COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 29Z
DU 05 JUILLET 2022
N° RG 20/06206
N° Portalis DBV3-V-B7E-UGOE
AFFAIRE :
S.A.S. CDR CRÉANCES
C/
Consorts [Y]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Décembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Nanterrre
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 19/03129
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Stéphane BONIFASSI,
-Me Anne-laure DUMEAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. CDR CRÉANCES
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 542 054 168
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Me Elena FEDOROVA substituant Me Stéphane BONIFASSI, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : R189
APPELANTE
****************
Madame [P] [C] [Y]
née le 26 Juin 1942 à [Localité 14] (MAROC)
[Adresse 6]
[Localité 10]
Madame [M] [Y] épouse [X]
née le 25 Avril 1974 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Monsieur [I] [Y]
né le 12 Juillet 1971 à [Localité 9]
[Adresse 8]
[Localité 10]
représentés par Me Anne-laure DUMEAU, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42853
Me Anaïs MEHIRI, avocat - barreau de PARIS
Me Félix DE BELLOY du LLP HUGHES HUBBARD et REED LLP, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : R191
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
Par actes d'huissier de justice du 26 mai 2016, la société CDR Créances a fait assigner Mme [C] épouse [Y] et ses deux enfants, Mme [X] et M. [Y], devant le tribunal de grande instance (devenu le tribunal judiciaire) de Nanterre sur le fondement de l'article 1167 du code civil aux fins de se voir déclarer inopposable la donation-partage que Mme [C] a consentie à ses deux enfants aux termes d'un acte authentique du 4 mars 2011, ainsi que l'acquisition par les consorts [Y] de la propriété démembrée d'un bien immobilier situé à [Localité 10] (Hauts-de-Seine), [Adresse 15], suivant acte authentique du 21 mars 2011.
Au soutien de sa demande, la société CDR Créances se prévaut de la créance dont elle dispose à l'encontre de Mme [C] aux termes d'un jugement rendu le 16 septembre 2011 par la Cour suprême de l'Etat de New-York (Etats-Unis d'Amérique), qui l'a condamnée solidairement avec M. [Z] [W], M. [U] [W] et M. [T] à lui payer la somme de 135 359 331,39 dollars avec intérêts au taux réglementaire à compter du 12 juillet 2007 pour un montant de 50 965 569,62 dollars, plus coûts et dépenses pour un montant de 400 dollars, soit au total la somme de 186 325 301,01 dollars. Cette décision a été confirmée par la division des appels de la même juridiction le 27 décembre 2012. Par un arrêt de cassation du 8 mai 2014, la cour d'appel de l'Etat de New-York (Etats-Unis d'Amérique) a, à nouveau, validé le jugement du 16 septembre 2011.
Par un jugement du 15 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré exécutoire sur le territoire français ce jugement et en a ordonné l'exécution provisoire. Il a en outre condamné M. [Z] [W], M. [U] [W], M. [T] et Mme [C] à régler à la société CDR Créances la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Par arrêt du 11 décembre 2017, la cour d'appel de Paris, saisie par M. [Z] [W], M. [U] [W], M. [T] et Mme [C] a confirmé ce jugement. Le pourvoi formé par M. [Z] [W], Mme [J] [W] venant aux droits de [U] [W], décédé, M. [T] et Mme [C] a été rejeté le 26 janvier 2022 (1re Civ., 26 janvier 2022, pourvoi n° 21-10.306). Le jugement du 15 novembre 2017 est dès lors devenu irrévocable.
Par jugement contradictoire rendu le 10 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- déclaré recevable l'action en fraude paulienne de la société CDR Créances à l'encontre de Mme [Y], Mme [X] et M. [Y] ;
- rejeté les demandes de la société CDR Créances tendant à voir déclarer inopposables à la société CDR Créances la donation-partage faite par Mme [C] à ses enfants ainsi que l'acquisition de la nue-propriété par Mme [X] et M. [Y] du bien immobilier situé [Adresse 6] ;
- rejeté la demande de la société CDR Créances tendant à voir jugé qu'elle pourra prendre des inscriptions hypothécaires judiciaires et engager une procédure de saisie immobilière sur le bien immobilier acquis par Mme [C], Mme [X] et M. [Y] suivant acte du 21 mars 2011 ;
- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme [C], Mme [X] et M. [Y] ;
- condamné la société CDR Créances aux dépens ;
- rejeté la demande de la société CDR Créances fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société CDR à payer à Mme [C], Mme [X] et M. [Y] la somme totale de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CDR créances a interjeté appel de ce jugement le 11 décembre 2020 à l'encontre de Mme [C], Mme [X] et M. [Y].
