qu'elle a écarté la nullité du licenciement discriminatoire en faisant valoir que l'employeur a poursuivi la procédure de licenciement alors même que le médecin du travail avait le 18 juin 2018 préconisé un mi-temps thérapeutique, la société ne tenant pas compte des propositions émises par l'ergonome dans son rapport du 2 juillet suivant.

Elle soutient en toute hypothèse le caractère dénué de cause réelle et sérieuse du licenciement faute pour l'employeur de rapporter la preuve des conditions requises par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation à savoir que son absence avait perturbé le fonctionnement de l'entreprise nécessitant son remplacement et que la société avait effectivement procédé à ce dernier dans un délai raisonnable.

La société intimée conteste que son licenciement encourt la nullité en faisant observer que la procédure de licenciement a été engagée avant qu'un temps partiel soit envisagé, qu'elle a fait réalisé une étude ergonomique du poste de Mme [X] avant que le médecin du travail ne conclut à l'inaptitude temporaire de la salariée.

Sur le caractère réel et sérieux du licenciement, elle fait valoir que les 142 jours d'absence de la salariée, qui occupait un poste de production représentant le coeur de l'activité de l'entreprise, en seulement 10 mois et le manque de visibilité sur lesdites absences ont fortement impacté le fonctionnement de la société dont l'effectif est inférieur à 11 et son activité.

Elle soutient avoir vainement recherché un salarié pour la remplacer et avoir dû se résoudre à faire appel à un prestataire externe, la société One contrat d'apprentissage Phone à compter du 3 octobre 2018.

Au vu des pièces communiquées, il est constant que :

- du mois d'août 2017 au mois de juin 2018, Mme [X] a été arrêté de manière itérative pour une durée globale de 142 jours, selon le tableau détaillé annexé à la lettre de licenciement non discuté par la salariée ;

- par lettre en date du 4 juin 2018, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 12 juin suivant, la salariée étant assistée par un conseiller salarié,

- à cette même date, Mme [X] a été reçue par le médecin du travail dans le cadre d'une visite de pré reprise, à l'issue de laquelle il a recommandé à l'employeur d'envisager une reprise du travail sous forme d'un mi-temps thérapeutique,

- Mme [X] a repris le travail le 25 juin 2018 pendant 3 jours en mi-temps thérapeutique,

- Le 27 juin 2018, une étude ergonomique du poste a été réalisée par Mme [J], conseillère en maintien dans l'emploi ; elle a conclu le 2 juillet que 'le temps partiel thérapeutique était impossible à mettre en place sur le poste de chargé de développement commercial, qui nécessite une activité de production à temps plein, mais que des 'aménagements pourraient être mis en place afin de permettre à la salariée de réaliser son activité, mise en place d'n logiciel de phoning, double écran ainsi qu'un nouveau siège de travail plus adapté, (Pièce n°8)

- suivant avis du même jour, le médecin du travail émettait un avis d'inaptitude temporaire,

- par lettre recommandée avec avis de réception du 9 juillet 2018, l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour les motifs ci-dessus reproduits.

Alors que l'employeur avait initié la procédure de licenciement pour absences répétées antérieurement à la recommandation par le médecin traitant d'un mi-temps thérapeutique que l'employeur a instruit, la conseillère maintien en emploi de l'association de médecine du travail ayant conclu à l'impossibilité de mettre en place le mi-temps, le poste nécessitant une activité de production à temps plein, pris dans leur ensemble les éléments ainsi invoqués par la salariée, pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'état de santé.

S'il ne peut être sérieusement contesté que les absences répétées de la salariée, qui était affectée sur un poste de production, sur la période d'août 2017 à juin 2018 pour un nombre global de 142 jours, d'une durée fort variable - d'un jour à plusieurs semaines - entrecoupés de périodes de reprises elles-même de durée variable, ont perturbé l'organisation de l'entreprise, dont l'effectif était inférieur à onze salariés, il ne résulte pas de ces seuls éléments la preuve suffisante que cette désorganisation nécessitait son remplacement définitif.

De surcroît et surtout, le remplacement définitif implique l'engagement d'un salarié et il ne suffit pas que le remplacement soit assuré par une entreprise prestataire de services.

Or, il est constant que l'entreprise n'a pas procédé au remplacement de Mme [X] par le recrutement définitif d'un salarié mais a eu, en octobre 2018, recours à un prestataire extérieur, peu important les difficultés alléguées par l'entreprise pour recruter lesquelles ne sont en aucune façon établies par la société intimée. En effet, il ressort de la seule pièce communiquée (offre d'emplois sur le site 'indeed' - pièce n° 7 de la société intimée) que pour chacune des offres d'emploi visées, il est fait état de plusieurs candidats, et, s'agissant du poste occupé par Mme [X], à savoir celui de 'chargé de développement commercial sédentaire' de 34 candidats.

Les conditions requises par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation n'étant pas remplies, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que ce licenciement était justifié.

III - Sur l'indemnisation du licenciement :

Agée de 52 ans au moment de son licenciement, titulaire d'une ancienneté de trois années pleines dans l'entreprise employant moins onze salariés, Mme [X] percevait un salaire mensuel brut de base de 1 500 euros.

L'appelante ne communique aucun élément sur sa situation professionnelle postérieurement à son licenciement.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d'un mois de salaire brut et un montant maximal de quatre mois de salaire brut.

Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge de la salariée au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 5 000 euros bruts.

IV - sur le caractère vexatoire du licenciement :

Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi. Il en est ainsi alors même que le licenciement lui-même serait fondé, dès lors que le salarié justifie d'une faute et d'un préjudice spécifique résultant de cette faute.

En l'espèce, Mme [X] invoque le fait qu'elle a toujours fait preuve de grandes qualités dans son travail s'impliquant au péril de sa santé et fait valoir que dans ce contexte elle a vécu ce licenciement comme une double peine.

Toutefois, faute pour la salariée de justifier d'une quelconque faute de l'employeur dans l'engagement de la procédure de licenciement susceptible d'étayer le caractère vexatoire du licenciement, la demande indemnitaire présentée de ce chef a été justement écartée par les premiers juges.

V - Sur la perte de chance :

Hors hypothèse d'un licenciement brutal ou vexatoire, lequel n'est pas démontré en l'espèce, qui peut justifier l'allocation de dommages-intérêts distinct de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette dernière répare l'intégralité des préjudices résultant de la rupture, y compris le préjudice allégué au titre d'une perte de chance de bénéficier d'une évolution professionnelle.

La demande additionnelle de dommages-intérêts en réparation d'un tel préjudice sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement mais seulement en ce qu'il a dit Mme [X] recevable en sa demande additionnelle de dommages-intérêts au titre de la perte de chance et en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande en annulation du licenciement et de ses demandes de dommages-intérêts aux titres, d'une part, de la perte de chance de bénéficier d'une évolution professionnelle et, d'autre part, du caractère prétendument vexatoire du licenciement,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Vu l'article 70 du code de procédure civile, déclare les demandes en dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et multiples manquements de l'employeur irrecevables,

Juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Extesio à verser à Mme [X] la somme de 5 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement injustifié,

Condamne la société Extesio à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Condamne la société Extesio aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01346
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.01346 ?
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