Par ses dernières conclusions notifiées le 16 mars 2022, la société CDR créances demande à la cour, au visa des dispositions de l'article 1167 du code civil, de :
- infirmer le jugement rendu le 10 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre dans l'action paulienne à Mme [C]-[Y] à ses enfants [M] [Y]-[X] et [I] [Y] en ce qu'il rejette ses demandes tendant à lui voir déclarer inopposables la donation-partage faite par Mme [C] à ses enfants ainsi que l'acquisition de la nue-propriété par Mme [M] [X] et M. [I] [Y] du bien immobilier situé [Adresse 6] ; en ce qu'il rejette sa demande tendant à voir juger qu'elle pourra prendre des inscriptions hypothécaires judiciaires et engager une procédure de saisie immobilière sur le bien immobilier acquis par Mme [C], Mme [X] et M. [Y] suivant acte du 21 mars 2011 ; en ce qu'il rejette sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; en ce qu'il la condamne à payer à Mme [C] , Mme [X] et M. [Y] la somme totale de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau de :
- déclarer l'action en fraude paulienne engagée par elle à l'encontre de Mme [C] à ses enfants [M] [Y] et [I] [Y] recevable ;
- déclarer inopposable à l'appelante la donation-partage faite par Mme [C] à ses enfants [M] [Y] et [I] [Y], reçue par M. [V], notaire à [Localité 12], le 4 mars 2011 ;
- déclarer inopposable à l'appelante l'acquisition de la nue-propriété, suivant acte notarié de M. [V], notaire à [Localité 13], par [M] [Y] et [I] [Y] du bien immobilier situé [Adresse 6], suivant acte du 21 mars 2011, enregistré auprès des services de publicité foncière de [Localité 11] 3 sous la référence 2011P1776, cadastré sous les références H [Cadastre 2] et H[Cadastre 3] à H[Cadastre 4], vol 21 et 26, lots 2122, 2152 et 2162 à 2163 ;
- dire et juger, en conséquence, qu'elle pourra prendre des inscriptions hypothécaires
judiciaires et engager, lorsque munie d'un titre exécutoire, une procédure de saisie immobilière sur le bien immobilier cadastré sous les références H [Cadastre 2] et H[Cadastre 3] à H[Cadastre 4], vol 21 et 26, lots 2122, 2152 et 2162 à 2163 et acquis par Mme [C] suivant acte du 21 mars 2011, enregistré auprès des services de publicité foncière de [Localité 11] 3 sous la référence 2011P1776.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 28 mars 2022, Mme [C], Mme [X] et M. [Y] demandent à la cour, au fondement des articles 2224, 1341-2 et 1240 du code civil, de :
- les déclarer recevables en leur appel incident ;
- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes ;
-infirmer partiellement le jugement du 10 décembre 2020 en ce qu'il :
* déclare la présente action engagée non prescrite,
* rejette leur demande de dommages-intérêts ;
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- déclarer que la présente action engagée par la société CDR créances est prescrite depuis le 6 avril 2016 ;
A titre subsidiaire,
- déclarer que les éléments constitutifs de la fraude paulienne ne sont pas réunis ;
En tout état de cause,
- débouter la société CDR Créances de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société CDR Créances à payer à chacun des défendeurs la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts ;
- condamner la société CDR Créances à payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 31 mars 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel,
Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.
Sur la demande des intimés tendant à voir déclarer prescrite l'action paulienne engagée par la société CDR créances à leur encontre qui est préalable
Se fondant sur les dispositions de l'article 2224 du code civil, le tribunal a retenu que le point de départ du délai de prescription de l'action paulienne ne pouvait commencer à courir qu'à compter du jour où la créance était certaine.
Ayant constaté que la créance de la société CDR créances ne pouvait être considérée comme certaine qu'à compter de la décision de condamnation définitive de Mme [P] [C] à lui payer solidairement avec M. [Z] [W], M. [U] [W] et M. [T] la somme totale de 186 325 301,01 dollars US soit le 8 mai 2014, date à laquelle la cour d'appel de l'Etat de New-York (Etats-Unis d'Amérique) a validé irrévocablement le jugement du 16 septembre 2011, le tribunal a retenu que le délai de prescription a commencé à courir à cette date pour expirer le 5 mai 2019 de sorte que, en ayant introduit son action en fraude paulienne contre Mme [C] et ses enfants le 26 mai 2016, son action n'était pas prescrite.
' Moyens des parties
Les intimés poursuivent l'infirmation du jugement qui déclare recevable l'action paulienne introduite contre eux par la société CDR créances alors que la jurisprudence invoquée par son adversaire, selon laquelle 'le délai de prescription ne peut courir qu'à compter du jour où celui contre lequel on l'invoque a pu valablement agir n'existe pas'.
Ils ajoutent que si la société CDR créances entend invoquer l'arrêt du 27 octobre 1982 (1re Civ., 27 octobre 1982, pourvoi n° 81-14.386, publié au Bulletin), cette décision ne concernait aucunement la fraude paulienne et le principe énoncé dans cet arrêt a été repris à l'article 2234 du code civil qui dispose que 'La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.'Ils font valoir que cependant cette disposition est inapplicable en l'espèce.
Ils soutiennent donc qu'en application des dispositions de l'article 2224 du code civil, l'action en fraude paulienne se prescrit par cinq années à compter du jour où le créancier a eu, ou aurait dû avoir connaissance de l'acte prétendument frauduleux.
Selon eux, en l'espèce, l'acte qui, selon la société CDR créances, constituerait l'acte d'appauvrissement serait l'acte de vente du 21 mars 2011 qui mentionne la donation-partage du 4 mars 2011, lequel a été enregistré et publié le 6 avril 2011 à la conservation des hypothèques de [Localité 11] de sorte que le délai de prescription a commencé à courir à cette date pour expirer le 6 avril 2016. Dès lors, en introduisant son action en fraude paulienne contre Mme [C] et ses enfants le 26 mai 2016, la société CDR créances était irrecevable, son action étant prescrite.
La société CDR créances poursuit la confirmation du jugement de ce chef et, se fondant sur les dispositions de l'article 2224 du code civil, soutient que le point de départ de la prescription de l'action paulienne suppose de tenir compte de deux critères, à savoir, d'une part, le moment à compter duquel le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et, d'autre part, le moment à partir duquel le titulaire d'un droit a pu agir valablement, ce qui, dans le cas de l'action paulienne, est déterminé comme le moment à partir duquel le titulaire de l'action dispose d'une créance certaine.
Or, selon elle, ce n'est qu'à compter du 8 mai 2014, comme l'a retenu le premier juge que sa créance à l'encontre de Mme [C] était certaine.
Elle ajoute que la jurisprudence constante de la Cour de cassation consacre le principe selon lequel une prescription ne peut courir si le droit n'est pas encore né. Elle invoque à cet égard les arrêts rendus par la Cour de cassation le 27 octobre 1982 (1re Civ., 27 octobre 1982, pourvoi n° 81-14.386, Bulletin), 13 avril 1983 (1re Civ., 13 avril 1988, pourvoi n° 86-14.682, Bulletin 1988 I N° 91), 19 novembre 2002 (1re Civ., 19 novembre 2002, pourvoi n° 00-12.424, Bull. 2002, I, n° 271) et 16 mai 2013 (1re Civ., 16 mai 2013, pourvoi n° 12-13.637, Bull. 2013, I, n° 98) qui indiquent très clairement, selon elle, que pour pouvoir agir en action paulienne, il faut disposer d'une créance certaine.
' Appréciation de la cour
L'action paulienne, qui vise à rendre opposable à un créancier l'acte fait par l'un de ses débiteurs en fraude de ses droits, est une action de nature personnelle soumise à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, qui court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Contrairement à ce que soutient la société CDR créances, le point de départ de la prescription de l'action paulienne ne court pas à compter de la date à laquelle le créancier peut justifier d'une créance certaine et la jurisprudence citée par cette dernière ne le dit pas. En effet, les arrêts cités par la société CDR créances ne traitent pas de la question de la prescription de l'action, mais du bien-fondé de celle-ci. Ainsi, en particulier dans l'arrêt du 16 mai 2013, précité, la Cour de cassation a jugé que l'action paulienne ne pouvait être accueillie que si le créancier était en mesure de justifier, au moment où le juge statuait, d'une créance certaine.
En revanche, comme le prétendent avec pertinence les intimés, le point de départ de la prescription de l'action paulienne doit être fixé à la date de la publication de l'acte d'appauvrissement contesté.
Ce n'est que lorsque la fraude du débiteur a empêché le créancier d'exercer l'action paulienne que le point de départ du délai de prescription en est reporté au jour où il a effectivement connu l'existence de l'acte fait en fraude de ses droits.
Dans un arrêt du 8 décembre 2021, publié au bulletin des arrêts de la Cour de cassation (3e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.432) et, avant lui, le 12 novembre 2020 (3e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-17.156), la Cour de cassation a confirmé cette lecture.
En l'espèce, la société CDR créances s'est prévalue d'une créance à l'encontre de Mme [C] depuis au moins l'année 2009 et le jugement du 16 septembre 2011 rendu par la Cour suprême de l'Etat de New-York (Etats-Unis d'Amérique) qui l'a condamnée solidairement avec M. [Z] [W], M. [U] [W] et M. [T] à lui payer la somme de 135 359 331,39 dollars avec intérêts au taux réglementaire à compter du 12 juillet 2007 pour un montant de 50 965 569,62 dollars, plus coûts et dépenses pour un montant de 400 dollars, soit au total la somme de 186 325 301,01 dollars, a été précédé de plusieurs autres procédures à l'encontre de Mme [C], et notamment entre 2009 et 2011 (cf la présentation faite par l'appelante du cadre juridique et procédure de cette affaire et du rôle, selon elle, exercé par Mme [P] [Y], pages 6 à 8 en particulier, des écritures de l'appelante). Dès cette époque-là , il appartenait donc à la société CDR créances d'exercer toutes les actions de nature à préserver ses droits à l'encontre de Mme [C] et en particulier d'interrompre les délais de prescription des actions susceptibles d'être engagées contre elle qui pourraient commencer à courir.
L'acte de vente du 21 mars 2011 qui mentionne la donation-partage du 4 mars 2011, a été enregistré et publié le 6 avril 2011 à la conservation des hypothèques de [Localité 11] (pièce 5 des intimés), donc à une époque où la société CDR créances revendiquait déjà l'existence d'une créance certaine, au moins en son principe, à l'encontre de Mme [C].
Or, c'est à compter de la date de publication de cet acte d'appauvrissement contesté que le délai de prescription a commencé à courir pour expirer le 6 avril 2016 de sorte que, en exerçant l'action paulienne le 26 mai 2016, l'action de la société CDR créances était prescrite.
En outre, force est de constater que la société CDR créances ne prétend ni ne justifie que son débiteur l'aurait frauduleusement empêchée d'exercer l'action paulienne. Elle ne prétend pas plus avoir interrompu le délai de prescription. A cet égard, elle n'invoque aucun acte interruptif ou suspensif de prescription.
Il s'ensuit que c'est à tort que le premier juge a déclaré l'action paulienne exercée par la société CDR créances à l'encontre des intimés recevable.
Le jugement sera infirmé et l'action en fraude paulienne de la société CDR créances à l'encontre de Mme [P] [C] épouse [Y], Mme [M] [Y] épouse [X] et M. [I] [Y], prescrite, déclarée irrecevable.
Sur la demande de dommages et intérêts formée les intimés à l'encontre de la société CDR créances
Les intimés ne justifient pas que la société CDR créances savait que l'action paulienne en l'espèce exercée était prescrite et le fait que le premier juge ait déclaré cette action recevable démontre que la réponse à cette question juridique n'était pas évidente.
En outre, l'acharnement procédural allégué n'est pas plus démontré surtout s'il faut considérer que la procédure exercée aux Etats Unis d'Amérique a débouché sur une condamnation, aujourd'hui irrévocable, de Mme [C] à verser solidairement avec M. [Z] [W], M. [U] [W] et M. [T] à la société CDR créances la somme totale de 186 325 301,01 dollars ; que cette décision a été déclarée exécutoire sur le territoire français ce jugement et ce de manière également irrévocable.
Il s'ensuit que les intimés ne démontrent pas l'existence d'une faute commise par la société CDR créances faisant dégénérer en abus son droit d'ester en justice.
Le jugement en ce qu'il déboute Mme [P] [C] épouse [Y], Mme [M] [Y] épouse [X] et M. [I] [Y] de leur demande de dommages et intérêts sera dès lors confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
La société CDR créances, partie perdante, supportera les dépens d'appel. Par voie de conséquence, sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
L'équité commande d'allouer la somme totale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux intimés, somme que devra leur verser la société CDR créances.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
INFIRME le jugement en ce qu'il déclare recevable l'action en fraude paulienne de la société CDR Créances à l'encontre de Mme [P] [C] épouse [Y], Mme [M] [Y] épouse [X] et M. [I] [Y] ;
CONFIRME le jugement en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts formée par Mme [C], Mme [X] et M. [Y] ;
CONFIRME le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
DÉCLARE irrecevable l'action en fraude paulienne de la société CDR Créances à l'encontre de Mme [P] [C] épouse [Y], Mme [M] [Y] épouse [X] et M. [I] [Y] ;
CONDAMNE la société CDR créances aux dépens d'appel ;
CONDAMNE la société CDR créances à verser à Mme [P] [C] épouse [Y], Mme [M] [Y] épouse [X] et M. [I] [Y] la somme totale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE la demande de la société CDR créances fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,